Texte intégral
Monsieur le Président de l'Assemblée parlementaire, Cher Luis Maria de Puig,
Monsieur le Secrétaire général, Cher Thorbjorn Jagland,
Monsieur le Président Mignon,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Permettez-moi, tout d'abord, de saluer le nouveau secrétaire général. M. Jagland, élu par votre Assemblée il y a à peine trois jours. Monsieur le Secrétaire général, soyez assuré du soutien résolu de la France dans vos nouvelles fonctions. Je suis sûr que vous serez à même d'affermir le Conseil de l'Europe et de relever les nombreux défis qui ne manqueront pas de se présenter.
En ce jour, vous me permettrez d'avoir une pensée pour un grand Européen, mon compatriote Edouard Herriot, qui présida la séance inaugurale de cette Assemblée, il y a tout juste 60 ans, le 10 août 1949.
C'est pour moi, un honneur et un plaisir que de pouvoir m'exprimer aujourd'hui devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. D'abord, en tant qu'ancien parlementaire national et ancien membre d'une assemblée parlementaire internationale, l'Assemblée parlementaire de l'OTAN - que j'ai présidée de 2004 à 2006 - je mesure l'importance de la tâche qui est la vôtre. Ensuite, parce qu'à l'Assemblée nationale française, je me suis impliqué personnellement sur des sujets qui nous sont communs : la promotion de l'Etat de droit et la défense des droits de l'Homme, la lutte contre les violences et les discriminations (je m'honore, en particulier, d'avoir fait voter deux lois créant des circonstances aggravantes en cas d'agression à caractère raciste et homophobe), mais également la liberté des médias : mon ami François Loncle, membre éminent de cette Assemblée (que je salue), et moi-même sommes co-auteurs d'un rapport d'information sur la protection des journalistes en temps de guerre, qui a conduit à l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies en décembre 2007.
Mais, si je suis venu ici aujourd'hui, c'est d'abord pour témoigner de l'attachement de la France au Conseil de l'Europe. C'est, en effet, pour mon pays une responsabilité particulière et un honneur que d'accueillir sur son sol cette institution et de l'accueillir à Strasbourg, ville - ô combien ! - emblématique des guerres qui ont déchiré notre continent, Strasbourg qui symbolise aujourd'hui la réconciliation franco-allemande et l'unification en marche du continent, puisqu'elle accueille à la fois depuis 1949 le Conseil de l'Europe, puis trois ans plus tard, le Parlement européen. Le Conseil joue, à l'échelle de la Grande Europe, un rôle essentiel, indispensable, pour la promotion et la défense des droits de l'Homme, de la démocratie et de la primauté du droit sur le continent européen.
Plutôt que de tenir des propos convenus sur le Conseil de l'Europe, ce 60ème anniversaire doit être l'occasion pour nous d'effectuer un bilan et d'en tirer les enseignements. Il nous faut souligner les réussites incontestables de notre organisation, mais aussi rester lucides sur ses faiblesses.
A cet égard, je tiens à saluer tout particulièrement le remarquable travail prospectif dont Jean-Claude Mignon vient de nous dresser les lignes directrices et qui dégage les pistes pour les ambitions du Conseil de l'Europe au 21ème siècle.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Comme vous, mon pays est fier de l'oeuvre accomplie par le Conseil de l'Europe.
En 60 ans, le visage de notre continent a profondément changé. Ce changement, le Conseil de l'Europe a su l'accompagner et même l'encourager. D'abord en unissant des pays ravagés par la guerre autour d'idéaux communs. Ensuite, en faisant preuve, après la chute du mur de Berlin, dont nous célébrerons d'ici quelques semaines le 20ème anniversaire, d'un véritable sens de l'Histoire, en accueillant en son sein des pays en pleine transition démocratique.
Au cours des 60 dernières années, il a su développer une expertise incontestable en matière d'élaboration normative de droits fondamentaux et, avec la Cour européenne des droits de l'Homme, un mécanisme essentiel pour la construction de la paix par le droit. Grâce à la Commission de Venise, il a joué un rôle crucial pour l'adoption de constitutions conformes aux standards du corpus européen, et désormais pour la gestion et la prévention des conflits. Et enfin, grâce à votre Assemblée, le Conseil de l'Europe a pu devenir un véritable forum de dialogue et un laboratoire d'idées au service de la promotion de nos valeurs communes.
Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation des échanges, à l'heure aussi où l'Union européenne achève sa mue institutionnelle - et nous serons tous particulièrement attentifs au cours des prochaines 24 heures à la décision du peuple irlandais - le Conseil de l'Europe, de son côté, a décidé, lors de son troisième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenu à Varsovie en mai 2005, de se recentrer sur son coeur d'activité. C'est, en effet, en restant fidèle aux valeurs et aux idéaux dont cette Assemblée est l'inspiratrice, et en exerçant ses activités là où il a une incontestable valeur ajoutée, que le Conseil de l'Europe sera mieux reconnu et valorisé. C'est la raison pour laquelle il nous faut identifier et éviter d'éventuelles redondances avec l'Union européenne, nous focaliser sur les domaines où l'action du Conseil de l'Europe s'avère la plus pertinente et la plus efficace, et commencer à jeter les bases d'une synergie entre ces deux grandes institutions que sont l'Union européenne et le Conseil de l'Europe.
Mais ayons la franchise de le reconnaître : qui peut dire que nous n'avons pas eu, du côté de l'Union, la tentation, ces dernières années, de nous focaliser sur l'approfondissement de notre marché intérieur, de nos institutions à 27, souvent au détriment d'une vision d'ensemble, plus globale, à l'échelle de 47 Etats et de 800 millions d'habitants, et de ce fait, d'avoir passé au deuxième plan l'oeuvre pourtant considérable du Conseil de l'Europe ?
Je vous le dis de la façon la plus claire : le Conseil de l'Europe, ses parlementaires, n'ont à avoir aucun complexe d'infériorité par rapport aux institutions de l'Union européenne. L'Union européenne aujourd'hui - et plus encore, je l'espère, si nous avons le Traité de Lisbonne - n'a plus grand-chose à voir avec la Communauté créée en 1957. Elle sera, avec Lisbonne, une personne morale et la question se posera alors de la ratification de la Convention européenne des droits de l'Homme. Et, pourquoi pas, je souhaiterais soumettre cette idée devant vous, de l'adhésion de l'Union européenne en tant que membre à part entière du Conseil de l'Europe. Cela aurait à mes yeux l'immense avantage de permettre à ces deux grandes institutions de travailler véritablement ensemble au service des droits de l'Homme sur l'ensemble du continent, et au-delà.
De même, on ne peut que souscrire à la proposition du rapport de Jean-Claude Mignon d'un rapprochement du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Celle-ci, dans son approche multidimensionnelle de la sécurité, accorde une place éminente à la fameuse "troisième corbeille" d'Helsinki : la promotion des droits de l'Homme, de l'Etat de droit, des élections libres, pluralistes et honnêtes, et aujourd'hui de l'égalité des genres.
Il y a là encore, j'en suis convaincu, un certain nombre de synergies qui peuvent être davantage exploitées, en tirant profit, notamment, de la forte présence des missions de terrain de l'OSCE dans un certain nombre de pays qui ont rejoint récemment le Conseil de l'Europe.
De la même manière, sur toute une série de sujets qui ont trait à la bonne gouvernance, à la lutte contre la corruption, à la réforme du système judiciaire, un travail très important pourrait et devrait être entrepris en liaison étroite avec les Nations unies, et en particulier le Programme des Nations unies pour le Développement.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Comment ne pas reconnaître que votre Assemblée incarne ce lieu unique où peuvent être débattues les grandes questions qui concernent l'ensemble du continent, de la sécurité énergétique aux flux migratoires, et bien entendu tous les aspects liés à la situation des droits de l'Homme et aux libertés publiques dans tel ou tel Etat membre ou pays candidat ?
Sur ce dernier point, je pense en particulier au travail remarquable et sans équivalent fait par votre Assemblée sur la question des "disparitions" d'opposants en Biélorussie, un sujet sur lequel la France s'est beaucoup impliquée, notamment dans le cadre des Nations unies, car ces "disparitions forcées" - terrible euphémisme ! - si elles sont aujourd'hui un phénomène relativement peu répandu en Europe, se retrouvent - hélas !, sur un certain nombre d'autres continents.
Je salue également les réflexions que vous avez menées sur la lutte contre les violences faites aux femmes, thème sur lequel la France est particulièrement active et mobilisée : loin de relever de la sphère privée, ces violences, qui se produisent dans beaucoup de sociétés, y compris en France, doivent être combattues avec la force du droit et réprimées pénalement. Je ne saurais qu'encourager solennellement ceux des Etats membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas encore adopté une législation à cet effet, à le faire très rapidement.
Je voudrais saisir cette occasion, puisque je suis ici devant vous, pour rendre hommage au rôle joué par la Convention européenne des droits de l'Homme, avec son champ d'application inégalé, son mécanisme de contrôle tout à fait original - qui institue un ordre juridique commun aux Etats membres, au travers du droit de saisine individuel reconnu à tous les justiciables des Etats membres - ainsi qu'au travail normatif accompli dans le sillage de la Convention.
Je me suis rendu voici trois semaines à la Cour européenne des droits de l'Homme. Et je voudrais saluer ici, non pas seulement le professionnalisme juridique des sages de cette institution, mais également la vision philosophique du président Jean-Paul Costa de la construction de la paix par le droit.
Tous les Etats membres, je voudrais insister sur ce point, ont le devoir d'assurer la pérennité et le bon fonctionnement de la Cour. Car l'allongement actuel des procédures, qui peuvent fréquemment s'étendre sur une période de 3 à 5 ans, n'est pas acceptable et finira, un jour ou l'autre, par vider de son sens aux yeux de nos concitoyens ce mécanisme de contrôle juridictionnel qui est notre bien commun. A cet égard, on ne peut que regretter que le Protocole 14 ne soit toujours pas entré en vigueur. La France réitère avec force son voeu que la Fédération de Russie puisse honorer l'engagement qu'elle a pris lors du Sommet de Varsovie en 2005 de ratifier le Protocole 14 - et se réjouirait de sa mise en oeuvre prochaine.
Il est urgent et impérieux de permettre à la Cour de poursuivre son action malgré le nombre croissant de requêtes portées devant elle. Comme je l'ai dit au président Jean-Paul Costa voici quelques jours, l'adoption du protocole 14-bis lors de la ministérielle de Madrid en mai dernier est encourageante, mais pas suffisante. La Conférence d'Interlaken en février prochain doit permettre de trouver des solutions innovantes et courageuses pour assurer la pérennité de la Cour. La France entend bien y prendre toute sa part.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Depuis 60 ans, votre Assemblée parlementaire joue un rôle majeur. Instance d'unité de notre continent sur l'essentiel, dont le dynamisme, la vigilance et la force de proposition restent intactes, vous ne cessez de défendre un principe essentiel : l'égale dignité de chacune des Nations européennes. Je sais l'engagement personnel qui est le vôtre, que vous manifestez au fil de vos missions, de vos rapports, de vos résolutions.
Nous récusons ensemble les clivages, la constitution d'une Europe contre une autre, qui serait totalement inacceptable en matière de droits de l'Homme. Il est essentiel que la démocratie et les droits fondamentaux des citoyens soient respectés partout. Dans l'Europe des 47, il ne doit pas y avoir de liberté à deux vitesses, de zones de haute et de basse pression démocratique.
A certains qui parfois ont pu perdre de vue les objectifs du Conseil de l'Europe, je tiens à réaffirmer solennellement notre détermination à assurer l'unité du continent européen, dans le respect d'un socle de valeurs auxquelles nous devons rester fidèles.
Dans ce combat essentiel, vous avez en la France, et ici même à Strasbourg, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, une alliée indéfectible.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2009
Monsieur le Secrétaire général, Cher Thorbjorn Jagland,
Monsieur le Président Mignon,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Permettez-moi, tout d'abord, de saluer le nouveau secrétaire général. M. Jagland, élu par votre Assemblée il y a à peine trois jours. Monsieur le Secrétaire général, soyez assuré du soutien résolu de la France dans vos nouvelles fonctions. Je suis sûr que vous serez à même d'affermir le Conseil de l'Europe et de relever les nombreux défis qui ne manqueront pas de se présenter.
En ce jour, vous me permettrez d'avoir une pensée pour un grand Européen, mon compatriote Edouard Herriot, qui présida la séance inaugurale de cette Assemblée, il y a tout juste 60 ans, le 10 août 1949.
C'est pour moi, un honneur et un plaisir que de pouvoir m'exprimer aujourd'hui devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. D'abord, en tant qu'ancien parlementaire national et ancien membre d'une assemblée parlementaire internationale, l'Assemblée parlementaire de l'OTAN - que j'ai présidée de 2004 à 2006 - je mesure l'importance de la tâche qui est la vôtre. Ensuite, parce qu'à l'Assemblée nationale française, je me suis impliqué personnellement sur des sujets qui nous sont communs : la promotion de l'Etat de droit et la défense des droits de l'Homme, la lutte contre les violences et les discriminations (je m'honore, en particulier, d'avoir fait voter deux lois créant des circonstances aggravantes en cas d'agression à caractère raciste et homophobe), mais également la liberté des médias : mon ami François Loncle, membre éminent de cette Assemblée (que je salue), et moi-même sommes co-auteurs d'un rapport d'information sur la protection des journalistes en temps de guerre, qui a conduit à l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies en décembre 2007.
Mais, si je suis venu ici aujourd'hui, c'est d'abord pour témoigner de l'attachement de la France au Conseil de l'Europe. C'est, en effet, pour mon pays une responsabilité particulière et un honneur que d'accueillir sur son sol cette institution et de l'accueillir à Strasbourg, ville - ô combien ! - emblématique des guerres qui ont déchiré notre continent, Strasbourg qui symbolise aujourd'hui la réconciliation franco-allemande et l'unification en marche du continent, puisqu'elle accueille à la fois depuis 1949 le Conseil de l'Europe, puis trois ans plus tard, le Parlement européen. Le Conseil joue, à l'échelle de la Grande Europe, un rôle essentiel, indispensable, pour la promotion et la défense des droits de l'Homme, de la démocratie et de la primauté du droit sur le continent européen.
Plutôt que de tenir des propos convenus sur le Conseil de l'Europe, ce 60ème anniversaire doit être l'occasion pour nous d'effectuer un bilan et d'en tirer les enseignements. Il nous faut souligner les réussites incontestables de notre organisation, mais aussi rester lucides sur ses faiblesses.
A cet égard, je tiens à saluer tout particulièrement le remarquable travail prospectif dont Jean-Claude Mignon vient de nous dresser les lignes directrices et qui dégage les pistes pour les ambitions du Conseil de l'Europe au 21ème siècle.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Comme vous, mon pays est fier de l'oeuvre accomplie par le Conseil de l'Europe.
En 60 ans, le visage de notre continent a profondément changé. Ce changement, le Conseil de l'Europe a su l'accompagner et même l'encourager. D'abord en unissant des pays ravagés par la guerre autour d'idéaux communs. Ensuite, en faisant preuve, après la chute du mur de Berlin, dont nous célébrerons d'ici quelques semaines le 20ème anniversaire, d'un véritable sens de l'Histoire, en accueillant en son sein des pays en pleine transition démocratique.
Au cours des 60 dernières années, il a su développer une expertise incontestable en matière d'élaboration normative de droits fondamentaux et, avec la Cour européenne des droits de l'Homme, un mécanisme essentiel pour la construction de la paix par le droit. Grâce à la Commission de Venise, il a joué un rôle crucial pour l'adoption de constitutions conformes aux standards du corpus européen, et désormais pour la gestion et la prévention des conflits. Et enfin, grâce à votre Assemblée, le Conseil de l'Europe a pu devenir un véritable forum de dialogue et un laboratoire d'idées au service de la promotion de nos valeurs communes.
Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation des échanges, à l'heure aussi où l'Union européenne achève sa mue institutionnelle - et nous serons tous particulièrement attentifs au cours des prochaines 24 heures à la décision du peuple irlandais - le Conseil de l'Europe, de son côté, a décidé, lors de son troisième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenu à Varsovie en mai 2005, de se recentrer sur son coeur d'activité. C'est, en effet, en restant fidèle aux valeurs et aux idéaux dont cette Assemblée est l'inspiratrice, et en exerçant ses activités là où il a une incontestable valeur ajoutée, que le Conseil de l'Europe sera mieux reconnu et valorisé. C'est la raison pour laquelle il nous faut identifier et éviter d'éventuelles redondances avec l'Union européenne, nous focaliser sur les domaines où l'action du Conseil de l'Europe s'avère la plus pertinente et la plus efficace, et commencer à jeter les bases d'une synergie entre ces deux grandes institutions que sont l'Union européenne et le Conseil de l'Europe.
Mais ayons la franchise de le reconnaître : qui peut dire que nous n'avons pas eu, du côté de l'Union, la tentation, ces dernières années, de nous focaliser sur l'approfondissement de notre marché intérieur, de nos institutions à 27, souvent au détriment d'une vision d'ensemble, plus globale, à l'échelle de 47 Etats et de 800 millions d'habitants, et de ce fait, d'avoir passé au deuxième plan l'oeuvre pourtant considérable du Conseil de l'Europe ?
Je vous le dis de la façon la plus claire : le Conseil de l'Europe, ses parlementaires, n'ont à avoir aucun complexe d'infériorité par rapport aux institutions de l'Union européenne. L'Union européenne aujourd'hui - et plus encore, je l'espère, si nous avons le Traité de Lisbonne - n'a plus grand-chose à voir avec la Communauté créée en 1957. Elle sera, avec Lisbonne, une personne morale et la question se posera alors de la ratification de la Convention européenne des droits de l'Homme. Et, pourquoi pas, je souhaiterais soumettre cette idée devant vous, de l'adhésion de l'Union européenne en tant que membre à part entière du Conseil de l'Europe. Cela aurait à mes yeux l'immense avantage de permettre à ces deux grandes institutions de travailler véritablement ensemble au service des droits de l'Homme sur l'ensemble du continent, et au-delà.
De même, on ne peut que souscrire à la proposition du rapport de Jean-Claude Mignon d'un rapprochement du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Celle-ci, dans son approche multidimensionnelle de la sécurité, accorde une place éminente à la fameuse "troisième corbeille" d'Helsinki : la promotion des droits de l'Homme, de l'Etat de droit, des élections libres, pluralistes et honnêtes, et aujourd'hui de l'égalité des genres.
Il y a là encore, j'en suis convaincu, un certain nombre de synergies qui peuvent être davantage exploitées, en tirant profit, notamment, de la forte présence des missions de terrain de l'OSCE dans un certain nombre de pays qui ont rejoint récemment le Conseil de l'Europe.
De la même manière, sur toute une série de sujets qui ont trait à la bonne gouvernance, à la lutte contre la corruption, à la réforme du système judiciaire, un travail très important pourrait et devrait être entrepris en liaison étroite avec les Nations unies, et en particulier le Programme des Nations unies pour le Développement.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Comment ne pas reconnaître que votre Assemblée incarne ce lieu unique où peuvent être débattues les grandes questions qui concernent l'ensemble du continent, de la sécurité énergétique aux flux migratoires, et bien entendu tous les aspects liés à la situation des droits de l'Homme et aux libertés publiques dans tel ou tel Etat membre ou pays candidat ?
Sur ce dernier point, je pense en particulier au travail remarquable et sans équivalent fait par votre Assemblée sur la question des "disparitions" d'opposants en Biélorussie, un sujet sur lequel la France s'est beaucoup impliquée, notamment dans le cadre des Nations unies, car ces "disparitions forcées" - terrible euphémisme ! - si elles sont aujourd'hui un phénomène relativement peu répandu en Europe, se retrouvent - hélas !, sur un certain nombre d'autres continents.
Je salue également les réflexions que vous avez menées sur la lutte contre les violences faites aux femmes, thème sur lequel la France est particulièrement active et mobilisée : loin de relever de la sphère privée, ces violences, qui se produisent dans beaucoup de sociétés, y compris en France, doivent être combattues avec la force du droit et réprimées pénalement. Je ne saurais qu'encourager solennellement ceux des Etats membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas encore adopté une législation à cet effet, à le faire très rapidement.
Je voudrais saisir cette occasion, puisque je suis ici devant vous, pour rendre hommage au rôle joué par la Convention européenne des droits de l'Homme, avec son champ d'application inégalé, son mécanisme de contrôle tout à fait original - qui institue un ordre juridique commun aux Etats membres, au travers du droit de saisine individuel reconnu à tous les justiciables des Etats membres - ainsi qu'au travail normatif accompli dans le sillage de la Convention.
Je me suis rendu voici trois semaines à la Cour européenne des droits de l'Homme. Et je voudrais saluer ici, non pas seulement le professionnalisme juridique des sages de cette institution, mais également la vision philosophique du président Jean-Paul Costa de la construction de la paix par le droit.
Tous les Etats membres, je voudrais insister sur ce point, ont le devoir d'assurer la pérennité et le bon fonctionnement de la Cour. Car l'allongement actuel des procédures, qui peuvent fréquemment s'étendre sur une période de 3 à 5 ans, n'est pas acceptable et finira, un jour ou l'autre, par vider de son sens aux yeux de nos concitoyens ce mécanisme de contrôle juridictionnel qui est notre bien commun. A cet égard, on ne peut que regretter que le Protocole 14 ne soit toujours pas entré en vigueur. La France réitère avec force son voeu que la Fédération de Russie puisse honorer l'engagement qu'elle a pris lors du Sommet de Varsovie en 2005 de ratifier le Protocole 14 - et se réjouirait de sa mise en oeuvre prochaine.
Il est urgent et impérieux de permettre à la Cour de poursuivre son action malgré le nombre croissant de requêtes portées devant elle. Comme je l'ai dit au président Jean-Paul Costa voici quelques jours, l'adoption du protocole 14-bis lors de la ministérielle de Madrid en mai dernier est encourageante, mais pas suffisante. La Conférence d'Interlaken en février prochain doit permettre de trouver des solutions innovantes et courageuses pour assurer la pérennité de la Cour. La France entend bien y prendre toute sa part.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Depuis 60 ans, votre Assemblée parlementaire joue un rôle majeur. Instance d'unité de notre continent sur l'essentiel, dont le dynamisme, la vigilance et la force de proposition restent intactes, vous ne cessez de défendre un principe essentiel : l'égale dignité de chacune des Nations européennes. Je sais l'engagement personnel qui est le vôtre, que vous manifestez au fil de vos missions, de vos rapports, de vos résolutions.
Nous récusons ensemble les clivages, la constitution d'une Europe contre une autre, qui serait totalement inacceptable en matière de droits de l'Homme. Il est essentiel que la démocratie et les droits fondamentaux des citoyens soient respectés partout. Dans l'Europe des 47, il ne doit pas y avoir de liberté à deux vitesses, de zones de haute et de basse pression démocratique.
A certains qui parfois ont pu perdre de vue les objectifs du Conseil de l'Europe, je tiens à réaffirmer solennellement notre détermination à assurer l'unité du continent européen, dans le respect d'un socle de valeurs auxquelles nous devons rester fidèles.
Dans ce combat essentiel, vous avez en la France, et ici même à Strasbourg, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, une alliée indéfectible.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2009