Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports à France 2 le 30 juillet 2009, sur la mobilisation contre la grippe A, le plan national de lutte contre la pandémie et la prévention contre la diffusion du virus à la rentrée scolaire.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
A. Kara.- Bonjour, madame le ministre. Depuis une semaine, on entend un peu tout et son contraire sur la grippe A. Pour certains, ce ne serait qu'une "grippette", pour d'autres, la France n'est pas encore prête à une pandémie d'une ampleur immense et inévitable. Alors, faut-il avoir peur de la grippe A ?
 
Il faut être en tout cas extrêmement vigilant. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'incertitudes et que le débat qui s'est instauré dans l'espace public montre bien ce niveau d'incertitude. Toutefois, à ce point de l'épidémie, on a quand même un certain nombre de choses que nous connaissons. D'abord, que le virus certes provoque une grippe relativement bénigne, mais que c'est un virus très contaminant, donc avec une très forte capacité de diffusion, et qu'il est absolument certain que la rentrée scolaire, avec les enfants dans les écoles, les modes de vie, le fait que la température va être plus douce, plus froide ensuite en hiver, va faciliter la diffusion du virus. Alors, même avec une grippe saisonnière, que nous connaissons, nous avons un taux de mortalité de 1 pour 1.000. C'est-à-dire que la grippe saisonnière que vous connaissez, classique, pour laquelle nous avons d'ores et déjà un vaccin, c'est à peu près 2.500 morts par an dans notre pays. Nous voyons qu'avec cette forte diffusion de ce nouveau virus H1N1, nous pourrions avoir des conséquences sanitaires importantes. Il faut donc nous préparer - c'est ce que nous faisons actuellement - nous préparer par des dispositions sanitaires et par l'achat de vaccins.
 
Mais quand par exemple le professeur B. Debré, qui est médecin, qui est UMP, qui est de votre camp, vous accuse finalement d'entretenir la peur, de faire peur avec cette mobilisation contre la grippe A, que dites-vous ?
 
Vous savez, moi, je ne suis pas, dans cette préparation à la grippe, dans une opération médiatique. Je suis ministre de la Santé. Je m'appuie sur les avis des meilleurs infectiologues, virologues et épidémiologistes français que nous avons autour de nous pour nous préparer à cette pandémie, et qui appuient le Gouvernement français dans sa démarche de préparation. Evidemment, nous adaptons notre système sanitaire au fur et à mesure du développement de cette pandémie. Nous sommes passés d'ailleurs d'une prise en charge strictement hospitalière pour passer le relais à la médecine de ville depuis le 23 juillet. Nous nous appuyons aussi beaucoup sur les médecins de ville, sur les praticiens de terrain. Nous en avons besoin pour nous préparer à cette épidémie de grippe. Nous diffusons des conseils de bonnes pratiques. J'en profite pour les rappeler : le lavage des mains, se moucher dans un mouchoir en papier, ne pas tousser ou éternuer à la figure de ses proches, aérer les pièces, désinfecter autant que possible. Donc, nous diffusons ces conseils de bonne pratique, y compris dans les lieux de vacances. Et puis nous avons une stratégie d'achat de vaccins pour se préparer.
 
Nous allons dépasser en France les 1.000 cas avérés de grippe A. Comment allez-vous faire ? Ce virus a une particularité, c'est que par rapport aux autres virus de la grippe, il résiste bien à l'été. Comment, concrètement, allez-vous surveiller la situation au mois d'août ?
 
Alors, c'est vrai que cela a d'ailleurs été une surprise - enfin une surprise ! -, une relative surprise pour un certain nombre d'infectiologues qui pensaient que la décrue des cas serait beaucoup plus importante en été. C'est d'ailleurs un élément que nous prenons en compte pour considérer qu'il faut effectivement se préparer à une augmentation de la pandémie à l'automne. Alors, comment nous préparons-nous à cela ? Eh bien, nous avons évidemment, sous la direction de B. Hortefeux, une cellule interministérielle de crise, car vous pensez bien que l'impact de la pandémie n'est pas seulement un impact sanitaire ; c'est un impact sur l'ensemble de l'organisation de notre pays. C'est ainsi que L. Chatel, le ministre de l'Education nationale, est personnellement dans la cellule interministérielle de crise pour préparer ce qu'il convient de faire pour la rentrée scolaire. Donc, c'est une mobilisation de l'ensemble de l'appareil d'Etat, mais aussi des collectivités territoriales se préparer à cette pandémie.
 
Est-ce que la phase 6 du plan national de lutte contre cette pandémie va être décidée à la rentrée ? Est-ce que vous pouvez nous le dire aujourd'hui ?
 
C'est une opportunité, c'est une possibilité qui sera prise uniquement au vu de l'évolution de la pandémie. Si nous en restions à ce niveau de quelques dizaines de cas, dans ce qu'on appelle la file active par jour, parce que quand on parle de 1.000 cas, c'est évidemment des cas cumulés depuis le début de la pandémie. On pourrait se poser la question de rester au stade où nous en sommes. C'est-à-dire le stade 5 A. C'est une décision que nous prendrons dans la CIC, au vu de l'évolution de la pandémie.
 
On parlait du vaccin tout à l'heure, vous dires qu'il devrait être là en octobre, et pourtant, certains laboratoires vous jugent un peu optimiste. Eux, ils parlent plutôt de fin octobre, novembre, pas avant.
 
Il y a plusieurs fournisseurs de vaccins. Nous avons d'ores et déjà passé commande à trois grands fournisseurs de vaccins, GSK, Novartis et Sanofi-Pasteur. Et bien entendu, ils ont des dates de livraison qui s'échelonnent d'octobre à décembre, effectivement.
 
Et vous n'avez pas peur, durant cet été ? On assiste évidemment à des regroupements sur les plages notamment, il y a des phénomènes de masse quand même, au cours des vacances... Est-ce que vous n'avez pas peur, justement, que la pandémie prenne une autre allure au cours de l'été ?
 
C'est une possibilité à laquelle il faut que nous nous préparions. C'est vrai qu'il y a des regroupements en vacances. On voit d'ailleurs ce qu'on appelle des "clusters", des cas groupés dans les colonies de vacances. C'est la raison pour laquelle, avec B. Hortefeux, préventivement, nous avions donné des consignes pour prendre en charge ces cas groupés. Nous avons vu le cas d'un hôpital à Suresnes, avec un risque de contamination que nous avons pris évidemment en compte dès le départ. C'est la raison pour laquelle il faut rappeler ces bonnes pratiques que j'évoquais à l'instant et dire que la vigilance, même en période de vacances, est de mise.
 
Sur un tout autre sujet : hier, l'OMS a déclaré les cabines de bronzages dangereuses et cancérigènes ? Est-ce que vous allez faire quelque chose ? Est-ce que vous allez les interdire ou limiter leur usage ?
 
Il ne s'agit pas de les interdire mais le centre de lutte contre le cancer de l'OMS a rappelé un certain nombre de choses et un certain nombre de vérités. On avait pensé que seuls les UVB étaient cancérigènes. On a bien indiqué que les UVA, qui sont la principale source de rayonnement bronzant dans les cabines étaient aussi cancérigènes. Je rappelle qu'il y a un certain nombre de mesures qui, d'ores et déjà concernent ces cabines de bronzage. Elles doivent avoir un personnel qualifié ; elles sont interdites aux mineurs et nous faisons régulièrement des contrôles qui souvent s'avèrent effectivement douteux dans un certain nombre de cabines de bronzage.
 
Mais ne faut-il pas aller plus loin ?
 
Non. Je pense que nous avons une armature, d'autant que j'ai pris un certain nombre de dispositions dans la loi santé qui vient d'être votée à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ce que je vais par contre faire, c'est que dans les campagnes de prévention, nous parlons surtout des dangers du bronzage naturel, et bien entendu, je ferai en plus une campagne sur les dangers du bronzage artificiel.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 juillet 2009