Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment les objectifs 2010 en matière de soins et de tarifs médicaux, Paris le 1er octobre 2009.

Prononcé le 1er octobre 2009

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Circonstance : Audition devant la Commission des comptes de la sécurité sociale le 1er octobre 2009

Texte intégral


Malgré la grippe, malgré la crise, malgré l'ampleur de nos déficits publics et sociaux, nous devons poursuivre la politique de santé et d'assurance maladie initiée depuis 2007.
Regardons les chiffres : la dégradation du déficit de l'assurance maladie en 2009 s'explique pour les deux tiers par la dégradation des recettes, alors que les dépenses sont de mieux en mieux maîtrisées.
La progression de ces dépenses, qui était supérieure à 5% par an de 2000 à 2007 (avec même des taux supérieurs à 6% ou 7% en 2002 et en 2003) a ralenti pour s'établir aujourd'hui à un niveau davantage soutenable : 4% en 2007, 3,5% en 2008, 3,4% en 2009, taux proche de l'ONDAM voté, comme l'a souligné Eric Woerth.
Nous pouvons être fiers de relever le défi de tenir les dépenses sans dégrader la qualité des soins - et ce d'autant plus que nos besoins de santé s'accroissent chaque année davantage, sous l'effet conjugué du vieillissement de la population et des progrès de la médecine.
Nous devons donc continuer la politique menée avec Eric Woerth depuis 2007, qui consiste à contenir l'augmentation des dépenses d'assurance maladie tout en préservant les principes fondamentaux de notre système : un taux de remboursement d'autant plus élevé que les pathologies sont graves, lourdes et coûteuses et les thérapeutiques chères, prouvées et efficaces.
Cela dit, nous ne pouvons ignorer trois éléments nouveaux dans la construction de ce nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Tout d'abord, même si nous assumons la part conjoncturelle du déficit, qui joue un rôle d'amortisseur social, la crise nous invite à davantage d'ambition dans la détermination de l'ONDAM, dont le taux d'évolution globale sera donc fixé à 3%, au lieu de 3,3% l'an dernier.
Ce taux représente un effort important dans le contexte de crise et doit être mis au regard de la récession de 2,25% en 2009 et de la prévision de croissance de 0,75% pour 2010. L'objectif est de parvenir à un rythme compatible avec la croissance à long terme de l'économie, soit environ 3% par an.
Pour y parvenir, ainsi que les caisses nationales d'assurance maladie l'ont proposé au Gouvernement début juillet, tous les acteurs de notre système de soins devront poursuivre les efforts engagés depuis trois ans.
Il s'agit de continuer à adapter notre système d'assurance maladie en l'ajustant au plus près des progrès médicaux, des marges d'efficience et des évolutions sociales.
Le deuxième élément nouveau, c'est la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », qui nous appelle à veiller à une bonne articulation entre les différents secteurs de l'offre de soins et à assurer une évolution équilibrée des dépenses entre la ville et l'hôpital, qui sera donc de 2,8%.
Je compte sur les agences régionales de santé pour coordonner ces deux secteurs entre eux et avec le secteur médico-social. Je compte également sur les acteurs de l'hôpital pour mettre en oeuvre la nouvelle gouvernance des établissements de santé.
Enfin, nous devons tenir compte de la pandémie grippale A (H1N1) et limiter son impact sur notre stratégie de maîtrise des dépenses.
Nous avons fait le choix d'une politique de prévention grâce à une large campagne de vaccination qui permettra d'éviter de nombreux malades.
Cette campagne a un coût. Le Gouvernement a assuré l'achat de 94 millions de vaccins (pour un montant de 870 millions d'euros, et de 1,1 milliard d'euros si on inclut les autres achats nécessaires à la campagne de vaccination, sans tenir compte du coût des réquisitions des personnels de santé pour la vaccination).
A cet égard, je salue le geste des complémentaires santé, qui se sont engagées à participer au financement de ces vaccins.
En tout état de cause, en raison de leur caractère exceptionnel, de même que la contribution des complémentaires santé sera exceptionnelle, les dépenses liées à la grippe ne seront pas comptabilisées dans l'appréciation du respect de l'ONDAM par le Comité d'alerte.
ð Ainsi, la dégradation des comptes liée à la fois à la récession et à la grippe ne nous fera pas dévier de nos objectifs. Nous avons eu deux ans et demi pour initier les réformes et créer les outils. Nous devons désormais agir sur la durée et donner vie aux réformes.
Permettez-moi donc de vous présenter maintenant plus en détails nos objectifs pour 2010.
1. Sur les soins de ville, il est possible de dégager des économies pour ramener le rythme de progression de 3,7% en 2009 à 2,8% en 2010.
a) La création, dans les dernières lois de financement de la sécurité sociale, de nouveaux instruments de maîtrise médicalisée, devrait permettre d'atteindre l'objectif de 595 millions d'euros d'économies en 2010, soit un niveau plus ambitieux que celui fixé pour 2009.
Je pense notamment :
- aux référentiels médico-économiques de la Haute Autorité de santé, par exemple sur la prescription des inhibiteurs de l'enzyme de conversion plutôt que des sartans dans le traitement de l'hypertension artérielle,
- aux nouveaux cas d'application de la mise sous entente préalable, qui fera l'objet d'une procédure rénovée en 2010,
- et, de manière plus générale, à la montée en puissance des contrats d'amélioration des pratiques individuelles, qui sont maintenant plus de 10 000.
Un effort sera tout particulièrement demandé sur les indemnités journalières, qui représentent près de 8 milliards d'euros et une croissance de 7% en 2009. Diverses mesures, comme la diffusion de référentiels élaborés par la CNAMTS à partir de normes médicales internationales et soumis à la Haute Autorité de santé, la procédure simplifiée de mise sous entente préalable et la généralisation de la contre-visite de l'employeur, devraient ralentir ces dépenses.
La maîtrise médicalisée des dépenses passe aussi par une meilleure maîtrise des dépenses liées aux affections de longue durée (ALD). Sur ce sujet, notre approche est exclusivement médicale, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé, et notamment de son avis de décembre 2007.
Nous envisageons, dans le cadre du plan Cancer II, de permettre aux personnes guéries du cancer de rester moins longtemps dans le statut d'affection de longue durée, tout en continuant à bénéficier d'une prise en charge à 100% pour les examens de suivi. L'objectif est de favoriser la réinsertion sociale de ces personnes, notamment l'accès à l'emprunt.
Nous avons aussi décidé de renforcer les actions de prévention primaire sur l'hypertension artérielle et sur les facteurs de risques cardiovasculaires et de généraliser les expériences d'éducation et d'accompagnement thérapeutique, qu'il s'agisse du programme Sophia de la CNAMTS ou de celui de la Mutualité sociale agricole.
C'est là une première étape pour mettre en oeuvre les recommandations de la HAS, que je compte poursuivre en lien étroit avec tous les acteurs concernés, notamment les associations de patients.
b) Le deuxième axe sur les soins de ville, c'est, comme l'an dernier, l'ajustement des tarifs et des prix.
Les prix payés par l'Assurance maladie pour certains services ou certains biens de santé n'intègrent pas toujours l'évolution des gains de productivité résultant du progrès technique.
Certains secteurs à très haute valeur ajoutée, tout particulièrement, la radiologie et la biologie, présentent des marges importantes par rapport aux tarifs de la sécurité sociale, qui seront donc réduits d'un montant global de 240 millions d'euros.
En ce qui concerne les produits de santé, comme chaque année, des diminutions de prix seront opérées. D'un montant global de l'ordre de 460 millions d'euros, qui s'ajouteront aux 200 millions d'euros d'économies liées à la générication du Plavix, elles porteront aussi bien sur les génériques que sur les médicaments traditionnels, ainsi que sur les dispositifs médicaux.
Afin de sécuriser ces économies, qui devraient nous conduire à un taux d'évolution des dépenses de remboursement de médicaments de l'ordre de 2,2%, le taux k sera fixé à 1%. Le ralentissement de la croissance économique et l'absence d'arrivée sur le marché de nouveaux médicaments innovants avec un chiffre d'affaire élevé, justifient de retenir pour 2010 un niveau inférieur de 0,4 point à celui qui avait été déterminé dans une précédente loi de financement de la sécurité sociale pour les années 2008 à 2011.
Deux autres économies prévues dans les précédentes LFSS entreront en vigueur en 2010 : l'expérimentation de la réintégration des médicaments dans les forfaits soins des EHPAD, ainsi que l'intégration de la liste en sus dans la clause de sauvegarde.
Enfin, nous prévoyons une réduction de 35% à 15% du taux de remboursement des médicaments à service médical rendu faible dans toutes leurs indications, ainsi que des médicaments restés à 35% alors que leur service médical a été jugé insuffisant - je précise que les personnes actuellement exonérées du ticket modérateur, par exemple lorsqu'elles sont en affection de longue durée, ne seraient évidemment pas concernées par cette mesure.
Cette mesure devrait permettre de réaliser 145 millions d'euros d'économies.
Le Gouvernement a en effet souhaité reprendre, mais en la modifiant dans ses modalités, la proposition de la Mutualité sociale agricole de diminuer le taux de remboursement de certains médicaments à 35%.
Il faut bien voir que le taux de remboursement des médicaments ne dépend que d'un seul critère, qui est un critère exclusivement médical : c'est l'efficacité du médicament qui détermine le taux de remboursement.
Avec cette mesure, nous aurons donc désormais quatre taux de remboursement : 100% pour les médicaments irremplaçables et très coûteux (anticancéreux, antirétroviraux), 65% lorsque le service médical rendu est jugé important, 35% lors qu'il est jugé modéré et donc 15% lorsqu'il est faible.
Je précise que les analgésiques tels que l'aspirine ou le paracétamol sont et resteront à 65%.
Enfin, il faut bien avoir à l'esprit que toute diminution du taux de remboursement est compensée par l'entrée au remboursement de médicaments présentant un intérêt thérapeutique très élevé, pour un montant global annuel d'environ 1 milliard d'euros. Je pense par exemple à Varnoline, pilule de troisième génération remboursée à 65%,ou à Revlimid, médicament très onéreux, qui permet de guérir d'une maladie grave, le myélome multiple.
2. Comme je l'ai indiqué, le taux de progression de l'ONDAM sera également de 2,8% pour les établissements de santé.
a) Ce taux permettra de continuer à assurer le développement d'une offre hospitalière de soins adaptée aux besoins de la population.
Il permettra de financer les plans de santé publique, ce qui est essentiel sur des enjeux aussi importants que la lutte contre le cancer et contre la maladie d'Alzheimer, les soins palliatifs ou les soins aux détenus, entre autres.
Ce taux permettra aussi de financer la deuxième tranche du plan Hôpital 2012, dont l'objectif est de soutenir les projets d'investissement répondant à des critères d'efficience afin de favoriser les recompositions de l'offre et le développement des systèmes d'information. Ce plan participe aussi à la relance de l'économie par son effet de levier sur de nombreux secteurs d'activité.
Ce taux permettra, enfin, de financer la première étape d'un processus de revalorisation salariale des professionnels paramédicaux, qui se prolongera dans les années à venir. Les quotas des internes en médecine continueront d'augmenter pour former les professionnels médicaux de demain.
b) Mais ce taux exigera aussi de poursuivre les efforts d'amélioration de la performance des établissements de santé.
Si nous avons décidé, afin de prendre le temps des études préalables nécessaires, de repousser de 2012 à 2018 la date d'achèvement de la convergence intersectorielle entre les tarifs du secteur public et ceux du secteur privé, nous prévoyons aussi d'expérimenter une nouvelle approche de convergence, ciblée sur certains séjours s'y prêtant plus particulièrement, notamment en chirurgie ambulatoire.
Afin d'améliorer en profondeur et durablement la performance du secteur hospitalier, cinquante établissements mettront en oeuvre des projets de transformation hospitalière, qui, coordonnés par la nouvelle Agence nationale pour la performance hospitalière, porteront sur leurs modalités d'organisation et de fonctionnement. Des retours d'expérience seront systématiquement organisés pour permettre une diffusion des résultats au-delà des établissements pilotes.
Afin de ralentir la progression, particulièrement forte, des dépenses de transports sanitaires, nous mettrons en place un nouveau mécanisme de régulation, qui incitera les établissements de santé à réfléchir à une meilleure organisation de la prescription de transports sanitaires. Ce type de mécanisme, qui prend la forme d'une contractualisation entre l'établissement, l'agence régionale de santé et l'assurance maladie, adopté l'an dernier pour la liste en sus, a en effet démontré son efficacité.
Enfin, dans un souci d'ajustement des tarifs, le forfait journalier hospitalier, créé en 1983 pour participer aux frais d'hébergement à l'hôpital, et qui n'a pas augmenté depuis 2007, passera de 16 euros à 18 euros dans les services de médecine, chirurgie et obstétrique et de soins de suite et de réadaptation, et de 12 euros à 13,5 euros dans les services de psychiatrie.
Il faut ici préciser que les plus modestes (CMUC, AME), ainsi que les femmes enceintes et les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, sont exonérés de ce forfait journalier hospitalier qui, pour les autres patients, peut être pris en charge par les complémentaires santé. Cette mesure, qui représente une économie d'un peu moins de 160 millions d'euros, ne modifiera donc guère le niveau du reste à charge des ménages à l'hôpital, qui est de 3%.
Pour conclure, vous le voyez, je ne vous ai annoncé ni de grands plans, ni de grands soirs, simplement la continuité, contre vents et marées, de notre politique, notre marathon comme je l'ai déjà dit lors de précédentes Commissions des comptes.
L'année 2009 aura été une année de quasi-respect de l'ONDAM, avec le meilleur résultat de maîtrise des dépenses depuis 1999.
Je m'engage à tout mettre en oeuvre pour que, l'an prochain, nous puissions également constater le respect de l'ONDAM que nous vous proposons aujourd'hui.
Pour cela, il faut que le Comité de suivi de l'ONDAM continue à exercer son examen attentif, rigoureux et vigilant sur la progression des dépenses. Je compte sur les équipes de la Direction de la sécurité sociale pour animer ce travail important.
Les instruments de maîtrise des dépenses dont nous disposons depuis les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que la réorganisation de notre système de soins grâce à la mise en oeuvre de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », devraient nous permettre de relever ce défi à la fois ambitieux et raisonnable.
Ce n'est qu'en avançant ainsi, régulièrement, que nous parviendrons à contenir à la source les dépenses et à réduire les déficits, sans remettre en cause les fondamentaux de notre système de santé et d'assurance maladie.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-sports.gouv.fr, le 2 octobre 2009