Texte intégral
M.-O. Fogiel.- Bonjour A. Joyandet.
Bonjour.
Vous êtes secrétaire d'Etat, chargé de la Coopération et de la Francophonie auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes. Vous êtes en ligne avec nous donc de Tripoli. Hier soir, M. Kadhafi a fêté 40 ans de la révolution libyenne, lors de cérémonies fastueuses, on en a parlé avec S. Coudurier à 7 heures. En tout, six jours de festivités. Au départ, les Libyens avaient annoncé la présence de N. Sarkozy, l'Elysée a aussitôt démenti. Vous êtes là-bas pour représenter la France. Alors, A. Joyandet, le colonel Kadhafi est devenu le meilleur ami de la France.
En tout cas, il est devenu fréquentable. En 2003, il a renoncé au terrorisme, la Libye va dans la bonne direction, certes, il y a encore beaucoup de choses à faire, en tout cas, vu depuis notre démocratie à nous, le curseur a été placé à proximité du secrétaire d'Etat, ce n'est pas le président, ce n'est pas le ministre, c'est le secrétaire d'Etat...
Mais quand vous voyez par exemple qu'il accueille à bras ouverts l'homme accusé de l'attentat de Lockerbie, en Ecosse, et il lui fait un triomphe ; vous, même si vous êtes secrétaire d'Etat, et vous êtes bien obligé de faire votre travail, vous ne lui serrez pas la main en tournant la tête ?
Ecoutez, nous avons regretté cette attitude, ça n'empêche que la France avait décidé d'être ici. Vous savez, hier soir, M.-O. Fogiel, il y avait une France présente partout dans ce grand spectacle, qui a été d'ailleurs emporté par les artistes français, il y avait 1.500 français, le savoir-faire français, nos artistes, nos entreprises électroniques...
Le commerce français aussi...
... le commerce français aussi, bien sûr, bien sûr, je crois qu'il ne faut pas le cacher, il y a ici énormément de choses à faire dans l'avenir, ça sera la France ou ça sera d'autres pays.
Mais A. Joyandet, on se souvient que lors de sa visite en France, on avait dit que le colonel Kadhafi allait nous signer des contrats, on parlait de montants considérables, dix milliards environ. Au final, pour le moment, rien n'est signé, vraiment rien, à part une commande de 21 Airbus, mais qui avait été négociée avant la visite. C'est bien le commerce, mais alors au moins qu'il y ait des résultats. Manifestement, pour l'instant, il n'y en a pas.
C'est surtout un travail de longue haleine, les choses sont en cours, les choses se négocient. Vous savez, on ne vend pas des avions de chasse comme des petits pains. Je pense qu'il faut un peu de temps, il y a des spécialistes qui travaillent ensemble, tout ça est en train de se faire, et il faut évidemment maintenir la pression, la présence, parce que, effectivement, je sais que tout ça fait polémique, mais si des avions de chasse doivent être vendus, autant que ce soit la France qui les vende.
Mais en toute franchise, quand vous étiez hier à cette cérémonie, est-ce que vous étiez très à l'aise. On a bien compris ce que vous nous dites, on écoute, on respecte, mais vous, en tant qu'homme, est-ce que vous étiez très à l'aise ?
Eh bien écoutez, j'ai eu des moments de grande joie, figurez-vous, ça va vous étonner... Oui... Mais devant ce spectacle énorme, grandiose, réalisé par des Français, il y avait 1.500 français, il y avait des danseurs qui étaient là, notamment il y avait 250 danseurs français, qui sont venus montrer ce qu'ils étaient capables de faire, alors c'est vrai, dans le cadre d'une manifestation qui fait polémique, j'ai bien compris tout ça évidemment, et puis j'ai aussi compris qui était Kadhafi, qui reste d'ailleurs lui-même...
C'est qui d'ailleurs Kadhafi aujourd'hui ?
Pardon ?
C'est qui d'ailleurs Kadhafi pour vous aujourd'hui ? Un terroriste ?
C'est un ancien terroriste, sûrement, puisque je crois que le fait qu'on renonce au terrorisme, c'est qu'on a pratiqué le terrorisme auparavant, mais c'est quelqu'un sur lequel on s'appuie de plus en plus. Vous savez, je suis confronté en permanence, dans ma mission, à Al Qaïda, au terrorisme, justement à l'autre terrorisme dans toute la bande du Sahel, au Mali, au Niger, en Mauritanie, en Sud Algérie, eh bien, partout, nous avons besoin de passer des accords, et notamment, avec la Libye, c'est en train de se discuter avec tous ces pays, nous aurons besoin de la Libye dans l'avenir, et si la Libye veut aller dans le bon sens, c'est-à-dire se rapprocher des pratiques gouvernementales qui deviennent acceptables, eh bien, c'est à nous de parler avec cette Libye pour ne pas la repousser, mais au contraire l'attirer vers nous.
Le Président N. Sarkozy n'y est pas, donc c'est vous qui le représentez, on se souvient qu'il y avait une autre secrétaire d'Etat qui avait fait polémique à l'époque de la venue du colonel Kadhafi à Paris, c'était R. Yade, elle avait exprimé un certain malaise. Vous êtes content qu'elle ne s'occupe plus des Droits de l'Homme, ça vous permet de faire votre travail à vous ?
Ecoutez, les Droits de l'Homme, nous nous en occupons toute la journée, la France, et je peux vous dire que dans ma mission de coopération, la France ne renonce à rien, la conditionnalité de l'aide existe partout, l'aide publique au développement est délivrée là où il y a démocratie, là où il y a la bonne gouvernance, sinon, nous fermons les robinets, nous ne maintenons que l'aide humanitaire pour que ce ne soit pas les peuples qui souffrent, éventuellement, de leurs dirigeants, en quelque sorte, mais je peux vous dire que les Droits de l'Homme, ils sont présents en permanence dans mon action.
Mais alors justement, pour terminer, selon l'organisation Human Rights Watch, des dizaines de personnes se trouvent en prison pour s'être livrées à une activité politique pacifique, et certaines ont disparu, nous dit cette organisation donc en Libye. Vous, quand vous y êtes, est-ce que vous arrivez à en parler avec quelqu'un, est-ce que vous en avez parlé avec le colonel Kadhafi. Tant qu'à faire, vous faites du commerce, on l'a bien compris, mais est-ce que vous faites avancer les Droits de l'Homme de ce point de vue-là ?
En permanence, et je ne le fais pas que chez Kadhafi...
Mais vous en avez parlé avec quelqu'un là-bas ?
Allô ?
Mais vous en avez parlé avec quelqu'un là-bas, en Libye ?
Pas spécialement hier, parce que vous comprenez que nous étions dans une cérémonie très protocolaire, avec essentiellement un spectacle qui était organisé par les Français, mais en permanence, je participe à cette lutte pour les Droits de l'Homme, je l'ai fait à plusieurs reprises, au Niger j'ai fait libérer un journaliste, en Côte d'Ivoire, encore récemment. Ici, bien sûr que nous en parlons avec nos interlocuteurs. Notre ambassadeur, j'allais dire, ne fait que cela, avec les autres ambassadeurs européens notamment. Donc voyez, la France essaie de placer le curseur : à la fois, l'équilibre entre la non renonciation à ses valeurs et en même temps l'influence, l'intérêt de la France et de ses entreprises.
Vous rentrez quand ?
Je rentre tout à l'heure, après l'inauguration d'un hôpital.
Vous êtes content de rentrer ?
Ecoutez, je suis évidemment content de rentrer en France, mais je suis aussi content d'avoir servi mon pays. Et j'ai le sentiment d'avoir eu cette démarche, en accord avec le président de la République, qui servira la France dans l'avenir.
Merci beaucoup A. Joyandet d'être en ligne, d'avoir été en ligne avec nous, ce matin, de Tripoli.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 septembre 2009
Bonjour.
Vous êtes secrétaire d'Etat, chargé de la Coopération et de la Francophonie auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes. Vous êtes en ligne avec nous donc de Tripoli. Hier soir, M. Kadhafi a fêté 40 ans de la révolution libyenne, lors de cérémonies fastueuses, on en a parlé avec S. Coudurier à 7 heures. En tout, six jours de festivités. Au départ, les Libyens avaient annoncé la présence de N. Sarkozy, l'Elysée a aussitôt démenti. Vous êtes là-bas pour représenter la France. Alors, A. Joyandet, le colonel Kadhafi est devenu le meilleur ami de la France.
En tout cas, il est devenu fréquentable. En 2003, il a renoncé au terrorisme, la Libye va dans la bonne direction, certes, il y a encore beaucoup de choses à faire, en tout cas, vu depuis notre démocratie à nous, le curseur a été placé à proximité du secrétaire d'Etat, ce n'est pas le président, ce n'est pas le ministre, c'est le secrétaire d'Etat...
Mais quand vous voyez par exemple qu'il accueille à bras ouverts l'homme accusé de l'attentat de Lockerbie, en Ecosse, et il lui fait un triomphe ; vous, même si vous êtes secrétaire d'Etat, et vous êtes bien obligé de faire votre travail, vous ne lui serrez pas la main en tournant la tête ?
Ecoutez, nous avons regretté cette attitude, ça n'empêche que la France avait décidé d'être ici. Vous savez, hier soir, M.-O. Fogiel, il y avait une France présente partout dans ce grand spectacle, qui a été d'ailleurs emporté par les artistes français, il y avait 1.500 français, le savoir-faire français, nos artistes, nos entreprises électroniques...
Le commerce français aussi...
... le commerce français aussi, bien sûr, bien sûr, je crois qu'il ne faut pas le cacher, il y a ici énormément de choses à faire dans l'avenir, ça sera la France ou ça sera d'autres pays.
Mais A. Joyandet, on se souvient que lors de sa visite en France, on avait dit que le colonel Kadhafi allait nous signer des contrats, on parlait de montants considérables, dix milliards environ. Au final, pour le moment, rien n'est signé, vraiment rien, à part une commande de 21 Airbus, mais qui avait été négociée avant la visite. C'est bien le commerce, mais alors au moins qu'il y ait des résultats. Manifestement, pour l'instant, il n'y en a pas.
C'est surtout un travail de longue haleine, les choses sont en cours, les choses se négocient. Vous savez, on ne vend pas des avions de chasse comme des petits pains. Je pense qu'il faut un peu de temps, il y a des spécialistes qui travaillent ensemble, tout ça est en train de se faire, et il faut évidemment maintenir la pression, la présence, parce que, effectivement, je sais que tout ça fait polémique, mais si des avions de chasse doivent être vendus, autant que ce soit la France qui les vende.
Mais en toute franchise, quand vous étiez hier à cette cérémonie, est-ce que vous étiez très à l'aise. On a bien compris ce que vous nous dites, on écoute, on respecte, mais vous, en tant qu'homme, est-ce que vous étiez très à l'aise ?
Eh bien écoutez, j'ai eu des moments de grande joie, figurez-vous, ça va vous étonner... Oui... Mais devant ce spectacle énorme, grandiose, réalisé par des Français, il y avait 1.500 français, il y avait des danseurs qui étaient là, notamment il y avait 250 danseurs français, qui sont venus montrer ce qu'ils étaient capables de faire, alors c'est vrai, dans le cadre d'une manifestation qui fait polémique, j'ai bien compris tout ça évidemment, et puis j'ai aussi compris qui était Kadhafi, qui reste d'ailleurs lui-même...
C'est qui d'ailleurs Kadhafi aujourd'hui ?
Pardon ?
C'est qui d'ailleurs Kadhafi pour vous aujourd'hui ? Un terroriste ?
C'est un ancien terroriste, sûrement, puisque je crois que le fait qu'on renonce au terrorisme, c'est qu'on a pratiqué le terrorisme auparavant, mais c'est quelqu'un sur lequel on s'appuie de plus en plus. Vous savez, je suis confronté en permanence, dans ma mission, à Al Qaïda, au terrorisme, justement à l'autre terrorisme dans toute la bande du Sahel, au Mali, au Niger, en Mauritanie, en Sud Algérie, eh bien, partout, nous avons besoin de passer des accords, et notamment, avec la Libye, c'est en train de se discuter avec tous ces pays, nous aurons besoin de la Libye dans l'avenir, et si la Libye veut aller dans le bon sens, c'est-à-dire se rapprocher des pratiques gouvernementales qui deviennent acceptables, eh bien, c'est à nous de parler avec cette Libye pour ne pas la repousser, mais au contraire l'attirer vers nous.
Le Président N. Sarkozy n'y est pas, donc c'est vous qui le représentez, on se souvient qu'il y avait une autre secrétaire d'Etat qui avait fait polémique à l'époque de la venue du colonel Kadhafi à Paris, c'était R. Yade, elle avait exprimé un certain malaise. Vous êtes content qu'elle ne s'occupe plus des Droits de l'Homme, ça vous permet de faire votre travail à vous ?
Ecoutez, les Droits de l'Homme, nous nous en occupons toute la journée, la France, et je peux vous dire que dans ma mission de coopération, la France ne renonce à rien, la conditionnalité de l'aide existe partout, l'aide publique au développement est délivrée là où il y a démocratie, là où il y a la bonne gouvernance, sinon, nous fermons les robinets, nous ne maintenons que l'aide humanitaire pour que ce ne soit pas les peuples qui souffrent, éventuellement, de leurs dirigeants, en quelque sorte, mais je peux vous dire que les Droits de l'Homme, ils sont présents en permanence dans mon action.
Mais alors justement, pour terminer, selon l'organisation Human Rights Watch, des dizaines de personnes se trouvent en prison pour s'être livrées à une activité politique pacifique, et certaines ont disparu, nous dit cette organisation donc en Libye. Vous, quand vous y êtes, est-ce que vous arrivez à en parler avec quelqu'un, est-ce que vous en avez parlé avec le colonel Kadhafi. Tant qu'à faire, vous faites du commerce, on l'a bien compris, mais est-ce que vous faites avancer les Droits de l'Homme de ce point de vue-là ?
En permanence, et je ne le fais pas que chez Kadhafi...
Mais vous en avez parlé avec quelqu'un là-bas ?
Allô ?
Mais vous en avez parlé avec quelqu'un là-bas, en Libye ?
Pas spécialement hier, parce que vous comprenez que nous étions dans une cérémonie très protocolaire, avec essentiellement un spectacle qui était organisé par les Français, mais en permanence, je participe à cette lutte pour les Droits de l'Homme, je l'ai fait à plusieurs reprises, au Niger j'ai fait libérer un journaliste, en Côte d'Ivoire, encore récemment. Ici, bien sûr que nous en parlons avec nos interlocuteurs. Notre ambassadeur, j'allais dire, ne fait que cela, avec les autres ambassadeurs européens notamment. Donc voyez, la France essaie de placer le curseur : à la fois, l'équilibre entre la non renonciation à ses valeurs et en même temps l'influence, l'intérêt de la France et de ses entreprises.
Vous rentrez quand ?
Je rentre tout à l'heure, après l'inauguration d'un hôpital.
Vous êtes content de rentrer ?
Ecoutez, je suis évidemment content de rentrer en France, mais je suis aussi content d'avoir servi mon pays. Et j'ai le sentiment d'avoir eu cette démarche, en accord avec le président de la République, qui servira la France dans l'avenir.
Merci beaucoup A. Joyandet d'être en ligne, d'avoir été en ligne avec nous, ce matin, de Tripoli.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 3 septembre 2009