Texte intégral
L. Bazin Bonjour R. Yade.
Bonjour.
Vous êtes secrétaire d'Etat aux Sports. Vous êtes aussi la femme politique sans doute la plus populaire de France, en tout cas, vous caracolez régulièrement en tête des sondages. On va oublier, allez, trois minutes, la politique, la grippe A, les soucis, N. Sarkozy peut-être, si vous pouvez, et la crise, plus sérieusement...
D'accord.
Vous serez ce soir à Belgrade, pour le match de l'équipe de France. Est-ce que vous imaginez une seconde qu'elle perde ?
Non, moi, j'ai confiance...
Vous ne voulez pas...
J'ai confiance en eux, en fait, ce n'est pas juste de la foi parce qu'ils sont français, c'est que j'ai confiance en eux, c'est une équipe de très grande qualité, il y a des individualités assez exceptionnelles, qui ont montré... qui ont fait leurs preuves lors du match précédent contre la Roumanie, au Stade de France, je pense à T. Henry, qui avait délivré un gros match, je crois aussi que la pression est forte sur leurs épaules, ils connaissent leurs responsabilités. L'équipe de France a souvent eu des qualifications au dernier moment, donc voilà, moi, j'ai totalement confiance...
Pronostic ?
Je ne fais pas de pronostic, mais je crois en eux, voilà, ça va être un match important, dans un stade assez mythique quand même, le Marakana, contre des Serbes, qui sont une grande Nation...
Avec un "K", ce n'est pas celui du Brésil...
Non, c'est avec un "K"...
C'est bien celui de Belgrade...
C'est une Nation de football qui a l'opportunité, pour la première fois, de se qualifier pour un championnat du monde, donc pour eux aussi, l'enjeu est important. Mais moi, j'ai confiance.
Vous parlez football couramment : "individualités", "gros match"... Vous disiez que vous n'y connaissiez rien il y a trois mois, vous êtes une bonne élève, vous êtes une passionnée, une néo-convertie...
Non, j'ai dit que je ne venais pas du milieu sportif, c'est différent, sinon, le football, je m'y intéresse depuis de très longues années déjà, simplement, comme peut-être, je suis une fille, on ne m'a jamais interrogée sur le football, donc j'ai l'occasion d'en parler.
D'accord, on le fait aujourd'hui, c'est parfait. Vous avez dit : c'est une Nation de football, la Serbie, c'est vrai, c'est aussi des gens que l'on craint parfois, certains supporters, parce qu'ils peuvent avoir des actions nationalistes très puissantes et parfois des manifestations racistes nettes ; est-ce que vous craignez ça ?
Ecoutez, moi, ce que je crois, c'est que le football, malgré tout, c'est un jeu, tout simplement un jeu, il ne faut jamais l'oublier...
Même si on siffle la Marseillaise, même si les joueurs français de couleur sont insultés...
Ah, mais il serait totalement choquant que ce soit le cas, mais je ne pars pas avec l'idée que cela arrive, il faudra adopter l'attitude nécessaire à ce moment-là. Mais pour l'instant, je n'ai pas d'a priori, donc, on verra bien. Mais en tout cas...
Donc vous y allez en vous disant : ça devrait bien se passer... A tout point de vue ?
J'y vais en me disant que c'est un jeu, l'enjeu sportif est tout de même important pour la France, j'ai confiance dans les joueurs, et voilà, j'y vais pour les soutenir, et je suis leur premier supporter, et j'espère que tous les Français seront derrière eux pour les soutenir et tourner la page des polémiques parce que les joueurs ont besoin de sérénité.
Alors justement, avant de la tourner cette page des polémiques, on va y revenir d'un mot, vous avez vécu des polémiques politiques, des polémiques au Gouvernement. On entend des bruits du Conseil des ministres, là, on a entendu des bruits de l'entraînement des Bleus, ça vous a peut-être rappelé quelque chose d'ailleurs ; est-ce que, oui ou non, vous considérez que si R. Domenech est sur la sellette, il doit partir, parce que c'est une question que toute la France se pose finalement ?
D'abord, moi, je n'ai rien à voir avec ça, donc... enfin, le Conseil des ministres, tout ça, je ne vois pas le rapport, donc. Et deuxième chose...
En politique, parfois, ça tonne portes closes, c'est ça que je veux dire...
Ah oui, mais enfin, bon, ce n'est pas du tout la même chose. Mais ce que je crois, moi, c'est que le sélectionneur de l'équipe de France, à la veille d'un match important, alors que les phases des qualifications ne sont pas encore achevées, ce n'est pas le moment de se poser ces questions-là, je veux dire, il faut maintenant...
Vous dites : c'est indécent d'avoir publié ces propos par exemple ?
Ah moi, je ne juge pas de la liberté de la presse, simplement, je dis que, si on veut soutenir l'équipe de France, parce qu'on est français, eh bien, il faut peut-être créer les conditions pour que ces joueurs puissent jouer de manière sereine, mais plutôt que de monter en épingle des propos, que les gens ont dit que, et puis, peut-être qu'ils n'ont pas dit, et puis, il y a des démentis ; ils ont autre chose à faire, les joueurs. Donc on règlera les problèmes après les phases qualificatives, quand tout cela sera arrivé à terme. Mais pour l'instant, je pense qu'il faut maintenant être serein, encourager l'équipe, être derrière elle, et espérer qu'ils se qualifient, point.
Est-ce que ce serait un handicap s'il y avait, pour le coup, une élimination de l'équipe de France pour l'Euro 2016, dont vous portez très haut les couleurs depuis la rentrée ?
Les deux n'ont rien à voir...
Ça ne nous mettrait pas dans une situation un peu plus compliquée pour défendre franchement nos chances ?
Non, non, non, parce que c'est déjà arrivé les années précédentes qu'on n'ait pas été qualifié, et ça ne nous a pas empêchés, en 98, d'accueillir le championnat du monde de football, avec le succès que l'on sait, puisqu'on en est sorti vainqueur. Donc ça n'a rien à voir. Je pense que notre dossier de candidature pour accueillir l'Euro 2016 dépend de la qualité technique de notre dossier, c'est-à-dire notre capacité à rénover les stades, parce qu'ils sont âgés, enfin, ils sont vieux, ils sont vétustes pour la plupart, dépend de l'élan populaire autour de ce championnat ou de l'organisation, des programmes culturels, sociaux...
Donc la capacité à ne pas s'étriper en route, à ne pas créer de fausses polémiques, voilà ce que vous dites de manière subliminale, là...
Non, mais l'organisation n'a rien à voir avec l'équipe nationale et ce qui peut s'y passer. Donc je crois que pour ce qui concerne l'Euro, c'est la Fédération de football qui porte la candidature. Moi, j'accompagne, en apportant des financements, en levant des obstacles, de type juridique ou autres...
Vous avez dit : je serai la VRP de l'Euro 2016...
Oui, je suis très fière de porter une telle ambition pour la France, parce que c'est énorme, vous n'imaginez pas, c'est de l'emploi qui est créé, parce que c'est plus de 15.000 emplois, c'est de l'attractivité touristique, c'est du bonheur aux gens, les gens vont pouvoir penser à autre chose pendant quelques minutes...
On a une bonne chance, c'est ce que vous vous dites aujourd'hui ?
Mais bien sûr qu'on a une bonne chance. Nos adversaires sont l'Italie, la Turquie et puis la Norvège et la Suède, je ne sous-estime pas la qualité de leurs dossiers, mais je pense qu'on a de très bonnes chances. Et nous allons, de toute façon, mettre toutes les capacités, toutes les possibilités de notre côté, pour être choisis. Je pense que les Français seraient très fiers de pouvoir accueillir l'Euro 2016. Donc je porte ce dossier avec beaucoup d'enthousiasme, de passion. Et j'ai d'ailleurs rencontré M. Platini, il y a quelques jours, pour en parler. Et partout où ce sera possible, j'irai effectivement faire le VRP, sans pour autant me mettre en avant, parce que nos meilleurs VRP sont quand même les joueurs.
Un mot de la grippe A. B. Accoyer envisage de fermer l'Assemblée nationale si une pandémie effectivement se déclare, on n'en est pas là, on ferme déjà des écoles ; on sait par ailleurs que les stades sont des formidables lieux où un virus peut prospérer et proliférer.
Oui, parce que par définition, ce sont des stades où il y a des rassemblements, où il y a du contact, non seulement entre les joueurs, les staffs techniques, etc., mais aussi entre les supporters, et il y a déjà eu des matchs qui ont été reportés, aussi bien en football qu'en rugby...
Vous envisagez - c'était ma question - une suspension du championnat de foot ou de rugby ou d'autres d'ailleurs, s'il se passe quelque chose...
Pour l'instant, c'est des reports, pour l'instant, ce sont des matchs qui ont été reportés, parce qu'il y avait des cas avérés de joueurs qui avaient été atteints de la grippe A. Mais il y a des commissions médicales qui ont été mises en place au sein des structures fédérales pour alerter de ce qui se passe, en liaison avec la commission interministérielle de crise, et puis, les deux instances prendront les décisions qui s'imposeront, mais en tout cas...
Ça fait partie des plans, soyons clairs ?
Eh bien, tout est envisagé, aussi bien la prévention que la réaction, s'il y a pandémie, diffusion d'une pandémie forte. Donc tous les scénarios sont sur la table, mais je pense qu'il ne faut pas s'affoler, on est réactif, on est attentif, toutes les précautions ont été prises, des consignes ont été données aux joueurs de football, de rugby et autres. Maintenant, c'est en fonction de l'évolution de la pandémie que des décisions sont prises.
Réactif, mais pas assez démocratique...
Pourquoi ?
Vous avez peut-être lu l'appel hier matin, dans Libération, d'un certain nombre d'intellectuels, de chercheurs et de médecins d'ailleurs, qui disent : "mais le Gouvernement décide tout seul dans son coin, et on est un peu en train de perdre nos nerfs dans cette affaire " ; est-ce que vous partagez ce point de vue-là, vous ?
Le Gouvernement ne décide pas tout seul dans son coin, le Gouvernement décide en fonction de ce que disent les médecins, de ce que dit le corps médical, parce que le Gouvernement, ce sont des personnalités politiques, ceux qui décident ou qui attirent notre attention sur tel ou tel diagnostic, ce sont quand même des spécialistes, donc des médecins. Et il y a une cellule interministérielle de crise où il y a pas mal d'experts, et c'est sur la base de leurs travaux et de leurs réflexions qu'une décision est prise...
J'entends, donc, de votre point de vue, on ne perd pas nos nerfs ?
Non, on ne perd pas nos nerfs, moi, j'ai toujours dit et j'ai toujours pensé qu'il ne fallait pas paniquer parce qu'il n'y a aucune raison de paniquer, que toutes les mesures de précaution sont prises, tous les scénarios sont envisagés et sont à l'étude, et que des commissions médicales, jusqu'à la commission interministérielle de crise, tous les acteurs se tiennent prêts. Et je pense que c'est juste ça, parce que si jamais il y avait de la négligence, que se passerait-il ? Il y aurait peut-être un vent de panique et puis on reprocherait au Gouvernement de ne pas avoir assez fait, etc. Donc c'est juste l'application de la politique de prévention, ni plus ni moins.
Je vous ramène à la politique que certains qualifieront peut-être de politicienne, mais après tout, ça fait aussi partie du jeu auquel vous participez, S. Royal ce matin, sur France 2, justifie sa future rencontre avec F. Bayrou.
S. Royal, « Les 4 vérités » Télématin France 2, ce matin : Bien sûr, l'alternance, elle se fait avec la convergence de toutes celles et ceux qui veulent que chaque fois, ce soit les valeurs humaines et les valeurs de justice sociale qui l'emportent sur les intérêts financiers. Mais je l'ai toujours dit ça, il faut d'abord un Parti socialiste fort, au clair, actif dans la société française, à l'offensive sur les propositions. Et c'est à ce moment-là, autour d'un Parti socialiste fort, que l'on pourra faire converger des forces démocratiques qui veulent aussi l'alternance.
MoDem, Parti socialiste, pourquoi pas les Verts ; vous craignez cette alliance-là, vous, ça vous fait sourire apparemment ?
Non, je n'ai aucune condescendance ni expression de mépris vis-à-vis de nos adversaires politiques parce qu'il faut dire que ce ne sont que des adversaires politiques et pas des ennemis, et je les respecte pour cela. Je dirais que ce que l'on vient d'entendre est du déjà vu ; la main tendue entre Bayrou et S. Royal, on nous a déjà raconté cet épisode pendant la campagne présidentielle. Donc attendons de voir. Mais en tout cas, ce que j'observe, c'est que, 1°) : les socialistes sont très divisés sur cette main tendue, entre ceux qui disent : il faut répondre à Bayrou, les autres qui disent : non, eh bien, il va se passer un peu de temps avant qu'ils ne se décident à parler d'une seule voix. Deuxièmement : ils ne sont pas forcément d'accord sur le programme, sur le projet à porter pour la France, et troisièmement : avant même d'évoquer le cas Bayrou, la maison socialiste elle-même est sens dessus-dessous et mérite peut-être d'être remise en ordre...
En ordre de marche...
En ordre de marche avant de...
Les conseils de R. Yade ce matin au Parti socialiste !
Mais je ne donne aucun conseil, je ne fais que... je ne suis qu'un observateur...
Engagé quand même...
Modeste...
Engagé...
Et parce que je n'ai pas l'expérience de tous ces messieurs/dames politiques, mais un observateur citoyen, qui se rend compte que l'opposition n'est pas une véritable opposition parce qu'elle n'a pas su se reconstruire, et moi, je le regrette profondément, parce que quand l'opposition n'est pas en capacité de porter un projet et de s'exprimer clairement, eh bien, l'opposition se passe dans la rue, on l'a vu dernièrement avec les violences dans les entreprises, c'est la conséquence finalement d'une opposition pas capable de porter les revendications sociales.
Un mot de ce qui s'est passé au Gabon, et les accusations qui ont été portées là-bas contre la France. R. Bourgi, qui est le conseiller officieux de N. Sarkozy - c'est comme ça qu'il s'est présenté sur RTL - a raconté comment monsieur Bockel avait été licencié de son poste de secrétaire d'Etat à la Coopération, à la demande de monsieur Bongo, et ce matin, L. Fabius y revient en se disant choqué.
L. Fabius (RTL), ce matin : Il expliquait que, au fond, sur un simple coup de fil adressé à lui - que monsieur Bongo, feu monsieur Bongo appelait fiston - eh bien, monsieur Bockel qui alors était ministre, avait été viré, monsieur Bourgi, en l'occurrence, s'étant mis en contact avec monsieur Sarkozy, qu'il tutoie, en lui disant : tu ne peux pas le garder, et donc il faut qu'il gicle, et c'était fait... Il y a une espèce de dérive qui montre que là, dans ce domaine particulier de la République, au fond, ce sont le copinage et les règles de droit, les intérêts de la France ; le fonctionnement démocratique n'est pas absolument pas pris en compte.
D'un mot.
D'un mot, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi, je ne connais pas ce monsieur, et d'après ce que je comprends, il n'est pas un représentant ni officiel ni officieux de la France, et que pour cela, il y a un ministre des Affaires étrangères...
Mais c'est faux, ce qu'il a dit est faux ?
Mais je n'en sais rien, moi, je n'étais...
Monsieur Bockel n'a pas été sorti de son poste à la demande d'O. Bongo...
Ah, mais je ne sais pas, moi, je n'étais pas là, mais simplement, c'est quand même bizarre de voir quelqu'un arriver et parler, à titre privé, de la diplomatie française. Je crois savoir d'ailleurs qu'A. Joyandet lui a expliqué tout de même que tout cela était assez étrange, et c'est tant mieux parce que, je veux dire, c'est l'image de la France qui est engagée, là. C'est ça qui se joue. Et si de la France, les Africains ne voient que cette image-là, il y a fort à parier qu'ils expriment une certaine réserve. L'Afrique attend du respect, l'Afrique attend de la considération, l'Afrique attend un partenariat gagnant/gagnant, et l'Afrique, c'est, j'allais dire, je devrais dire, des Afriques, parce qu'il y a quand même 53 pays, près d'un milliard d'habitants, ce sont tous ces yeux qui sont braqués sur nous. Et nous ferions mieux de regarder cette Afrique-là autrement qu'avec les éternelles lunettes de la Françafrique...
Donc soyons impeccables...
Même, quand je dis « nous », c'est même les observateurs, c'est-à-dire que l'Afrique, ça va au-delà de cette nostalgie du passé, d'une Afrique qui avance, qui bouge, qui crée, et nous ferions mieux de ne pas rater cette Afrique-là, parce que, autrement, elle regarde ailleurs, vers la Chine, les Etats-Unis et le Canada.
Merci R. Yade. Vous parlez couramment encore la diplomatie, comme vous parlez le Thierry Henry, on l'a entendu tout à l'heure. Bonne journée à vous, et bon match.
Merci. Je me diversifie...
Bon match ce soir. On voit ça...
Merci beaucoup...
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 septembre 2009