Texte intégral
C. Barbier.- Jusqu'ici, on isolait voire on hospitalisait les malades de la grippe A, il fallait appeler le 15. A partir d'aujourd'hui, les généralistes vont gérer ça. Ca veut dire que ce n'est pas si grave que ça la grippe A ?
Quand l'OMS nous a alertés, quand nous avons constaté les premiers cas de grippe A sur notre territoire, il fallait d'abord connaître le virus, s'assurer que c'était bien d'une forme peu sévère de grippe à laquelle nous avions affaire, nous l'avons vérifié, nous avons dans un premier cas procédé à des techniques de confinement, de contingentement des malades pour observer cela ; éviter aussi que le virus ne diffuse massivement. Cette bataille nous l'avons en quelque sorte gagnée. Et maintenant, nous anticipons effectivement un passage à un nouveau mode de prise en charge des malades, tout naturellement par la médecine ambulatoire.
Qu'attentez-vous des généralistes ? Une détection des cas graves, qu'ils calment les gens pour qu'il n'y ait pas de psychose, qu'ils les renvoient chez eux pour éviter la contamination ?
Le médecin généraliste est l'homme, ou la femme, le mieux formé pour prendre en charge une forme de grippe finalement peu sévère. J'attends effectivement qu'il prenne en charge les malades à traiter, qu'il donne les conseils d'hygiène nécessaires, qu'ils envoient éventuellement les formes sévères à l'hôpital, et en tout cas tous les enfants de moins d'1 an qui seraient atteints de cette forme de grippe. Nos avons accompagné ce passage de relais aux médecins généralistes par de la formation, de l'information, mais aussi par des produits qui sont évidemment disponibles dans les pharmacies. C'est ainsi que sur prescription médicale, vous pourrez vous fournir gratuitement de masques dans les pharmacies, avoir le traitement approprié qui n'est d'ailleurs pas forcément un antiviral, ça peut être un antipyrétique classique.
D'autant qu'on doute un peu de l'efficacité maintenant des antiviraux, il y a des cas de résistance, on s'interroge ?
Les cas de résistance qui ont été relevés sont peu nombreux, quelques unités sur l'ensemble de la planète. Au contraire, on a pu constater que les antiviraux type Tamiflu étaient au contraire très efficaces sur le virus, le H1N1.
Ces médicaments, les masques gratuits, les consultations chez les généralistes, vous allez creuser un énorme trou dans le déficit déjà grand de la Sécurité sociale !
Il faut prendre le risque effectivement au sérieux, et l'impact économique d'une grippe qu'on ne prendrait pas au sérieux est beaucoup important que l'argent que nous mettons pour protéger les Français, c'est absolument indispensable.
Le rapport officiel du Sénat, du sénateur J.-J. Jégou, s'inquiète : les masques seront livrés trop lentement pour correspondre au pic de la pandémie prévue cet automne. Que répondez-vous ?
Le rapport du sénateur Jégou est un rapport très intéressant, qui pointe un certain nombre d'insuffisances auxquelles nous avons remédié. Il est vrai que l'Etablissement public de réserve et d'urgence sanitaire était un jeune établissement public, il a eu des difficultés à son démarrage, nous avons - j'ai personnellement - veillé à ce que les insuffisances qui ont été diagnostiquées par le sénateur Jégou soient effectivement... qu'on y remédie. J'ai changé les équipes de direction, et maintenant nous avons un établissement qui a le statut d'établissement pharmaceutique et qui d'ailleurs dans cette période de crise s'est livré à une vraie performance, c'est-à-dire, faire les commandes de vaccins et également commander 400 millions de nouveaux masques pour protéger les Français.
Commander c'est bien, mais il faut être livré à temps, vous avez une idée du calendrier de livraison ?
Sur les vaccins, il est encore trop tôt, les fabricants auxquels nous avons passé commande de ces vaccins ont des dates de livraison promises, entre octobre et décembre, et nous sommes en négociations avec un quatrième fabricant qui pourrait nous les livrer, peut-être, nous livrer quelques dizaines de milliers de doses en septembre.
Parce qu'il va y avoir deux injections, il faut attendre six semaines avant que l'immunité soit consacrée dans l'organisme, ça va peut-être être un peu juste, non ?
Je crois quand même que les fabricants ont fait un travail tout à fait remarquable. Ce que je veux à travers cette commande de 94 millions de doses, c'est offrir à tous les Français qui le souhaiteront la possibilité de se faire vacciner. Vous avez raison, il faut deux doses, il faut un certain nombre de jours avant d'acquérir une immunité nécessaire, il faut d'autant plus que les mesures de prophylaxie, les mesures barrières, les mesures de précaution soient à l'oeuvre. Je veux dire aux Français, ce n'est pas parce qu'on aura un vaccin qu'il ne faut pas avoir un comportement de vigilance, de prudence, mais de vigilance raisonnée. Je veux le redire, nous sommes pour l'instant devant un virus à sévérité modérée, il faut donc avoir un comportement de prudence.
Vaccin obligatoire, ça serait le plus simple ?
Le vaccin obligatoire ne serait indispensable que si nous voyions une mutation du virus extrêmement importante, voire justement une mutation du virus qui rendrait la forme très sévère.
Les masques périmés, vous les gardez quand même, ils sont encore efficaces ?
Ce qu'il faut sur les masques périmés, c'est que ceux-ci fassent l'objet d'analyses scientifiques extrêmement sérieuses, qui permettent éventuellement de prolonger leur validité. Ce n'est pas un technocrate qui décide de cela, ce sont des analyses scientifiques. De la même façon, l'Agence européenne du médicament a décidé, sur des analyses extrêmement sérieuses, de prolonger la durée de validité des antiviraux de deux ans. Mais ça, ce sont des expertises techniques qui garantissent la qualité des produits.
L'Argentine est en plein hiver austral, elle décale sa rentrée scolaire ; l'Italie, l'Angleterre envisagent de décaler la rentrée de septembre. Et vous ?
Ce sont des décisions que nous prendrons éventuellement au mois de septembre. Nous regardons bien évidemment ce qui se passe dans l'hémisphère austral avec beaucoup d'intérêt, puisque évidemment c'est l'hiver ; nous voyons en quelque sorte entre (.)
Ce qui nous attend...
... ce qui va se passer, même si on ne peut pas tout à fait comparer, car les organisations sanitaires ne sont pas équivalentes, nous avons une armature sanitaire extrêmement solide, et évidemment nous prendrons les décisions qui s'imposent si nous sommes amenés, devant l'évolution de l'épidémie, à passer à ce qu'on appelle en "niveau 6" au mois de septembre.
Qu'est-ce qui déclenchera ça : c'est le premier mort en France, c'est l'arrivée de la rentrée de la rentrée scolaire ?
Ce qui déclenchera cela, c'est l'observation de l'épidémie et le nombre de cas.
F. Fillon vous accompagne sur le terrain demain matin, on commence à s'inquiéter au somme de l'Etat ?
On ne commence pas à s'inquiéter, l'armature de l'Etat, l'organisation de l'Etat est extrêmement mobilisée pour protéger tous les Français, nous nous mobilisons à travers la mise en tension de notre appareil sanitaire, la constitution de stocks, la vérification que ces stocks sont en bon état. Il y a un aspect sanitaire mais il y a aussi un aspect organisation de l'Etat. C'est la raison pour laquelle à la tête de la cellule interministérielle de crise, mon collègue, B. Hortefeux, ministre de l'Intérieur, est à la manoeuvre, parce qu'il faut assurer la continuité des services aux Français, nous sommes entièrement mobilisés autour du Premier ministre et du Président.
Le "stade 6", ça voudra dire interdiction des matchs de foot - vous vous occupez aussi du Sport - des concerts, des églises peut-être qui fermeront ?
Chaque stade du plan pandémie c'est une sorte de boîte à outils. Et nous nous servons de ces outils en tant que de besoin. Effectivement, dans le stade 6, il y a la possibilité d'interdire un certain nombre de manifestations publiques ou de fermer des établissements recevant du public, mais ça ne veut pas dire qu'en passant au stade 6, on ferme les écoles et on interdit les matchs.
Fin août, beaucoup de Français vont revenir de leurs vacances, certains reviendront de pays à risques, ils auront droit à un traitement spécial : confinement, quarantaine, surveillance ?
Non, il ne faut pas procéder de cette façon. Je dis simplement aux personnes qui vont dans ces pays à risques - d'ailleurs on peut consulter sur les sites d'information, qui sont les sites du ministère de la Santé, la liste de ces pays à risques - évidemment de pratiquer les mesures barrières que nous connaissons bien : le lavage des mains, d'éviter d'aller dans les lieux publics, et de procéder aux mesures d'hygiène classique. Mais surtout, le traitement prophylactique par les antiviraux, ne le faites pas, il n'est pas nécessaire de demander à son médecin des traitements antiviraux, même à utiliser certainement pas, même à stocker dans sa pharmacie. Nous avons assez de traitements antiviraux, même si nous nous trouvons en septembre en face d'une pandémie plus importante.
Le monde riche en fait beaucoup contre la grippe A, alors que d'autres maladies font des ravages dans le tiers monde - le palu, la tuberculose, le sida - dans une certaine indifférence. Est-ce qu'on ne devrait pas avoir un peu mauvaise conscience d'en faire autant ?
Je crois que la question de la solidarité vis-à-vis de ces pays se posera, et en tout cas, la France remplira tout ce qui est de son devoir, pour permettre aux pays d'accéder également aux traitements antiviraux, comme nous l'avons fait pour d'autres maladies, je pense au paludisme et au sida, où la France est le plus gros contributeur par rapport à sa population. Et nous continuerons de cette façon, et permettre aussi à ces pays d'accéder au vaccin, c'est le rôle de la France et nous le remplirons.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 juillet 2009