Texte intégral
M.-O. Fogiel.- Bonjour, J.-M. Bockel.
Bonjour.
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Justice et des Libertés. Beaucoup de questions ce matin, autour des prisons, notamment suite à l'évasion rocambolesque avant-hier de J.-P. Treiber, soupçonné du meurtre de G. Giraud et de K. Lherbier. Double évasion le même jour, pas dans la même prison, mais dans le même département. Tout d'abord, quelles sont les dernières informations, les enquêteurs ont des pistes ? Vous savez ?
Non, rien de plus que ce que vous avez pu entendre, vous aussi. En réalité, la garde des Sceaux a réagi immédiatement avec un audit des prisons. Parce qu'on veut vérifier, s'il y a eu, dans ce dossier, simplement des complicités, une évasion bien préparée, ou s'il y a eu à un moment ou à un autre, des dysfonctionnements, au niveau notamment de l'alerte, puisque entre l'évasion et le moment où on l'a su, il s'est passé quand même plus d'heures que normal. Et donc du coup...
Donc il y a peut-être des erreurs de la part du personnel pénitentiaire ? Vous n'excluez pas des erreurs en tout cas ce matin ?
Pas forcément des erreurs. Vous savez le personnel pénitentiaire, j'ai plutôt tendance à lui rendre hommage, parce que sa tâche est difficile. Non, mais il peut y avoir au niveau des dispositifs, au niveau des ateliers notamment, là où les gens travaillent, il peut y voir des dispositifs à revoir, ça, ça ne dépend pas du personnel, mais de nous, de l'administration et c'est ce travail qu'on est en train de faire, naturellement...
Mais les syndicats dénoncent le manque de moyens, le manque d'effectifs. Vous dites quoi ? Que les syndicats se cachent derrière des arguments ?
Non, non, je ne dis pas cela. Je dis que nous avons 1.800 personnes, cette année - vous voyez d'ailleurs dans les médias, les pubs pour ce métier, qui est un métier important, pas facile, mais motivant...
de surveillant de prison.
...de surveillant de prison - 1.800 qui rentrent en formation cette année. A peu près autant l'année prochaine. Donc je veux dire, on ne peut pas aller plus vite en terme de rythme d'embauches, ce qui veut dire que nous reconnaissons qu'il y a des embauches nécessaires, par rapport notamment...
Il y a du boulot ?
Il y a du boulot, mais on ne peut pas dire que, dans cette prison par exemple, il y ait des problèmes particuliers ou de vétusté de surpopulation ou d'évasion, ce qui peut arriver, dans certaines prisons. Donc là, on...
Donc pour l'instant, pas d'erreur, vous ne dénoncez pas des erreurs pour l'instant ?
Non, il ne faut pas dénoncer des erreurs, sans avoir vérifié les procédures. Et puis ensuite, ce qui est important, évidemment, c'est de tout faire pour que ce genre de situation ne se reproduise pas. Et puis là, on était sur quelqu'un qui était en préventive, l'autre personne qui s'est évadée, était donc dans une prison où sont des gens pour de longues peines, mais ça mérite aussi d'être regardé de très près.
Alors ces évasions interviennent au moment où on parle de la loi pénitentiaire. Les sénateurs socialistes s'inquiètent d'un revirement concernant la remise en cause de l'encellulement individuel, un détenu par une cellule, et la limitation des possibilités d'aménagement de peine. On le sait, M. Alliot-Marie a proposé que le placement automatique sous bracelet électronique ne soit possible qu'à certaines conditions. On a entendu aussi que la commission des lois a modifié le texte voté par le Sénat, en excluant les récidivistes de ce régime. Est-ce que finalement, cette réforme est en train de faire "pschitt", finalement, puisque l'aménagement de peine était présentée comme la mesure phare pour éviter le trop plein de prison ?
Non, la réforme sera une grande réforme. Sur les deux points que vous avez évoqués, un mot : sur l'encellulement individuel, il ne faudrait pas que ça tourne à la querelle idéologique. En réalité, qu'en est-il ? Aujourd'hui, vous savez que notre référence, c'est un certain nombre de règles européennes, dont nous nous rapprochons. Aujourd'hui, partout en Europe, on reconnaît que tous les détenus ne veulent pas - ou dans certains cas particuliers de fragilité psychologique etc., prévention du suicide - ne peuvent pas être seuls. Aujourd'hui, notre plan de modernisation des prisons nous permet de passer de 35 000 cellules individuelles aujourd'hui, à 45 000 d'ici peu d'années. Et donc nous nous approcherons d'un moment où ce choix, on sait qu'à peu près un quart, un tiers des personnes en prison, souhaitent ne pas être seules. Et donc le choix, d'abord permettra d'être seul quand on veut être seul, et de l'être vraiment. Parce que souvent, si on l'affirme et qu'on sait qu'on ne peut pas le faire, ça n'a pas de sens. Donc sur ce point, je crois que les points de vue ne sont pas très éloignés. Sur le deuxième point, bien sûr que les alternatives à la détention, notamment le bracelet se sont énormément développées, continueront à se développer. Il y a toujours eu des conditions, il n'y a pas d'automaticité. Là, simplement, il y a le souci tout de même, que pour des peines importantes, que pour des personnes où il y a un risque de récidive fort, il n'y ait pas d'interdiction mais des précautions plus grandes.
J.-M. Bockel, ce débat intervient à un moment où on apprend que quand vous avez été secrétaire d'Etat à la Coopération, il a fallu d'un coup de fil d'O. Bongo, pour que vous soyez débarqué, parce que vous étiez gênant. Votre réaction, on ne vous a jamais entendu là-dessus ?
Il fallait que vous en parliez !
Eh bien, évidemment, oui, c'est l'actualité, donc on ne va pas le cacher.
On ne m'a jamais entendu là-dessus... Si, j'ai eu l'occasion de m'exprimer, juste après, mais je n'ai pas passé ma vie, ensuite à ressasser cet évènement. Je dirais que notamment, par rapport à ce qui a pu se dire, depuis quelques jours, mon silence est en quelque sorte, une réponse.
C'est-à-dire ? Vous confirmez qu'un coup de fil a été passé et que vous avez sauté après ce coup de fil ?
Sur la forme et sur le fond, maintenant, sur cet éviction pour reprendre votre expression, ce que je peux dire, c'est qu'au moment où ça s'est passé, qu'est-ce qui m'a motivé à rester ? Parce que au fond, on peut ne pas accepter une telle décision. C'est d'abord la conscience qu'on était là, en l'occurrence, dans la raison d'Etat. Alors la raison d'Etat - à un moment donné, un jour, peut-être dans mes mémoires, je raconterai le détail de tout cela, tel que je l'ai vécu - la raison d'Etat, on peut ne pas l'accepter, à ce moment-là on part. On peut l'accepter et ne pas la supporter. Moi, je l'ai accepté et j'ai considéré que 9 mois après mon entrée au Gouvernement, dans le cadre de l'ouverture, partir sur cette affaire, si désagréable soit-elle pour moi, par rapport à la démarche politique qu'est la mienne, notamment à travers le développement de ma formation politique, La Gauche moderne, c'était vraiment dommage, c'était prématuré et au jour où je vous parle, évidemment l'histoire n'est pas finie. Ai-je eu raison, ai-je tort ? Mais en tout cas, je ne regrette pas le choix que j'ai fait. Voilà, ce que je peux vous dire aujourd'hui, sur cette affaire, je ne sais pas comment on peut l'appeler...
Douloureuse ?
Ce n'est pas agréable, mais bon, voilà, pour moi, c'est assumé et je suis maintenant dans l'action et je ne me perds pas dans les commentaires, voilà !
Très bien, merci, J.-M. Bockel.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 septembre 2009
Bonjour.
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Justice et des Libertés. Beaucoup de questions ce matin, autour des prisons, notamment suite à l'évasion rocambolesque avant-hier de J.-P. Treiber, soupçonné du meurtre de G. Giraud et de K. Lherbier. Double évasion le même jour, pas dans la même prison, mais dans le même département. Tout d'abord, quelles sont les dernières informations, les enquêteurs ont des pistes ? Vous savez ?
Non, rien de plus que ce que vous avez pu entendre, vous aussi. En réalité, la garde des Sceaux a réagi immédiatement avec un audit des prisons. Parce qu'on veut vérifier, s'il y a eu, dans ce dossier, simplement des complicités, une évasion bien préparée, ou s'il y a eu à un moment ou à un autre, des dysfonctionnements, au niveau notamment de l'alerte, puisque entre l'évasion et le moment où on l'a su, il s'est passé quand même plus d'heures que normal. Et donc du coup...
Donc il y a peut-être des erreurs de la part du personnel pénitentiaire ? Vous n'excluez pas des erreurs en tout cas ce matin ?
Pas forcément des erreurs. Vous savez le personnel pénitentiaire, j'ai plutôt tendance à lui rendre hommage, parce que sa tâche est difficile. Non, mais il peut y avoir au niveau des dispositifs, au niveau des ateliers notamment, là où les gens travaillent, il peut y voir des dispositifs à revoir, ça, ça ne dépend pas du personnel, mais de nous, de l'administration et c'est ce travail qu'on est en train de faire, naturellement...
Mais les syndicats dénoncent le manque de moyens, le manque d'effectifs. Vous dites quoi ? Que les syndicats se cachent derrière des arguments ?
Non, non, je ne dis pas cela. Je dis que nous avons 1.800 personnes, cette année - vous voyez d'ailleurs dans les médias, les pubs pour ce métier, qui est un métier important, pas facile, mais motivant...
de surveillant de prison.
...de surveillant de prison - 1.800 qui rentrent en formation cette année. A peu près autant l'année prochaine. Donc je veux dire, on ne peut pas aller plus vite en terme de rythme d'embauches, ce qui veut dire que nous reconnaissons qu'il y a des embauches nécessaires, par rapport notamment...
Il y a du boulot ?
Il y a du boulot, mais on ne peut pas dire que, dans cette prison par exemple, il y ait des problèmes particuliers ou de vétusté de surpopulation ou d'évasion, ce qui peut arriver, dans certaines prisons. Donc là, on...
Donc pour l'instant, pas d'erreur, vous ne dénoncez pas des erreurs pour l'instant ?
Non, il ne faut pas dénoncer des erreurs, sans avoir vérifié les procédures. Et puis ensuite, ce qui est important, évidemment, c'est de tout faire pour que ce genre de situation ne se reproduise pas. Et puis là, on était sur quelqu'un qui était en préventive, l'autre personne qui s'est évadée, était donc dans une prison où sont des gens pour de longues peines, mais ça mérite aussi d'être regardé de très près.
Alors ces évasions interviennent au moment où on parle de la loi pénitentiaire. Les sénateurs socialistes s'inquiètent d'un revirement concernant la remise en cause de l'encellulement individuel, un détenu par une cellule, et la limitation des possibilités d'aménagement de peine. On le sait, M. Alliot-Marie a proposé que le placement automatique sous bracelet électronique ne soit possible qu'à certaines conditions. On a entendu aussi que la commission des lois a modifié le texte voté par le Sénat, en excluant les récidivistes de ce régime. Est-ce que finalement, cette réforme est en train de faire "pschitt", finalement, puisque l'aménagement de peine était présentée comme la mesure phare pour éviter le trop plein de prison ?
Non, la réforme sera une grande réforme. Sur les deux points que vous avez évoqués, un mot : sur l'encellulement individuel, il ne faudrait pas que ça tourne à la querelle idéologique. En réalité, qu'en est-il ? Aujourd'hui, vous savez que notre référence, c'est un certain nombre de règles européennes, dont nous nous rapprochons. Aujourd'hui, partout en Europe, on reconnaît que tous les détenus ne veulent pas - ou dans certains cas particuliers de fragilité psychologique etc., prévention du suicide - ne peuvent pas être seuls. Aujourd'hui, notre plan de modernisation des prisons nous permet de passer de 35 000 cellules individuelles aujourd'hui, à 45 000 d'ici peu d'années. Et donc nous nous approcherons d'un moment où ce choix, on sait qu'à peu près un quart, un tiers des personnes en prison, souhaitent ne pas être seules. Et donc le choix, d'abord permettra d'être seul quand on veut être seul, et de l'être vraiment. Parce que souvent, si on l'affirme et qu'on sait qu'on ne peut pas le faire, ça n'a pas de sens. Donc sur ce point, je crois que les points de vue ne sont pas très éloignés. Sur le deuxième point, bien sûr que les alternatives à la détention, notamment le bracelet se sont énormément développées, continueront à se développer. Il y a toujours eu des conditions, il n'y a pas d'automaticité. Là, simplement, il y a le souci tout de même, que pour des peines importantes, que pour des personnes où il y a un risque de récidive fort, il n'y ait pas d'interdiction mais des précautions plus grandes.
J.-M. Bockel, ce débat intervient à un moment où on apprend que quand vous avez été secrétaire d'Etat à la Coopération, il a fallu d'un coup de fil d'O. Bongo, pour que vous soyez débarqué, parce que vous étiez gênant. Votre réaction, on ne vous a jamais entendu là-dessus ?
Il fallait que vous en parliez !
Eh bien, évidemment, oui, c'est l'actualité, donc on ne va pas le cacher.
On ne m'a jamais entendu là-dessus... Si, j'ai eu l'occasion de m'exprimer, juste après, mais je n'ai pas passé ma vie, ensuite à ressasser cet évènement. Je dirais que notamment, par rapport à ce qui a pu se dire, depuis quelques jours, mon silence est en quelque sorte, une réponse.
C'est-à-dire ? Vous confirmez qu'un coup de fil a été passé et que vous avez sauté après ce coup de fil ?
Sur la forme et sur le fond, maintenant, sur cet éviction pour reprendre votre expression, ce que je peux dire, c'est qu'au moment où ça s'est passé, qu'est-ce qui m'a motivé à rester ? Parce que au fond, on peut ne pas accepter une telle décision. C'est d'abord la conscience qu'on était là, en l'occurrence, dans la raison d'Etat. Alors la raison d'Etat - à un moment donné, un jour, peut-être dans mes mémoires, je raconterai le détail de tout cela, tel que je l'ai vécu - la raison d'Etat, on peut ne pas l'accepter, à ce moment-là on part. On peut l'accepter et ne pas la supporter. Moi, je l'ai accepté et j'ai considéré que 9 mois après mon entrée au Gouvernement, dans le cadre de l'ouverture, partir sur cette affaire, si désagréable soit-elle pour moi, par rapport à la démarche politique qu'est la mienne, notamment à travers le développement de ma formation politique, La Gauche moderne, c'était vraiment dommage, c'était prématuré et au jour où je vous parle, évidemment l'histoire n'est pas finie. Ai-je eu raison, ai-je tort ? Mais en tout cas, je ne regrette pas le choix que j'ai fait. Voilà, ce que je peux vous dire aujourd'hui, sur cette affaire, je ne sais pas comment on peut l'appeler...
Douloureuse ?
Ce n'est pas agréable, mais bon, voilà, pour moi, c'est assumé et je suis maintenant dans l'action et je ne me perds pas dans les commentaires, voilà !
Très bien, merci, J.-M. Bockel.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 septembre 2009