Interview de M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie, à "RTL" le 2 octobre 2009, sur le changement de statut de La Poste, la vague de suicides chez France Télécom.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, C. Estrosi.

Bonjour, J.-M. Aphatie.

Les Français qui le souhaitent peuvent depuis lundi s'opposer au changement de statut juridique de La Poste, que vous pilotez, au travers d'une votation citoyenne, un peu partout en France. Ils peuvent dire s'ils sont d'accord ou pas d'accord. C'est un grand succès, dit Libération, ce matin à la "Une". Ceci vous inquiète-t-il ?

Il est vrai que Libération est un journal très objectif mais j'incite aussi les Français à en lire d'autres. Je vais vous dire une chose : s'il y a un gouvernement qui veut privatiser La Poste, je cours au premier bureau de la CGT pour voter contre.

(Rire.)

Mais il se trouve que je suis le ministre en charge au sein de ce gouvernement de veiller justement à ce que l'on sauvegarde le statut public à 100% de La Poste pendant des années. Alors quand on voit qu'un scrutin voit sa question posée par monsieur Besancenot et que ce sont les socialistes qui sont chargés de dépouiller, j'émets de sérieux doutes sur la crédibilité et la légitimité de ce scrutin.

Donc pour vous, il ne pèsera pas beaucoup dans le débat ce scrutin ?

Franchement, organisé par monsieur Besancenot et dépouillé par les socialistes, dont on sait la grande pratique qu'ils ont de ces choses-là, il y a toutes les méfiances du monde à avoir.

Vous êtes concerné, C. Estrosi, en tant que ministre de l'Industrie par ce qui se passe à France Télécom. Le pdg de l'entreprise, D. Lombard, a été reçu, hier, par la ministre de l'Economie, C. Lagarde, qui lui a renouvelé sa "pleine et entière confiance". Avez-vous, C. Estrosi, pleinement et entièrement confiance dans D. Lombard ?

S'il y a d'abord une chose que je veux avoir, c'est une pensée pour les vingt-quatre familles qui ont vu vingt-quatre des leurs qui ont disparu dans des conditions tragiques dans une grande entreprise française. Après cette pensée forte, parce que la dimension humaine ça compte dans une entreprise, bien évidemment que nous renouvelons notre confiance à un chef d'entreprise qui a permis à France Télécom de se réformer, d'avoir des résultats ; en même temps, C. Lagarde au nom du Gouvernement a fixé un certain nombre de règles pour bâtir le nouveau France Télécom où la place de l'homme, de la femme, du salarié de France Télécom voit sa dimension humaine beaucoup plus respectée, notamment un contrat social avec les salariés...

Elle n'est pas assez respectée aujourd'hui ?

...Une mise en place d'une cellule psychologique pour regarder les choses avec les familles.

La place de ces salariés n'est pas assez respectée aujourd'hui ?

Mais dans une grande entreprise, c'est toujours difficile quand elle se réforme ; et donc de toute évidence, il y a un nouveau contrat social à mettre en place avec les salariés.

Vous avez dit, hier sur France 24 : "à l'intérieur même de l'entreprise, il y a des responsabilités". Vous visiez qui ?

Je parlais surtout, quelque part, de comptabilité parce que nous sommes tous un peu comptables à la tête de nos entreprises, moi-même de mon ministère, de ce qui s'y passe ; et donc, je pense que la direction est en train de tirer toutes les conséquences de tout cela pour le dialogue avec le gouvernement en même temps.

Ah, c'est surtout avec les salariés que c'est intéressant !

Et avec les salariés. C'est bien pour ça que je pense d'abord aux vingt-quatre familles et à la nécessité de construire un nouveau France Télécom.

Rapidement, puisqu'il y a une bonne nouvelle aujourd'hui dans l'actualité : les ventes de voitures ont augmenté de 14%. Le ministre de l'Industrie que vous êtes est satisfait, j'imagine ?

Ca montre que lorsque nous menons avec le président de la République le combat pour une nouvelle révolution industrielle dans notre pays, c'est bien en période de crise l'industrie qui tire la croissance et les résultats par le haut.

L'assassinat de M.-C. Hodeau par un délinquant récidiviste suscite un vif débat. Cet assassinat, a dit hier le ministre de l'Intérieur B. Hortefeux, "aurait pu et aurait dû être évité". Partagez-vous ce sentiment, C. Estrosi ?

On peut toujours penser cela et je comprends surtout les Français, parce que je suis un Français comme les autres, qui ont du mal à comprendre dans notre pays, dans notre société quand un homme qui a déjà violé une petite fille de 13 ans alors qu'il a été condamné à onze ans, soit libéré six ans plus tard. Ceci étant...

C'est la loi !

... Les magistrats n'ont fait qu'appliquer, comme vous le dites, et respecter la loi.

Donc, c'est la loi qui est mal faite...

Et donc, on ne discute pas de ce genre de choses ; et c'est bien pour cela que le président de la République a rappelé que nous avions dans toutes les réformes que nous avons prévues, la nécessité de mettre très rapidement à l'ordre du jour une loi qui renforce ... mais permettez-moi de vous rappeler qu'il y a déjà une loi du 25 juillet 2008 qui prévoit que quand on est condamné à quinze ans de réclusion pour des crimes, si le magistrat estime que les conditions ne sont pas réunies pour vous libérer, on ne vous libère pas ; et c'est le Conseil constitutionnel qui a fait tomber ces dispositions. Alors là, on n'était pas dans une condamnation à quinze ans, on est dans une condamnation à onze ans. Il y a, en plus, cette dimension de crime sexuelle qui est là et qui est forte. Et là aussi, permettez-moi de penser à cette jeune femme dont on sait son engagement, son dévouement, son bénévolat au service de la cause des enfants, à sa famille, aux parents aussi de la petite fille qui, quelques années plus tôt, avait été touchée dans son intégrité morale et physique...

Mais quand le ministre de l'Intérieur dit que ce crime aurait pu et dû être évité, il met en cause les juges. Vous partagez ce jugement-là ou pas, C. Estrosi ?

Le Président de la République...

Je vous parle du ministre de l'Intérieur ! Il dit : "ça aurait pu et dû être évité".

Mais je suis membre du Gouvernement et je n'ai pas à alimenter une polémique entre un membre du Gouvernement et un autre. Le président de la République a reçu, hier, la famille ; a écouté ; a dit ce qu'il y avait à dire au nom de l'Etat, et donc au nom du Gouvernement en même temps, en présence de madame Alliot-Marie et de B. Hortefeux ; a indiqué très clairement qu'il attendait du ministre de l'Intérieur qu'il y ait une implication plus forte à la fois des policiers et des gendarmes pour assurer la surveillance et le suivi lorsque des juges prononçaient une libération anticipée du délinquant, du criminel qui avait été libéré.

Vous êtes favorable à la castration chimique ?

Ecoutez, la castration chimique existe dans la loi. Madame Alliot-Marie a dit très bien les choses...

Donc, il ne faut rien changer alors !

Et dans ce que propose le président de la République dans le texte qui sera inscrit à l'ordre du jour au mois d'octobre, il y a notamment la nécessité d'une véritable réforme de la psychiatrie criminelle. Ni vous, journaliste, ni moi, homme politique, ne sommes habilités à dire qui doit subir une castration chimique ou pas.

Zéro récidive, c'est possible C. Estrosi ?

Oui c'est possible.

Vous le croyez vraiment ?

C'est possible, à partir du moment où cette réforme voulue par le président de la République et par le Gouvernement aura été votée, il y aura des spécialistes qui se prononceront pour que l'on puisse mettre en oeuvre une castration chimique, ou d'autres mesures adaptées, pour que ce genre de drame ne se reproduise plus, alors on sera arrivé à ce qu'attende de notre part la société : mieux la protéger pour qu'il n'y ait plus de tels drames humains.

Zéro récidive, c'est possible ?

Zéro récidive dans ce domaine, c'est possible.

C. Estrosi, ministre de l'Industrie, était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 octobre 2009