Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, à "RTL" le 1er octobre 2009, sur la politique budgétaire et la gestion des déficits publics.

Prononcé le 1er octobre 2009

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- En deux ans, 2009 et 2010, l'Etat enregistrera un déficit de 257 milliards d'euros. Si on ajoute celui de la Sécurité sociale en deux ans, on passe la barre des 300 milliards d'euros de déficit. Est-ce que ça peut durer longtemps comme ça ?

D'abord, vous cumulez deux années. Mais le déficit de l'Etat va diminuer cette année. Il va passer de 141, qui est un chiffre évidemment important, à 116 milliards. Il va baisser...

Peut-être...

Non, pas "peut-être". Je pense que nos hypothèses sont prudentes. D'abord, on baisse sur une croissance - un début... La croissance revient en France timidement, mais elle revient. Et puis, de l'autre, évidemment un déficit de la Sécurité sociale important, parce qu'il y a moins de masse salariale.

Mais est-ce que ça peut durer longtemps comme ça ?

Ce qui compte, au fond, c'est de savoir ce qu'on fait pour sortir de la crise parce que c'est ça le problème. Il est dû à quoi le déficit ? Il n'est pas dû à un dérapage de la dépense à je ne sais quel manque de contrôle de la dépense. La dépense de l'Etat ne bouge pas, elle est gelée. L'Etat ne dépense pas plus l'année d'avant que l'année suivante ; donc elle est vraiment très, très bien gérée...

Mais les recettes ne sont plus là.

...La dépense de la Sécurité sociale, pour la première fois - je vais le dire tout à l'heure devant la commission de contrôle des comptes de la Sécurité sociale -, la dépense de la Sécurité sociale est suivie ; c'est-à-dire pour la première fois, on respecte l'objectif de dépenses qui était fixé par les parlementaires. Ca fait quinze ans qu'on ne le respectait pas. Et l'année prochaine, on essaiera de contenir la dépense de la Sécurité sociale à 3%. Ce sont les recettes parfois qui ne suivent pas.

Quand est-ce que vous allez augmenter les impôts pour faire face à ce déficit ?

On ne les augmentera pas. Les recettes, pour juste vous dire, l'année dernière...

Ce n'est pas crédible ! Les gens qui vous écoutent ne vous croient sans doute pas ?

Ils peuvent ne pas me croire, mais je dis la vérité. Donc, les recettes c'est 65 milliards d'euros de moins par rapport à une année normale. Dans une année normale, on a entre 10 et 12 milliards de plus. Cette année, on a moins 53 milliards. Le déficit de 2007, c'était 37 milliards. Donc, voyez l'effet de la crise. Donc, le problème c'est de sortir de la crise. On fait tout pour sortir de la crise. On a eu un budget vraiment de gestion de crise, cette année en 2009 ; et ça n'a pas mal marché. La France, aujourd'hui, est mieux placée qu'elle ne l'était en 2007 par rapport aux autres pays. Elle est un peu moins endettée que les autres pays, un peu moins endettée que les autres pays ; vous souriez, mais c'est vrai ! Elle est moins endettée que les autres pays.

Je souris, mais ça ne se voit pas à la radio !

Moi je le vois ! Et en même temps, en termes de déficit public, elle connaît une dérive des déficits publics inférieure à celle d'autres pays ; elle est même un peu inférieure à celle de l'Allemagne. Alors, c'est trop, c'est beaucoup trop. Il faut faire beaucoup plus que ce que nous faisons aujourd'hui en termes de maîtrise de la dépense. C'est vrai, on y est prêt ; mais en même temps, il faut surtout sortir de cette crise.

J.-P. Raffarin, dans Les Echos ce matin : "Il faut s'engager à diviser les déficits par deux, d'ici à la fin de la législature". C'est 2012 la fin de la législature. Est-ce que c'est un bon conseil, ça ?

En 2012, on sera à peu près à 6% de déficit si on arrive à avoir 2,5% de croissance à partir de 2011, c'est-à-dire à reprendre la croissance, c'est-à-dire que notre politique aura réussi, que le monde aussi sera sorti de la crise et la France elle a une croissance de 2% depuis une dizaine d'années. Ce n'est pas assez ! On vaut mieux que 2%. Et toutes les réformes de structure que l'on fait, elles ont pour objectif de doper la croissance française. Et puis, maintenir la dépense. On maintient bien la dépense.

Compte tenu de ces déficits et des objectifs que vous citez à l'horizon 2012, quel doit être, selon vous E. Woerth, le montant maximum du Grand emprunt que le Gouvernement s'apprête à lancer ?

Moi je pense que c'est un débat formidable de pouvoir parler d'investissement en France. Ca fait longtemps qu'on ne parlait pas d'investissement ; et moi, j'aimerais bien que l'emprunt d'investissement chasse l'emprunt de fonctionnement. Ce serait comme ça qu'il faut voir les choses et c'est d'ailleurs à cela que le Président nous a appelés au moment du Congrès de Versailles avant l'été. Donc il faut que cet emprunt soit à des niveaux raisonnables en terme de montant.

Quel est le montant maximum, d'après vous ?

Je ne vais pas citer de chiffre parce que chaque fois qu'on cite un chiffre, il est retenu contre vous. Donc, je ne vais pas citer de chiffre. Ce que je sais...

Dans l'état actuel des finances, emprunter 20, 30, 40, 50 milliards de plus, à un moment ça devient un peu n'importe quoi !

Oui, vous avez raison. On emprunte toujours. L'emprunt français, en fin d'année, sera en 2010 à 84% de notre Produit Intérieur Brut.

Sans compter le Grand emprunt ?

Non, sans compter le Grand Emprunt.

Alors de combien il doit être ce Grand emprunt : 50 milliards au maximum ?

Mais les Allemands, c'est le même niveau et les pays de l'Europe c'est 86 %.

On parle de la France. Vous n'êtes pas ministre de l'Allemagne !

Non, mais je ne suis pas ministre de l'Allemagne mais je vis dans un monde mondialisé...

50 milliards, c'est le maxi ?

...Si je ne compare pas la France, ça n'a aucun sens ! Je ne donnerai pas de chiffre. Mais ce que je crois c'est que la rentabilité de l'emprunt : c'est-à-dire combien l'emprunt rapporte à la France au fond, donc en investissant sur tel ou tel secteur, quelle est la rentabilité de l'emprunt ? Tout simplement, comme pour les entreprises, la rentabilité de l'emprunt devrait être supérieure au prix de l'emprunt.

Est-ce vous, E. Woerth, comme on l'a lu dans la presse ces derniers jours, qui êtes à l'origine de l'idée de la fiscalisation des indemnités journalières liées aux accidents du travail ?

C'est une idée qui tourne depuis longtemps, parce que c'est un principe d'équité.

Là, c'est vous qui l'avez mise à l'honneur.

C'est le groupe UMP qui a dans ses états-généraux de la dépense publique - et J.-F. Copé a repris cela, les parlementaires avaient voté cela - mis cette idée en avant. Et c'est une idée tout à fait équitable. Et d'ailleurs, le Sénat l'a votée deux fois. Ca ne vous a pas échappé...

Et pourquoi vous ne l'avez pas mis dans la loi de finances ?

Mais parce c'est le groupe UMP qui déposera sous forme d'amendement. Toutes les indemnités journalières sont fiscalisées. Quand vous êtes en maternité, c'est fiscalisé. Quand vous êtes malade tout simplement, c'est fiscalisé. Quand vous êtes en même temps, je ne sais pas si vous êtes chômeur par exemple, c'est un autre revenu de substitution au travail, c'est fiscalisé. Les indemnités...

Les auditeurs de RTL vous diront sans doute ce qu'ils en pensent !

Les indemnités d'accidents du travail sont mieux remboursées que d'autres indemnités, elles ne sont pas fiscalisées. C'est normal qu'elles soient fiscalisées. Pas la rente qui compense l'éventuel handicap après un accident du travail. Celle-là ne sera pas fiscalisée.

Et donc, vous pensez que le groupe UMP va voter ça ?

Oui. Les revenus de substitution au travail doivent être traités comme les revenus du travail parce que c'est la substitution du travail.

"Finalement, écrit le journal Le Parisien, ce matin, le prix du gaz ne baissera pas" !

Il faut que vous invitiez C. Lagarde parce que ça relève vraiment du ministère de l'Economie. Donc, je n'ai pas d'informations là-dessus. Et je ne vais pas jouer...

Parce qu'il cite Bercy aussi. Vous avez des informations et vous ne voulez pas les donner ?

Je n'en ai pas. Chacun a sa responsabilité, et mon genre n'est pas d'empiéter sur celle des autres.

Vous gérez les déficits. Il y a des taxes qui augmentent et malgré tout, vous avez l'air d'être - comment dirais-je ! - bien vu à l'Elysée, puisque Le Point fait une double page, trois pages même, sur vous cette semaine en vous qualifiant, E. Woerth, de "nouveau chouchou" du Président.

Il y a beaucoup de taxes qui diminuent, je tiens aussi à le dire parce que quand vous dites qu'il y a des taxes qui augmentent...

Oui, la redevance télé, le forfait hospitalier, la taxe-carbone...

Non, la redevance télé prend l'inflation, c'est tout. La taxe-carbone est une substitution d'impôt ; on va diminuer des impôts et on va mettre la taxe-carbone pour créer une fiscalité écologique. Mais vous savez qu'en même temps, quand vous changez votre chaudière, je ne sais pas si vous l'avez fait récemment...

Non !

... Ou quand vous changez votre pompe à chaleur...

Non plus !

... Vous touchez de la part des crédits d'impôt très importants - de la part de l'Etat - qui sont plus importants que la taxe-carbone. Donc, on a à la fois des crédits d'impôt qui permettent de changer de comportement et à la fois une incitation. Et puis, on supprime la taxe professionnelle, parce qu'en supprimant la taxe professionnelle, on crée de l'emploi en France.

C'est vous le nouveau chouchou, dit-on !

Non, je n'en sais rien. Franchement, ce n'est pas du tout mon sujet.

Il ne faut pas en parler. C'est ça ?

Non, non, je veux dire c'est tout à fait accessoire par rapport aux sujets qui sont les nôtres aujourd'hui.

Oui, mais enfin c'est comme ça qu'on prépare aussi... Voilà, sans doute N. Sarkozy a-t-il... quand on pense à l'après-Fillon, il y a plein de choses qui se préparent.

Oui. Ce qu'il prépare surtout c'est le budget de l'Etat et c'est le budget de la Sécurité Sociale.

E. Woerth, le nouveau chouchou, dit-on, était l'invité de RTL ce matin.

Non, non, non...

Si, si, si...

Je conteste ce type de...

V. Parizot : Disons que c'est ce qui est écrit dans un hebdomadaire !


Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er octobre 2009