Interview de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville à RTL le 29 juillet 2009, sur les chiffres du chômage, le risque de pandémie de grippe A et le travail le dimanche.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

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M. Tronchot.- Un salarié qui se suicide dans une entreprise comme France Télécom en laissant une lettre où il met en cause le management et la surcharge de travail, le ministre du Travail que vous êtes peut-il demander à en savoir davantage ?
 
D'abord, c'est évidemment une émotion qu'un suicide sur le lieu du travail, même si, en effet, certainement on ne se suicide pas simplement parce qu'on est mal dans son travail, je veux bien le penser. Les psychologues, quand ils parlent de "suicides dédicacés" - lorsqu'on se suicide et qu'ensuite on adresse une lettre - c'est assez compliqué à gérer sur le plan personnel. Mais il n'empêche que la crise accentue un effet de déshumanisation du monde du travail et que le ministre du Travail doit s'en soucier. C'est ce qu'il fait d'ailleurs puisque avec les partenaires sociaux, nous sommes en train de préparer un deuxième Plan Santé-Sécurité au travail qui va, dès la rentrée, être mis en application. Je consulte le comité d'orientation des conditions du travail et nous avons un certain nombre de cibles sur la fatigue musculaire ou squelettique, sur les problèmes du risque des maladies toxiques ou cancérigènes, et évidemment, sur le troisième point, celui qui nous intéresse dans ce cas dramatique, les risques psychosociaux, le stress, etc.
 
A aucun moment vous ne considérerez ça comme un fait divers ?
 
Non, ce n'est pas un fait divers... C'est sans aucun doute, je le répète, les ouvriers, les salariés de ce pays, de tous les pays développés sont soumis à une contrainte plus grande du fait de la crise et sont très inquiets, surtout dans les entreprises du type de celle qui est ici concernée, qui ont des restructurations énormes, liées d'ailleurs tout simplement au changement de la réalité des communications. Le monde des télécoms a bougé beaucoup et très rapidement. C'est quand même une entreprise aujourd'hui de plus de 102.000 salariés. Le cas que vous décrivez est un cas tout à fait dramatique. Il ne faut pas quand même non plus généraliser les choses.
 
Le Gouvernement, M. Darcos, s'est réjoui des chiffres de l'emploi en juin. "Bonne surprise" ont dit L. Wauquiez et C. Lagarde... Est-ce qu'il ne faut pas relativiser et regarder les chiffres avec beaucoup d'humilité. Quels enseignements, vous, tirez-vous de ces chiffres ?
 
Ce sont quand même des chiffres encourageants. Il faut quand même dire que c'est mieux que ce qu'on pouvait craindre, et en particulier sur le chômage des jeunes. On a beaucoup dit qu'il y avait moins 0,7% par rapport au mois de mai, mais sur les chiffres du chômage des jeunes c'est mieux encore, c'est 3,9. Mais en même temps, comme vous le dites évidemment, il faut prendre ça avec beaucoup de prudence, parce qu'il faut avoir une vision à long terme, une vision durable de ces questions, et donc, on sait très bien que la tendance restera négative encore dans les semaines qui viennent, dans les mois qui viennent. Donc, le Gouvernement est très attentif. Sans aucun doute d'ailleurs, les bons chiffres que nous avons là montrent là que notre fil directeur, qui est lutter contre le chômage et prendre les mesures nécessaires pour éviter la casse du monde des salariés, ces mesures au fond portent leurs fruits, en particulier les conventions de reclassement personnalisé qui fonctionnent assez bien.
 
Ça prouve surtout, aussi, que le temps partiel est devenu quasiment un phénomène important. C'est le temps partiel qui permet les bons chiffres du chômage. Les entreprises s'adaptent, les ouvriers aussi.
 
Oui, c'est un des éléments. Il y a en effet une sorte de plasticité du monde de l'entreprise par rapport à la crise. Mais je le répète, vous l'avez dit au début, nous ne fanfaronnons pas, n'est-ce pas, nous sommes à l'oeuvre, nous sommes très vigilants, nous considérons que l'action du Gouvernement porte ses fruits. Mais nous savons très bien que la crise n'est pas terminée.
 
Vous travaillez sur une base de combien de chômeurs supplémentaires cette année ? On a cru vous sentir hésitant un moment.
 
Non, je ne suis pas hésitant. Je connais le chiffre officiel comme tout le monde. En gros, les ASSEDIC nous disent que nous aurons une augmentation de 650.000 chômeurs d'ici à la fin de l'année, nous pouvons nous en tenir à ce chiffre pour l'instant. Mais, c'est vrai que les tendances restent assez négatives et ça sera peut-être pire.
 
On a eu, M. Darcos, durant ce mois de juillet, l'impression très nette de voir apparaître de nouvelles formes de conflit : séquestration de dirigeants comme à Servisair, chantage à la bonbonne de gaz comme à New Fabris. Aujourd'hui, ces salariés semblent avoir donné la tendance. Certains de ces conflits sont réglés, d'autres pas. Pourquoi ?
 
D'abord, parce que les situations sont différentes, la tension locale aussi. La bonne façon de régler ces situations très tendues n'est certainement pas de faire du spectaculaire. Il faut travailler discrètement, il faut se voir, il faut se parler.
 
C'est pour M. Estrosi que vous dites ça ?
 
Non, je ne dis pas ça mais enfin... En tous les cas, je constate par exemple qu'à Servisair, qui était une situation extrêmement tendue, grâce à la distribution d'indemnités supra légales comme on dit, c'est-à-dire le fait qu'on verse une indemnité de 5.400 euros, grâce à un plan de reclassement important, 600.000 euros - l'entreprise va dépenser 600.000 euros pour cela - eh bien on arrive petit à petit à régler les choses. La seule façon de traiter ces conflits, c'est de sauvegarder l'application du droit du travail qui nous permet d'avoir une vision pérenne, de garantir une action lisible par tous, de préparer l'avenir aussi, parce que ce n'est pas dans des systèmes anarchiques que les choses se régleront. Et donc, moi, je suis le ministre médiateur, je n'ai pas à monter sur les tréteaux et à jeter de l'huile sur le feu, et mon ministère, l'ensemble de mon ministère, en particulier la Direction générale du Travail, est là pour aider à trouver des solutions et nous le faisons.
 
Il y a un ultimatum qui court toujours à New Fabris.
 
Je l'ai déjà dit indirectement aux salariés de New Fabris : rien ne se réglera dans la violence ou dans les ultimatums, ou dans les oukases. Forcément, il faudra trouver une solution, forcément, ils le savent au fond. Servisair a donné le bon exemple, je les invite à faire la même chose.
 
On parle de plus en plus d'une possible pandémie de grippe. F. Fillon demande qu'on prenne en compte un risque de ralentissement économique important. Est-ce que vous intégrez ce risque dans vos prévisions et quelles précautions préconisez-vous ?
 
Bien sûr. Le Gouvernement prend le risque d'une pandémie grippale très au sérieux, il est très mobilisé. Il y a une coordination interministérielle qu'anime d'ailleurs le Premier ministre lui-même, n'est-ce pas, pour montrer à quel point les choses sont importantes, avec R. Bachelot. Vous savez que, à la rentrée prochaine, nous disposerons de 94 millions de doses de vaccins, ce qui permettra de faire face à une pandémie éventuelle, même si le vaccin n'est pas forcément la panacée. Je ne suis pas un spécialiste des choses. Il faut voir si le virus mutera ou pas, et l'Agence centrale des organisations de Sécurité Sociale, l'ACOSS, sera chargée de distribuer ces vaccins. Mais comme vous le dites, nous avons préparé ce qu'on appelle un plan de continuité de l'activité. C'est-à-dire que nous avons ciblé les endroits où il faut intervenir le plus rapidement, les personnes qu'il faut vacciner le plus vite possible parce qu'elles jouent un rôle important dans l'activité générale, et puis toutes les entreprises, pas seulement les grandes dont nous avons reçu les directeurs des ressources humaines mais aussi des entreprises petites et moyennes, disposent maintenant de documents qui leur permettent de préparer leur plan d'action, leur plan de réaction au cas où la pandémie, ce qui n'est pas certain, même si c'est possible, au cas où la pandémie se développerait.
 
Si le Conseil constitutionnel venait à censurer tout ou partie du texte voté difficilement sur le travail du dimanche, est-ce qu'il faudrait revoir la copie ou abandonner le projet ?
 
Non, mais je ne crois pas que le Conseil constitutionnel sanctionnera ce texte. Nous y avons beaucoup travaillé. Nous sommes en train d'ailleurs de préparer un mémoire en réponse à la saisine qu'a faite le Parti socialiste. La loi présentée sur le travail du dimanche est une loi qui a été cadrée, limitée, qui porte sur des zones très particulières, qui garantit du droit des salariés.
 
Les socialistes disent : inégalité de traitement...
 
Ce n'est pas vrai parce qu'il y a deux types en fait d'emplois liés à l'activité touristique. Il y a ceux qui sont intrinsèques : si vous travaillez par exemple dans une station de ski, vous savez que vous allez travailler le dimanche, et donc, ça, ça fait partie de votre métier ; le jour où vous êtes engagé, vous savez que vous serez pris par cette obligation-là. Et donc, les entreprises ont réglé leurs accords. Et puis il y a d'autres endroits, maintenant c'est "périmètre urbain", c'est "périmètre d'usage de consommation exceptionnelle", c'est plus, où là, dans les très très grandes agglomérations, on crée de nouvelles dispositions qui permettent d'ouvrir le dimanche, et là les salariés ont des garanties nouvelles, en particulier, s'il n'y a pas d'accord, le doublement de leur salaire.
 
Une courte question, et ce sera la dernière : vous serez le chef de file régional en Aquitaine. B. Laporte sera à vos côtés. C'est une idée à vous ou on vous a demandé gentiment de l'accueillir ?
 
C'est une idée partagée. B. Laporte m'en avait déjà parlé. Moi, je suis content qu'il veuille s'engager. Je lui ai proposé d'être tête de liste dans les Landes. Nous sommes en train d'y réfléchir. Je suis très content si B. Laporte veut s'engager.
 
Merci. X. Darcos était invité de RTL ce matin.
 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 juillet 2009