Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Chers Amis,
Après le très intéressant exposé de M. Trichet, permettez-moi de vous saluer formellement. Je suis très heureux de vous accueillir dans ce centre de conférences et, surtout, dans ce bâtiment essentiel de la diplomatie française, rue de la Convention. Cette salle de conférence que vous inaugurez me paraît propice aux échanges intellectuels qui ont déjà commencé et qui vont se poursuivre pendant deux jours.
Je voudrais rapidement vous indiquer quelques éléments du programme. Nos travaux, vous l'avez remarqué, le discours du président de la République l'a fortement souligné hier, porteront dans l'ensemble sur la crise. Je ne discute pas si nous entrons dans la crise, si nous y sommes ou si nous en sortons, mais nous savons que c'est la première crise économique de la mondialisation. C'est un phénomène géopolitique majeur et je vous demande de le considérer comme tel dans votre participation à ces deux journées qui nous restent. C'est un phénomène majeur, au sens le plus politique du terme. Le mot "majeur" est politique. Vous faites de la politique, le métier d'ambassadeur est de plus en plus politique.
Cette crise constitue pour la diplomatie française une mise à l'épreuve considérable et, d'une certaine façon, une opportunité qu'il faut saisir. Je vous appelle à reconsidérer nos modes de travail et de réflexion. Il nous faut sortir de cette crise en pensant différemment de ce que nous pensions avant d'y rentrer. Ou alors, ce serait mépriser les propos qui ont été tenus ce matin ainsi que les gens qui en souffrent et, d'une certaine façon, l'avenir en général.
Nous parlerons donc de cette grande crise à travers quatre types d'effets.
Premier point, la redistribution des richesses économiques et le bouleversement de l'ordre international dans la hiérarchie des puissances, sur le plan intérieur dans chaque Etat, sur tous les plans et dans tous les pays ; la crise actuelle des bonus en témoigne. La réponse à ces considérations nécessaires sur les bonus excessifs et les réponses particulières qu'un certain nombre de pays propose.
Deuxième point, l'opportunité politique pour les pays émergents. Nous en parlerons tout à l'heure, puisque nous écouterons nos amis Celso Amorim et Kamel Derviche. Il ne fait pas de doute que le poids des pays émergents va augmenter encore plus considérablement qu'il ne l'a fait jusque là, et qu'il va falloir réfléchir et décider de la place de ces pays émergents dans les institutions internationales.
Troisième point, cette crise est également un grand risque de déstabilisation pour les pays en développement, c'est à dire les plus pauvres. Les pauvres ne doivent pas courir le risque de devenir encore plus pauvres parce qu'ils échapperaient non seulement à tous ces phénomènes de rattrapage, dont nous avons parlé ce matin mais qu'ils en pâtiraient. Une défaillance financière comporterait alors des risques sécuritaires et des risques politiques majeurs dans des pays comme le Pakistan et l'Ukraine.
Quatrième point, cette crise entraîne nécessairement, et c'est une chance, une crise idéologique qu'il nous faut prendre en charge. Est-ce tout simplement la fin de la pente de la dérégulation ? Cela nous conviendrait bien en France puisque nous avons toujours su que le capitalisme ne devait pas exclure la régulation. Voilà pour les effets de la crise très grossièrement esquissés. Nos travaux ont pour but d'alimenter votre réflexion et la nôtre.
Vous êtes bien placés, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs de France, pour saisir l'opportunité pour notre diplomatie de remplir l'espace intellectuel que la crise rend vacant. La phrase a été prononcée ce matin par Jean-Claude Trichet et j'y accorde beaucoup d'importance. Nous disons la même chose. Il nous faut des idées novatrices, généreuses, efficaces. Notre diplomatie doit contribuer à faire émerger un consensus international sur un nouveau modèle de croissance respectueuse de l'Homme et de son environnement. Une croissance sobre en carbone - nous aborderons cela - avec une dimension sociale plus importante, plus marquée, décisive, avec le respect des droits de l'Homme bien entendu, et un nouveau mode de financement du développement. Facile à dire dans cette période difficile économiquement, mais il est indispensable de renforcer, non seulement l'aide au développement - l'"aide" est d'ailleurs un mot très ambigu -, le partenariat pour le développement, mais également l'imagination qui doit proposer des voies nouvelles pour ce développement.
Bien sûr, le partenariat climatique qui est un des enjeux de la Conférence de Copenhague sur le climat en décembre sera abordé. Jean-Louis Borloo ne peut pas s'exprimer en fin de matinée, hélas. Il devrait être à cette tribune en ce moment, tout comme Pierre Lellouche, mais ils assistent à la cérémonie d'hommage à Adrien Zeller qui a lieu à Strasbourg. Il ne sera donc pas avec nous mais Mme Jouanno s'exprimera à la place de Jean-Louis Borloo. Les intervenants de la session plénière de demain, Alain Joyandet et Michael Zammit Cutajar, traiteront de la crise et du développement durable, en temps et en heure, comme cela a été décidé.
La promotion et la défense des droits de l'Homme, la lutte contre l'impunité sont des éléments essentielles de notre vision. La table ronde animée par Louise Arbour et Jean-Paul Costa s'attachera au noeud du problème. Nous l'avons découvert ces derniers mois encore, concernant la question de l'efficacité en matière de droits de l'Homme et de justice internationale, ces mots devraient aller ensemble mais ils ne collent pas complètement les uns avec les autres. Il nous faudra donc ajuster cela et, au moins, y réfléchir.
Les cadres de notre action collective sont mis à l'épreuve par la crise et Pierre Lellouche, Mark Leonard, et Jean Pisani-Ferry vont nous parler cet après-midi de l'Union européenne.
Maureen et Kamal vont accepter de réfléchir avec nous ce matin sur une meilleure gouvernance mondiale et je les remercie d'avance. Ils vont monter à la tribune dans quelques minutes.
Camille Grand et Bruno Tertrais s'interrogeront demain avec nous sur le nouvel ordre nucléaire dans la perspective de la conférence d'examen du Traité de non-prolifération.
Il est de notre responsabilité d'adapter nos structures, nos outils, notre réflexion au bouleversement de notre monde. Un bilan d'étape de la réforme de notre ministère vous sera fait demain. Nous tentons de nous adapter et, d'ailleurs, nous ne nous adaptons pas si mal que cela en ce qui concerne l'immobilier, un atlas de la crise conçu par la direction générale de la Mondialisation, dont nous saluons une fois de plus la naissance - c'est Christian Masset qui la dirige - vous sera présenté en fin de matinée.
Joseph Maïla animera avec Olivier Roy, une table ronde sur les religions dans la mondialisation qui témoigne du fait que j'ai voulu que le ministère ait les moyens d'analyser ce champ immense qui était à mon avis beaucoup trop négligé. Je ne dis pas qu'il n'y avait pas de réflexion personnelle à ce propos, encore heureux, mais il n'y avait pas suffisamment d'attention portée et de travail scientifique et de recherche fait sur ce point.
Demain, Alain Joyandet, Martin Hirsch et moi-même, nous parlerons de la nécessaire mobilisation du service civil pour faire droit à l'énergie de nos concitoyens qui veulent se mettre à la disposition du plus grand nombre.
Enfin, Bernard Bajolet, Erard Corbin de Mangoux et Patrick Calvar ont bien voulu animer une table ronde sur le renseignement et la diplomatie.
Je veux que nous changions notre façon de travailler et de réfléchir, c'est un souhait. J'aurais l'occasion de vous détailler mes vues sur cette question à l'issue des travaux puisque je m'adresserai à vous demain soir.
En attendant, un dernier mot pour vous dire combien je suis heureux de vous accueillir ici. Je vous invite à visiter l'ensemble des bâtiments : il y a trois étages, très largement occupés. Il reste un ou deux services qui viendront s'installer fin octobre ici, rue de la Convention, et vous verrez que l'endroit est propice à un travail plus serein, dans une atmosphère un peu différente et peut être un peu renouvelée.
Mesdames et Messieurs, merci. Monsieur le Ministre, Messieurs les Directeurs, si vous voulez bien vous donner la peine, nous allons commencer les travaux.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 août 2009
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Chers Amis,
Après le très intéressant exposé de M. Trichet, permettez-moi de vous saluer formellement. Je suis très heureux de vous accueillir dans ce centre de conférences et, surtout, dans ce bâtiment essentiel de la diplomatie française, rue de la Convention. Cette salle de conférence que vous inaugurez me paraît propice aux échanges intellectuels qui ont déjà commencé et qui vont se poursuivre pendant deux jours.
Je voudrais rapidement vous indiquer quelques éléments du programme. Nos travaux, vous l'avez remarqué, le discours du président de la République l'a fortement souligné hier, porteront dans l'ensemble sur la crise. Je ne discute pas si nous entrons dans la crise, si nous y sommes ou si nous en sortons, mais nous savons que c'est la première crise économique de la mondialisation. C'est un phénomène géopolitique majeur et je vous demande de le considérer comme tel dans votre participation à ces deux journées qui nous restent. C'est un phénomène majeur, au sens le plus politique du terme. Le mot "majeur" est politique. Vous faites de la politique, le métier d'ambassadeur est de plus en plus politique.
Cette crise constitue pour la diplomatie française une mise à l'épreuve considérable et, d'une certaine façon, une opportunité qu'il faut saisir. Je vous appelle à reconsidérer nos modes de travail et de réflexion. Il nous faut sortir de cette crise en pensant différemment de ce que nous pensions avant d'y rentrer. Ou alors, ce serait mépriser les propos qui ont été tenus ce matin ainsi que les gens qui en souffrent et, d'une certaine façon, l'avenir en général.
Nous parlerons donc de cette grande crise à travers quatre types d'effets.
Premier point, la redistribution des richesses économiques et le bouleversement de l'ordre international dans la hiérarchie des puissances, sur le plan intérieur dans chaque Etat, sur tous les plans et dans tous les pays ; la crise actuelle des bonus en témoigne. La réponse à ces considérations nécessaires sur les bonus excessifs et les réponses particulières qu'un certain nombre de pays propose.
Deuxième point, l'opportunité politique pour les pays émergents. Nous en parlerons tout à l'heure, puisque nous écouterons nos amis Celso Amorim et Kamel Derviche. Il ne fait pas de doute que le poids des pays émergents va augmenter encore plus considérablement qu'il ne l'a fait jusque là, et qu'il va falloir réfléchir et décider de la place de ces pays émergents dans les institutions internationales.
Troisième point, cette crise est également un grand risque de déstabilisation pour les pays en développement, c'est à dire les plus pauvres. Les pauvres ne doivent pas courir le risque de devenir encore plus pauvres parce qu'ils échapperaient non seulement à tous ces phénomènes de rattrapage, dont nous avons parlé ce matin mais qu'ils en pâtiraient. Une défaillance financière comporterait alors des risques sécuritaires et des risques politiques majeurs dans des pays comme le Pakistan et l'Ukraine.
Quatrième point, cette crise entraîne nécessairement, et c'est une chance, une crise idéologique qu'il nous faut prendre en charge. Est-ce tout simplement la fin de la pente de la dérégulation ? Cela nous conviendrait bien en France puisque nous avons toujours su que le capitalisme ne devait pas exclure la régulation. Voilà pour les effets de la crise très grossièrement esquissés. Nos travaux ont pour but d'alimenter votre réflexion et la nôtre.
Vous êtes bien placés, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs de France, pour saisir l'opportunité pour notre diplomatie de remplir l'espace intellectuel que la crise rend vacant. La phrase a été prononcée ce matin par Jean-Claude Trichet et j'y accorde beaucoup d'importance. Nous disons la même chose. Il nous faut des idées novatrices, généreuses, efficaces. Notre diplomatie doit contribuer à faire émerger un consensus international sur un nouveau modèle de croissance respectueuse de l'Homme et de son environnement. Une croissance sobre en carbone - nous aborderons cela - avec une dimension sociale plus importante, plus marquée, décisive, avec le respect des droits de l'Homme bien entendu, et un nouveau mode de financement du développement. Facile à dire dans cette période difficile économiquement, mais il est indispensable de renforcer, non seulement l'aide au développement - l'"aide" est d'ailleurs un mot très ambigu -, le partenariat pour le développement, mais également l'imagination qui doit proposer des voies nouvelles pour ce développement.
Bien sûr, le partenariat climatique qui est un des enjeux de la Conférence de Copenhague sur le climat en décembre sera abordé. Jean-Louis Borloo ne peut pas s'exprimer en fin de matinée, hélas. Il devrait être à cette tribune en ce moment, tout comme Pierre Lellouche, mais ils assistent à la cérémonie d'hommage à Adrien Zeller qui a lieu à Strasbourg. Il ne sera donc pas avec nous mais Mme Jouanno s'exprimera à la place de Jean-Louis Borloo. Les intervenants de la session plénière de demain, Alain Joyandet et Michael Zammit Cutajar, traiteront de la crise et du développement durable, en temps et en heure, comme cela a été décidé.
La promotion et la défense des droits de l'Homme, la lutte contre l'impunité sont des éléments essentielles de notre vision. La table ronde animée par Louise Arbour et Jean-Paul Costa s'attachera au noeud du problème. Nous l'avons découvert ces derniers mois encore, concernant la question de l'efficacité en matière de droits de l'Homme et de justice internationale, ces mots devraient aller ensemble mais ils ne collent pas complètement les uns avec les autres. Il nous faudra donc ajuster cela et, au moins, y réfléchir.
Les cadres de notre action collective sont mis à l'épreuve par la crise et Pierre Lellouche, Mark Leonard, et Jean Pisani-Ferry vont nous parler cet après-midi de l'Union européenne.
Maureen et Kamal vont accepter de réfléchir avec nous ce matin sur une meilleure gouvernance mondiale et je les remercie d'avance. Ils vont monter à la tribune dans quelques minutes.
Camille Grand et Bruno Tertrais s'interrogeront demain avec nous sur le nouvel ordre nucléaire dans la perspective de la conférence d'examen du Traité de non-prolifération.
Il est de notre responsabilité d'adapter nos structures, nos outils, notre réflexion au bouleversement de notre monde. Un bilan d'étape de la réforme de notre ministère vous sera fait demain. Nous tentons de nous adapter et, d'ailleurs, nous ne nous adaptons pas si mal que cela en ce qui concerne l'immobilier, un atlas de la crise conçu par la direction générale de la Mondialisation, dont nous saluons une fois de plus la naissance - c'est Christian Masset qui la dirige - vous sera présenté en fin de matinée.
Joseph Maïla animera avec Olivier Roy, une table ronde sur les religions dans la mondialisation qui témoigne du fait que j'ai voulu que le ministère ait les moyens d'analyser ce champ immense qui était à mon avis beaucoup trop négligé. Je ne dis pas qu'il n'y avait pas de réflexion personnelle à ce propos, encore heureux, mais il n'y avait pas suffisamment d'attention portée et de travail scientifique et de recherche fait sur ce point.
Demain, Alain Joyandet, Martin Hirsch et moi-même, nous parlerons de la nécessaire mobilisation du service civil pour faire droit à l'énergie de nos concitoyens qui veulent se mettre à la disposition du plus grand nombre.
Enfin, Bernard Bajolet, Erard Corbin de Mangoux et Patrick Calvar ont bien voulu animer une table ronde sur le renseignement et la diplomatie.
Je veux que nous changions notre façon de travailler et de réfléchir, c'est un souhait. J'aurais l'occasion de vous détailler mes vues sur cette question à l'issue des travaux puisque je m'adresserai à vous demain soir.
En attendant, un dernier mot pour vous dire combien je suis heureux de vous accueillir ici. Je vous invite à visiter l'ensemble des bâtiments : il y a trois étages, très largement occupés. Il reste un ou deux services qui viendront s'installer fin octobre ici, rue de la Convention, et vous verrez que l'endroit est propice à un travail plus serein, dans une atmosphère un peu différente et peut être un peu renouvelée.
Mesdames et Messieurs, merci. Monsieur le Ministre, Messieurs les Directeurs, si vous voulez bien vous donner la peine, nous allons commencer les travaux.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 août 2009