Texte intégral
M. Tronchot.- Ce premier cas mortel apporte une première preuve de ce que la maladie aggrave la situation d'un organisme déjà affaibli et peut conduire à la mort, même si elle n'en n'est pas la cause principale. Qu'en tirez vous comme conséquence concrète dès aujourd'hui ?
J'en tire comme conséquence que la politique de vigilance doit rester plus que jamais d'actualité. Parce que, qu'est-ce que nous savons d'ores et déjà sur ce virus et sur cette pandémie grippale, qui s'étend maintenant dans le monde entier, plus particulièrement dans notre pays, où nous avons déjà enregistré plus d'un millier de cas ? C'est que c'est un virus qui semble, pas bénin, mais peu virulent, mais qui est très contaminant, et qu'il touche principalement des êtres jeunes, alors que la grippe saisonnière s'attaque plus volontiers aux personnes de plus de 60 ans, et que la grippe effectivement constitue, cette grippe A H1N1, constitue un facteur aggravant pour des organismes fragiles. Cela doit donc nous amener à la vigilance, à une bonne prise en charge des cas traités. C'est la raison pour laquelle nous avons étendu le dispositif à la médecine de ville, rappelez les mesures barrière - nous aurons peut être l'occasion d'en reparler. Et puis, nous préparer à une stratégie vaccinale globale.
Donc la priorité, ce sont des sujets dont l'organisme est affaibli pour cause de maladie, par exemple, ou naturellement plus faible ?
Voilà. On sait que les personnes atteintes de poly-pathologies respiratoires, mais aussi de maladie chronique, offrent un terrain évidemment profitables au virus, et donc, les cas peuvent être graves. Et je pense à cette jeune fille, et bien sûr à sa famille. Nos pensées vont vers elle et vers eux. Cela, effectivement, doit nous conduire à une attitude de responsabilité. Responsabilité des pouvoirs publics et de l'ensemble de l'administration. D'ailleurs, c'est ce que fait mon collègue B. Hortefeux à la tête de la cellule interministérielle de crise contre la pandémie grippale, pour nous préparer à l'extension de cette pandémie. Mais effectivement, nous préparer, nous, administration sanitaire, moi, ministre de la Santé, à une prise en charge des personnes touchées et cette stratégie de vaccination.
Mais pour être précis, ce sont les personnes qui souffrent de pathologies pulmonaires à qui on doit être le plus attentif ? Ca va de l'asthmatique lourd jusqu'au cancéreux ?
Les épidémiologiques, les infectiologues sont en train, évidemment, d'observer avec beaucoup d'attention la façon dont la pandémie se développe bien sûr dans notre pays ou dans l'hémisphère nord. Mais plus particulièrement dans l'hémisphère sud, où on est en hiver, période habituellement plus propice à la propagation des virus de la grippe, pour voir précisément quels sont les organismes, les typologies des publics qui sont plus particulièrement touchés par la grippe. On voit effectivement que ce sont les personnes qui présentent des pathologies de type respiratoire qui sont plus particulièrement touchées. C'est aisément compréhensible d'ailleurs. Et cela nous conduira, effectivement, à adapter notre stratégie vaccinale, si par exemple, nous avions des vaccins assez tôt, mais en faible quantité au mois de septembre ou fin août, eh bien nous vaccinerions évidemment ces personnes en toute priorité.
Vous les aurez fin août ces vaccins ?
Non, non. La promesse, l'engagement des laboratoires est une livraison qui s'étalera entre début octobre et fin décembre. Mais évidemment, vous le pensez bien, nous poussons les feux pour que des livraisons nous soient faites le plus tôt possible.
Deuxième catégorie dont il faut s'occuper prioritairement, ceux qui sont en contact avec les virus ou qui peuvent l'être, c'est-à-dire le corps médical. Comment fait on ?
Effectivement, le deuxième public prioritaire, et on le comprend, c'est le corps médical. D'abord pour éviter qu'un médecin ou un personnel soignant contaminé ne contamine précisément ces personnes hospitalisées qui peuvent être en situation de fragilité. Et deuxièmement, pour que les médecins et les infirmières et les pharmaciens, enfin l'ensemble des personnels soignants ainsi vaccinés, puissent se porter en soin à leurs compatriotes.
Est ce qu'il faut rétablir les circuits ou les services spécialement dédiés aux malades contagieux ?
Mais ils n'ont jamais été, pour la grippe, ils n'ont jamais été supprimés. Bien entendu, j'ai même étendu le dispositif qui avait à peu près une centaine de services spécialisés dédiés à la prise en charge de la grippe, j'ai étendu ce dispositif à 450 hôpitaux, qui ont donc des circuits dédiés, qui permettent de prendre des malades grippés en charge. Ce que je fais, c'est que j'ai recentré depuis le 23 juillet le dispositif sur les médecins de ville, qui jugent de la sévérité du cas, qui gardent évidemment chez eux, les malades atteints de façon bégnine, et dirigent vers l'hôpital les cas les plus graves, étant entendu que tous les enfants de moins d'un an sont pris en charge à l'hôpital.
Beaucoup de gens prennent leurs vacances à compter d'aujourd'hui, y compris des médecins. Dans l'hypothèse où le virus gagnerait plus vite du terrain, est ce que vous envisagez possible la réquisition de médecins ?
C'est une possibilité qui est à la main des préfets, qui existe d'ailleurs dans le cadre de l'organisation de la permanence des soins, de pouvoir réquisitionner des médecins, autant que de besoin. Je dois dire que n'en nous sommes pas là du tout pour l'instant, puisque nous avons une file active de malades de quelques dizaines de cas par jour. Donc il n'est absolument pas utile de réquisitionner des médecins dans l'état de la pandémie dans notre pays.
A partir de quels indicateurs envisagerez-vous de passer au niveau 6 d'alerte ?
Ce que veut dire le niveau 6 d'alerte, c'est une extension de la pandémie à évidemment une file active de plusieurs centaines de cas. Nous n'en sommes effectivement pas là. C'est une chose, je l'ai dit, qui pourrait s'envisager en septembre, mais uniquement sur des critères objectifs d'extension de la pandémie.
Est-ce que le Tamiflu à titre préventif a prouvé son efficacité ?
Je veux répéter à celles et à ceux qui nous entendent et qui pourraient peut être avoir une boite de Tamiflu dans leur pharmacie, qu'ils ne doivent pas utiliser ce Tamiflu. Ce Tamiflu est réservé, un, aux malades qui montrent un syndrome grippal important, sévère et uniquement sur prescription médicale. Deuxièmement, peut être utilisé et doit être utilisé en prophylaxie, par exemple les personnels soignants de l'hôpital Foch à Suresnes, où il a été démontré un cas de grippe chez un personnel soignant, les personnels soignants qui ont été en contact avec les malades infectés ont reçu ce traitement prophylactique.
Est-ce qu'on est toujours dans les temps, ou est-ce qu'il faut accélérer les choses aujourd'hui dans ce combat contre une épidémie à venir ?
La stratégie du Gouvernement français été une stratégie d'anticipation, et je dois dire que nous sommes dans les temps.
Votre degré de préoccupation sur une échelle de 1 à 10 ?
Je ne mettrai pas un degré de préoccupation, je mettrai un degré de vigilance et mon degré de vigilance est de 10 sur 10...
Vous avez des crédits illimités pour combattre cette pandémie ?
J'ai les crédits nécessaires pour faire ce que j'ai à faire, c'est-à-dire des opérations d'information, de communication, les opérations de mise sous tension du système hospitalier, et du système sanitaire ambulatoire, et bien entendu, pour acheter les vaccins, puisque les commandes sont d'ores et déjà passées.
Ça vous agace parfois de voir la communauté médicale débattre du pour ou contre, parler de "grippette" ici, critiquer la politique du vaccin pour d'autres ?
Ce que je note, c'est que les médecins qui sont à nos côtés, car n'imagine traiter cette affaire sans le personnel soignant et sans les médecins. Les infectiologues, les virologues les plus réputés sont à mes cotés pour gérer cette crise, et ils estiment qu'il faut prendre cette crise au très sérieux, être très vigilants, comme nous le sommes.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 31 juillet 2009