Texte intégral
P. Weill.- D'abord, question au ministre de l'Education nationale : souhaitez-vous une grande fermeté lors des conseils de discipline qui vont se prononcer sur "les désobéisseurs", ces professeurs des écoles qui refusent d'appliquer les réformes du primaire et les deux heures d'aide personnalisée et hebdomadaires pour les élèves en difficulté ?
Je souhaite l'application de la loi et de la réglementation. D'abord, ces phénomènes que vous évoquez sont ultra-minoritaires, je tiens à le rappeler, on cite, on a beaucoup médiatisé trois cas en France, eux-mêmes se revendiquent d'un nombre de 2.000. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que 99,5 % des enseignants en primaire en France appliquent avec beaucoup de respect la réglementation, appliquent surtout la nouvelle réforme et les nouveaux programmes en primaire. Ensuite, quel est mon point de vue sur ce concept de désobéissance ? J'ai un sentiment, c'est que la désobéissance me paraît assez peu compatible avec ce qu'est le métier d'enseignant ; un enseignant, il doit faire obéir ses élèves, il incarne l'autorité vis-à-vis de ses élèves, et donc, il y aurait un vrai paradoxe que lui-même ne s'applique pas ses propres règles.
Mais il y a eu des rappels à l'ordre, des retraits de salaires, des blocages de promotions, mais là, on passe à la vitesse supérieure : sanctions disciplinaires, qui peuvent aller de la mutation d'office à la révocation. Les syndicats vous disent : fin des poursuites disciplinaires. Quelle est votre réponse ?
Non, il n'y a pas de raison de mettre fin à ces poursuites. Il y a des procédures en cours, je rappelle qu'elles sont d'ailleurs protectrices pour les agents de la fonction publique, elles sont paritaires ; elles prévoient la possibilité naturellement pour l'agent, l'instituteur, le professeur de se défendre, une procédure qui est vraiment équilibrée. Donc, il n'y a pas de raison qu'elle n'aille pas à son terme. Je suis ministre de l'Education nationale, et je suis très attaché, et je revendique ce point précis : les programmes, ils sont nationaux ; l'Education nationale, ce n'est pas un self-service, ce n'est pas à la carte. Donc, il y a des programmes nationaux qui sont conçus dans l'intérêt général des enfants. Et il y a une des valeurs majeures qui est l'égalité des chances, qui est l'idée que, partout sur le territoire, on ait le même type d'enseignement. Donc, les programmes sont nationaux. Ensuite, naturellement, il y a une autonomie de pédagogie pour les enseignants qui ont la possibilité - et c'est toute la richesse et l'intérêt du métier d'enseignant - d'adapter, à partir d'un programme national, son propre enseignement dans sa salle de classe. Mais encore une fois, les programmes sont nationaux ; un enseignant, c'est un fonctionnaire, il doit mettre en oeuvre...
Ce n'est pas un peu disproportionné ?
Non, encore une fois, il y a des procédures qui existent, qui sont prévues, elles suivront leur cours. Il n'y a pas de sanction collective, il y a un traitement au cas par cas, il ne s'agit pas de faire des martyrs, il s'agit de mettre en oeuvre les procédures qui existent, et cela me paraît essentiel.
Quoi de neuf concernant la réforme de la formation et du recrutement des enseignants ? Ils seront recrutés, je le rappelle, au niveau master 2, bac +5, la formation incombera aux universités et non plus aux IUFM. Les syndicats vous demandent de suspendre cette réforme. Votre réponse ?
D'abord, je voudrais rappeler pourquoi nous mettons en oeuvre cette réforme ? Nous voulons revaloriser la fonction d'enseignant, et nous voulons mieux former les enseignants, aligner le nombre d'années de formation sur ce qui se fait un petit peu partout ailleurs en Europe. Vous l'avez rappelé, jusqu'à présent, pour rentrer à l'IUFM il fallait une licence, puis on passait une année de préparation du concours, et donc après quatre ans d'études, on accédait au concours et on devenait stagiaire. Dorénavant, ce sera au niveau master, c'est-à-dire bac +5, avec des équivalences, c'est-à-dire l'idée que, si on n'a pas ce concours - je rappelle quand même qu'il y a 200.000 étudiants chaque année qui s'engagent dans cette voie, et il n'y en a que 15 à 16.000 qui obtiennent, c'est-à-dire, 185.000 qui n'ont rien à la fin. Donc, nous avons décidé de nous engager dans cette masterisation, pour qu'il y ait des équivalences, et pour qu'il y ait un allongement de la durée de formation, que les enseignants soient mieux formés.
Ma question était : les syndicats vous demandent de suspendre la réforme ?
Oui, mais ma réponse est liée à ce que je viens de vous dire. Parce que c'est très important de rappeler aux Français pourquoi nous faisons cette réforme ? Donc, nous la faisons pour améliorer la formation, et nous la faisons pour revaloriser en début de carrière la rémunération des enseignants, c'est très important. Donc, nous avons décidé de la mettre en oeuvre. Avec V. Pécresse, j'ai reçu hier les fédérations des organisations syndicales qui sont directement concernées par cette réforme, et nous leur avons dit la chose suivante : premièrement, mon prédécesseur, X. Darcos, avec V. Pécresse, avait installé une commission avec un recteur, un président d'université, la commission Marois-Filâtre, qui doit rendre ses travaux, qui doit terminer son travail le 15 juillet prochain. À la suite de la fin de ces travaux, ils nous remettrons leurs préconisations. Nous avons indiqué avec V. Pécresse que, dans la foulée, d'ici à la fin du mois de juillet, nous mettrons en oeuvre, nous signerons les décrets qui mettent en forme le cadre de cette masterisation. Par contre, il y a un certain nombre de sujets qui méritent un approfondissement et une discussion. Nous l'avons vu en discutant avec les partenaires sociaux. Par exemple, la date du concours pendant l'année de M2 fait l'objet de débats, c'est ouvert à la discussion. Ensuite, la première année après le concours, il y aura une part qui sera réservée à la formation, environ un tiers du temps. Le contenu de cette formation fait aussi l'objet de discussions, c'est très bien. Echangeons, concertons, discutons. Et puis, dernier élément qui fera l'objet de discussions, c'est le contenu de ce qu'on appelle "les maquettes de concours", le contenu de ces concours. Sur ce troisième point également, nous avons dit avec V. Pécresse que nous nous ouvrions la discussion, Cela veut dire qu'à partir de septembre on aura un travail en groupes d'experts, et on aura un échange avec les organisations syndicales sur ces trois points.
Il y aura 16.000 suppressions de postes dans l'enseignement dans le Budget 2010. Vous avez dit : "cela va permettre une revalorisation de la condition enseignante, on va revaloriser les parcours et les rémunérations en début de carrière". Cela signifie quoi concrètement ?
D'abord, 16.000 suppressions de postes à la rentrée 2010, ce n'est pas une surprise. J'ai entendu le jour de ma nomination : quel scoop ! c'est un cadeau empoisonné ! Pas du tout ! Dans la loi de Finances triennale qui a été adoptée par le Parlement, il était prévu, à la rentrée 2010, la suppression de 16.000 postes. Et mon action s'inscrit dans les orientations qui sont fixées par le président de la République, qui a toujours été très clair sur ce sujet, à savoir...
Cela veut dire quoi : " les rémunérations qui vont être revalorisées en début de carrière" ?
Je vais y venir, je vais y venir...Donc, les orientations du président de la République, c'est l'idée qu'un départ sur deux en retraite n'est pas renouvelé. Mais le but de tout cela, ce n'est pas de tailler à la hache dans les effectifs, de pratiquer une politique du rabot, et j'observe que nous le faisons, nous faisons cette politique sans dégrader l'offre d'enseignement, et c'est cela qui est important. Et elle s'accompagne, si nous faisons ça, c'est que, en parallèle, nous voulons deux choses : nous voulons effectivement revaloriser la condition de l'enseignement. Nous avons commencé à le faire. Nous avons créé par exemple... X. Darcos a mis en oeuvre une prime à d'installation pour les enseignants ; nous avons mis en oeuvre, cette année, l'évaluation des élèves de primaire, en CE2 et en CM2. Cette évaluation, qui est une charge supplémentaire pour les enseignants, s'accompagne d'une prime exceptionnelle qui est versée aux enseignants. J'évoquais tout à l'heure la masterisation, c'est-à-dire, l'allongement des années de formation, elle va s'assortir d'une amélioration de la condition à la sortie des écoles, en début de carrière. Donc, il y a un objectif de revalorisation.
Est-ce qu'il va y avoir une amélioration ?
Oui, c'est-à-dire qu'il faut que vous ayez en tête qu'un enseignant débutant gagne aujourd'hui, la première année, 1.300 euros net - je ne suis pas sûr que tous les Français le sachent. Donc, notre objectif c'est que, en début de carrière, les premières années, on ait une augmentation, on revalorise le niveau de la rémunération. Et puis, il y a un deuxième élément...
Combien, combien ?
Nous ne l'avons pas encore arrêté mais il y aura une revalorisation significative.
Pas de chiffres ?
Deuxième élément, l'accompagnement. J'évoquais cette politique ; vous m'interrogez sur la question des moyens, ce qui est important pour les familles, pour les enfants, pour les parents d'élèves, ce sont les services. Et quand je vous dis que non seulement nous n'avons pas dégradé l'offre éducative, mais nous avons amélioré les services. Nous avons mis en oeuvre par exemple des stages d'anglais gratuits pendant les vacances ; nous avons mis en place l'accompagnement éducatif, c'est-à-dire, c'est l'école pour "les orphelins de 16 heures" ; nous avons mis en place l'aide individualisée dans le primaire, les deux heures par semaine pour les enfants qui sont le plus en difficulté.
Mais vous connaissez la grande revendication des profs : moins d'élèves par classes et plus d'enseignants, c'est la solution pour lutter contre l'échec scolaire. Que répondez-vous ?
Je réponds qu'à la rentrée 2010, le taux d'encadrement, c'est-à-dire le nombre d'élèves par enseignant sera inchangé. Et encore une fois, ce qui est important c'est que, nous ayons à la fois une politique nationale, je la revendique, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, avec des orientations très fortes, avec une égalité de traitements sur l'ensemble du territoire, et que, en même temps, nous soyons de plus en plus capables de nous adapter à la situation de chaque enfant, de chaque élève.
25 à 30 élèves par classes, c'est beaucoup, non ?
C'est beaucoup, en même temps ce nombre sur une longue période, si vous regardez sur une période de 15 ans, il a diminué. Donc, 25 ou 30 élèves par classes, on peut avoir de très bons résultats dans certaines classes, de moins bons dans d'autres. Encore une fois, ce qui est important, c'est que nous soyons capables d'adapter des moyens à la situation de chaque élève, c'est ce que nous avons mis en oeuvre depuis deux ans.
Sur les emplois de vie scolaire, les milliers de contrats qui s'arrêtent ces jours-ci seront-ils tous reconduits ?
D'abord, je voudrais rappeler que sur ces "emplois de vie scolaire", ces fameux EVS-AVS, le Gouvernement a décidé de pérenniser ce dispositif, ce sont des emplois utiles, et donc nous avons pérennisé les postes ; il y aura toujours autant de contrats dans les écoles à la rentrée, il y aura toujours autant de personnels auxiliaires de vie scolaire dans les classes et dans les écoles, devant les élèves.
Mais ceux qui ont un contrat actuellement, on renouvelle les contrats ?
Deuxièmement, ces contrats, ce sont des contrats à durée déterminée. Ils ont été pensés pour être des tremplins vers l'emploi, pour qu'ils permettent une insertion professionnelle. Et d'ailleurs, mon devoir de nouveau ministre de l'Education nationale c'est de veiller à ce que cette vocation, ce rôle d'insertion professionnelle de ces contrats soit bien satisfaite. Et je ne suis pas sûr qu'elle soit pleinement satisfaite. C'est pour cela que j'ai demandé, avec L. Wauquiez, que nous mettions en place une mission d'inspection pour vérifier que... Nous avons ouvert par exemple des concours dans la fonction publique à ces emplois. Sont-ils satisfaits ? A-t-on des résultats ? Donc, c'est très important qu'on ait une mission d'évaluation. Et puis troisième point, pour les personnes, celles qui arrivent en terme de contrat. Alors, ça vous pourrez me dire, ils le savaient, ce sont des contrats à durée déterminée. En même temps, nous, nous avons eu un regard particulier sur ce qui pose sans doute le plus de difficulté aux familles, ce sont les emplois de vie scolaire, d'accompagnement scolaire, pour les enfants handicapés, où il y a sans doute un besoin, au-delà du renouvellement du poste, de continuité dans l'action. Un accompagnateur de personne handicapée, d'un enfant autiste, sourd-muet, je peux vous dire qu'il fait partie de la famille, il y a une relation qui se noue, il y a de l'humain derrière tout cela. Donc, nous avons décidé, et j'ai demandé... mon collègue E. Woerth, a défendu au nom du Gouvernement, un amendement que j'avais proposé, la semaine dernière, pour permettre de pérenniser ces emplois qui seront portés par le monde associatif, par les associations d'enfants handicapés, avec un accompagnement financier de l'Etat.
On a l'impression que votre réponse c'est : oui, pour les emplois de vie scolaire qui s'occupent des élèves handicapés, et pour les autres, c'est moins clair ?
Non, ma réponse c'est : oui pour tous les postes puisque le nombre de postes est maintenu ; ensuite, un traitement au cas par cas pour ceux qui arrivent en fin de contrat, avec un traitement particulier pour les enfants handicapés.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 31 juillet 2009