Interview de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville à RTL le 7 juillet 2009, sur la proposition de loi sur le travail le dimanche, notamment dans les zones touristiques et les chiffres du chômage annoncés par l'Unédic.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour X. Darcos. Sondage Louis Harris-Libération, ce matin : 55% des Français sont opposés à la proposition de loi sur le travail du dimanche que vous défendrez tout à l'heure. 42% seulement y sont favorables. Au moins vous ne direz pas que les Français attendent avec anxiété et impatience votre proposition de loi ?
 
Si, je le dirais parce que si vous aviez posé le sondage d'une autre manière, en disant, par exemple : est-ce que vous, les Français, vous êtes favorables, tous, au repos dominical ? Ils vous auraient répondu à 100% oui. Or, ils auraient raison parce que c'est la première chose que rappelle la Loi : le principe général. Deuxièmement : si vous aviez posé à toutes les communes de France, est-ce qu'il faut que toutes les communes de France achètent un chasse neige, y compris les communes du littoral méditerranéen, je pense que vous auriez aussi 40% des Français qui diraient : mais c'est absurde, mais ce n'est pas possible : ou 70 ou 80.
 
Enfin, 55 % des Français sont opposés à la proposition de loi sur le travail du dimanche !
 
Mais tout simplement parce que pour l'instant, ils ont le sentiment que cette loi va permettre de déroger partout au travail dominical alors qu'ils vont se rendre compte au fur et à mesure que le débat va s'éclaircir, parce que je reconnais que, pour l'instant, c'est un peu complexe.
 
C'est assez confus.
 
Ils vont découvrir, au contraire, que d'abord, il s'agit évidemment de rappeler le principe fondamental du repos dominical ; deuxièmement qu'il faut mettre un terme à la jungle qui existe aujourd'hui, parce que c'est tout de même aujourd'hui, quelque chose de profondément dérégulé ; et troisièmement, que cela concerne des zones et des endroits extrêmement particuliers, que cela concerne 500 communes à vocation touristique, que cela concerne 30 zones à l'intérieur de villes touristiques et que ça concerne les grandes agglomérations de plus d'un million d'habitants. Il y en a trois aujourd'hui qui sont concernées où on pourrait avoir des dérogations pour avoir ce qu'on appelle des périmètres d'usage de consommation exceptionnels.
 
On va tenter une question concrète, X. Darcos.
 
Allons-y ! La proposition de loi définit des périmètres d'usage de consommation exceptionnels, vous l'avez dit des PUCE, Plan-de-Campagne, par exemple, dans la région marseillaise où, donc, les magasins pourront ouvrir le dimanche. Ici selon la proposition de loi, les salariés seraient payés double. Ils travailleraient sur la base du volontariat. Ils seraient payés double. Il y a déjà des salariés dans ces zones-là qui travaillent : les cafés, certains services publics par exemple. Ceux-là aussi pourront-ils demander d'être payés double à leurs employeurs ? D'abord, rappelons le principe. Dans les PUCE, par exemple, il y aura des conventions salariales qui permettront de régler la manière dont les salariés seront protégés, mieux payés, et à défaut d'accord, on pourra les payer double. Pour le reste ...
 
Ceux qui travaillent déjà dans ces zones-là ?
 
Pour ceux qui travaillent déjà, comme vous l'imaginez bien, ils ont déjà passé des conventions de toute nature qui ne leur permettent peut-être pas d'être payés double, mais d'avoir des systèmes de récupération, des systèmes divers qui protègent évidemment le droit des salariés. Mais d'autre part, ...
 
Vous convenez, X. Darcos, qu'il y aura une inégalité salariale entre les salariés de ces zones-là ?
 
Non, parce que ce qui existe aujourd'hui, je le répète, ne fait pas l'objet de recours de la part des salariés. Donc, ils considèrent que leur situation ...
 
Mais ils le feront peut-être ?
 
Mais pourquoi le feraient-ils puisque sans aucun doute dans les divers endroits où ils se trouvent, ils ont trouvé des situations et des accords dans le cadre de l'entreprise, qui leur permettent d'être protégés. Et puis, d'autre part, rappeler que dans beaucoup de ces zones, de ces situations, ce sont des zones touristiques où l'on ne travaille qu'une partie de l'année. Évidemment lorsque vous êtes dans une station de ski, par exemple, vous travaillez quatre mois ...
 
Ah non, les PUCE, c'est toute l'année.
 
Non, non je le rappelle ...
 
Vous, vous parlez des zones touristiques !
 
Vous décrivez deux situations différentes. Je rappelle que, dans la plupart des situations d'aujourd'hui, des situations actuelles, il s'agit de situations où, en effet, on ne travaille qu'une partie de l'année, et où en conséquence, il y a des systèmes de récupération différents.
 
Dans ce texte curieux, on découvre aussi qu'un amendement a été accepté qui exonère l'Alsace et la Moselle de l'application de la proposition de loi. Alors quand on dit que la loi s'applique sur tout le territoire français, c'est moins l'Alsace et moins la Moselle. C'est constitutionnel, ça ?
 
Mais c'est déjà le cas pour beaucoup de situations, vous le savez très bien.
 
Mais si le Conseil Constitutionnel regarde ça, c'est constitutionnel ?
 
Je ne pense pas que le Conseil Constitutionnel doive revenir sur le statut particulier de l'Alsace-Moselle qui, dans beaucoup de domaines, ...
 
Mais puisque vous devez passer à l'amendement, c'est qu'il faut quand même acter le fait que l'Alsace et la Moselle ont un régime différent du reste ?
 
Parce que dans beaucoup de domaines, la réponse à la question que vous posez, l'Alsace-Moselle a des dérogations particulières liées à son histoire. Ce sera le cas ici puisqu'en effet, en matière d'usage religieux en particulier, il y a une pression, je dirais, plus forte en Alsace Moselle que dans le reste du territoire.
 
Donc, un salarié qui a la malchance d'être Alsacien et qui veut travailler le dimanche, voilà, il ne pourra pas.
 
Mais cela veut dire, en tous les cas, pour un Mosellan, par exemple, qui aujourd'hui traverse la frontière pour aller faire ses courses au Luxembourg, il est peut-être dommage qu'on ne trouve pas en Moselle des endroits où le dimanche serait ouvert, parce que ce serait très bien, je pense, pour l'activité économique de la région.
 
Vous allez finir, samedi soir, l'examen de la proposition de loi ?
 
En tous les cas, c'est un vrai marathon comme vous l'avez dit puisque nous avons plus de 50 heures de débats ; mais voilà, c'est un challenge. Et puis, j'inaugure donc le nouveau système d'horaires bloqués.
 
Si vous ne finissez pas samedi, vous travaillerez dimanche ?
 
Ah vous savez, les ministres, ça travaille le samedi et le dimanche !
 
Au Grand Jury, dimanche, justement dimanche dernier, F. Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a dit ceci : "le chiffre donné par l'UNEDIC -je cite F. Chérèque - de 650.000 chômeurs supplémentaires en 2009 sera largement dépassé. On approchera vraisemblablement le million de chômeurs en 2009". Ce pronostic de F. Chérèque vous paraît-il juste et pertinent ?
 
C'est un pronostic sombre, mais c'est un pronostic qu'il ne faut pas complètement exclure, d'autant que nous allons voir, à l'été, donc l'arrivée des jeunes diplômés, de ceux qui sortent de formation et qui vont donc venir accentuer encore le chiffre actuel de 650.000 chômeurs. Un million, c'est certainement beaucoup. Nous serons plus près de 800.000 que d'un million ; mais enfin, le chiffre sera important.
 
Deux anciens Premiers ministres, M. Rocard et A. Juppé, animeront une commission pour l'utilisation du futur emprunt ; et l'actuel Premier ministre, qu'est-ce qu'il va faire : il va se tourner les pouces ?
 
Mais non, vous savez très bien comment les choses ont été présentées lors de la grande table ronde organisée mercredi dernier. Il y a une animation de la réflexion avec les partenaires sociaux dont j'ai la responsabilité ; il y a une animation politique que le Premier ministre fera ; et puis il y a une commission qui fera la synthèse de ces propositions, de ce qui doivent être des dépenses pour l'avenir. Et on a choisi A. Juppé - vous connaissez mes rapports extrêmement personnels avec A. Juppé -, on a choisi Michel Rocard, un autre Premier ministre, un homme de droite, un homme de gauche ...
 
Et vous n'avez pas choisi François Fillon ?
 
Mais F. Fillon, je viens de vous le dire ...
 
...qui est quand même Premier ministre en fonction.
 
Je viens de vous le dire : F. Fillon a la part de l'animation politique de ce grand projet pour préparer l'emprunt, et donc il a la responsabilité, qui est celle du chef de la majorité comme il est classique dans la Constitution Française.
 
Il y a trois semaines, X. Darcos, vous étiez ministre de l'Education. On lit ceci, page 13 de Libération aujourd'hui : "Les enseignants qui militent contre les réformes Darcos dans le primaire risquent l'exclusion". Qu'est-ce que vous en pensez ?
 
Ecoutez, c'est à M. Chatel de régler aujourd'hui cette affaire. Vous savez très bien qu'il s'agissait de quelques centaines de personnes sur 360.000 qui refusaient d'apporter leur soutien aux élèves en difficulté ...
 
Mais : "pourraient être exclus de l'Education Nationale".
 
Ecoutez, il faut en faire beaucoup pour y arriver. Moi je ne connais pas le détail du dossier, ce n'est pas moi qui ai fait ces poursuites. Ce sont des inspecteurs de circonscription ; et puis, je le répète : maintenant, ce sont les affaires de L. Chatel. Je ne vais plus me mêler de ce qui est de sa responsabilité. Ce qu'il fait d'ailleurs fort bien.
 
Dernière tentative : RTL raconte, ce matin, sur son antenne : l'histoire de Tristan qui pour obtenir son inscription en terminale dans le lycée Maurice-Ravel à Paris, est obligé de signer une lettre en disant "je ne bloquerai plus le lycée".
 
Ecoutez ça encore, c'est une responsabilité du chef d'établissement. Moi, je n'ai rien à dire en tant que ministre du travail, de ce qui se passe dans un lycée parisien.
 
Vous êtes ministre du Travail ! X. Darcos qui n'est pas Alsacien, mais qui, donc, risque de travailler dimanche à l'Assemblée nationale.
 
Assurément.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 juillet 2009