Texte intégral
P. Weill.- Le vaccin contre la grippe A sera-t-il gratuit ?
Le vaccin sera pris en charge évidemment par les systèmes d'assurance maladie et le système de la solidarité nationale. Moi, ce que je veux, c'est que chacun de mes compatriotes qui souhaitent se faire vacciner le puissent. Nous allons déployer une stratégie vaccinale qui va être adaptée à ce que nous allons constater, à ce que nous constatons dans l'hémisphère sud.
Et ce sera remboursé intégralement ?
Voilà. Ce sera pris en charge par les systèmes de solidarité nationale. Il faut que chacun puisse se faire vacciner. Nous avons 94 millions de doses qui sont achetées ferme. Nous avons calculé que, à peu près les trois quarts de nos compatriotes souhaiteraient se faire vacciner, puisque nous ne sommes pas dans une stratégie de vaccination obligatoire pour l'instant. Tout dépendra de la sévérité que nous constaterons de l'épidémie dans l'hémisphère sud.
Cette vaccination sera une opération logistique et sanitaire lourde. Ça va se passer où et comment ?
Il est encore trop tôt pour le dire. Parce qu'il va falloir regarder précisément où nous en serons de la pandémie à la rentrée et deuxième point, il va falloir constater l'échelonnement de livraison des vaccins par les entreprises pharmaceutiques. Et il va falloir constater également la façon dont ils vont nous livrer les vaccins. Ceux que nous disent pour l'instant les industriels pharmaceutiques, c'est qu'ils ne livreront pas de doses unitaires. Ils livreront les vaccins par boites de 50 ou de 100 vaccins, pour la traçabilité parfaite de la vaccination qui va exiger d'injecter deux doses, et non pas une seule comme pour la grippe saisonnière, nous aurons à déployer une logistique particulière, très probablement dans des centres de vaccination, qui permettront, justement d'avoir une bonne traçabilité avec ces boites multidoses.
Mais où seront localisés ces centres de vaccination ?
Ils seront évidemment disséminés de façon utile à la population. Mais je vous dis, il est encore trop tôt pour fixer les modalités exactes de cette vaccination.
"Trop tôt", nous sommes fin juillet, les vaccinations devraient commencer en octobre.
Oui, mais nous sommes justement en train de nous atteler. Nous nous y sommes déjà attelés. Nous sommes en train de fixer les lieux, les personnels. Nous ne restons pas, évidemment, les bras ballants sur cette affaire. Mais je ne vais pas vous donner les adresses des centres de vaccination ! C'est ce que vous m'avez demandé ? Non, je ne vais pas vous donner les adresses...
Les préfectures, les écoles ?
Beaucoup de centres peuvent être mobilisés. Des dispensaires, des mairies, des centres de santé, des cabinets médicaux qui pourraient être désignés pour être des centres de vaccination. Plusieurs lieux peuvent être convoqués pour assurer la vaccination. Notre but, c'est effectivement de faire qu'il y ait suffisamment de lieu de vaccination, suffisamment de personnels qui soient mobilisés pour qu'il n'y ait, justement, aucune file d'attente.
Pour lutter contre la maladie en l'absence de vaccin, il y a un médicament, les antiviraux. Un sénateur centriste du Val-de- Marne, J.-J. Jégou, dénonce dans un rapport - je le cite -, des dysfonctionnements dans le travail de l'organisme chargé de gérer les stocks de médicaments. Il parle de dispersion des sites de stockage, faiblesse de l'outil informatique, arrivée à péremption d'une partie du stock. Votre réponse ?
J.-J. Jégou a eu raison de stigmatiser un certain nombre de faiblesses qui sont maintenant derrière nous, de cet établissement public chargé de la réserve et de l'urgence sanitaire. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, cette faiblesse ayant été diagnostiquée, j'ai entièrement changé l'équipe de direction il y a déjà quelques mois. Moi, ce que je constate, c'est que l'EPRUS a parfaitement mené à bien dans les derniers mois et dans les dernières semaines l'achat des 94 millions de doses de vaccins et des centaines de milliers de masques supplémentaires que nous avons eu à acheter. Donc les observations de J.-J. Jégou, ont été prises en compte mais elles sont maintenant dépassées.
Si en septembre, la maladie se propage, est-ce qu'on n'aura pas là le pire des scénarios ? On n'aura pas encore de vaccin... Est-ce qu'on ne risque pas une fermeture massive des écoles, des hôpitaux engorgés, des médecins généralistes débordés. Comment vous préparez-vous à cela ?
Nous nous préparons à tous les scénarios, y compris les scénarios noirs. Et je dois dire que certains, par exemple, disent qu'on en fait trop, mais je crois que justement, il faut se préparer à tous les types de scénarios, y compris à ce scénario catastrophe que vous décrivez. Et nous avons, évidemment, pris des mesures qui empêcheront les engorgements qui vous signalez. C'est la raison pour laquelle nous sommes passés d'une stratégie strictement hospitalière, qui a voulu confiner le virus, l'analyser, puis à une stratégie mixte, hôpital-médecine de ville pour les cas bénins. J'utilise le terme "bénin", d'ailleurs, avec beaucoup de précaution. Et puis, depuis jeudi dernier, passage à la médecine de ville, seulement et renvoie des cas graves, et seulement des cas graves, vers l'hôpital. Donc le système sanitaire s'est mobilisé progressivement. Pour ce qui concerne la rentrée scolaire, mon collègue L. Chatel a rejoint personnellement la cellule interministérielle de crise, présidée par B. Hortefeux, puisqu'il y a évidemment des implications sanitaires mais aussi l'implication totale de la machine d'Etat pour se préparer à cette grippe H1N1. Et bien entendu, avec L. Chatel, nous préparons la rentrée scolaire.
Donc, vous êtes formelle : les hôpitaux ne seront pas engorgés, les médecins généralistes pourront faire face ?
Nous prenons toutes les dispositions pour que cela se passe de cette façon.
Lesquelles ?
Je viens de vous les expliquer : mobilisation de la médecine de ville, désignation de centres de référence. Nous avions, par exemple, à l'hôpital, 112 centres de référence ; nous avons maintenant près de 500 centres experts hospitaliers, avec des circuits dédiés et des prises en charge spécifiques. Et puis, des campagnes d'information considérables. Vous savez que nous avons fait une première campagne d'information sur les gestes barrières. Les gestes barrières, qu'est-ce que c'est ? Je les répète : c'est le fait de se laver les mains plusieurs fois par jour, de se moucher dans des mouchoirs en papier que l'on jette après, de ne pas éternuer ou tousser à la figure des gens que nous approchons. Nous avons d'ailleurs des campagnes d'information sur les lieux de vacances, en particulier les sites d'autoroutes. Et bien entendu, nous referons des campagnes d'information au moment de la rentrée. Et puis toute une information aussi, destinée aux professionnels de santé.
La France va-t-elle pouvoir fonctionner si la moitié de sa population active se retrouver clouée au lit ? On parle de 20 millions de personnes qui pourraient être touchées par la grippe.
C'est effectivement un scénario qui a été soulevé par certains. C'est la raison pour laquelle il faut effectivement se préparer à tout cela. La France s'y prépare depuis 2006, avec un plan pandémie qui a envisagé ce scénario et les moyens de faire fonctionner le pays. Nous ne sommes pas démunis. Ce que nous savons d'abord, c'est que ce virus est sensible aux antiviraux, type Tamiflu ou Relenza, donc nous avons d'abord un élément de soin. Nous savons que les mesures de confinement, les mesures de précaution doivent être à l'oeuvre pour éviter d'attraper cette grippe. Et j'en appelle à des réflexes citoyens. Je signale que nous avons suffisamment acheté de masques, aussi bien des masques destinés aux professionnels, ce que l'on appelle les masques FFP2, que des masques chirurgicaux qui sont destinés aux personnes malades et qui sont actuellement, sur prescription médicales, délivrés gratuitement dans les pharmacies. Donc nous avons déployé une logistique tout à fait considérable.
Mais est-ce qu'on peut d'attendre à ce que tout le monde porte des masques à l'automne ?
Non, il ne s'agit pas que tout le monde porte un masque. Entendez-moi bien : les masques FFP2 sont destinés aux personnes qui, médecin ou personne qui dans l'administration pourrait être en contact fréquent avec des malades. Et les autres masques sont destinés aux personnes malades. On appelle cela des masques altruistes, pour éviter que vous projetiez vos microbes à la figure de vos proches.
Quand va-t-on déclarer le niveau 6 d'alerte ? C'est-à-dire l'annonce de pandémie de grippe A ?
Pour l'instant, nous avons une circulation qui commence à être active sur le territoire mais avec des cas très limités, qui justifient que pour l'instant, nous nous maintenions au niveau 5 A. Mais il est très probable que le début de l'automne verra une circulation beaucoup plus active du virus. On le sait très bien, le virus n'aime pas trop la chaleur, même s'il a un peu diminué que nous l'espérions.
Et puis, il y aura la rentrée scolaire, les enfants, et ça se propage...
Il y aura la rentrée scolaire, avec les enfants qui, évidemment, avec leur mode de vie son un facteur de propagation du virus. Donc, il est probable que nous passerions au niveau 6 au niveau de la rentrée scolaire du mois de septembre. Mais rien n'est encore certain puisqu'il nous faut regarder avec beaucoup de soin comment la grippe évolue, où nous en serons. Et nous allons avoir un moyen de vérification avec ce qui se passe en ce moment dans l'hémisphère sud. J'ai d'ailleurs une réunion de travail aujourd'hui même avec les meilleurs spécialistes d'épidémiologie, de virologie et d'infectiologie français, pour justement préparer cette rentrée scolaire.
Vous allez désigner un coordonnateur général de tout ce dispositif, un "Monsieur Pandémie" ?
Oui, cet homme est connu, c'est le ministre de l'Intérieur, c'est B. Hortefeux, qui est à la tête de la cellule interministérielle de crise, avec l'ensemble des ministres concernés. Et bien entendu, la ministre de la Santé, au premier chef.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 juillet 2009