Texte intégral
G. Durand.- Je suis ravi de vous accueillir. E. Ruggieri vous attend avec impatience car vous êtes une grande fan d'opéra, donc nous tenterons de chanter tous les trois. La première question avant évidemment qu'on parle de cette grippe, c'est important, du forfait hospitalier, de l'ensemble de la politique, c'est une question sportive, car après tout c'est aussi votre domaine. Est-ce que vous faites partie de ces nombreux Français qui ont envie d'embrasser T. Henry et de pendre Domenech ?
Je suis surtout terriblement déçue, parce que, franchement - et ce n'est pas une figure de style - les Français ont très bien joué hier, ils ont fait un très beau match, comme ils l'avaient fait d'ailleurs contre la Roumanie. Ils ont arraché ce match nul dans une situation très difficile, en Serbie, donc à l'extérieur. Ils montrent des qualités indéniables. Je n'ai pas du tout envie de "jeter" Domenech, je ne fais pas partie de ceux qui le vouent aux gémonies.
Vous n'en ferez pas le bouc émissaire ?
Non, absolument non.
Vous n'allez ni demander à la Ligue, ni à Escalette de "le sortir" si jamais ils ne sont pas qualifiés ?
Ni à la Fédération, non.
Ni à la Fédération, jamais ?
Effectivement.
Vous le gardez ?
Ce n'est pas à moi de le garder...
Je sais, mais enfin vous pouvez faire une amicale pression...
Ce n'est pas la ministre des Sports qui garde le sélectionneur, et véritablement je me restreins à mon rôle, qui est celui de première supportrice de l'Equipe de France.
Vous avez remarqué qu'il avait fait une petite ode à sa femme, encore une fois, à la fin du match : "ceux qui me soutiennent, notamment ma compagne"... C'est une maladie chez lui quand même ?
D'abord, c'est sympathique. Je trouve qu'un homme qui fait référence à sa femme ne peut pas être complètement mauvais, premier point. Deuxième point, souvent dans les moments difficiles, on appelle sa mère ou sa femme. Eh bien, il a évidemment sacrifié à ce grand classique.
Donc, vous croyez encore à la qualification par les barrages pour la Coupe de monde ?
Absolument, je serai toujours leur première supportrice à nos Bleus.
Parlons un peu justement de cette épidémie de grippe, c'est vrai que tout le monde est mobilisé, maintenant, les gens ont compris qu'il se passait quelque chose, mais reste à définir la situation précise. Ce matin, Roselyne, nous en sommes où ?
Nous avons les chiffres de l'Institut de veille sanitaire qui nous indiquent bien que nous sommes passés dans une phase pandémique. Tous ces chiffres ont besoin évidemment d'être confirmés parce qu'une analyse sur une semaine n'est pas évidemment suffisante, mais nous surveillons cela avec beaucoup, beaucoup de précision. L'INVS, l'Institut de veille sanitaire, estime que le nombre des malades qui ont été vus la semaine dernière pour des tas de grippes, qui ont été vus en médecine de ville, est aux environs de 6.000, et que le nombre de syndromes respiratoires, liés au virus pandémique est environ de 25.000. Donc, le chiffre qui a été signalé tout à l'heure est évidemment un chiffre cumulé et non pas un chiffre sur la semaine dernière. Donc, nous sommes rentrés effectivement dans une phase qui indique bien que le virus circule activement sur le territoire, et que cette circulation s'intensifie.
Mais est-on bien sur la prospective justement qui a été envisagée par l'OMS il y a maintenant plusieurs semaines ? Parce qu'à un moment, l'OMS a dit : ça finira par être 30 % de la population qui sera touchée. Est-on sur cette ligne-là, est-ce que ce sera moins... ?
Justement, il est encore trop tôt pour le dire à partir de chiffres qui sont finalement sur des évaluations sur cette intensification, c'est vraiment la première grande semaine d'intensification. Donc il est trop difficile pour l'instant d'extrapoler la courbe. Mais effectivement, le scénario de l'OMS reçoit un début de confirmation.
Le pic pourrait être quand, puisque vous réfléchissez, vous êtes mobilisée heure par heure avec vos équipes, vous avez prévu le pic de cette pandémie pour quand ?
Là aussi, on ne peut pas raisonner avec un seul pic. Il peut très bien y avoir des vagues successives, et ce n'est pas...
C'est dans 15 jours, dans un mois ?
...et ce n'est pas parce que nous enregistrerons un premier pic pandémique, dont les spécialistes estiment [que] le premier pourrait avoir lieu à la fin du mois de septembre, ce qui correspondrait finalement à la rentrée des classes et au retour des salariés dans les entreprises, nous pourrions avoir un premier sommet pandémique à la fin du mois de septembre qui n'exclurait pas évidemment une avancée par vagues.
Vous êtes une lectrice avisée de la presse, il y a deux points de vue : il y a des gens qui considèrent qu'on en fait trop, que ce n'est qu'une "grippette". A ceux-là, vous répondez quoi ? Pas vraiment de morts dans l'Europe Occidentale ?
D'abord, je veux leur dire que ma stratégie de ministre de la Santé est appuyée sur le consensus scientifique le plus large. Bien sûr, cela donne lieu à débat. Ce que nous savons, et ça, nous avons quand même un certain nombre de certitudes, c'est que c'est un virus qui est certes peu virulent, même si finalement...
Il y a très peu de morts ?
...ce virus a une virulence très proche de la grippe saisonnière ou même légèrement supérieure, mais que c'est un virus qui diffuse extrêmement vite. M. Chan, la directrice générale de l'OMS, dit qu'il galope à une vitesse inédite. Donc, qu'effectivement, avec cette vitesse de diffusion, nous avons à prendre un certain nombre de dispositions.
Mais s'il n'est pas dangereux ?
Alors, il n'est pas dangereux...
C'est ça l'argument de ceux qui parlent de la "grippette"...
...il n'est pas dangereux globalement, mais nous notons donc un taux de mortalité qui est comparable à celui de la grippe saisonnière, qui en touchant 2 millions de personnes chaque année dans notre pays cause quand même entre 2.500 à 6.000 morts, donc vous voyez évidemment ce qui peut arriver. Nous avons avec cette contamination, avec cette diffusion, nous constatons d'ores et déjà qu'un certain nombre de personnes fragiles sont particulièrement exposées à ce virus. Et ce qui est aussi une caractéristique de ce virus, c'est que les populations touchées ne sont pas les mêmes que celles de la grippe saisonnière, et qu'en particulier des populations plus jeunes sont touchées par le virus. Donc, il nous faut avoir des dispositifs qui s'appliquent d'abord sur des mesures de prévention, les gestes barrière, la constitution de stocks d'antiviraux et de masques, et bien sûr, la campagne de vaccination.
Justement, sur les stocks, parce que là j'ai beaucoup de petites questions précises, est-ce que tout est prêt, et avez-vous suffisamment de masques pour les particuliers, pour les entreprises, petites ou moyennes, et est-ce que les stocks d'antiviraux au cas où la pandémie se développerait, sont, ce matin justement, suffisants ?
Oui, nous nous sommes préparés depuis d'ailleurs fort longtemps dans le cadre d'une éventuelle pandémie grippale, et nous avons constitué des stocks et nous les avons renouvelés. Nous avons 33 millions de traitements d'antiviraux, donc il n'y a pas...
Qui sont stockés où ?
Je ne vous le dirai pas. Pour des raisons de sécurité, nous ne donnons pas les lieux de stockage, mais...
C'est stocké en France ?
Mais stocké, bien entendu, dans notre pays, et sous la responsabilité d'un établissement public à statut pharmaceutique, qui s'appelle EPREUS - Etablissement Public de la Réserve et de l'Urgence Sanitaire.
Protégé par qui : l'armée la gendarmerie ? Silence ?
Protégé !
Protégé, ils existent.
Et nous avons dans ce cadre-là, reçu d'ores et déjà les premières doses de vaccin qui commencent à arriver.
Vous avez lu probablement hier dans Libération ou avant-hier dans Libération, justement, une sorte de pétition de gens qui disent...
Un appel, oui.
...un appel, avec à la fois des médecins, les Prix Nobel, et puis des responsables d'ONG qui disent : finalement l'Etat n'a pas vraiment dialogué sur cette affaire, et surtout, ils disent que les dispositifs concernant la grippe, sont peut-être des dispositifs qui vont mettre en danger la démocratie. Vous leur répondriez quoi ?
D'abord, je réponds que je vis cet appel positivement, puisque c'est un appel à la solidarité. C'est d'abord ça l'appel qui est fait par des chercheurs et des représentants d'ONG. Et ils disent bien que la réponse à une pandémie, qui peut être très vaste et toucher peut-être 1 Français sur 3, ce n'est pas seulement une réponse sanitaire, ça va être une réponse de responsabilité. Regardez pour la vaccination, la vaccination sera destinée à se protéger soi, mais aussi à protéger les autres. Donc, j'attends beaucoup de cet appel à la solidarité. Je veux dire, évidemment...
Mais il n'y aura pas de restriction des libertés en cas de pandémie grave ?
Alors, je vais... ensuite, je veux dire que nous avons cela- je réponds point par point - dans le dialogue le plus total. Je l'ai redit, je n'ai pas un gourou, un spin doctor derrière mon dos, qui me dicte ma conduite. Nous le faisons sur la consultation, non seulement des scientifiques mais des médecins libéraux, des associations. Je suis allée devant le Parlement déjà plusieurs fois, j'y vais à nouveau dans quelques jours pour m'expliquer de façon publique sur la stratégie de la France. Alors, évidemment, les luttes contre les grandes pandémies, pas au stade où nous en sommes, peuvent poser des questions de libertés publiques, mais il n'en est pas...
Ils parlent de "huis clos", de modification des décisions judiciaires.
Il n'en est pas question. Et ce n'est pas parce que nous préparons un plan de continuité dans les administrations qu'il y a atteinte aux libertés publiques, bien sûr.
Dans Le Figaro de ce matin, vous l'avez probablement lu : "Grippe A, la vaccination divise les Français". Finalement, ils sont pour la protection, mais en même temps, ils n'ont pas tellement envie de se faire vacciner, ou plutôt, ils pensent que ce n'est pas forcément efficace.
D'abord, je veux dire aux Français que la vaccination ne sera pas obligatoire ; deuxièmement, qu'elle ne se fera qu'avec des vaccins qui auront suivi le processus de validation d'efficacité pharmacologique et d'innocuité, et ils auront une AMM, une autorisation de mise sur le marché. Ils ne sont pas des cobayes, bien entendu. L'industrie des vaccins et la recherche pharmaceutique sur les vaccins est une industrie hautement élaborée, à haute capacité de recherche, et chaque année nous avons un virus... des virus qui évoluent et des vaccins qui évoluent. Finalement, c'est une technologie pharmaceutique, c'est une technologie scientifique bien connue. Donc, il faut qu'ils soient rassurés, absolument. Le Gouvernement est évidemment très attentif à cela. Donc, cette vaccination c'est une vaccination aussi altruiste.
Cela va nous coûter combien l'ensemble du dispositif ? Soyez franche.
Ce que nous mettons en oeuvre, le coût estimé est un peu plus de 1,5 milliard.
Est-ce en marge du budget de la santé ?
Oui. Ce budget est un budget Assurance maladie. Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? Il y a bien sûr les vaccins, les masques, les traitements antiviraux, un certain nombre d'achats de matériels hautement spécialisés, puisque l'effet, le syndrome grave est caractérisé par des syndromes de détresse respiratoire aigu, donc des respirateurs de très haut niveau technologique, de l'oxygénation extra corporelle - j'ai obtenu que ces matériels hautement sophistiqués soient achetés - et puis, bien sûr, la rémunération des professionnels de santé, les campagnes d'information et toute la technique administrative.
La caractéristique de cette émission sur Radio Classique, c'est qu'on vous fait entendre aussi ce qui a été dit dans les autres radios par les autres responsables politiques. Mais avant, on fait une petite transition. Vous êtes candidate aux régionales. Imaginons que vous gagnez, est-ce que vous abandonnerez le Gouvernement ? Il paraît que N. Sarkozy en a parlé hier en Conseil des ministres en recommandant fortement aux membres du Gouvernement qui étaient candidats, vous, Darcos ou d'autres, d'abandonner vos fonctions. Est-ce vrai d'abord qu'il l'a dit et est-ce que vous le ferez ?
De toute façon, oui, c'est une décision qui a été prise par le président de la République et par le Premier ministre. Il n'y aura pas de cumul de mandats... enfin de fonctions, parce que ce n'est pas un mandat...
Parce que vous, vous avez dit dans le passé : "moi, je suis parfaitement capable de mener les deux fronts".
Oui bien sûr. Ce n'est pas une question, j'allais dire d'impossibilité technique, d'ailleurs les ministres qui ont cumulé leur fonction avec de très hautes fonctions de gestion territoriale sont nombreux. Ils existent même au Gouvernement. Mais je crois qu'un autre temps est venu et, bien entendu, cette décision du président de la République est tout à fait justifiée.
Un revenant : Europe 1, 8h27 - c'est l'affaire du livre concernant la gauche dans le Nord - L. Jospin avec J.-P. Elkabbach :
L. Jospin (Europe 1, ce matin) : La fraude est étrangère à ma culture. Le PS va faire un effort de rénovation. Qu'il règle ces problèmes pour qu'il n'y ait pas de contestation sur les votes. En attendant, ce que je propose aux socialistes, c'est qu'ils tournent les pages de ce libre, qu'ils le reposent sur la table. Je pense que ça n'est pas en grattant des plaies qui ont déjà été examinées à l'issue de leur congrès qu'ils vont avancer.
Voilà, on les écoute tous, et puis, vous allez choisir la réponse qui vous intéresse. C. Duflot pour les Verts parle de la politique écologique - aujourd'hui, c'est la grande journée de la taxe carbone. C'était sur France Info, à 8h22.
C. Duflot (France Info, ce matin) : À partir du moment où l'idée même c'est de trouver des recettes fiscales supplémentaires, et ne pas aller dans le sens d'une vraie politique écologique d'économies d'énergies, alors on a perdu le sens même de la fiscalité écologique. Auquel cas, c'est une taxe, effectivement, et là pour le coup, on peut vraiment l'appeler taxe, parce que ça n'est plus que ça.
Sélectionné aussi sur RTL, [ce passage de] H. Morin, le président du Nouveau Centre qui, lui, parle d'un sujet qui vous concerne directement, qui est el forfait hospitalier.
H. Morin (RTL, ce matin) : Ecoutez, la décision n'est pas encore prise, les parlementaires du Nouveau Centre ont simplement expliqué qu'un forfait hospitalier de 20 euros multipliés par 30 jours - si vous êtes hospitalisé 30 jours - cela fait 600 euros, cela fait plus que la moitié d'un Smic. Et donc, nous allons y réfléchir.
J.-M. Aphatie (de RTL) : Donc, vous êtes opposé à l'augmentation du forfait hospitalier ?
H. Morin : Donc, les parlementaires du Nouveau Centre feront des propositions.
Commençons par la dernière partie : c'est le forfait hospitalier. On en est où maintenant ?
Alors, qu'est-ce qu'il faut dire ? Il faut quand même resituer cela dans un ensemble, c'est-à-dire un déficit de l'assurance maladie qui sera environ à 10 milliards pour l'année 2009. Ce que vous voulons, en préparant la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010, c'est assurer un bon taux de progression des dépenses d'assurance, parce que évidemment les besoins progressent dans les hôpitaux, dans la médecine de ville, avec le vieillissement de la population, les nouvelles technologies. Si nous voulons, j'allais dire maintenir dans des proportions acceptables ce déficit de la Sécurité sociale, il faudra faire des économies. Les différents acteurs de l'assurance maladie, la CNAM, la MSA - la Mutualité Sociale Agricole - ou le régime des indépendants...
Mais c'est le chiffre que tout le monde attend.
... nous ont fait un certain nombre de propositions. Nous sommes effectivement en train de les examiner.
Et le chiffre probable ?
Le chiffre n'est absolument pas tranché, comme l'a dit d'ailleurs mon collègue H. Morin. Nous sommes en train de consulter l'ensemble des partenaires...
On parle de 25 %.
Nous sommes en train de consulter les partenaires...
On parle de 25 %, Mme Bachelot.
...Je reçois F. Chérèque en particulier cet après-midi. Je consulte l'ensemble des partenaires, professionnels, syndicaux et, bien entendu, les arbitrages seront rendus pour le 30 septembre puisque la commission des comptes de la Sécurité sociale, où je vous présenterai cela de manière arbitrée, sera à la suite.
Dernier point. C'est la journée de la taxe carbone. Ève Ruggieri nous a rejoint, nous allons parler...
Je ne sais pas pourquoi vous faites le lien entre la taxe carbone et Ève Ruggieri ! Mais enfin, bon.
C'est un lien géographique.
Ah très bien !
Ève Ruggieri : C'est-à-dire ?
Géographique, parce que autour de la table.
Moi je dois dire qu'en tant que ministre de la Santé, je soutiens la fiscalité écologique car je connais l'impact de la pollution sur la santé.
Vous avez peut-être entendu sur Radio Classique, tout à l'heure, le directeur adjoint de la rédaction des Echos, qui dit qu'à 15 euros la tonne, ça ne sert pas à grand-chose, les Suédois sont à 100, ce n'est qu'une taxe de plus et finalement on ferait mieux de jouer sur la TIPP ou pousser les voitures électriques.
Je dois dire qu'on est rentré dans une véritable révolution conceptuelle et qu'une première marche extrêmement importante est franchie. Et quand on voit, j'allais dire le débat qui existe dans l'espace public, bravo à N. Sarkozy pour son courage.
Donc, 15 c'est bien ?
Quand on voit le débat dans notre peuple...
Vous avez un problème avec les chiffres ce matin.
Quand on voit le débat dans notre peuple là-dessus, je le répète, c'est un sacré pas qui est franchi.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 septembre 2009