Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec RTL le 4 septembre 2009, sur la tension suscitée par la victoire d'Ali Bongo à l'élection présidentielle au Gabon et la mise en cause de la France.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

V. Parizot.- La nuit a été calme, semble-t-il, mais la situation reste tendue au Gabon, notamment à Port-Gentil, théâtre hier d'incidents anti-français après l'annonce de la victoire à la présidentielle d'A. Bongo, le fils d'O. Bongo, qui avait été le Président du pays de 1967 à sa mort en mai dernier. Dans la capitale économique, Port-Gentil, c'est la France, accusée d'avoir soutenu le fils d'O. Bongo, qui a été visée, notamment le Consulat de France, partiellement incendié, mais aussi les groupes Total et Schlumberger. Nous sommes avec le ministre des Affaires étrangères. Bonjour B. Kouchner. Avez-vous de nouvelles informations sur la situation ce matin à Port-Gentil ou à Libreville ?

Oui, la nuit a été calme et la situation est normale à Port-Gentil, elle l'est à Libreville également, la capitale, mais elle l'a toujours été.

Que dites-vous aux ressortissants français qui ont vécu tout de même ces incidents, notamment à Port-Gentil ; ils sont 10.000 au Gabon ?

Oui, ils sont 10.000 au Gabon ; ils sont 2.000 à Port-Gentil, et nous leur disons, comme ils le savent d'ailleurs, de rester chez eux pour le moment, et que je pense, nous pensons, nous espérons, que la situation restera calme. De toute façon, vous le savez, un dispositif de protection et d'évacuation, qu'ils connaissent bien, a toujours été en cours et il y a eu déjà, en 1990, il y a longtemps, des incidents graves, et tout ça, finalement, est sous contrôle.

C'est-à-dire qu'un plan est prévu si la situation dégénère ?

Bien sûr ! Un plan est prévu dans bien des villes, mais au Gabon en particulier.

Mais pour l'instant, vous n'envisagez pas d'opérations de rapatriement ?

Pas du tout, non. Pas du tout d'opérations de rapatriement, mais tout est prêt pour la faire éventuellement.

Et est-ce que vous allez augmenter le dispositif militaire français sur place, déjà important ?

Oui, enfin important ! Relativement important... Mais de toute façon, la répartition des forces a été modifiée afin qu'à Port-Gentil, il y ait des militaires qui soient en alerte, et ce sont d'ailleurs des militaires qui ont dégagés les trois personnes qui se trouvaient dans les immeubles de Total et de Schlumberger qui ont été attaqués.

Et ces personnes vont bien ?

Elles vont bien. Il n'y a pas eu de blessés graves du tout.

Elles ont été choquées quand même j'imagine ?

Elles ont été choquées, oui, la situation ne nous plaît pas, évidemment. Ces incidents sont condamnables, ces incidents sont fâcheux, mais voilà, c'est comme ça qu'on arrive à la démocratie un jour.

Justement, puisque là, vous abordez le chapitre politique, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui accusent la France d'avoir soutenu A. Bongo, voire même d'avoir joué un rôle dans d'éventuelles fraudes électorales ?

Mais non, mais non ! Nous n'avons joué aucun rôle. Je réponds à cela et ils le savent très bien, qu'il faut des perdants puisqu'il y a des vainqueurs, que ces élections ont été très surveillées, d'abord par des Africains, par des missions d'observation internationales, nombreuses, par des missions nationales, c'est-à-dire gabonaises. Et que toutes ces missions se sont déclarées satisfaites par la préparation et le déroulé des opérations de vote du 30 août. C'est même la première fois qu'il y a eu très librement beaucoup de candidats et certains se sentent peut-être frustrés, je l'ai déjà dit, mais les résultats, qui ne sont pas définitifs, puisque c'est la Cour constitutionnelle qui va les proclamer et il y aura toute une période, pendant laquelle, quinze jours je crois, où les recours seront possibles, seront examinés.

Donc vos assurez, vous, que ces élections, sur la base évidemment de ce qu'ont constaté les observateurs, se sont bien déroulées ?

Oui, il y a d'ailleurs un président de la République par intérim, une présidente en exercice, qui a très bien fait son travail, vraiment. Vous savez, il y a eu à peine dans l'entrée en vigueur... enfin d'abord la préparation et ensuite le déroulé des élections et tout cela s'est fait au grand jour et la France n'est pas intervenue, la France n'avait pas de candidat et n'a pas de candidat. La France acceptera le résultat des élections les plus contrôlées possible.

Vu les incidents d'hier, vous êtes en relation avec la présidence par intérim ?

Nous sommes en relation avec tout le monde. Nous sommes en relation avec les candidats qui se sont estimés les plus lésés. Ils vont d'ailleurs bien, tous, malgré les bruits qui ont couru. Bien sûr, nous sommes en relation, bien sûr nous recevons des coups de téléphone, bien sûr nous sommes en relation avec tout le monde, mais nous n'intervenons pas.

Et si la situation dégénère ?

Je souhaite et je pense que la situation ne dégénérera pas. Mais je vous l'ai dit, tout est prêt pour protéger nos ressortissants.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 septembre 2009