Interview de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, à "RMC Info" le 26 août 2009, sur les chiffres du chômage en juillet, la question des bonus versés par les banquiers et des règles souhaitées par la France, ainsi que sur la médiation à l'usine Molex (Tarn) menacée de délocalisation.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- C. Lagarde, bonjour. J'ai lu quelques chiffres à propos du chômage en juillet : 20.000, 30.000 chômeurs de plus. Vous confirmez ?

Pas du tout. Pas du tout, je crois qu'il faut faire très attention aux rumeurs, aux chiffres qui circulent sur le Net, qui sont récupérés par les uns ou par les autres, ce ne sont pas les bons chiffres, les chiffres seront annoncés ce soir, à 18 heures, et...

Vous les connaissez ?

J'ai une vague idée de l'ampleur du chiffre, c'est beaucoup moins que ce qui est annoncé et que ce qui circule.

Beaucoup moins que 20.000, 30.000 ?

Oui.

10.000 ?

Je ne vais pas vous donner...C'est 18 heures ce soir, on verra.

Mais c'est autour de 10.000 ?

Voilà, c'est un chiffre...Le chiffre qui circule actuellement, c'est n'importe quoi...

20, 30.000, c'est beaucoup moins ? Donc, c'est...

Et c'est beaucoup moins.

Donc, c'est autour de 10.000. Les banquiers réunis pour la septième fois quand même, septième fois en moins d'un an ! Les banques françaises s'engagent à adopter un système de bonus-malus dans le calcul des rémunérations variables" On est d'accord ? Oui, oui, mais les banques précisent que cet encadrement ne peut être mis en place dans un seul pays. Cela veut dire que tout se décidera à Pittsburgh ?

Non, pas du tout, pas du tout !

Expliquez-nous. Tout ce que le président de la République a engagé sur ces affaires est important parce qu'il positionne la France comme un pionnier. Qu'est-ce que nous avons voulu faire ? Nous avons voulu changer les règles pour que ce qui avait précipité la crise financière, qui a affecté l'ensemble des économies au monde, ne se reproduise pas. Quand a vu commencer à se reproduire les mêmes pratiques, les mêmes modes de rémunérations, on a évidemment demandé aux banquiers de tout de suite se mettre au travail. Et le président de la République a été extrêmement déterminé, et pendant tout l'été, en tout cas pendant tout le mois d'août, les banquiers ont été obligés de réviser leur grille de rémunérations, de réviser les méthodologies, et de présenter un système qui soit un système pionnier. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire un bonus-malus, c'est-à-dire que, les opérateurs de marchés qui étaient toujours sur du bonus jamais sur du malus, sont désormais en risque sur une partie de leur commission. On avait un système qui était fou, si vous voulez...

Le versement des bonus en partie différé, versement de deux tiers des bonus en partie différé.

Pour les bonus les plus importants, différés des deux tiers, et puis conditionnalité. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que, si l'année suivante ou l'année d'après les résultats ne sont pas au rendez-vous, pour le métier en question, pour la banque de financement et d'investissement, ou pour la banque tout court, à ce moment-là, l'opérateur perd le droit à la partie différée de son bonus. Ca veut dire que, ces gens, qui font bien leur travail, qui prennent des risques lorsqu'ils travaillent sur les marchés, ils sont, eux aussi, dorénavant en risque. Et on va plus loin...

Et responsabilisés...

...puisqu'on met en place des sanctions, ne l'oublions pas. On met en place deux choses : le contrôle, c'est-à-dire, que la Commission bancaire, sous l'autorité du Gouverneur de la Banque de France, dès le début du mois de septembre, sera en mesure d'aller vérifier dans les salles de marchés que les systèmes de rémunérations sont bien en place selon ces principes. Et deuxièmement, les sanctions sont très claires, on dit aux banques : si vous ne mettez pas en place ces systèmes-là, nous ne travaillerons pas avec vous, ça veut dire que nous ne vous donnerons pas de mandat pour le compte de l'Etat, et que par conséquent vous renoncez à un business qui est assez juteux.

Mais est-ce que la France peut mettre seule en place ce système ? Peut-on être les seuls au monde à mettre en place ce système ?

Il faut être les premiers, et c'est ce qu'a voulu le président de la République, parce que...

"Il faut être les premiers", d'accord, mais si à Pittsburgh, on vous dit "non", que se passe-t-il ?

Mais si on ne prend pas d'initiative, si on n'est pas ambitieux, si on n'a pas de l'audace, personne ne le fera. Ce qui s'est passé avec les paradis fiscaux, c'était ça ; j'étais présente, j'étais là. Le président de la République a mis tout son poids dans la balance, il a dit : "je ne serai pas le complice d'un système qui favorise les paradis fiscaux". De la même manière, avec les systèmes de bonus, avec les systèmes de rémunérations variables, il dit : on doit changer les règles, je demande à nos banques françaises d'être exemplaires, elles se sont bien comportées pendant la crise, puisqu'elles ont moins souffert qu'un certain nombre de banques, notamment en Allemagne, en Grande- Bretagne, etc. Je leur demande d'être exemplaires. Et à Pittsburgh je me battrai, je serai à ses côtés, je ferai ce que je pourrai moi aussi pour que les Américains, les Anglais, les Allemands comprennent que le système doit changer.

Et si les autres ne font rien, que fait-on ?

Le président de la République a fixé le principe d'une réunion au retour de Pittsburgh, et puis là on examinera la façon dont on doit maintenir des règles rigoureuses...

Franco-françaises ?

...d'encadrement des bonus, avec le système du malus, avec le système du différé, avec le système de la conditionnalité, tout en préservant l'attractivité de Paris. Je me suis battue depuis deux ans pour l'attractivité de la place financière de Paris, pour qu'on ne soit pas toujours à la remorque de Londres, pour que nos émissions puissent se faire ici, pour qu'on puisse faire des opérations de marchés à Paris, on ne va pas renoncer à ça. Mais il faudra peut-être restructurer, en sorte que Paris soit attractif, mais qu'on continue à montrer l'exemple en matière de restructuration.

Pourquoi ne pas fiscaliser plus les bonus, comme les Espagnols l'ont décidé, comme les Hollandais l'ont décidé ?

Mais si on fiscalise ici, à Paris, et que ce n'est pas fiscalisé à Londres, et que ce n'est pas fiscalisé à Singapour ou que ce n'est pas fiscalisé à Genève, les opérateurs iront fonctionner à Londres, à Genève ou à Singapour.

Oui, et si on a peur de ça, cela veut dire que les mauvaises habitudes se poursuivent, non ?

C'est humain, que voulez-vous. Si les gens ont l'espérance d'un gain, s'ils savent que ailleurs ils seront moins taxés, qu'ils se moquent éperdument de savoir où ils travaillent, oui, la tentation du départ elle est là.

Les banques, parlons des banques et de l'argent que nous avons prêté aux banques. L'Etat a prêté de l'argent aux banques, qu'ont fait les banques de cet argent ? Est-ce que vous le savez ?

D'abord, elles nous ont payés des intérêts...

C'est normal, puisqu'on a prêté de l'argent. Savez-vous ce que les banques ont fait de cet argent ?

D'abord, elles nous ont payés un intérêt ; deuxièmement, elles ont évidemment financé l'économie, et cela faisait partie des comptes que le président de la République leur a demandés de rendre hier. Qu'avez-vous fait de vos financement, puisque vous aviez pris des engagements, vous, les banques, vis-à-vis de nous l'Etat, pour financer l'économie ? Aujourd'hui, on est encore sur des financements en augmentation de l'ordre de 3 %, et l'engagement qu'avaient pris les banques c'est de financer autant que l'année dernière, + 3 à 4 %. Hier, nous leur avons demandé de développer leurs efforts, de faire le maximum pour prêter à l'économie. Pourquoi ? Parce qu'on est à un moment où ça se stabilise, un peu, et où on peut avoir des perspectives de reprise d'activité. Dans ce cas-là, les entreprises ont besoin de financement. Elles ont déstocké, beaucoup, jusqu'à l'été, elles vont nécessairement être amenées à restocker ; quand on restocke, on a besoin de fonds de roulement. Le besoin en fonds de roulement doit se financer, et les entreprises doivent être en mesure d'accéder à des financements bancaires. Le président de la République a été très clair hier, il leur a dit : "c'est votre obligation, c'est votre devoir de banquiers", c'est le devoir de base du banquier.

Mais comment réorienter justement, l'activité des banques ? 80 % des ressources des banques viennent d'autres activités que la distribution de crédits. Le métier de base d'un banquier, c'est quoi ? C'est d'aider l'économie, de supporter les difficultés économiques du pays, première chose ? Et deuxièmement, d'aider les entreprises et les particuliers à travers des crédits ? Or, que font les banques ? 80 % de leur activité, c'est la finance. Est-ce logique ?

Le métier de base du banquier, c'est de collecter des dépôts dans un système totalement sécurisé, qu'on ne soit pas inquiets, et puis de transformer ces dépôts en épargne plus longue qui permet le financement de l'habitat, quand on doit acheter un appartement ou un pavillon, de financer les entreprises, quand elles veulent faire des investissements ou qu'elles ont besoin de trésorerie, et puis de mettre en place aussi des outils financiers. Quand par exemple, Airbus a besoin de couverture de change pour vendre ses avions à travers le monde, il faut qu'il y ait des établissements financiers pour travailler sur ce genre de question. Ce sont les métiers de la banque. Certaines années... je crois que, là, votre chiffre de 80, n'est pas vrai tous les ans ; mais les années où les activités de marchés sont de faible rentabilité, on n'est pas dans ces eaux-là. ...

Mais enfin les dernières années, la rentabilité était forte sur les marchés...

Et puis, il faut savoir que les banques françaises sont équilibrées à peu près deux tiers, un tiers : deux tiers, en activités de banque traditionnelles, ce que j'évoquais tout à l'heure, de la banque de détail, et puis un tiers, en activités financières. Et c'est ce système-là qui a permis aux banques françaises de se sortir plutôt mieux de la crise qu'un certain nombre leurs confrères anglaises, américaines et autres. Donc, je ne remets pas en cause ce système qui permet d'équilibrer une activité traditionnelle et une activité de marché. Ce que je ne voudrais pas, c'est que demain toutes les activités de marchés soient uniquement prises en charge par des banques américaines implantées à Paris, des banques anglaises implantées à Paris, des banques allemandes implantées à Paris. Il faut que les banques françaises qui se sont bien comportées, qui ont bien travaillé, puissent aussi fonctionner sur le marché français.

Question directe, est-ce que les banques françaises aident suffisamment les PME, franchement ?

Certaines d'entre elles, oui...

D'autres, non....

...je le dis très sérieusement, d'autres, ont vraiment des efforts à faire, et cela leur a été dit hier. J'espère que le message est bien compris.

Lesquelles ?

Je ne vais pas citer de noms, je crois qu'aujourd'hui on est dans un rapport, qui est un rapport de confiance, elles ont des preuves à nous fournir en matière de financement de l'économie. Et je crois que la reprise qu'on espère actuellement leur donnera l'occasion de le faire.

Parlons de la taxe carbone, contribution climat énergie si vous préférez, qui verra le jour...

Je préfère !

Vous préférez ! Qui verra le jour dès 2010. Alors nous paierons cette taxe sur notre essence, notre chauffage, c'est bien cela. 32 euros par tonne de CO2 émise, demandait M. Rocard, ce sera moins.

Qu'est-ce que c'est que la contribution climat énergie ? C'est une façon, par la voie fiscale, de mieux orienter nos comportements. Le rapport qui a été présenté par M. Rocard à la suite d'un travail de concertation qui a réuni tout un tas d'experts en la matière préconise deux choses ; aller vite parce qu'il y a urgence et, deuxièmement, aller fort. Aller vite, ça veut dire quoi. Ça veut dire qu'aujourd'hui on a des ressources pétrolières essentiellement dont on sait qu'elles sont limitées dans leur volume et dont on sait aussi qu'il va falloir les remplacer par autre chose. Donc il ne faut pas traîner. Je crois que tous les experts le disent à l'envi, enfin pratiquement tous sont d'accord sur le sujet. Aller fort, c'était la recommandation de M. Rocard, c'était donner un signal prix, c'est-à-dire augmenter de manière très importante le coût du pétrole dans notre économie.

Donc le coût de l'essence, du chauffage, du fuel...

Alors sur la partie "aller vite", moi je suis assez convaincue, sur la partie "aller fort", je ne suis pas convaincue. Je ne suis pas convaincue...

Pas 32 euros par tonne de CO2 émise ?

Non, sûrement pas 32 euros par tonne de CO2 émise.

Alors combien ?

Pourquoi est-ce qu'il ne faut pas aller fort ? Parce que d'abord il faut qu'on s'acclimate, il faut qu'il y ait des produits de substitution qui soient rapidement mis en place. Et donc il faut qu'on valorise la tonne de CO2 en quelque sorte, me semble t-il, à un niveau qui soit inférieur à ces 32 euros la tonne.

Combien ?

Alors M. Rocard et ses amis vont nous rétorquer que le signal prix n'est pas assez fort. Bon, moi je dis deux choses...

Mais combien alors ? Combien ?

Je dis deux choses. Cela doit se faire à prélèvements obligatoires constants, c'est-à-dire qu'il n'est pas question que les ménages et en particulier les ménages les plus fragiles, les plus défavorisés ou ceux qui sont très éloignés de leur lieu de travail en supportent les coûts et conséquences. Donc, il faut qu'on mette en place un système de compensation qui leur permettent de s'y retrouver et de pouvoir continuer à payer leur plein d'essence et à répondre aux besoins énergétiques qui sont les leurs, ce que ce soit la cuve de fuel ou que ce soit le plein pour le véhicule, et puis deuxièmement il faut qu'on pousse les produits de substitution. Nous, on a la chance en France d'avoir une électricité produite par du nucléaire, mais il y a des tas d'autres efforts qu'on doit mettre en oeuvre, en matière notamment de transports, on le sait.

Donc est-ce que le chiffre de 15 euros vous paraît le bon par tonne de CO2 émise ?

Vous savez, les arbitrages...

Autour de 15 euros ?

Ça me paraît un bon chiffre, ça donne aujourd'hui, sur ces bases-là, une augmentation de l'ordre de 3 centimes le litre, on est aujourd'hui sur un prix du baril qui est deux fois inférieur pratiquement à ce qu'il était il y a un an, c'est sans doute le bon moment pour faire une opération de ce genre, à condition qu'on soit bien à prélèvement constant, c'est-à-dire qu'on n'augmente pas la fiscalité.

Est-ce que l'argent sera redistribué aux Français ? Il faut qu'il y ait redistribution. Mais comment ? Sous quelle forme ?

Ce sont les pistes sur lesquelles on travaille actuellement, les arbitrages ne sont pas encore rendus...

Chèque vert ?

Je ne suis pas sûre que le chèque vert soit la meilleure idée.

Vous n'êtes pas favorable au chèque vert ?

Ce qui est important, c'est que les ménages les plus défavorisés, ceux qui sont le plus éloigné de leur lieu de travail, c'est-à-dire ceux qui devront payer un surcoût en cuve de fuel ou en plein d'essence, que cela soit compensé pour qu'ils ne souffrent pas de la mise en place d'un impôt...

Donc pas de chèque vert à tous les Français ?

Je vais vous dire pourquoi il est intelligent cet impôt-là, parce qu'il permet d'évoluer vers la taxation de la pollution plutôt que la taxation du travail. Aujourd'hui, on a en France une fiscalité qui est essentiellement assise sur le travail, ce n'est pas une bonne idée puisqu'on veut favoriser le travail, on veut favoriser les investissements, il vaut mieux taxer autre chose que de taxer le travail.

Donc pas de chèque vert à tous les Français, vous n'y êtes pas favorable ?

Je vous l'ai dit, les arbitrages ne sont pas encore rendus. Je ne pense pas que la notion du chèque vert soit la meilleure. Ce que je dis aujourd'hui, c'est que les plus défavorisés, les plus éloignés de leur lieu de travail, ceux qui vont subir un risque d'augmentation, ceux-là il faut absolument les compenser, il faudra trouver les moyens pour le faire.

Cette taxe carbone ou cette contribution climat énergie8 milliards d'euros par an devrait rapporter ; est-ce que cette contribution servira à financer la suppression de la taxe professionnelle ?

Ce sont deux logiques complètement différentes.

Non.

Si ! Si, si, si, si !

Vous dites non ou oui ?

Je dis que ce sont deux logiques différentes. La taxe professionnelle c'est un impôt imbécile. Pourquoi ? Parce qu'il est assis essentiellement sur l'investissement. Vous êtes une entreprise, plus vous investissez, plus vous allez me payer de taxe professionnelle, que vous utilisiez vos investissements ou pas d'ailleurs. Alors pour nous qui voulons encourager l'industrie, ce n'est franchement pas la panacée. Donc on réforme la taxe professionnelle, on élimine de l'assiette de la taxe professionnelle tous les investissements productifs. Voilà une réforme qui est en cours, qui est difficile, parce qu'il faut rééquilibrer aussi le financement des collectivités locales, ce n'est pas simple, on y travaille beaucoup beaucoup depuis le mois de février dernier et je pense qu'on va aboutir à des solutions qui seront équilibrées. Deuxième logique, la contribution climat énergie, qui elle décide de faire évoluer la base de la fiscalité vers la pollution pour taxer la pollution.

Alors est-ce que les 8 milliards d'euros seront redistribués ?

C'est ce que je vous ai dit...

Dans la totalité ?

On est à prélèvements constants ; il faut que ce soit redistribué.

Le grand emprunt, c'est pour quand ?

Vous savez que le président de la République met en place aujourd'hui, tout à l'heure d'ailleurs, à neuf heures et demie, la commission pour le grand emprunt sous l'autorité d'A. Juppé et de M. Rocard, deux mois de travail et plus, parce qu'ils ont commencé à travailler déjà, moi je les ai rencontré l'un et l'autre avant le début de l'été, ils sont déjà en réflexion, c'est évident, la commission est maintenant constituée et ils vont se mettre d'arrache-pied au travail pendant deux mois.

Pour quand, le grand emprunt ? début de l'année 2010 ?

Vous savez dans la démarche, ce qui est important, c'est d'abord de définir les priorités nationales.

Oui, non, mais je suis d'accord, mais enfin il y a une urgence quand même, non ? Il y a urgence ou pas ?

L'urgence, c'est de ne pas se tromper, parce qu'il ne faut pas qu'on affecte des ressources qui sont des deniers publics, qui vont engager l'avenir de notre pays sur des pistes qui seraient des grosses erreurs. Le Plan calcul, on ne va pas réécrire l'histoire, mais il faut donc qu'on ne se trompe pas de priorité. Le travail qui va être fait pendant les deux mois qui viennent est capital. Le Parlement qui va être, je l'espère, bien associé à ces débats,-là c'est capital aussi pour que, ne se trompant pas, eh bien on engage des financements sur les bonnes directions qui vont placer le pays, un, sur la route d'une vraie compétitivité et, deux, qui nous permettra, je l'espère, de prendre le tournant de l'économie de la connaissance.

Alors, est-ce qu'on va emprunter auprès des Français, des citoyens, ou des institutions financières ?

Mais je vous l'ai dit, ça c'est la deuxième étape du raisonnement. La première, c'est la priorité nationale...

Quelle est votre préférence ?

Est-ce qu'on doit faire encore plus de lignes de TGV ? Est-ce qu'on doit faire de la fibre partout ? Est-ce qu'on doit faire de la recherche dans le domaine des nanotechnologies et de l'application ? Est-ce qu'on doit doter les pôles de compétitivité, certains d'entre eux, de financements... il y a tout un tas de questions à se poser avant de savoir si on va emprunter auprès des Français personnellement...

Quelle est votre préférence ?

Ou bien si on va faire un emprunt sur les marchés.

C'est un geste politique, si on emprunte auprès des Français. Quelle est votre préférence ?

Il faut que ce soit financièrement le plus efficace.

Peu importe ?

L'importance du débat et de la définition des priorités, c'est effectivement que tous es Français se sentent engagés et c'est formidable que vous posiez la question à vos auditeurs. Mais après, les modalités financières, il faut que ce soit le plus efficace et le moins coûteux pour le pays.

On va s'endetter ?

Un grand emprunt, c'est de la dette, oui.

C'est de la dette ; nous sommes déjà très endettés...

Oui.

Très très très endettés !

On est endettés comme la plupart des pays qui ont lancé un plan de relance au cours des derniers mois.

Quatre présidents de la République, je regardais les chiffres, et la dette s'empile.

Il y a deux types de dette, je l'ai dit et je le maintiens ; il y a la dette qui va pouvoir se contracter dès lors que la reprise économique sera au rendez-vous, puisqu'on a engagé, vous le savez, des plans de relance qui sont bien réalisés déjà aujourd'hui. P. Devedjian le disait hier, à 60 % on a déjà engagés les dépenses qu'il convenait d'engager. Ça, c'est de la dette qui va se contracter nécessairement et qui va réduire l'endettement du pays. Par ailleurs, on a depuis des années, cela fait plus de trente ans, le Premier ministre le rappelle régulièrement, que la France vote un budget en déséquilibre. Eh bien, il faut se déshabituer de ce déséquilibre graduellement. C'est toute la politique engagée à l'initiative du président de la République qui consiste en particulier à diminuer le nombre des fonctionnaires en ne remplaçant qu'un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite. En ouvrant le débat sur la retraite aussi, puisque c'est une des données en économie qui permet d'allonger les durées de contribution.

Et parallèlement on offre 3 milliards d'euros aux restaurateurs...

Non, on rétablit un principe d'équité parce qu'il n'y a pas de raison que la vente à emporter ou la restauration rapide ait un taux réduit et la restauration non rapide bénéficiait du taux lourd.

Est-ce que vous êtes satisfaite du comportement des restaurateurs, franchement ?

Je crois que c'est "peut mieux faire".Peut mieux faire sur tous les plans, à la fois sur l'emploi. Moi, j'attends beaucoup de leurs engagements, 40.000 emplois en deux ans, il faudra bien être au rendez-vous, et on lance avec L. Wauquiez une grande campagne sur l'apprentissage, il faudra dans ce domaine-là aussi être là, sur les prix pour que les consommateurs en bénéficient et puis sur les investissements. Ils ont déjà fait un bon pas en avant après un mois d'application. Il faut peut-être laisser un peu le temps aussi. Moi, je peux vous dire que quand j'étais un petit peu en vacances, là cet été, chaque fois que je suis allée prendre un café, chaque fois que je suis allée manger une pizza, j'ai demandé aux restaurateurs est-ce que vous baissez les prix ? Certains le faisaient et c'était bien apprécié par les consommateurs.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 août 2009