Texte intégral
N. Demorand.- E. Woerth, bonjour.
Bonjour.
140 milliards de déficit pour 2010, c'est énorme et vous n'êtes pas inquiet ?
C'est énorme, ce n'est pas un sentiment d'inquiétude ou de confiance, c'est qu'on travaille évidemment et on combat la crise, et que ce budget et ce déficit sont le fruit de cette crise ; à la fois, c'est une arme pour lutter contre la crise en 2009 ; en 2010, on espère que la reprise va venir, qu'on va réfléchir à des choses, que la croissance va revenir, même modestement, et donc il faut accompagner ça. Si on accompagne ça, on retombe dans la crise, et c'est bien pire que tout. Donc, on a un budget en déficit sur l'Etat de 140, vous l'avez dit, milliards d'euros. Enfin, 140, c'est sur 2009, donc ce n'est pas le budget, c'est l'exécution de 2009. Et en 2010, on sera à 116, on aura réduit le déficit, qui sera évidemment encore beaucoup trop important, et ce déficit est dû essentiellement à la chute des recettes. Chute en 2009 spectaculaire de nos recettes, sur l'impôt sur les sociétés, même sur l'impôt sur le revenu, sur la TVA. En 2010, on espère que la croissance remonte un peu cela, et puis surtout les dépenses qui étaient liées au fond à la relance, c'est-à-dire, au plan de relance, le fameux plan de relance dont on a souvent parlé, qui était très très efficace en France, que ces dépenses il y en aura moins puisqu'on va accompagner la reprise, il y aura donc moins de dépenses de relance que au coeur de la crise en 2009.
Les impôts augmenteront quand ?
Les impôts n'augmenteront pas, l'idée c'est vraiment de ne pas augmenter les impôts, parce que... Non, les impôts ne doivent pas augmenter en France, parce que si vous augmentez les impôts dans un pays où il y a des prélèvements obligatoires, aujourd'hui de 41 %, alors ils diminuent en ce moment parce que, d'abord il y a moins de PIB, mais en même temps, on est le cinquième pays imposé au monde. Donc la solution de la France ce n'est pas toujours d'augmenter les impôts, c'est au fond de réformer notre pays, c'est d'obtenir plus d'activités, plus de croissance ; quand vous avez plus de croissance, vous avez plus de recettes. Vous n'augmentez pas les impôts pour autant, donc on pense que les recettes doivent augmenter par l'activité et pas par l'augmentation des taux des impôts. Et puis il faut transformer notre fiscalité. Quand on crée une fiscalité verte, en fait on transforme la fiscalité, on change les bases de la fiscalité, on supprime la taxe professionnelle, c'est bon pour les entreprises, donc c'est bon pour l'emploi. Et en même temps, on met une fiscalité verte pour combattre la pollution, aider nos concitoyens à changer de comportement, ce qu'on doit tous faire, dans le domaine de la consommation des énergies fossiles. Il ne faut pas qu'il y ait des augmentations d'impôts, il faut qu'il y ait des réformes de structures. Et il y a un déficit structurel de l'Etat : il y a le déficit dû à la crise, celui-là on le combat en décidant de faire en sorte que cette crise disparaisse. Et puis en même temps il y a un déficit structurel, c'est vrai, qui reste, qui est dû à notre organisation, au fond, on dépense trop. Et donc là-dessus, il faut réduire la dépense, ce qui est bien fait, on tient bien la dépense, il n'y a pas de laxisme dans la dépense. Vraiment, le déficit n'est pas dû à un dérapage de la dépense, la dépense de l'Etat est gelée, complètement gelée. Et la dépense de la Sécurité sociale, je le disais hier, la dépense de la Sécurité sociale pour la première fois depuis 15 ans, les objectifs qui sont fixés chaque fois en début d'année par les parlementaires ont été respectées ; ça a bougé, 3,4 %, inflation comprise cette année.
Donc, c'est la crise, la crise, la crise, la crise qui est...
La crise elle est énorme, donc elle a un impact. Elle a un impact sur les recettes publicitaires des médias, elle a un impact sur le chiffre d'affaires des entreprises, elle a aussi évidemment un impact aussi sur l'Etat, bien sûr.
Imaginons que les taux d'intérêt remontent brusquement, est-ce que ce ne serait pas une catastrophe absolue pour les finances publiques ?
Ce serait, s'ils remontent brutalement et beaucoup, c'est difficile puisqu'on est très emprunteur. Par principe, la dette est évidemment importante. Cette année, au fond la dette de la France ne bouge pas beaucoup, parce que...en tout cas la charge de la dette, la dette augmente évidemment, chacun le sait, mais la charge de la dette n'augmente pas beaucoup, même cette année en 2009, on avait plutôt de bonnes surprises, parce qu'il n'y avait pas beaucoup d'inflation et puis des taux d'intérêt très bas, on emprunte très, très, bas, et la France est un très bon emprunteur. Les gens ont confiance en la France.
Mais ça c'est le scénario catastrophe l'augmentation des taux d'intérêt ?
Nous pensons que les taux d'intérêt probablement, lorsque la reprise viendra, certainement bougeront. On pense aussi que peut-être que l'inflation...il y aura un peu plus d'inflation l'année prochaine, on a prévu en 2010 plus d'inflation dans le budget qu'en 2009, donc ça joue en fait sur le poids de la dette, et on pense que dans les années qui viennent, la charge d'intérêts de la dette progressera de à peu près 4 milliards d'euros par an, donc il faudra aussi qu'on y fasse face. Mais ça c'est le scénario. Juste, qu'on comprenne : le scénario que vous avez retenu est un scénario de baisse modérée des taux d'intérêt... de hausse modérée, pardon, des taux d'intérêt, pas de hausse brutale ? C'est conformément à ce que disent à peu près tous les économistes, tous les gens qui s'occupent de taux d'intérêt, donc nous on prend des hypothèses prudentes, on essaye de ne jamais construire des choses sur des hypothèses pas prudentes. Mais la dette française, dont on dit qu'elle est trop importante, je suis d'accord, moi aussi je le pense, le président de la République aussi... Donc à la fois il faut combattre la crise, à la fois il faut installer des réformes structurelles et en même temps il faut lutter contre les déficits, donc ça fait beaucoup de choses en même temps, mais on y parvient. Ce que je veux dire c'est que, la dette française, aujourd'hui, au jour d'aujourd'hui, elle est inférieure en moyenne à la dette des pays de l'OCDE, c'est 100 du PIB dans les pays de l'OCDE, c'est 84 % en fin d'année 2010 en France ; et elle est inférieure de deux points à la dette des pays de l'Union européenne, elle est inférieure à la dette allemande ! Donc, il faut bien savoir que tous les pays au monde sont terriblement endettés, et on devra faire face à ça sur le plan mondial.
C'est la faillite si les taux d'intérêt remontent ?
Non, ce n'est pas la faillite, l'Etat français est très solide.
Et loin, loin... ?
Loin ! Loin de pouvoir... enfin loin de cela. Un Etat en faillite qu'est-ce que c'est ? Il y a des Etats qui ont connu des difficultés et d'autres probablement qui en connaîtront, je ne sais pas, mais il y a en tout cas... C'est un Etat qui ne tient pas ses engagements ; la France tient ses engagements et elle les tiendra évidemment sans difficultés. Et en même temps, c'est un Etat en qui on n'a plus confiance, c'est-à-dire, il n'y a plus de prêteur au fond, toutes les portes se ferment. Et l'Etat français emprunte tous les jours bien sûr. Et les investisseurs se précipitent pour prêter à l'Etat français, parce que on a...on est un Etat solide, on est bien notés, on emprunte au même taux que les Allemands ou presque. Non, l'Etat français est au contraire... Quand on regarde la réaction des investisseurs qui prêtent finalement à l'Etat sur le marché mondial, tous ces investisseurs croient en la France, ils croient en l'avenir de la France bien plus que dans beaucoup d'autres produits. Donc la France est évidemment un Etat qui n'est pas en difficulté financière. On a à affronter nos propres déficits et au fond, on a à affronter notre propre modèle de dépense publique et on doit faire des progrès là-dessus, ensemble, en n'ayant pas des débats caricaturaux comme souvent. On doit réduire l'évolution de la dépense publique, on a réussi à le faire depuis un certain nombre d'années. Depuis deux ans, la dépense de l'Etat ne bouge pas, il faut qu'on fasse le même effort sur la Sécurité sociale, et puis il faut que sur les collectivités locales, on puisse arriver à un consensus.
L'hypothèse de croissance retenue pour ce budget est une hypothèse modeste, et c'est une première à ma connaissance, normalement les gouvernements parient toujours et font un acte politique qui permet de réviser les choses drastiquement par la suite. Quel est le sens de cette grande modestie affichée dans l'hypothèse de croissance ?
J'essaye, comme le Premier ministre ou C. Lagarde, on essaye d'être très prudent, au fond. Ce n'est pas la peine d'aller afficher des objectifs pour après les dégrader. Je préfère qu'on affiche des objectifs prudents, modestes de croissance...
Et ça fait une annonce de bonnes nouvelles après, c'est ça ? C'est ça le raisonnement politique ?
Non, non, mais attendez ! Vous n'allez pas me dire ça ! Je passe mon temps à annoncer de mauvaises nouvelles, donc dire que je me réserve les bonnes nouvelles par rapport aux impôts...
Pour une fois que vous pouvez en annoncer une bonne, ça peut se préparer peut-être quelques mois par avance ?
...et puis surtout je me bats. Et au fond quand on construit le budget sur 0,75 % de croissance, c'est un consensus...
C'est grave par rapport à la politique économique...
Mais on ne va pas changer tous les jours les prévisions, si vous changez tous les jours les prévisions, regardez les économistes : tous les trois mois, il y a une prévision différente. Donc, nous on a un travail à faire sur une année, c'est un travail lourd, complexe, sérieux. Il vaut mieux le fonder sur 0,75 et puis si c'est un peu plus, tant mieux. Mais en réalité...
Mais alors, pourquoi a-t-il fallu attendre 2009 pour que ce bons sens vienne aux dirigeants de l'Etat ?
Mais je n'en sais rien, mais en réalité...
Vous ne l'aviez pas fait l'année dernière ?
Si, si, si, j'essaye de ne pas... Je ne crée pas de faux espoirs, j'essaye de regarder les choses. D'ailleurs en plus, l'année dernière, j'ai fait en sorte qu'il y ait beaucoup de révisions budgétaires, on appelle ça des collectifs, c'est mieux d'être collectif d'ailleurs que d'être individuel. Donc on a fait ça quatre ou cinq fois parce que j'ai absolument voulu que le Parlement puisse être au courant des différentes révisions parce que la crise s'installait et qu'au fond il fallait gérer ça vraiment jour après jour.
Il n'y aucune arrière-pensée politique dans cette hypothèse de croissance, aucune ?
Non, non, non, non, non il n'y a aucune arrière-pensée politique. Quand je dis que la France l'année prochaine sera à 8,5 % de déficit, c'est ce que nous voyons. On peut toujours un peu charger la barque, changer les élasticités, faire plein de trucs. Non, je pense qu'il faut dire la vérité telle qu'on la sent à ce moment-là...
A l'instant "T".
L'instant "T", c'est que la France...
Je parle pour les régionales. Par exemple, on pourra sortir : "la politique de relance a donné ses fruits...". Je ne sais pas, je m'interroge.
Vous avez l'esprit vraiment mal tourné. On ne joue pas avec ça. Et 0,75 %... Non mais, si vous pensez tous...
Je vous pose la question.
... si vous sentez tous que la France va progresser de plus que trois quarts de point l'année prochaine, tant mieux, au fond c'est qu'on croit en ce qu'on fait. Mais aujourd'hui, il n'y a pas d'éléments pour le dire, on sait que ce sera petit, que ce sera modeste. En plus, ça pèse... En réalité, ça veut dire quoi ? Si vous passez de 0,75 à 1, vous allez faire 0,25. Cela va un peu augmenter votre impôt sur les sociétés, et encore ça dépendra du comportement des entreprises, ce n'est pas ça.
Je vous fais confiance pour annoncer que c'est une de vos victoires, à ce moment-là ?
Eh bien, écoutez, je viendrai le dire chez France Inter, ça sera un plaisir pour moi.
Un plaisir partagé. On peut peut-être déjà prendre le rendez-vous, non ?
Non, je ne sais pas, non, non, je ne...non, non. Vous savez, 8,2 %... Disons + 8,5 % de déficit l'année prochaine, c'est construit aussi sur un objectif de dépenses d'assurance-maladie à 3 % de progression, voilà, on sait que c'est très, très difficile. Il y a aussi beaucoup de choses qui sont très difficiles là-dedans.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 octobre 2009
Bonjour.
140 milliards de déficit pour 2010, c'est énorme et vous n'êtes pas inquiet ?
C'est énorme, ce n'est pas un sentiment d'inquiétude ou de confiance, c'est qu'on travaille évidemment et on combat la crise, et que ce budget et ce déficit sont le fruit de cette crise ; à la fois, c'est une arme pour lutter contre la crise en 2009 ; en 2010, on espère que la reprise va venir, qu'on va réfléchir à des choses, que la croissance va revenir, même modestement, et donc il faut accompagner ça. Si on accompagne ça, on retombe dans la crise, et c'est bien pire que tout. Donc, on a un budget en déficit sur l'Etat de 140, vous l'avez dit, milliards d'euros. Enfin, 140, c'est sur 2009, donc ce n'est pas le budget, c'est l'exécution de 2009. Et en 2010, on sera à 116, on aura réduit le déficit, qui sera évidemment encore beaucoup trop important, et ce déficit est dû essentiellement à la chute des recettes. Chute en 2009 spectaculaire de nos recettes, sur l'impôt sur les sociétés, même sur l'impôt sur le revenu, sur la TVA. En 2010, on espère que la croissance remonte un peu cela, et puis surtout les dépenses qui étaient liées au fond à la relance, c'est-à-dire, au plan de relance, le fameux plan de relance dont on a souvent parlé, qui était très très efficace en France, que ces dépenses il y en aura moins puisqu'on va accompagner la reprise, il y aura donc moins de dépenses de relance que au coeur de la crise en 2009.
Les impôts augmenteront quand ?
Les impôts n'augmenteront pas, l'idée c'est vraiment de ne pas augmenter les impôts, parce que... Non, les impôts ne doivent pas augmenter en France, parce que si vous augmentez les impôts dans un pays où il y a des prélèvements obligatoires, aujourd'hui de 41 %, alors ils diminuent en ce moment parce que, d'abord il y a moins de PIB, mais en même temps, on est le cinquième pays imposé au monde. Donc la solution de la France ce n'est pas toujours d'augmenter les impôts, c'est au fond de réformer notre pays, c'est d'obtenir plus d'activités, plus de croissance ; quand vous avez plus de croissance, vous avez plus de recettes. Vous n'augmentez pas les impôts pour autant, donc on pense que les recettes doivent augmenter par l'activité et pas par l'augmentation des taux des impôts. Et puis il faut transformer notre fiscalité. Quand on crée une fiscalité verte, en fait on transforme la fiscalité, on change les bases de la fiscalité, on supprime la taxe professionnelle, c'est bon pour les entreprises, donc c'est bon pour l'emploi. Et en même temps, on met une fiscalité verte pour combattre la pollution, aider nos concitoyens à changer de comportement, ce qu'on doit tous faire, dans le domaine de la consommation des énergies fossiles. Il ne faut pas qu'il y ait des augmentations d'impôts, il faut qu'il y ait des réformes de structures. Et il y a un déficit structurel de l'Etat : il y a le déficit dû à la crise, celui-là on le combat en décidant de faire en sorte que cette crise disparaisse. Et puis en même temps il y a un déficit structurel, c'est vrai, qui reste, qui est dû à notre organisation, au fond, on dépense trop. Et donc là-dessus, il faut réduire la dépense, ce qui est bien fait, on tient bien la dépense, il n'y a pas de laxisme dans la dépense. Vraiment, le déficit n'est pas dû à un dérapage de la dépense, la dépense de l'Etat est gelée, complètement gelée. Et la dépense de la Sécurité sociale, je le disais hier, la dépense de la Sécurité sociale pour la première fois depuis 15 ans, les objectifs qui sont fixés chaque fois en début d'année par les parlementaires ont été respectées ; ça a bougé, 3,4 %, inflation comprise cette année.
Donc, c'est la crise, la crise, la crise, la crise qui est...
La crise elle est énorme, donc elle a un impact. Elle a un impact sur les recettes publicitaires des médias, elle a un impact sur le chiffre d'affaires des entreprises, elle a aussi évidemment un impact aussi sur l'Etat, bien sûr.
Imaginons que les taux d'intérêt remontent brusquement, est-ce que ce ne serait pas une catastrophe absolue pour les finances publiques ?
Ce serait, s'ils remontent brutalement et beaucoup, c'est difficile puisqu'on est très emprunteur. Par principe, la dette est évidemment importante. Cette année, au fond la dette de la France ne bouge pas beaucoup, parce que...en tout cas la charge de la dette, la dette augmente évidemment, chacun le sait, mais la charge de la dette n'augmente pas beaucoup, même cette année en 2009, on avait plutôt de bonnes surprises, parce qu'il n'y avait pas beaucoup d'inflation et puis des taux d'intérêt très bas, on emprunte très, très, bas, et la France est un très bon emprunteur. Les gens ont confiance en la France.
Mais ça c'est le scénario catastrophe l'augmentation des taux d'intérêt ?
Nous pensons que les taux d'intérêt probablement, lorsque la reprise viendra, certainement bougeront. On pense aussi que peut-être que l'inflation...il y aura un peu plus d'inflation l'année prochaine, on a prévu en 2010 plus d'inflation dans le budget qu'en 2009, donc ça joue en fait sur le poids de la dette, et on pense que dans les années qui viennent, la charge d'intérêts de la dette progressera de à peu près 4 milliards d'euros par an, donc il faudra aussi qu'on y fasse face. Mais ça c'est le scénario. Juste, qu'on comprenne : le scénario que vous avez retenu est un scénario de baisse modérée des taux d'intérêt... de hausse modérée, pardon, des taux d'intérêt, pas de hausse brutale ? C'est conformément à ce que disent à peu près tous les économistes, tous les gens qui s'occupent de taux d'intérêt, donc nous on prend des hypothèses prudentes, on essaye de ne jamais construire des choses sur des hypothèses pas prudentes. Mais la dette française, dont on dit qu'elle est trop importante, je suis d'accord, moi aussi je le pense, le président de la République aussi... Donc à la fois il faut combattre la crise, à la fois il faut installer des réformes structurelles et en même temps il faut lutter contre les déficits, donc ça fait beaucoup de choses en même temps, mais on y parvient. Ce que je veux dire c'est que, la dette française, aujourd'hui, au jour d'aujourd'hui, elle est inférieure en moyenne à la dette des pays de l'OCDE, c'est 100 du PIB dans les pays de l'OCDE, c'est 84 % en fin d'année 2010 en France ; et elle est inférieure de deux points à la dette des pays de l'Union européenne, elle est inférieure à la dette allemande ! Donc, il faut bien savoir que tous les pays au monde sont terriblement endettés, et on devra faire face à ça sur le plan mondial.
C'est la faillite si les taux d'intérêt remontent ?
Non, ce n'est pas la faillite, l'Etat français est très solide.
Et loin, loin... ?
Loin ! Loin de pouvoir... enfin loin de cela. Un Etat en faillite qu'est-ce que c'est ? Il y a des Etats qui ont connu des difficultés et d'autres probablement qui en connaîtront, je ne sais pas, mais il y a en tout cas... C'est un Etat qui ne tient pas ses engagements ; la France tient ses engagements et elle les tiendra évidemment sans difficultés. Et en même temps, c'est un Etat en qui on n'a plus confiance, c'est-à-dire, il n'y a plus de prêteur au fond, toutes les portes se ferment. Et l'Etat français emprunte tous les jours bien sûr. Et les investisseurs se précipitent pour prêter à l'Etat français, parce que on a...on est un Etat solide, on est bien notés, on emprunte au même taux que les Allemands ou presque. Non, l'Etat français est au contraire... Quand on regarde la réaction des investisseurs qui prêtent finalement à l'Etat sur le marché mondial, tous ces investisseurs croient en la France, ils croient en l'avenir de la France bien plus que dans beaucoup d'autres produits. Donc la France est évidemment un Etat qui n'est pas en difficulté financière. On a à affronter nos propres déficits et au fond, on a à affronter notre propre modèle de dépense publique et on doit faire des progrès là-dessus, ensemble, en n'ayant pas des débats caricaturaux comme souvent. On doit réduire l'évolution de la dépense publique, on a réussi à le faire depuis un certain nombre d'années. Depuis deux ans, la dépense de l'Etat ne bouge pas, il faut qu'on fasse le même effort sur la Sécurité sociale, et puis il faut que sur les collectivités locales, on puisse arriver à un consensus.
L'hypothèse de croissance retenue pour ce budget est une hypothèse modeste, et c'est une première à ma connaissance, normalement les gouvernements parient toujours et font un acte politique qui permet de réviser les choses drastiquement par la suite. Quel est le sens de cette grande modestie affichée dans l'hypothèse de croissance ?
J'essaye, comme le Premier ministre ou C. Lagarde, on essaye d'être très prudent, au fond. Ce n'est pas la peine d'aller afficher des objectifs pour après les dégrader. Je préfère qu'on affiche des objectifs prudents, modestes de croissance...
Et ça fait une annonce de bonnes nouvelles après, c'est ça ? C'est ça le raisonnement politique ?
Non, non, mais attendez ! Vous n'allez pas me dire ça ! Je passe mon temps à annoncer de mauvaises nouvelles, donc dire que je me réserve les bonnes nouvelles par rapport aux impôts...
Pour une fois que vous pouvez en annoncer une bonne, ça peut se préparer peut-être quelques mois par avance ?
...et puis surtout je me bats. Et au fond quand on construit le budget sur 0,75 % de croissance, c'est un consensus...
C'est grave par rapport à la politique économique...
Mais on ne va pas changer tous les jours les prévisions, si vous changez tous les jours les prévisions, regardez les économistes : tous les trois mois, il y a une prévision différente. Donc, nous on a un travail à faire sur une année, c'est un travail lourd, complexe, sérieux. Il vaut mieux le fonder sur 0,75 et puis si c'est un peu plus, tant mieux. Mais en réalité...
Mais alors, pourquoi a-t-il fallu attendre 2009 pour que ce bons sens vienne aux dirigeants de l'Etat ?
Mais je n'en sais rien, mais en réalité...
Vous ne l'aviez pas fait l'année dernière ?
Si, si, si, j'essaye de ne pas... Je ne crée pas de faux espoirs, j'essaye de regarder les choses. D'ailleurs en plus, l'année dernière, j'ai fait en sorte qu'il y ait beaucoup de révisions budgétaires, on appelle ça des collectifs, c'est mieux d'être collectif d'ailleurs que d'être individuel. Donc on a fait ça quatre ou cinq fois parce que j'ai absolument voulu que le Parlement puisse être au courant des différentes révisions parce que la crise s'installait et qu'au fond il fallait gérer ça vraiment jour après jour.
Il n'y aucune arrière-pensée politique dans cette hypothèse de croissance, aucune ?
Non, non, non, non, non il n'y a aucune arrière-pensée politique. Quand je dis que la France l'année prochaine sera à 8,5 % de déficit, c'est ce que nous voyons. On peut toujours un peu charger la barque, changer les élasticités, faire plein de trucs. Non, je pense qu'il faut dire la vérité telle qu'on la sent à ce moment-là...
A l'instant "T".
L'instant "T", c'est que la France...
Je parle pour les régionales. Par exemple, on pourra sortir : "la politique de relance a donné ses fruits...". Je ne sais pas, je m'interroge.
Vous avez l'esprit vraiment mal tourné. On ne joue pas avec ça. Et 0,75 %... Non mais, si vous pensez tous...
Je vous pose la question.
... si vous sentez tous que la France va progresser de plus que trois quarts de point l'année prochaine, tant mieux, au fond c'est qu'on croit en ce qu'on fait. Mais aujourd'hui, il n'y a pas d'éléments pour le dire, on sait que ce sera petit, que ce sera modeste. En plus, ça pèse... En réalité, ça veut dire quoi ? Si vous passez de 0,75 à 1, vous allez faire 0,25. Cela va un peu augmenter votre impôt sur les sociétés, et encore ça dépendra du comportement des entreprises, ce n'est pas ça.
Je vous fais confiance pour annoncer que c'est une de vos victoires, à ce moment-là ?
Eh bien, écoutez, je viendrai le dire chez France Inter, ça sera un plaisir pour moi.
Un plaisir partagé. On peut peut-être déjà prendre le rendez-vous, non ?
Non, je ne sais pas, non, non, je ne...non, non. Vous savez, 8,2 %... Disons + 8,5 % de déficit l'année prochaine, c'est construit aussi sur un objectif de dépenses d'assurance-maladie à 3 % de progression, voilà, on sait que c'est très, très difficile. Il y a aussi beaucoup de choses qui sont très difficiles là-dedans.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 octobre 2009