Déclaration de M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, sur le projet de loi de ratification de l'ordonnance "portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés" et sur la manière dont le redécoupage et le remodelage électoral ont été effectués, Paris le 6 octobre 2009.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 « portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés », que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, constitue la dernière étape de l'ajustement de la carte électorale commencé il y a maintenant environ dix-huit mois.
Nous avons en effet décidé, comme le Conseil constitutionnel l'a demandé à plusieurs reprises, de remédier aux écarts démographiques les plus importants apparus entre les 577 circonscriptions législatives, délimitées en 1986 sur la base d'un recensement général de population datant de 1982 : 35 794 habitants pour la circonscription la moins peuplée (la 2nde circonscription de la Lozère), 213 421 habitants pour la plus peuplée (la 6ème du Var), soit un rapport de 1 à 6.
Cette ordonnance a été prise en application de la loi d'habilitation du 13 janvier 2009, dont je vous avais présenté les grandes lignes lors de mon audition ici même il y a presque exactement un an, le 1er octobre 2008 : je vous avais alors donné les raisons pour lesquelles, compte tenu de l'objet même de la réforme à accomplir, qui vous concerne directement, et de la complexité des questions à résoudre, la procédure des ordonnances paraissait la plus appropriée.
Les dispositions de l'ordonnance doivent prendre effet lors du prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale ; sa ratification donnera force de loi à ce qui reste pour l'instant un acte administratif.
Il appartient donc maintenant à l'Assemblée nationale de se prononcer, conformément aux dispositions de l'article 38 de notre Constitution, sur le texte qui a été élaboré par le Gouvernement sur la base de la délégation, encadrée avec précision, que vous lui avez donnée.
Au fond, la question qui vous est posée ne porte évidemment pas sur le tracé de telle ou telle circonscription, surtout s'il s'agit de votre propre secteur d'élection : elle est de savoir si le travail effectué depuis un an par le Gouvernement correspond ou non, globalement, à la mission que vous lui avez confiée et s'il peut en quelque sorte lui en être donné quitus.
Afin d'éclairer votre position, je souhaiterai vous donner les raisons des choix que nous avons fait pour accomplir notre mission. Celle-ci comprenait quatre tâches : la prise en compte de chiffres de recensement aussi homogènes que possible, la modification de la répartition des sièges de députés entre les départements et les collectivités d'outre-mer, la délimitation des circonscriptions dans les départements et collectivités dont le nombre de sièges varie, ainsi que dans ceux dont certaines circonscriptions ont une population trop éloignée de la population moyenne départementale, et enfin la création de sièges destinés à la représentation des Français établis hors de France et la délimitation des circonscriptions correspondantes.
Ces différentes opérations, sur lesquelles je vais maintenant revenir en détail, se sont opérées en respectant les critères que vous nous aviez fixés dans la loi d'habilitation, tel qu'ils ont été éclairés et parfois complétés par la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier dernier.
Elles ont été conduites, conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre lorsqu'il a reçu, le 16 septembre 2008, les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans votre assemblée et au Sénat, dans la plus grande transparence : j'ai reçu un très grand nombre de parlementaires et toutes celles et tous ceux qui le souhaitaient ont pu, comme je m'y étais engagé, accéder aux locaux du ministère de l'intérieur dans lesquels se trouvaient les cartes et les chiffres du recensement.
Quels chiffres de population avons-nous pris en compte?
- Nous nous sommes fondés sur les populations municipales, authentifiées, pour les départements de métropole et les départements d'outre-mer, par le décret du 30 décembre 2008, pris en application de la nouvelle méthode de recensement mise en oeuvre par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité : ces chiffres sont réputés être ceux constatés au 1er janvier 2006. Pour la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer, les chiffres authentifiés sont ceux issus de leur dernier recensement global, puisque la loi de 2002 a maintenu pour ces territoires un recensement général de population tous les cinq ans.
- En ce qui concerne les Français établis hors de France, vous aviez prévu de « prendre en compte » les personnes immatriculées dans nos consulats, faute de disposer d'un recensement exhaustif de la population concernée ; mais, saisi par le groupe socialiste, le Conseil constitutionnel nous a imposé, dans sa décision du 8 janvier dernier, de prendre, au 1er janvier 2006 également, la totalité de ces immatriculations, ce qui a augmenté le nombre de sièges à leur attribuer (11, au lieu des 7 à 9 envisagés initialement).
Comment avons-nous réparti les sièges de députés ?
J'en viens à la répartition des 577 sièges de députés, nombre fixé en 1985 et nombre maximum fixé par l'article 24 de la Constitution : pour la première fois, une réforme électorale se fait sans augmentation du nombre du nombre de sièges et c'est évidemment une des difficultés majeures à laquelle nous avons été confrontés que d'effectuer cette révision de la carte électorale à nombre constant de sièges.
La population française globale, qui s'établit à 65 195 877 habitants, donnerait un siège de député pour 112 991 habitants avec une répartition strictement proportionnelle.
Il faut cependant tenir compte des petites collectivités d'outre-mer, pour lesquelles le Conseil constitutionnel a permis, dans sa décision du 9 janvier dernier, d'attribuer un siège à une collectivité d'outre-mer de faible population dès lors qu'elle est très éloignée de tout autre département ou collectivité :
C'est ainsi que les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon (6 125 habitants) et de Wallis-et-Futuna (13 484 habitants) ont pu conserver le siège de député dont elles ont constamment, c'est un point auquel vous étiez particulièrement attachés, les nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy (8 255 habitants) et de Saint-Martin (35 263 habitants), se sont vus attribuer un siège de député commun.
Ces trois sièges supplémentaires étant attribués, les 574 sièges de députés ont pu être répartis, proportionnellement aux populations que je viens de citer, à raison de 556 pour les départements (soit 14 de moins qu'en 1986), 7 pour les autres collectivités d'outre-mer (soit 10 au total, et 3 de plus qu'en 1986) et 11 pour les Français de l'étranger.
Les 556 sièges des départements ont ensuite été répartis entre les 100 départements en fonction de leur population respective, selon la méthode traditionnelle dite « de la tranche », le montant de la tranche étant porté de 108 000 à 125 000 habitants. Ce choix de cette méthode de répartition a fait l'objet d'un avis favorable de la commission de contrôle prévue par l'article 25 de la Constitution.
Au vu de leurs chiffres de population, le nombre de sièges a ainsi été diminué dans 27 départements (qui perdront ensemble 33 circonscriptions, dont une en Creuse et une en Lozère) et il est augmenté dans 15 départements (qui gagneront ensemble 19 circonscriptions), ainsi qu'en Polynésie française et à Mayotte.
Les chiffres issus de ces calculs ont donné lieu à un avis favorable de la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution, qui a été installée le 22 avril dernier dans la composition prévue par l'article 1er de la loi d'habilitation du 13 janvier 2009.
Comment avons-nous re-délimité les circonscriptions ?
De nouvelles circonscription ont dû être délimitées dans les 42 départements et les quatre collectivités d'outre-mer qui ont, soit perdu une, deux ou trois circonscriptions, soit en ont gagné une ou deux (c'est ce que j'appelle le « redécoupage ») ; il en est de même dans 25 autres départements de métropole et d'outre-mer, dont les inégalités de population apparues entre les circonscriptions doivent être réduites, et qui ont fait l'objet d'un simple « remodelage ».
Le nombre de ces départements n'était que de 12 dans la version initiale de l'ordonnance soumise à la commission : le parti retenu au départ par le Gouvernement dans les départements à nombre de sièges inchangé était en effet, conformément aux termes de l'habilitation que vous lui aviez donnée et aux engagements pris devant vous, de ne pas modifier la carte des circonscriptions lorsque la population de celles-ci ne s'était pas écartée de plus ou moins 20 % par rapport à la population moyenne départementale, limite qui avait déjà été retenue en 1986. Mais la commission, suivie d'ailleurs par le Conseil d'Etat, a considéré qu'il fallait réduire, dans ces départements également, les inégalités les plus flagrantes, et le Gouvernement a suivi son avis pour 13 autres départements.
Le nombre de circonscriptions dont les limites sont inchangées, qui était initialement de 264 sur 577, a ainsi été ramené à 238.
Les critères de délimitation que vous nous aviez fixés, repris des critères utilisés en 1986 et complétés par l'interprétation du Conseil constitutionnel, ont été scrupuleusement respectés :
- les écarts de population entre circonscriptions, qui étaient d'un rapport de 1 à 6, sont fortement réduits : de 60 903 habitants pour la 2nde circonscription des Hautes-Alpes à 146 025 habitants pour la 6ème circonscription de la Seine-Maritime. Le progrès est notable par rapport à 1986, où les populations variaient de 34 485 à 123 765 habitants, soit un rapport de 1 à 3,6. La marge d'écarts au sein d'un même département est le plus souvent limitée entre + et - 15 % par rapport à la moyenne : alors qu'en 1986, le nombre de circonscriptions où l'écart était supérieur à 17,5 % était de 7, il est aujourd'hui réduit à zéro. La nouvelle délimitation constitue donc sur ces deux plans un incontestable progrès par rapport à la précédente.
- la continuité des circonscriptions, l'unité des cantons et l'unité des communes ont été respectées aussi souvent que possible, j'y reviendrai si vous le souhaitez.
Les projets de redécoupage ou de remodelage ont été soumis à la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution. Ils ont été validés pour l'essentiel et, je développerai ce point dans un instant, rendus conformes à l'avis de la commission dans un grand nombre de cas.
Comment avons-nous procédé pour les circonscriptions des Français de l'étranger ?
La création de onze sièges destinés à la représentation des Français établis hors de France conduisait à « découper le monde » en onze circonscriptions. Ce découpage sans précédent a été arrêté après consultation des associations et des sénateurs représentant les Français de l'étranger et après celle du ministère des affaires étrangères.
J'ajoute à ce sujet qu'en application du II de l'article 3 de la loi d'habilitation, une ordonnance a été adoptée le 29 juillet dernier pour prévoir des dispositions spécifiques à l'étranger. Cette ordonnance, indispensable pour permettre en pratique leur élection et qui sera suivie dans les prochains mois d'un décret d'application, fait l'objet d'un projet de loi de ratification déposé dans votre assemblée en même temps que le projet que je vous présente aujourd'hui.
Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les députés,
L'ordonnance dont il vous est proposé la ratification a fait l'objet d'un contrôle sans précédent lors de son élaboration : son examen par le Conseil d'Etat a en effet été précédé de son étude exhaustive par la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution. Celle-ci, placée dès sa création au niveau d'une institution de la République, a été constituée peu de temps après le vote de la loi fixant sa composition et ses règles d'organisation et de fonctionnement : l'annonce de sa composition, équilibrée, n'a fait l'objet d'aucune critique.
Elle a consacré 24 séances au total à la mission qui lui était confiée, rendu à deux reprises un avis sur les projets qui lui étaient soumis, avis dont chacun a pu prendre connaissance au Journal officiel.
Le Gouvernement a pris en compte ses propositions, en totalité ou en partie, dans 23 départements et la délimitation qu'il a retenue ne s'écarte de celle prévue pour les circonscriptions « montrées du doigt » parce que trop ou insuffisamment peuplées que pour 23 d'entre elles, soit 4 % du total des circonscriptions. Le Gouvernement a fourni à votre rapporteur, pour chacune de ces 23 circonscriptions, les raisons détaillées pour lesquelles il n'avait pas suivi l'avis de la commission.
Après ce double examen, sans précédent en matière de découpage électoral, la question est simple : l'ordonnance respecte-t-elle les exigences de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relatives à l'élection de l'Assemblée nationale « sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage » ? C'est bien ce qu'a estimé le Conseil d'Etat en donnant un avis favorable au présent projet de loi de ratification.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions ou apporter des compléments sur le projet de loi de ratification qui vous est soumis par le Gouvernement.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 9 octobre 2009