Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, à "RMC" le 31 juillet 2009, sur la question de la fixation du prix du lait, le feuilleton annuel de la pollution des huîtres, et la situation difficile des producteurs de fruits et légumes.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

G. Cahour.- B. Le Maire, bonjour. Ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche depuis le récent remaniement. Il y a beaucoup de choses à aborder avec vous, comme bien souvent avec ce ministère qui est aussi un ministère de crises permanent. La crise du lait d'abord. Il faut qu'on éclaircisse ce point. Ensuite, on va parler des marges, des prix, de comment on peut résoudre le problème. D'abord techniquement, expliquez-nous comment, aujourd'hui, on fixe le prix du lait pour les producteurs.

Le problème pour les producteurs - c'est ce dont ils souffrent principalement - c'est que leur prix du lait est fixé à la fin de chaque mois ; ils produisent leur lait au début de chaque mois et ils ne savent pas combien ils vont gagner à la fin du mois. C'est une situation qui est évidemment insupportable pour une famille, pour quelqu'un qui a lancé des investissements sur son exploitation. C'est justement cette situation-là que je veux changer. Je veux faire en sorte que dès l'année prochaine, on ait un système de contrat entre le producteur de lait et l'industriel, qui fasse en sorte que le producteur de lait en France sache combien il va gagner à la fin de chaque mois.

Où est-ce que le producteur de lait négocie aujourd'hui ?

Le producteur de lait négocie avec l'industriel, qui vient le voir à la fin du mois, qui lui dit : "voilà, je vous ai pris telle quantité de lait, tant de tonnes de lait et je vais vous payer tel prix pour le lait que je vous ai pris ce mois-ci". Donc il ne sait pas chaque mois combien il va gagner. Il fait des investissements, par exemple, pour mettre aux normes son exploitation. Je suis allé en Bretagne, j'ai vu les efforts qui avaient été faits pour respecter l'environnement, pour moderniser les exploitations. Tout cela, ce sont des coûts de l'ordre de 150.000, 200.000 euros pour chaque producteur de lait. Il faut qu'il rembourse chaque mois 800, 1.000 euros. Et en même temps, il ne sait pas s'il va toucher à la fin du mois 800 euros, 1.000 euros, 1.200, 1.500 euros. C'est une situation qui est insupportable et qui doit donc cesser.

Aujourd'hui, on découvre la réalité des marges et des prix parce que pendant plusieurs semaines, il y a eu une grande confusion sur qui fait quoi, qui est responsable. Observatoire des marges et des prix : on constate qu'en l'espace de deux ans, les marges des industriels sont passées de 39 à 52 %. Dans le même temps, les prix du lait ont été baissés de 25 à 50 % aux producteurs, et pour nous, consommateurs, il y a eu une très légère baisse. Clairement, le fautif on le connaît : c'est l'industriel. Il passe de 39 à 52 %, il se fait de la marge.

Je vais faire deux remarques là-dessus. La première, c'est que j'avais pris un engagement en arrivant dans ce ministère, c'est qu'il y aurait une transparence totale sur les prix et les marges du lait à la fin du mois de juillet. Vous avez la transparence totale à la fin du mois de juillet, la promesse est tenue. La deuxième remarque, c'est que si vous m'aviez interrogé il y a deux ans, vous auriez fait exactement la même remarque en me disant : "c'est la grande distribution qui fait des marges considérables et qui s'en met plein les poches". Vous m'auriez dit exactement cela. Je crois qu'il faut qu'on sorte de ce système dans lequel on dit que c'est la grande distribution qui s'en met plein les poches, qui fait des marges excessives ou que ce sont les industriels qui font là aussi des marges excessives, alors que les industriels, on peut toujours critiquer, améliorer les choses, il y a certainement une marge de progression, les industriels ont eu un prix du lait en 2008, il y a un peu plus d'un an, qui était un prix du lait très élevé qui a dégradé leurs marges, donc ils les reconstituent deux ans après pour rester compétitifs.

Les industries qui font déjà 39 %, c'est beaucoup, mais alors 52 % de marges c'est quand même considérable.

Je ne vous dis pas qu'on ne peut pas améliorer les choses. Je vous dis simplement que nous sommes arrivés dans ce secteur du lait, comme d'ailleurs dans beaucoup de secteurs d'agriculture, à un moment de vérité. Il faut savoir vraiment où sont les problèmes. Et les problèmes dans le secteur du lait...

52 % de marges, quand vous avez le producteur qui, tous les matins, se lève, va traire ses vaches en se disant : "aujourd'hui, je perds de l'argent", on est d'accord que c'est indécent, non ?

Je ne veux pas trop rentrer dans la technique. Je vais vous expliquer pourquoi on est à ce chiffre-là, même si, une fois encore, il y a certainement des marges de progression. La première raison, c'est la dégradation des marges en 2008 à cause du cours du lait extrêmement élevé. La deuxième raison, c'est que ces 50 % de marges, c'est 50 % sur une partie des produits, pas sur tous les produits laitiers. Il y a eu aujourd'hui une baisse de la consommation sur tous les produits transformés, notamment les yaourts, notamment les produits frais qui sont plus chers. Il y a une dégradation forte de la consommation liée à la crise économique actuelle. Les industriels perdent de l'argent sur ces produits-là, donc effectivement, ils font des marges sur d'autres produits pour garder une compétitivité à peu près acceptable. Je ne vous dis pas que tout cela est parfait, je vous dis simplement que le vrai problème n'est pas là. Le vrai problème, il est d'arriver à trouver un système plus stable dans lequel le producteur de lait a un revenu qui est garanti et stable sur plusieurs années, au lieu de cette incertitude chaque mois ; où l'industriel français reste compétitif, parce que l'industrie agro-alimentaire, c'est l'un des fleurons de l'industrie française, et où le consommateur à la fin s'y retrouve parce qu'il y a des prix les plus bas possibles.

Donc, vous vous voudriez que le producteur de lait puisse vendre, avoir une sorte de forfait sur plusieurs années, c'est ça ?

Je souhaite qu'il ait un contrat sur plusieurs années qui lui permette d'avoir un revenu lisible et décent sur plusieurs années.

Avec qui le contrat ?

Ce contrat, je pense qu'il doit d'abord être fait avec les industriels, les grands industriels agro-alimentaires. Cela permettra à chacun de mieux s'y retrouver.

Cela veut dire qu'il n'y a plus aucune réactivité sur l'offre et la demande alors ?

Si, parce qu'on peut garantir en fonction du volume qui sera pris par les producteurs un certain niveau de prix. Pour le reste de la quantité, voir s'il y a des variations plus fortes. Je veux vraiment insister sur ce point : les producteurs de lait aujourd'hui en France sont dans une situation qui n'est pas acceptable. Je suis allé en Bretagne, j'ai vu concrètement leur situation, j'ai discuté avec eux. Je vois bien qu'on ne peut plus tenir longtemps comme ça.

Justement, vous dites : "'on ne peut plus tenir longtemps comme ça". Je reprenais l'exemple de ce producteur de lait, excusez-moi c'est à peine caricatural, qui se lève le matin en se disant "je vais perdre de l'argent". Vous, c'est un peu comme si on vous disait : " B. Le Maire, aujourd'hui vous n'êtes pas payé et ça va être comme ça pendant plusieurs mois".

C'est bien pour cela que je suis allé les voir sur le terrain. J'ai rencontré quatre cents producteurs de lait en Bretagne, je leur ai proposé...

Très bien mais à partir de quand ils vont pouvoir regagner de l'argent sur leur travail ?

Vous savez, changer un système qui date de plusieurs décennies, cela prend forcément un peu de temps. Moi, j'ai fixé un calendrier qui est très clair. J'ai réuni tout le monde le 15 juillet, grands distributeurs, industriels, producteurs. Je leur ai dit qu'il faut changer le système, il ne va pas, il faut mettre en place des contrats entre les producteurs et les industriels.

Quand vont-ils gagner de l'argent ?

Je leur ai dit "vous avez jusqu'au 1er octobre pour me proposer une contractualisation". On va tous se retrouver le 1er octobre.

Ce sera un système franco-français ou européen ?

C'est un système franco-français que je proposerai ensuite à l'échelle européenne. Et je souhaite qu'après le 1er octobre, nous puissions mettre en place concrètement cette contractualisation, avec de toute façon une date butoir, qui est la loi de modernisation de l'agriculture qui sera déposée au Parlement à la fin de l'année 2009, examinée sans doute à partir du début de l'année 2010. Si jamais producteurs et industriels n'arrivent pas à se mettre d'accord sur une contractualisation, elle sera fixée dans la loi.

Il y a quelques semaines, au tout début de la crise du lait, je discutais sur RMC avec un industriel qui me disait "on réduit les prix d'achat en France, aux producteurs, parce qu'en Allemagne, le prix des produits laitiers, qu'on vend aux consommateurs, est moins rentable". Donc en clair, ce sont nos producteurs qui paient pour les yaourts des Allemands, c'est ça ?

Ce que voulait dire cet industriel, c'est une évidence, c'est qu'il y a des efforts de compétitivité à faire en France dans le secteur laitier. Tout le monde en est d'accord. Les industriels, comme les exploitants laitiers, eux aussi, qui sont les premiers concernés. Donc nous avons demandé un rapport sur la compétitivité du secteur laitier, il me sera remis au début du mois d'octobre là aussi. La date de rendez-vous, c'est le 1er octobre pour la contractualisation comme pour la compétitivité de la filière. Et on en tirera toutes les conséquences ensemble.

Pourquoi dit-on que le lait est vendu 20 % plus cher en France que dans le reste de l'Europe ?

Parce que le système de production n'est pas le même. Et moi, je tiens au système de production à la française. C'est quoi le système de production à la française ? C'est ce que vous soyez quand vous prenez le train ou la voiture, c'est qu'il y a des vaches dans les prés. Donc, moi je tiens à ce que... [inaud.]. En Europe, vous avec, notamment en Hollande et dans d'autres pays, des vaches qui sont dans des stabulations, qui sont 500, 600 ou 1.000 dans une stabulation et qui ne sortent pas dans les prés, avec tous les effets sur la sécurité sanitaire et l'environnement que l'on connaît. Donc je suis attaché au système français, des vaches qui sont à l'herbe, dehors. Mais cela n'exclut pas d'essayer de gagner en organisation, en compétitivité pour être plus performants.

Est-ce qu'il n'y a pas aussi un problème de rapport de force, comme bien souvent dans certaine industrie en France ? Vous avez deux grands industriels du lait qui pèsent à eux seuls 75 % du marché, et puis, à côté, vous avez des producteurs qui sont certes réunis en coopérative, mais qui ne pèsent pas bien lourd. L'industriel peut tout à fait leur dire "votre prix ne m'intéresse pas. Je ne vous prends pas de lait cette année". Il y a un problème de concurrence, non ?

C'est bien pour cela que je propose la contractualisation. C'est qu'à partir du moment où vous avez un rapport de force qui es déséquilibré, entre des milliers de producteurs de lait - il y en a 90.000 en France - et deux grandes industries agroalimentaires qui doivent être compétitives, j'insiste là-dessus, parce qu'il y a des salariés derrière et il y a un intérêt pour le pouvoir d'achat français derrière. A partir du moment où vous avez cette situation-là, il faut mieux organiser les rapports. Et mieux les organiser, c'est fixer un contrat entre les producteurs et des industriels.

Moi, ce que je ne comprends pas, c'est qu'on a une Commission européenne de la concurrence, qui, dans certains domaines est ultra regardante, et impose parfois, justement, ce type de monopole ou oligopole. Et alors-là, pour le lait, finalement, cela ne choque personne. On a deux grosses entreprises qui font 75 % du marché...

Il y a une concurrence. Il y a d'autres exemples dans le secteur de l'énergie ou autre, où vous avez des grands ensembles qui sont très puissants. Je crois que nous sommes arrivés au point où il faut mieux organiser cette situation-là.

Mais on ne peut pas avoir de nouveaux entrants dans le lait, de nouveaux industriels ?

Vous avez deux industriels qui sont très performants. Je crois surtout que l'on doit être fiers et satisfaits d'avoir des industriels qui sont capables de créer de la valeur, de créer de la richesse en exportant à l'étranger.

Petite parenthèse sur les ministères, qui vont devoir se mettre au bonus-malus écologique - c'est en tout cas ce que l'on apprenait hier dans Les Echos -, avec moins de budget si vous n'êtes pas écolo, et un plus de budget si vous êtes écolo. Il va falloir faire des économies avec des voitures moins polluantes, moins de ramettes de papier, moins d'électricité, etc. Qu'est-ce que ça pourrait être dans votre ministère, les économies écolos ?

Je crois qu'on a beaucoup d'économies à faire sur le transport, ça c'est certain, y compris d'ailleurs le transport du ministre, des voitures moins polluantes.

Vous êtes en C6 ou en Vel Satis ?

Je suis en C6.

Vous allez passer en quoi ? C3 ?

Je ne suis pas sûr que C3 soit forcément beaucoup moins polluante. On peut trouver des véhicules hybrides qui me conviendront parfaitement. On a aussi beaucoup d'efforts à faire sur l'électricité, l'éclairage des bureaux...

Vous allez changez les fenêtres ? Parce que les ministères, en plein Paris, ce sont des passoires les fenêtres des ministères ! ...

Le chauffage. Les fenêtres des ministères sont très datées. Il y a certainement beaucoup d'investissements et beaucoup d'économies à faire.

Vous allez les faire ?

Je souhaite les faire, oui.

Parce qu'il y a du budget à la clé...

Il y le budget à la clé mais cela coûtera très cher de passer d'un système à l'autre. Là aussi, on est au bout d'un système et on rentre dans un nouveau système.

[8h47 : 2e partie]

Je voudrais qu'on parle des ostréiculteurs. Tous les ans depuis quelques années, c'est malheureusement pour eux et pour ceux qui aiment les huîtres, le feuilleton : interdiction à la vente, parce qu'il y a une bactérie qui se retrouve dans les huîtres et qu'on détecte avec un test qu'on appelle le "test de la souris". D'abord, qu'est-ce que c'est que le test de la souris ?

Le test de la souris consiste à prendre trois souris dans lesquelles vous inoculez, pour être très précis, du pancréas broyé de l'huître. Vous laissez les souris avec cette injection pendant 24 heures, et si deux souris sur trois meurent au bout des 24 heures, nous fermons les bassins ostréicoles.

Tous les ans, je remplace J.-J. Bourdin, et tous les ans, j'ai malheureusement le feuilleton des huîtres qui ne sont pas bonnes à la consommation. Pourquoi fait-on ce test de la souris qui est tellement contesté ?

Parce que c'est le seul disponible. Alors, c'est un test qui est insatisfaisant ; vous avez parlé de feuilleton, je trouve que c'est un feuilleton qui a duré trop longtemps. Cela fait cinq ans que, effectivement, chaque été, on a le même feuilleton. C'est un feuilleton qui est très dur pour les ostréiculteurs sur place. J'en ai discuté encore hier avec O. Laban, qui fait un travail remarquable sur place, qui est le responsable de l'association des ostréiculteurs du Bassin d'Arcachon, il faut que ça cesse. Comme nous n'avons pas d'autre test disponible pour le moment, nous allons continuer à appliquer le test de la souris pendant la période qui nous sépare du nouveau test. Mais j'ai mis tous les moyens nécessaires pour que nous ayons un nouveau test d'ici la fin de l'année 2009.

Et ce sera un test, quoi, sur le rat, sur le rhinocéros ?

Non, les tests biologiques ne sont pas satisfaisants parce qu'ils ne permettent pas d'identifier la raison pour laquelle on fermait le bassin. On sait qu'il y a une présomption de toxine, mais vous ne savez pas quelle toxine se trouve réellement dans le bassin. Donc, vous fermez le bassin, avec toutes les conséquences que cela a pour les ostréiculteurs qui se trouvent sur place, sans savoir réellement la gravité du risque. Le principe de précaution ...

On n'est pas capable scientifiquement de savoir, on ne peut pas analyser scientifiquement ... ?

Nous ne sommes pas capables, scientifiquement, de savoir quelle est la toxine pour laquelle aujourd'hui nous fermons le bassin. C'est cela qui est insatisfaisant, et c'est à cela qu'il faut mettre fin. En même temps, le principe de précaution, que j'appuie pleinement, c'est qu'à partir du moment où on ne sait pas si cette toxine est grave ou n'est pas grave, nous appliquons le principe de précaution et nous fermons le bassin. Mais moi, je souhaite qu'on ait un test qui nous permette de savoir exactement ce qu'est cette toxine.

Un test chimique ?

Un test chimique. J'ai réuni hier tous les représentants ostréicoles, O. Laban dont j'ai parlé, qui, une fois encore, fait un travail très précieux sur place, les responsables de l'Agence française de sécurité sanitaire, et la Commission européenne. Je leur ai redit que nous avions besoin de ce test dans les meilleurs délais. Nous aurons une réunion le 10 septembre à l'échelle européenne, de tous les scientifiques européens. Le 11 septembre, le lendemain, nous essayerons de définir un protocole européen qui sera le même pour tous sur les tests chimiques, et j'ai bon espoir que, d'ici la fin de l'année 2009, ce test chimique sera disponible et permettra d'avoir une vue un peu plus claire de la situation sur place.

Les fruits et légumes, avec des ventes au déballage, encore ce week-end, sur les parkings des supermarchés : est-ce que ce sont des soldes ou ce sont les mêmes prix qu'à l'intérieur du supermarché ?

Non, ce sont des soldes et un déstockage massif. C'est une solution d'urgence...

Parce que moi, un responsable du marketing d'une filière de fruits et légumes me disait que c'était les mêmes prix qu'à l'intérieur. C'est juste pour en vendre plus et pour appâter le chaland...

Non. C'est censé être les ventes qui permettent d'écouler des stocks à un prix très intéressant pour le consommateur.

Pourquoi fait-on cela ? Il y a trop de fruits et légumes ?

On fait cela parce qu'il y a aujourd'hui des stocks trop importants par rapport à la consommation, et donc, nous souhaitons pouvoir écouler ces stocks pour aider les producteurs de fruits et légumes. C'est une mesure d'urgence. Ce n'est pas une solution de long terme. C'est une mesure d'urgence. Si jamais il est nécessaire de la prolonger d'ici la fin du mois d'août, je prendrai l'arrêté nécessaire pour que ces ventes soient prolongées jusqu'à la fin du mois d'août. Nous allons en parler avec H. Novelli.

En quoi c'est des mesures d'urgence ? C'est bien qu'il y ait beaucoup de fruits et légumes, non ? Il y en a trop ?

C'est bien pour le consommateur, ce n'est pas bien pour le producteur des fruits et légumes. Ma préoccupation - je suis allé dans el Vaucluse il y a quelques jours rencontrer les producteurs de fruits et légumes -, ma préoccupation c'est d'aider les producteurs de fruits et légumes, qui aujourd'hui ne s'y retrouvent pas. Lorsque vous vendez au départ du magasin le kilo de pêches à 48 centimes d'euros ou 50 centimes d'euros alors que le coût de revient pour le producteur est de 80 centimes d'euros, ça veut dire que le producteur perd de l'argent. Je ne souhaite pas que les producteurs de fruits et légumes en France perdent de l'argent.

C'est récurrent, non ? Notre agriculture est sous perfusion.

C'est récurrent parce que, je vous l'ai dit, sur le secteur du lait, je vous le dit sur le secteur des fruits et légumes, je peux vous le dire sur d'autres secteurs, l'agriculture française est à un moment de vérité. Il y a des changements importants à faire pour qu'elle reste aussi dynamique et pour qu'elle reste un atout pour la France.

C'est une question de charges ? Ca coûte trop cher en France de travailler, contrairement à l'Espagne ou à d'autres pays européens ?

Dans le secteur des fruits et légumes, c'est exactement le problème : on a un coût du travail qui est trop élevé. Je vous donne un chiffre très clair que m'a donné un producteur de tomates dans le Vaucluse, qui est recoupé sur toute la France : le coût horaire de travail pour la cueillette, le ramassage des fruits et légumes, en France, c'est entre 11 et 13 euros de l'heure. En Allemagne, c'est 6 euros de l'heure. En Espagne, c'est 7 euros de l'heure.

Pourquoi ?


Pour une raison très simple, c'est qu'ils ont des systèmes dans lesquels les travailleurs saisonniers ne payent pas les charges sociales avec un niveau du salaire minimum qui est plus bas, qui fait qu'ils ont un coût du travail beaucoup plus faible.

Et nous on est en France, les caisses sont vides. Donc on ne va pas baisser les charges sociales aujourd'hui.

Il faut qu'on trouve une solution. Vous pouvez chercher toutes les autres solutions, si vous ne vous attaquez pas au problème majeur, vous n'arriverez pas à aider les producteurs de fruits et légumes.

C'est un problème dans plein de secteurs. Les charges sociales restent très élevées par rapport à d'autres pays européens dans le secteur.

Lorsque le coût du travail représente 5 ou 10 % d'un fruit, ça ne pose pas de problème d'avoir un coût du travail qui est plus élevé. Lorsque, comme c'est le cas pour les fruits et légumes, le coût du travail c'est près de 50 % du coût du produit, ce n'est plus soutenable.

Vous voulez baisser les charges sociales en France ?

Je veux discuter de ce sujet pour aider les producteurs de fruits et légumes. Je leur ai donné rendez-vous.

C'est flou quand même comme engagement.

Parce que moi, je n'ai pas la solution toute prête dans ma poche sur un sujet aussi compliqué. Je veux d'abord écouter les producteurs, écouter l'ensemble des salariés concernés et voir quelle solution nous pouvons prendre. Je leur ai donné rendez-vous en septembre au ministère de l'Agriculture pour discuter spécifiquement de ce sujet.

Mais qu'est-ce que ça pourrait être comme discussions que de baisser les charges sociales, puisque ça semble être la clé ?

Nous verrons quels sont les dispositifs qui peuvent être pris. Je ne veux pas m'engager là-dessus parce que c'est un sujet qui est extraordinairement difficile.

Donnez-nous un autre exemple d'une autre idée possible que de baisser les charges sociales.

En Allemagne, par exemple, vous avez un système dans lequel on fait travailler de manière saisonnière les étudiants qui le souhaitent, qui sont déjà couverts par une couverture sociale. Donc, le producteur de fruits et légumes n'a pas à rajouter une couverture sociale supplémentaire. C'est un exemple, je ne vous dis pas pour l'instant que... c'est juste pour vous montrer ce qui existe ailleurs.

[Questions des auditeurs]

B. Le Maire, est-ce que vous vous voyez comme un ministre d'ouverture dans le Gouvernement, d'ouverture vers les villepinistes ? C'est ce que dit N. Sarkozy.

Moi je suis un ministre de la majorité présidentielle. Je suis trè sfier d'être ministre du Gouvernement de F. Fillon et du président de la République.

Mais vous êtes encore proche de D. de Villepin ou pas ?

Je suis un ami de D. de Villepin, tout le monde le sait. J'ai travaillé avec lui. J'estime que nous avons fait à Matignon comme au quai d'Orsay un très bon travail au service des Français. Maintenant, ce qui m'importe...

Donc, vous êtes un ministre d'ouverture ?

Je suis un ministre de la majorité présidentielle, fier d'être ministre de N. Sarkozy et de F. Fillon.

Donc, vous n'êtes pas d'accord avec N. Sarkozy quand il dit qu'il fait de l'ouverture en faisant venir des villepinistes.

Je ne vous ai pas dit ça. Je vous ai dit que je suis un ministre de la majorité présidentielle, fier d'être ministre de N. Sarkozy et de F. Fillon.

Et D. de Villepin, il ferait un bon président de la République ? Vous avez été son directeur de cabinet.

Je sais qu'il a été un très bon Premier ministre. Il a fait baisser le chômage. Ce n'est pas ma question. Je vous parle de ce que je connais.

Ma question, c'est : est-ce qu'il ferait un bon Président ?

C'est aux Français d'en décider.

Je ne vous demande pas s'il va être candidat. Je vous demande : est-ce que, s'il est élu, il ferait un bon Président ?

C'est aux Français d'en décider. Je ne pense pas que ce soit la réalité de la situation politique aujourd'hui.

On n'aime pas trop la langue de bois sur RMC.

Ce n'est pas de la langue de bois.

Je suis prêt à dépasser de deux minutes pour avoir une réponse...

Ce n'est pas du tout de la langue de bois.

Je vous la repose : est-ce que vous pensez qu'il ferait une bonne campagne ? Parce qu'on lui reproche de n'avoir jamais fait de campagne.

D'abord, il faut qu'il décide d'en faire une. Moi, j'ai fait une campagne législative, j'ai fait une campagne municipale et je vais faire une campagne régionale. Une campagne, c'est d'abord une décision personnelle. C'est vous qui avez dans les tripes l'envie d'y aller ou pas l'envie d'y aller.

Il sera peut-être tête de liste aux régionales alors, D. de Villepin ?

Je ne pense qu'il sera tête de liste aux régionales. Très franchement, je ne vois pas aujourd'hui le sens que cela pourrait avoir.

On dit qu'il faut avoir l'envie, la niaque, pour faire une campagne ; vous l'avez probablement, vous, vécu. Vous sentez qu'il a l'envie, la niaque de faire campagne, ou qu'il a l'envie, la niaque de parasiter Sarkozy ?

J'estime que c'est quelqu'un qui a fait un travail formidable au service des Français, j'insiste sur ce point.

Pourquoi cette haine entre les deux ?

Mais ça, il faut interroger l'un et l'autre...

Vous avez écrit un bouquin là-dessus quand même.

Je regrette profondément ces haines personnelles. Je pense qu'elles ne mènent nulle part et que ce n'est absolument pas ce qu'attendent les Français aujourd'hui.

Vous êtes prêt à avaler combien de bières et de saucissons en visitant un salon agricole ? C'est une clé quand même pour être populaire dans le monde de l'agriculture.

J'en avale énormément, mais, je vais vous dire, ça ne me déplait pas. C'est vrai qu'il faut être capable quand on est ministre de l'Agriculture de goûter tous les produits du terroir, les huîtres, les fruits et légumes, le saucisson, le veau bio ou pas bio. Et je dois dire que cela fait partie des plaisirs de ce métier. Si vous n'aimez pas cela, effectivement, il faut faire un autre métier. Moi, j'aime ça.

Plutôt bière ou vin rouge ?

Les deux. Plutôt bière lorsqu'il fait chaud, et vin rouge...

Heureusement que vous ne conduisez pas la C6 en repartant !

Non, heureusement.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 31 juillet 2009