Texte intégral
Je souhaite répondre à chacun des orateurs, en commençant par M. Christophe Caresche, qui a soulevé des points très importants, notamment l'intensité de la crise. C'est en effet une réalité qui pèse sur tous les pays de l'Union et rend d'autant plus importante l'idée même de construction européenne.
Tout en comprenant qu'il brosse un tableau très sombre de la situation économique en Europe, je demande à Christophe Caresche ce qui aurait bien pu se passer si le cadre européen n'avait pas existé, si nous n'avions pas bénéficié d'un tel ensemble institutionnel sous présidence française. Des décisions ont ainsi pu être prises en commun pour arrêter l'hémorragie financière. Que se serait-il passé si l'action du président de la Banque centrale européenne n'avait pas appuyé celle du président de la République, alors président du Conseil de l'Union européenne, si, dans ce cadre européen, nous n'avions pas mis en commun des plans de relance qui ont dépassé 1,5 % du PIB et ont permis un début de reprise en France et en Allemagne ?
Si l'on compare la gravité de la crise de 2008 à celle de 1929, nous avons les mêmes causes et nous avons failli avoir les mêmes effets : la crise de 1929 avait conduit à l'élection de Hitler et à la guerre alors que, cette fois-ci, heureusement, les institutions européennes nous ont permis non seulement de tirer les leçons de l'Histoire mais encore de bien résister à la crise et donc d'en limiter les dégâts.
Aussi M. Caresche comprendra-t-il que je ne dresse pas un tableau négatif puisque nous avons au contraire été largement sauvés par notre cadre européen. C'est bien la raison pour laquelle l'Islande, pays qui jusque-là se portait très bien en dehors de l'Union européenne, se précipite aujourd'hui pour adopter l'euro, et c'est la raison pour laquelle l'Irlande qui, lorsque tout allait bien, avait dit "non" au référendum sur le Traité de Lisbonne, se rallie aujourd'hui à l'Europe à 67 % des suffrages exprimés - tous partis confondus, tous syndicats confondus. Non pas parce qu'on l'y a forcé, comme l'a dit M. Lecoq, mais, tout simplement, parce que là était l'intérêt bien compris d'un pays en crise.
Je partage néanmoins, comme, du reste, tout le monde en Europe, la crainte de M. Caresche concernant le risque de marginalisation. Ce risque est si avéré que dans tous les pays où l'on va, on se rend compte que les gouvernements attendent la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne, seule façon pour nous de peser sur les grandes affaires du monde.
Qu'avons-nous appris depuis 2008 ? Que quand la France et l'Allemagne sont unies, que le Royaume-Uni s'agrège à ce couple et que l'Europe suit, alors nous pouvons mobiliser les autres pôles de puissance. J'en veux pour preuve ce qui s'est passé au dernier G20 qui lui-même n'existait pas il y a un an : il s'agit d'une idée française, imposée par l'Europe aux Etats-Unis. Il est devenu le cadre de règlements politiques et économiques de la planète.
Ainsi de la réforme financière : la totalité des mesures acceptées à Pittsburgh l'a été sur le fondement de la lettre de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel. De même, en ce qui concerne le climat : si, comme je l'espère, nous parvenons à un accord à la fin du mois entre Européens, il s'agira du seul levier pour servir de médiation - pour reprendre le mot de l'un des orateurs - à même de faire bouger l'Inde, la Chine et les Etats-Unis sur l'un des dossiers les plus importants pour l'humanité.
Certes, le risque de marginalisation existe ; en même temps, les institutions européennes nous permettent d'avancer.
Vous avez ensuite rappelé l'impératif d'avancer sur le plan européen en matière industrielle et monétaire. Sur ce dernier point, vous l'avez dit vous-même, le président de la République ne cesse d'insister : il faut que le dollar comme le yuan soient à niveau avec l'Europe. Il n'est pas question que l'Europe reste pénalisée par la surévaluation systématique de l'euro. De même, nous projetons de pousser des politiques industrielles communes, des politiques énergétiques communes dès lors que les institutions seront en place. Nous y travaillons à partir de ce fameux agenda franco-allemand. Nous attendons beaucoup du 9 et du 11 novembre, de la constitution du nouveau gouvernement allemand.
Nous pourrons dès lors mobiliser l'énergie des deux pays pour mettre en place un certain nombre d'initiatives importantes, qu'elles touchent l'industrie, l'énergie ou la cohérence de nos politiques économiques.
L'état des déficits de part et d'autre du Rhin, Monsieur Caresche, n'est pas une question facile mais j'y répondrai avec franchise. Honnêtement, depuis ma nomination et pour avoir été de nombreuses fois en contact avec nos amis allemands, je n'ai entendu de donneurs de leçons ni d'un côté ni de l'autre. Nos deux pays sont fortement affectés par la crise. Le déficit public annoncé est, certes, très supérieur en France - de l'ordre de 8 % du PIB - par rapport au déficit allemand qui dépasse 3,5 % du PIB. L'année prochaine, le déficit allemand devrait augmenter et le nôtre, j'espère, baisser.
Quant au taux d'endettement par rapport au PIB, il dépasse 70 % des deux côtés du Rhin. Aucun des deux partenaires n'est donc à même de donner de leçon à l'autre. Chacune de nos deux nations est très touchée par la crise. Nous sommes résolus, du côté français, à continuer de réduire nos déficits structurels. Nous nous y employons, ce qui nous vaut souvent les critiques de l'opposition, comme lorsque nous continuons, malgré la crise, de réduire le nombre d'emplois publics, lorsque nous persistons à vouloir réformer les retraites en 2010, enfin, lorsque nous voulons réformer les collectivités territoriales. Toutes ces réformes ne sont pas franchement populaires mais nous travaillons, j'insiste, à la réduction des déficits publics, condition indispensable pour que l'écart ne se creuse pas entre nos deux pays.
Nous disposons par ailleurs d'un tissu de PME moins important qu'en Allemagne. Nous allons y remédier dans le cadre de l'emprunt. Honnêtement, on ne peut pas dire que les deux stratégies économiques ne soient pas en phase - au contraire. Nous veillerons à ce que, tant sur le plan industriel que sur celui des politiques économiques, Allemagne et France avancent de conserve, malgré les difficultés causées par la crise.
Je remercie M. Deflesselles de son soutien et, à travers lui, de celui du groupe UMP. Nous nous trouvons en effet à un moment clef de l'Histoire : la troisième phase de l'histoire européenne commence aujourd'hui. La première était celle de la réconciliation franco-allemande avec une demi-Allemagne et une demi-Europe entre 1945 et 1989. Nous avons connu ensuite les vingt années postérieures à la réunification allemande, réunification globalement réussie. Pendant cette dernière phase, l'Europe s'est cherché des institutions. Enfin, la troisième phase commence avec l'application progressive des dispositions du Traité de Lisbonne. Ces débuts, vous l'avez rappelé, Monsieur Deflesselles, sont bons : élection de José Manuel Barroso, élections législatives allemandes, mise en place du Traité grâce à la ratification irlandaise... le moment est venu de bâtir l'Europe du futur.
M. Klaus, le président tchèque, ne peut pas signer le Traité puisque, vous le savez, la Cour constitutionnelle a été saisie par des députés. On nous a interrogés sur le calendrier, or la position de la France est très simple : notre pays est opposé à toute renégociation du Traité ; nous considérons ensuite que la question soulevée sur les décrets Benes est d'ores et déjà résolue par le principe général du droit de non-rétroactivité. Autrement dit, la Charte des droits fondamentaux de l'Union n'est pas rétroactive. Enfin, le Traité a été ratifié par les deux chambres en République tchèque et jugé conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle saisie en septembre 2008. Nous considérons dès lors que la signature est une compétence liée. Nous l'attendons donc et nous faisons confiance à la présidence suédoise et à M. Barroso pour en venir très rapidement à la mise en oeuvre du Traité.
Pour ce qui est de la mise en place de la nouvelle Commission, soit elle sera prolongée au-delà du 30 octobre puisque son mandat vient à échéance à ce moment précis, soit une autre Commission sera nommée en vertu des dispositions du Traité de Nice, ce qui impliquerait qu'un Etat n'ait pas de commissaire. Je n'en dirai pas davantage mais cette dernière solution est l'une de celles que nous pouvons envisager.
En ce qui concerne l'Europe de la défense - question posée par M. Deflesselles mais aussi par mon ami le président de la commission des Affaires européennes -, tout n'avance pas au rythme que nous pourrions souhaiter et nous allons y travailler, côté français, avec ardeur car tel est le souhait du président de la République qui a souligné, devant ses ambassadeurs : "L'Europe, ce n'est pas la Croix rouge, ce n'est pas une ONG !". En effet, 500 millions d'habitants doivent être capables de défendre leurs intérêts stratégiques, leurs principes et leurs valeurs. Un minimum de force est par conséquent nécessaire. Comme le disait Bernard Kouchner, il faut que des soldats flanquent les diplomates.
Ces soldats, je suis allé les voir à Djibouti, le week-end dernier, accompagné de votre collègue Christian Ménard. Nous avons rencontré les 27 ambassadeurs du comité de politique et de sécurité, le COPS, afin de montrer que l'Europe pouvait très bien fonctionner sur le plan militaire. La force navale européenne Atalante, dans le Golfe d'Aden, accomplit un excellent travail, meilleur que toutes les autres opérations dans la région.
Il convient d'aller au-delà, de développer dans cette zone et à partir de Djibouti une compétence régionale en matière de garde-côte financée par l'Union européenne et par le Japon. Un tel dispositif revient aussi à aider la France, bien seule, à former les forces de sécurité somaliennes pour éviter que la Somalie ne devienne un autre Afghanistan aux mains d'Al Qaïda et des Chebabs.
Voilà pourquoi je suis allé à la rencontre des ambassadeurs du COPS à Djibouti. Je voulais leur dire : "Voilà ce que fait la France avec ses forces. Merci à vous d'apporter également vos formateurs. Aidez-nous à stabiliser cette région du monde tant il est vrai que la sécurité de la France n'est pas seule en cause : c'est bien la sécurité commune de tous les Européens."
Cette prise de conscience sur le terrain a fait avancer les choses. L'Europe de la défense n'est pas qu'une affaire d'institutions : c'est également une affaire d'opérations. Quand l'Europe agit - elle l'a montré en Bosnie, le montre avec l'opération Atalante et le montrera demain au Kosovo -, elle sait faire et, surtout, elle sait de manière unique mêler le civil et le militaire pour des opérations des plus utiles pour la sécurité globale.
Je remercie encore une fois le groupe UMP de son soutien.
Je souhaite dire un mot de la Conférence de Copenhague - affaire très lourde -, en commençant par examiner le calendrier. Plusieurs réunions importantes sont prévues avant le 30 octobre : le Conseil européen se tiendra après un conseil ECOFIN et un Conseil des ministres de l'Environnement. Pour ce qui est de ce dernier, nous devons trouver des réponses convergentes sur au moins quatre ou cinq points difficiles.
Etablissons-en rapidement la liste - la négociation commence et il ne s'agit pas de fixer les positions mais d'émettre certaines idées. Devons-nous passer ou non de 20 % à 30 % de réduction de l'émission des gaz à effet de serre ? Avec 13 % du total des émissions mondiales de dioxyde de carbone, l'Europe est très en avance : nous sommes même les moins pollueurs de la planète.
Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux : réduire de 20 % l'émission des gaz à effet de serre. Nous y sommes. La France elle-même se situe en tête. Faut-il aller jusqu'à 30 % ? Tout dépend de la négociation. Au sein même de l'Union européenne, certains pays sont peu favorables à la poursuite d'un tel objectif car plus dépendants d'une économie gourmande en carbone - je pense à certains pays d'Europe centrale.
Ensuite, quelle sera la contribution financière de l'Union aux pays en développement, sachant, comme le souligne fort justement Bernard Kouchner, qu'il existe une grande différence entre les pays émergents et les pays en voie de développement, les premiers se cachant souvent derrière les seconds ? Les chiffres varient de façon extravagante : entre 2 milliards d'euros et 100 milliards d'euros !
Cette question conduit à d'autres : qui paie combien ? Quelle est la clef de répartition ? Faut-il tenir compte des acquis de Kyoto ? Autre question : comment répartir les permis de polluer ? Quid, dans ce cadre, des forêts, les pays scandinaves étant particulièrement concernés ? Ces questions ne sont pas réglées en interne.
Il conviendra de nous mettre d'accord sur un dernier point avant la fin du mois : qui va porter la voix de l'Europe ? Bernard Kouchner a fait allusion à une négociation importante à Bangkok pour préparer la conférence de Copenhague. Que s'y est-il passé ? L'Europe, plutôt en avance sur tout le monde, a été la cible de toutes les attaques de la part de toutes les autres parties. En effet, le porte-parole américain s'exprime au nom des Américains, son collègue indien parle au nom des Indiens, de même que le porte-parole chinois au nom de ses compatriotes, cependant que l'Europe ne parle toujours pas d'une seule voix, faute d'avoir défini ses positions.
Il est donc urgent de finaliser ses positions, et surtout de trouver une figure qui les portera dans la négociation finale.
Le prochain rendez-vous, comme vous le savez, c'est le sommet intermédiaire qui se tiendra, probablement en Asie, au mois de novembre. Il sera suivi de la rencontre de Copenhague au mois de décembre.
Voilà. Je crois avoir fait à peu près le tour des questions qui ont été posées par l'ensemble des orateurs.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2009
Tout en comprenant qu'il brosse un tableau très sombre de la situation économique en Europe, je demande à Christophe Caresche ce qui aurait bien pu se passer si le cadre européen n'avait pas existé, si nous n'avions pas bénéficié d'un tel ensemble institutionnel sous présidence française. Des décisions ont ainsi pu être prises en commun pour arrêter l'hémorragie financière. Que se serait-il passé si l'action du président de la Banque centrale européenne n'avait pas appuyé celle du président de la République, alors président du Conseil de l'Union européenne, si, dans ce cadre européen, nous n'avions pas mis en commun des plans de relance qui ont dépassé 1,5 % du PIB et ont permis un début de reprise en France et en Allemagne ?
Si l'on compare la gravité de la crise de 2008 à celle de 1929, nous avons les mêmes causes et nous avons failli avoir les mêmes effets : la crise de 1929 avait conduit à l'élection de Hitler et à la guerre alors que, cette fois-ci, heureusement, les institutions européennes nous ont permis non seulement de tirer les leçons de l'Histoire mais encore de bien résister à la crise et donc d'en limiter les dégâts.
Aussi M. Caresche comprendra-t-il que je ne dresse pas un tableau négatif puisque nous avons au contraire été largement sauvés par notre cadre européen. C'est bien la raison pour laquelle l'Islande, pays qui jusque-là se portait très bien en dehors de l'Union européenne, se précipite aujourd'hui pour adopter l'euro, et c'est la raison pour laquelle l'Irlande qui, lorsque tout allait bien, avait dit "non" au référendum sur le Traité de Lisbonne, se rallie aujourd'hui à l'Europe à 67 % des suffrages exprimés - tous partis confondus, tous syndicats confondus. Non pas parce qu'on l'y a forcé, comme l'a dit M. Lecoq, mais, tout simplement, parce que là était l'intérêt bien compris d'un pays en crise.
Je partage néanmoins, comme, du reste, tout le monde en Europe, la crainte de M. Caresche concernant le risque de marginalisation. Ce risque est si avéré que dans tous les pays où l'on va, on se rend compte que les gouvernements attendent la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne, seule façon pour nous de peser sur les grandes affaires du monde.
Qu'avons-nous appris depuis 2008 ? Que quand la France et l'Allemagne sont unies, que le Royaume-Uni s'agrège à ce couple et que l'Europe suit, alors nous pouvons mobiliser les autres pôles de puissance. J'en veux pour preuve ce qui s'est passé au dernier G20 qui lui-même n'existait pas il y a un an : il s'agit d'une idée française, imposée par l'Europe aux Etats-Unis. Il est devenu le cadre de règlements politiques et économiques de la planète.
Ainsi de la réforme financière : la totalité des mesures acceptées à Pittsburgh l'a été sur le fondement de la lettre de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel. De même, en ce qui concerne le climat : si, comme je l'espère, nous parvenons à un accord à la fin du mois entre Européens, il s'agira du seul levier pour servir de médiation - pour reprendre le mot de l'un des orateurs - à même de faire bouger l'Inde, la Chine et les Etats-Unis sur l'un des dossiers les plus importants pour l'humanité.
Certes, le risque de marginalisation existe ; en même temps, les institutions européennes nous permettent d'avancer.
Vous avez ensuite rappelé l'impératif d'avancer sur le plan européen en matière industrielle et monétaire. Sur ce dernier point, vous l'avez dit vous-même, le président de la République ne cesse d'insister : il faut que le dollar comme le yuan soient à niveau avec l'Europe. Il n'est pas question que l'Europe reste pénalisée par la surévaluation systématique de l'euro. De même, nous projetons de pousser des politiques industrielles communes, des politiques énergétiques communes dès lors que les institutions seront en place. Nous y travaillons à partir de ce fameux agenda franco-allemand. Nous attendons beaucoup du 9 et du 11 novembre, de la constitution du nouveau gouvernement allemand.
Nous pourrons dès lors mobiliser l'énergie des deux pays pour mettre en place un certain nombre d'initiatives importantes, qu'elles touchent l'industrie, l'énergie ou la cohérence de nos politiques économiques.
L'état des déficits de part et d'autre du Rhin, Monsieur Caresche, n'est pas une question facile mais j'y répondrai avec franchise. Honnêtement, depuis ma nomination et pour avoir été de nombreuses fois en contact avec nos amis allemands, je n'ai entendu de donneurs de leçons ni d'un côté ni de l'autre. Nos deux pays sont fortement affectés par la crise. Le déficit public annoncé est, certes, très supérieur en France - de l'ordre de 8 % du PIB - par rapport au déficit allemand qui dépasse 3,5 % du PIB. L'année prochaine, le déficit allemand devrait augmenter et le nôtre, j'espère, baisser.
Quant au taux d'endettement par rapport au PIB, il dépasse 70 % des deux côtés du Rhin. Aucun des deux partenaires n'est donc à même de donner de leçon à l'autre. Chacune de nos deux nations est très touchée par la crise. Nous sommes résolus, du côté français, à continuer de réduire nos déficits structurels. Nous nous y employons, ce qui nous vaut souvent les critiques de l'opposition, comme lorsque nous continuons, malgré la crise, de réduire le nombre d'emplois publics, lorsque nous persistons à vouloir réformer les retraites en 2010, enfin, lorsque nous voulons réformer les collectivités territoriales. Toutes ces réformes ne sont pas franchement populaires mais nous travaillons, j'insiste, à la réduction des déficits publics, condition indispensable pour que l'écart ne se creuse pas entre nos deux pays.
Nous disposons par ailleurs d'un tissu de PME moins important qu'en Allemagne. Nous allons y remédier dans le cadre de l'emprunt. Honnêtement, on ne peut pas dire que les deux stratégies économiques ne soient pas en phase - au contraire. Nous veillerons à ce que, tant sur le plan industriel que sur celui des politiques économiques, Allemagne et France avancent de conserve, malgré les difficultés causées par la crise.
Je remercie M. Deflesselles de son soutien et, à travers lui, de celui du groupe UMP. Nous nous trouvons en effet à un moment clef de l'Histoire : la troisième phase de l'histoire européenne commence aujourd'hui. La première était celle de la réconciliation franco-allemande avec une demi-Allemagne et une demi-Europe entre 1945 et 1989. Nous avons connu ensuite les vingt années postérieures à la réunification allemande, réunification globalement réussie. Pendant cette dernière phase, l'Europe s'est cherché des institutions. Enfin, la troisième phase commence avec l'application progressive des dispositions du Traité de Lisbonne. Ces débuts, vous l'avez rappelé, Monsieur Deflesselles, sont bons : élection de José Manuel Barroso, élections législatives allemandes, mise en place du Traité grâce à la ratification irlandaise... le moment est venu de bâtir l'Europe du futur.
M. Klaus, le président tchèque, ne peut pas signer le Traité puisque, vous le savez, la Cour constitutionnelle a été saisie par des députés. On nous a interrogés sur le calendrier, or la position de la France est très simple : notre pays est opposé à toute renégociation du Traité ; nous considérons ensuite que la question soulevée sur les décrets Benes est d'ores et déjà résolue par le principe général du droit de non-rétroactivité. Autrement dit, la Charte des droits fondamentaux de l'Union n'est pas rétroactive. Enfin, le Traité a été ratifié par les deux chambres en République tchèque et jugé conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle saisie en septembre 2008. Nous considérons dès lors que la signature est une compétence liée. Nous l'attendons donc et nous faisons confiance à la présidence suédoise et à M. Barroso pour en venir très rapidement à la mise en oeuvre du Traité.
Pour ce qui est de la mise en place de la nouvelle Commission, soit elle sera prolongée au-delà du 30 octobre puisque son mandat vient à échéance à ce moment précis, soit une autre Commission sera nommée en vertu des dispositions du Traité de Nice, ce qui impliquerait qu'un Etat n'ait pas de commissaire. Je n'en dirai pas davantage mais cette dernière solution est l'une de celles que nous pouvons envisager.
En ce qui concerne l'Europe de la défense - question posée par M. Deflesselles mais aussi par mon ami le président de la commission des Affaires européennes -, tout n'avance pas au rythme que nous pourrions souhaiter et nous allons y travailler, côté français, avec ardeur car tel est le souhait du président de la République qui a souligné, devant ses ambassadeurs : "L'Europe, ce n'est pas la Croix rouge, ce n'est pas une ONG !". En effet, 500 millions d'habitants doivent être capables de défendre leurs intérêts stratégiques, leurs principes et leurs valeurs. Un minimum de force est par conséquent nécessaire. Comme le disait Bernard Kouchner, il faut que des soldats flanquent les diplomates.
Ces soldats, je suis allé les voir à Djibouti, le week-end dernier, accompagné de votre collègue Christian Ménard. Nous avons rencontré les 27 ambassadeurs du comité de politique et de sécurité, le COPS, afin de montrer que l'Europe pouvait très bien fonctionner sur le plan militaire. La force navale européenne Atalante, dans le Golfe d'Aden, accomplit un excellent travail, meilleur que toutes les autres opérations dans la région.
Il convient d'aller au-delà, de développer dans cette zone et à partir de Djibouti une compétence régionale en matière de garde-côte financée par l'Union européenne et par le Japon. Un tel dispositif revient aussi à aider la France, bien seule, à former les forces de sécurité somaliennes pour éviter que la Somalie ne devienne un autre Afghanistan aux mains d'Al Qaïda et des Chebabs.
Voilà pourquoi je suis allé à la rencontre des ambassadeurs du COPS à Djibouti. Je voulais leur dire : "Voilà ce que fait la France avec ses forces. Merci à vous d'apporter également vos formateurs. Aidez-nous à stabiliser cette région du monde tant il est vrai que la sécurité de la France n'est pas seule en cause : c'est bien la sécurité commune de tous les Européens."
Cette prise de conscience sur le terrain a fait avancer les choses. L'Europe de la défense n'est pas qu'une affaire d'institutions : c'est également une affaire d'opérations. Quand l'Europe agit - elle l'a montré en Bosnie, le montre avec l'opération Atalante et le montrera demain au Kosovo -, elle sait faire et, surtout, elle sait de manière unique mêler le civil et le militaire pour des opérations des plus utiles pour la sécurité globale.
Je remercie encore une fois le groupe UMP de son soutien.
Je souhaite dire un mot de la Conférence de Copenhague - affaire très lourde -, en commençant par examiner le calendrier. Plusieurs réunions importantes sont prévues avant le 30 octobre : le Conseil européen se tiendra après un conseil ECOFIN et un Conseil des ministres de l'Environnement. Pour ce qui est de ce dernier, nous devons trouver des réponses convergentes sur au moins quatre ou cinq points difficiles.
Etablissons-en rapidement la liste - la négociation commence et il ne s'agit pas de fixer les positions mais d'émettre certaines idées. Devons-nous passer ou non de 20 % à 30 % de réduction de l'émission des gaz à effet de serre ? Avec 13 % du total des émissions mondiales de dioxyde de carbone, l'Europe est très en avance : nous sommes même les moins pollueurs de la planète.
Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux : réduire de 20 % l'émission des gaz à effet de serre. Nous y sommes. La France elle-même se situe en tête. Faut-il aller jusqu'à 30 % ? Tout dépend de la négociation. Au sein même de l'Union européenne, certains pays sont peu favorables à la poursuite d'un tel objectif car plus dépendants d'une économie gourmande en carbone - je pense à certains pays d'Europe centrale.
Ensuite, quelle sera la contribution financière de l'Union aux pays en développement, sachant, comme le souligne fort justement Bernard Kouchner, qu'il existe une grande différence entre les pays émergents et les pays en voie de développement, les premiers se cachant souvent derrière les seconds ? Les chiffres varient de façon extravagante : entre 2 milliards d'euros et 100 milliards d'euros !
Cette question conduit à d'autres : qui paie combien ? Quelle est la clef de répartition ? Faut-il tenir compte des acquis de Kyoto ? Autre question : comment répartir les permis de polluer ? Quid, dans ce cadre, des forêts, les pays scandinaves étant particulièrement concernés ? Ces questions ne sont pas réglées en interne.
Il conviendra de nous mettre d'accord sur un dernier point avant la fin du mois : qui va porter la voix de l'Europe ? Bernard Kouchner a fait allusion à une négociation importante à Bangkok pour préparer la conférence de Copenhague. Que s'y est-il passé ? L'Europe, plutôt en avance sur tout le monde, a été la cible de toutes les attaques de la part de toutes les autres parties. En effet, le porte-parole américain s'exprime au nom des Américains, son collègue indien parle au nom des Indiens, de même que le porte-parole chinois au nom de ses compatriotes, cependant que l'Europe ne parle toujours pas d'une seule voix, faute d'avoir défini ses positions.
Il est donc urgent de finaliser ses positions, et surtout de trouver une figure qui les portera dans la négociation finale.
Le prochain rendez-vous, comme vous le savez, c'est le sommet intermédiaire qui se tiendra, probablement en Asie, au mois de novembre. Il sera suivi de la rencontre de Copenhague au mois de décembre.
Voilà. Je crois avoir fait à peu près le tour des questions qui ont été posées par l'ensemble des orateurs.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2009