Texte intégral
J.-J. Bourdin.- R. Bachelot est avec nous ce matin. R. Bachelot bonjour. Vous êtes ministre de la Santé et des Sports. Alors, la santé, on en parle beaucoup, vous avez du pain sur la planche. Vous avez eu un été perturbé.
Un été studieux.
Un été studieux. On va faire le point évidemment sur la grippe A, mais auparavant, j'ai deux questions à vous poser. D'abord la canicule, sept départements sont concernés, qu'est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire que, bien entendu, dès le 1er juin et jusqu'au 31 août, nous mettons l'ensemble des systèmes de surveillance en alerte, mais un certain nombre de départements, sept, vous les avez signalés, sont mainte nant en alerte. Cela veut dire que nous renforçons la communication, que nous veillons à ce que la mise en surveillance des personnes les plus fragiles soit effectivement effectuée.
Concrètement, comment ça se passe ?
Evidemment, nous rappelons les consignes. Alors, je vais en profiter pour les rappeler. D'abord il faut boire beaucoup, au moins 1 litre à 1 litre et demi par jour. Il faut évidemment rafraîchir son appartement, fermer ses volets, fermer les fenêtres et les rideaux pour éviter à la chaleur de rentrer dans les appartements au moment où on est le plus fragile, éviter de sortir et de faire du sport au moment où il fait le plus chaud, être aussi en alerte vis-à-vis de nos plus anciens, les surveiller, téléphoner, s'assurer que tout va bien. Les personnes peuvent avoir tendance à rester chez elles, à se déshydrater. Et bien sûr nous faisons remonter en temps réel au ministère de la Santé, l'état de surveillance des services hospitaliers, voir si il n'y a pas d'encombrements et si il ne convient pas de prendre des mesures supplémentaires.
Avant de passer à la grippe A, j'ai une autre question qui a agité hier les auditeurs de RMC après des déclarations faites par V. Boyer, qui est députée UMP, qui est chargée de la santé à l'UMP et qui souhaitait, qui souhaite que la circoncision soit remboursée par la Sécurité sociale. Quel est votre avis ?
Alors, il y a deux cas pour la circoncision. Il y a la circoncision qui correspond à des indications médicales et la circoncision qui correspond à des pratiques religieuses. Il n'est pas question de rembourser la circoncision qui est faite pour des raisons de pratiques religieuses. Alors pour des pratiques médicales, l'indication est posée, il ne faudrait pas qu'il y ait des indications évidemment religieuses qui se fassent sous le couvert d'une indication médicale.
Mais vous savez bien que cela arrive régulièrement !
Ca arrive, bien entendu. Je rappelle les médecins à leur responsabilité. Il s'agit clairement d'une fraude à la Sécurité sociale quand c'est pour une indication religieuse, qu'on se met sous le couvert d'une indication médicale. Je le répète la fraude à la Sécurité sociale, elle reçoit des sanctions.
Donc on ne change rien. Donc, vous n'êtes pas d'accord avec V. Boyer ?
Non, je ne suis pas d'accord avec V. Boyer sur cette indication précise.
Et pourquoi ?
La Sécurité sociale correspond à une indication de soin. C'est à cela que ça sert. C'est une assurance maladie.
Alors la grippe A. Première question, et c'est la question générale que l'on va vous poser régulièrement : nous sommes en niveau d'alerte 5, est-ce que nous allons passer en niveau d'alerte 6 ?
Il est encore trop tôt pour le dire. Vous savez les épidémiologistes nous ont décrit quatre possibilités, quatre scénarios. On a pensé, on a même espéré à un moment que la grippe pourrait s'éteindre naturellement. Je dois dire que les épidémiologistes nous ont demandé d'abandonner ce scénario optimiste. Nous avons deux scénario gris qui sont les scénarios, le premier c'est d'une évolution par vague de la grippe H1 N1 ou alors d'une montée continue de la contamination et de la pandémie. Puis un scénario plus noir qui serait d'une mutation du virus qui deviendrait plus virulent suite à son passage dans l'hémisphère austral.
Où en est t-on ?
Je dirais que c'est sans doute le dernier scénario qui est le moins probable, puisque à travers ce que nous avons observé dans l'hémisphère austral, on ne voit pas de mutation du virus. Un certain nombre d'équipe, je pense en particulier à celle du professeur Lina par exemple dans notre pays, étudie cela avec beaucoup de soin pour voir si le virus a cette capacité mutagène. Il faut reconnaître que non. On peut, je dois dire que ce scénario noir est sans doute le moins probable.
Alors, le scénario gris ?
Il faut s'y préparer puisque nous sommes en face d'un virus peu sévère mais très contaminant. Qu'est-ce qui se passe quand le virus est très contaminant ? Effectivement il y a des populations fragiles, ces populations fragiles il faut les protéger. Nous les protégeons comment ? Nous les protégeons d'abord en faisant de l'information sur les mesures barrière. Et là j'en appelle à la responsabilité de chacun. Nous sommes tous, en quelque sorte, responsables de la santé de nos concitoyens. Ces mesures barrière font l'objet d'une large diffusion, éviter de tousser, d'éternuer à la figure de ses proches, se laver les mains, aérer les pièces, se comporter en citoyen très responsable. Et puis, et c'est la tâche du Gouvernement, bâtir une politique de vaccination en passant les commandes qui vont bien et en assurant à tous nos compatriotes qui le voudront la possibilité de se faire vacciner.
Donc, pour l'instant niveau d'alerte 5, on reste niveau 5 ?
Evidemment nous suivons cela avec beaucoup d'attention parce que nous avons...
Qu'est-ce qu'il faudrait pour que nous passions en niveau d'alerte 6, niveau d'alerte maximale ?
Nous regardons évidemment ce qui se passe dans l'hémisphère austral qui nous permettra d'anticiper. Ce qui évidemment entraînerait le passage en alerte 6, c'est une circulation active du virus beaucoup plus importante que maintenant et des cas plus nombreux.
Combien de contaminations en France ?
Les spécialistes nous le diront et puis évidemment l'éventuelle virulence augmentée de ce virus. Mais pour l'instant vous savez, nous avons en fait sur la file active des cas simplement quelques dizaines de cas. Alors nous avons un certain nombre de systèmes de surveillance de la population à travers des réseaux d'alerte. Qu'est-ce qu'ils nous disent ces réseaux d'alerte ? C'est que nous notons 37 cas pour 100.000 habitants la semaine dernière, c'est-à-dire à peu près 23.000 cas -23.000 consultations, pas des cas -, pour la grippe.
La semaine dernière, 23.000 consultations pour la grippe ?
Alors là dedans il n'y a pas que des consultations grippe A H1N1. Il y a évidemment un buzz de grippe qui est constant dans notre pays et puis il y a des gens qui sont inquiets.
Mais il y en a plus que l'année dernière à la même époque ?
Très peu en plus.
Très peu en plus. C'est la raison pour laquelle, nous restons au niveau 5 ?
Les spécialistes considèrent que nous sommes en pandémie quand il y a 70 000 consultations de grippe par semaine. C'est un des éléments qui pourrait entraîner le passage en niveau 6.
J'ai compris. Autre question maintenant. Premier lot de vaccins disponible quand en France ?
Les industriels nous donnent des fourchettes de mise à disposition. Evidemment il est encore trop tôt pour eux pour avoir une information complète puisqu'ils sont en train de mener des études, et en particulier des études cliniques, pour qu'il y ait évidemment l'obtention de ce qu'on appelle l'autorisation de mise sur le marché. Moi, ce que je dis aux Français, c'est que dans l'état actuel d'une virulence faible de la souche, il n'est pas question de proposer la vaccination à nos compatriotes avec des produits qui n'auraient pas une autorisation de mise sur le marché, donc qui n'auraient pas fait l'objet des essais cliniques qui garantissent l'innocuité de ces vaccins. Alors nous devrions, ce sont les industriels qui le disent, donc il faut prendre beaucoup de précautions. Les industriels nous signalent une mise à disposition dans une fourchette qui va de la fin septembre au milieu d'octobre. Nous devrions avoir les vaccins à ce moment-la. Mais il y a encore beaucoup d'inconnues là dedans.
Mais ces vaccins sont commandés ?
Ces vaccins sont commandés, ils sont réservés. 94 millions de doses.
Parce qu'il faut vacciner deux fois chaque individu ?
Oui alors, là aussi, les spécialistes des laboratoires ont besoin encore d'affiner cela. On pourrait même imaginer que, sur certaines populations, il soit besoin de deux doses et que sur certaines, dont on peut penser qu'elles auraient été en contact avec un virus proche du H1N1 - on pense aux personnes de plus de 55, 60 ans -, une seule injection serait utile.
Alors les Etats-Unis ont décidé de délivrer le vaccin aux femmes enceintes dès qu'il sera prêt. Est-ce qu'on va prendre la même mesure en France ?
Non. Dans l'état actuel de ce que nous connaissons du virus qui est peu sévère, bien entendu les femmes enceintes sont dans les publics prioritaires puisque déjà, seront très probablement dans les publics prioritaires, puisque nous avons pu observer que les femmes enceintes étaient particulièrement fragiles vis-à-vis de ce virus. Il n'est pas question de vacciner les femmes enceintes avec un vaccin qui n'aurait pas une autorisation de mise sur le marché incluant les femmes enceintes.
Mais une fois qu'on aura cette autorisation, on fera passer les femmes enceintes en priorité ?
Bien entendu, et ça me parait tout à fait normal.
Alors quelles seront les populations qui passeront en priorité ?
Alors les populations prioritaires ce sont d'abord ceux d'entre nous qui sont les plus fragiles, c'est-à-dire les femmes enceintes bien entendu, on en a déjà parlé, les malades atteints de maladies chroniques, et en particulier de maladies respiratoires puisqu'on a vu que les cas mortels de grippe A H1N1 frappaient justement ces personnes. Et puis les personnels de santé parce qu'il faut que nous ayons, en face d'une pandémie, évidemment des personnels de santé vaccinés.
Et la vaccination sera obligatoire ?
Non, il n'est pas question dans l'état actuel d'une grippe peu virulente mais très contaminante d'imposer la vaccination.
Elle sera recommandée.
Elle sera fortement recommandée ; nous ferons des campagnes d'information, de sensibilisation, de motivation tout spécialement destinées à ces publics les plus fragiles.
Certains disent et il faut même différer un projet d'enfant à cause de la grippe A. Que répondez-vous ?
Je sais que cela "buzze" en particulier sur Internet, je le dis à vos auditeurs il ne faut pas dans l'état actuel de ce que nous connaissons, il n'est pas question de différer un projet d'enfant dans ce domaine. C'est absolument disproportionné.
Et dites-moi, le Tamiflu serait contre-indiqué aux femmes enceintes. J'ai plusieurs auditrices qui m'ont appelé, qui me l'ont signalé. C'est indiqué d'ailleurs.
Le Tamiflu n'est pas la panacée, ce n'est pas l'alpha et l'oméga. Il faut savoir là encore je le répète, que ce virus, je n'aime pas employer le terme de bénin, disons peu sévère. Dans notre pays, le Tamiflu est un produit délivré sur ordonnance, strictement sur ordonnance, il ne s'agit pas de s'en faire des stocks dans son armoire à pharmacie. Nous avons suffisamment de traitements pour faire face à toute sorte d'épidémies. Bien souvent la majorité des grippes H1N1 ne relèvent pas d'une prescription de Tamiflu. Le Tamiflu est prescrit par le médecin qui apprécie le rapport bénéfice/risque au cas par cas. Il n'y a pas de politique globale de Tamiflu, il ne doit jamais être pris sans une indication médicale.
Alors en cas de pandémie, d'épidémie sérieuse, surtout de contamination de masse, c'est le médecin généraliste qui aura un rôle essentiel ?
Oui tout à fait. Nous avons abordé cette pandémie avec plusieurs phases. Nous ne savions pas au début... Rappelez-vous quand l'OMS a déclenché l'alerte le 25 avril, des renseignements très alarmistes nous provenaient d'Amérique centrale. On signalait beaucoup de morts. Donc, dans un premier temps, les malades qui présentaient ces syndromes grippaux ont été pris en charge dans les services d'infectiologie, dans un confinement des malades. C'était utile d'ailleurs pour éviter la contamination et pour surtout surveiller comment se passait la grippe A H1N1. Puis nous avons étendu le système hospitalier, nous sommes passés à peu près d'un système avec 100 hôpitaux à un système avec 450 à 500 hôpitaux qui sont en quelque sorte les têtes de réseau de la prise en charge. Puis nous avons, devant cette relative non sévérité du virus, passé le relais aux médecins généralistes. Nous avons préparé ce passage en trois semaines à partir du début juillet et ce passage a été effectif le jeudi 23 juillet dernier.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 août 2009