Interview de M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie, à "LCI" le 22 octobre 2009, sur l'expulsion de 3 Afghans vers Kaboul, sur l'enjeu des états généraux de l'industrie qu'il lance, sur la suppression de la taxe professionnelle.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Trois Afghans expulsés de France vers Kaboul dans un avion britannique, est-ce le retour des charters ?

A-t-on les moyens d'accueillir tous les réfugiés de tous les pays en guerre ?!

Non, mais est-ce une raison pour renvoyer par avion des gens dans une fournaise ?

Ca fait partie des règles européennes que nous nous sommes fixés à plusieurs avec les ministres européens. Je veux quand même vous rappeler, au passage, qu'il y a des soldats français qui risquent leur vie tous les jours en Afghanistan pour faire respecter les droits de l'homme, nous avons des règles en matière de droit d'asile, nous sommes même le pays au monde qui, sans doute, applique le plus ce droit d'asile, et concernant l'Afghanistan, il n'y a pas de raison à ce que nous le mettions en oeuvre.

Ce n'est pas une expulsion symbolique donc, c'est le début d'une politique, il y aura d'autres expulsions ?

Ce n'est pas "le début", c'est la politique qu'a toujours conduite N. Sarkozy en matière d'immigration choisie et subie. En même temps, dans le respect strict des droits de l'homme, du respect de la personne humaine. La France n'a pas vocation à accueillir tous ceux qui, venant d'un pays en guerre mais où sont respectés les droits de l'homme et de la personne humaine, demandent le droit d'asile. Le droit d'asile s'applique sur des règles jugées au cas par cas. E. Besson mène remarquablement cette politique, et il a toute notre confiance.

Au nom de l'industrie, ne devriez-vous pas dire aux Français qu'il faudra des immigrés dans les années à venir pour compenser notre vieillissement démographique, pour fournir de la main-d'oeuvre à la croissance quand elle reviendra ?

La France doit redevenir une grande puissance industrielle, et nous avons toute une jeunesse à laquelle je m'adressais il y a quelques jours de cela, à l'Ecole des Mines et des Télécom, en leur disant que, désormais ils pouvaient être fiers de s'engager vers une voie d'avenir. C'est en France que nous avons à former les ouvriers, les techniciens, les ingénieurs de demain. Le mot "ouvrier", le mot "usine", le mot "industrie" ne sont plus des gros mots comme on les a considérés sous tous les gouvernements depuis 20 ans...

Et le mot "immigré" ?

...Et donc, je pense que nous avons...Nous avons des Français issus de l'immigration, j'en fais partie, et il y en a bien d'autres. Et aujourd'hui, c'est aussi un facteur d'intégration, là où nous avons tant de difficultés, tant de chômage chez les jeunes, notamment dans les cités, que des orienter vers ces métiers d'avenir.

La CGT réclame un vaste plan d'embauches et de formation. Aujourd'hui, il y a une manifestation à Paris pour le développement industriel. Vous êtes prêt à aller dans ce sens, un plan d'embauches ?

Avec la CGT, je le dis, nous faisons le même diagnostic qui nous engage ensemble à être des partenaires dans l'organisation des "Etats généraux de l'industrie" que j'ouvre dans quelques jours. Donc à partir d'un même diagnostic, je suis convaincu qu'autour d'une table, avec tous les acteurs de l'entreprise et de l'industrie, nous pouvons dégager les mêmes voies pour réindustrialiser notre pays, pour en faire de nouveau une grande puissance industrielle dans tous les enjeux stratégiques qui permettront à notre pays de faire de l'innovation un accélérateur de sortie de crise, et en même temps, avec pour objectif final de mettre en oeuvre des règles qui nous permettront de lutter avec fermeté contre les délocalisations.

Par exemple, une règle : une prime à la relocalisation, donner de l'argent à une entreprise qui rapatrie ses emplois. Vous allez le faire ?

Que l'on soit clair, il ne faut pas alourdir la fiscalité, et là-dessus je suis très clair. Donc, si on doit mettre en oeuvre une nouvelle attractivité pour la création d'emplois et l'innovation industrielle, en même temps c'est pour se substituer à un autre prélèvement. Cela devra faire partie du débat autour de la table des "Etats généraux de l'industrie". Ce qui est sûr, c'est que ma conception en faveur de l'innovation, nous devons, à la fois, ne pas oublier que le grand emprunt pourra jouer un rôle important en matière d'investissement sur des enjeux stratégiques, comme les biotechnologies, comme les nanotechnologies, etc.

30 milliards, ça vous suffira ou il faudra plus ?

Je pense qu'il faudra beaucoup plus, et on ne pourrait pas qualifier un grand emprunt à un niveau de 30 milliards. Mais là encore, c'est la commission Juppé-Rocard qui devra faire des propositions et le Président qui devra arbitrer.

H. Proglio, président d'EDF et de Véolia, n'est-ce pas un cumul choquant ?

Non, parce que nous sommes dans un domaine qui touche à l'environnement, où...

...ce n'est pas tout à fait la même chose.

Aujourd'hui, alors que l'on parle d'énergies propres, d'énergies renouvelables, là où nous savons que l'hydroélectrique, par exemple, a un rôle non négligeable à jouer, que nous devons veiller à ce que et EDF et Véolia restent de grands leaders mondiaux dans ces domaines qui touchent à l'environnement, qui touchent aux énergies renouvelables, qui touchent aux énergies propres, et à l'assainissement en même temps, je pense qu'il n'y a pas d'incohérence, bien au contraire, c'est une stratégie gagnante.

Les élus locaux sont inquiets voire en colère de la suppression de la taxe professionnelle. Etes-vous prêt à reculer, à étaler dans le temps cette suppression de la TP ?

Non, je pense que nous devons avancer, c'est un engagement que nous avons pris, que ce soient les députés de la majorité, ou nous tous derrière le président de la République lors des dernières élections. La taxe professionnelle, c'est la taxe la plus injuste qui soit. Aujourd'hui, que dit un amendement parlementaire ? Qu'il faudrait que celle-ci ne profite pas pleinement à des milliers de petites entreprises sur notre territoire. En tant que ministre de l'Industrie, alors que celles-ci s'apprêtaient à recevoir ce coup de pouce pour pouvoir relancer leurs investissements, pour pouvoir créer de nouveaux emplois, ce serait un très mauvais signal à leur envoyer...

Vous êtes opposé à cet amendement...

...Voilà pourquoi, alors que nous nous sommes engagés avec le Président de la République à supprimer la taxe professionnelle sur les investissements productifs qui créeront de la richesse et de l'emploi, je ne suis pas favorable à cet amendement, bien évidemment. Un amendement propose aussi la suppression des baisses de charges pour les restaurants, puisqu'ils n'ont pas joué le jeu sur la baisse de la TVA qui leur a été accordée. Vous êtes favorable à cette sanction ? H. Novelli est en tout cas en train de veiller à ce que chacun puisse complètement jouer la dynamique que nous avons voulu engager par cette baisse de la TVA, que demandaient les restaurateurs, ils doivent assumer leurs responsabilités, et donc je sais qu'H. Novelli oeuvrera, en relation avec le Parlement pour faire respecter les règles.

Le Président veut tout changer dans la vie des collectivités locales, ça mérite un référendum, comme le demande L. Fabius ?

Les Français n'acceptent plus qu'il y ait autant d'élus, qu'il y ait autant d'échelons. Alors que nous proposons qu'entre les conseillers généraux et les conseillers régionaux, qui représentent 6.000 élus, nous en supprimions la moitié, alors que nous avons besoin de mutualiser toutes ces taches, ces dépenses, ces charges publiques qui sont réparties entre communes, intercommunalités, syndicats à vocations multiples, syndicats mixtes...

Faisons un référendum...

...Oui, ça, M. Fabius, de côté-là, il est formidable. En 14 jours, il a proposé plus de référendums que M. Mitterrand en 14 ans. Un sur la Poste, un sur les collectivités territoriales. Monsieur Fabius, c'est deux référendums par jour. Quand les socialistes n'ont pas d'idées, ils proposent un référendum.

J. Sarkozy doit être élu demain au conseil d'administration de l'EPAD par le Conseil général des Hauts-de-Seine. Il est encore temps de reculer pour calmer la polémique. Lui conseillez-vous d'abandonner cette ambition ?

Je trouve que c'est très indigne et très injuste. Quand on est un élu de la République, on n'est pas le fils de quelqu'un, ou le frère ou la soeur de quelqu'un. On est simplement un citoyen comme autre, on est un citoyen libre. Il a été élu...

Aurait-il été élu s'il n'avait pas été fils de... ?

J. Sarkozy, avec son talent, est allé affronter le suffrage universel, a été élu conseiller général des Hauts-de-Seine, et en tant que tel, demande le soutien de ses pairs, d'ailleurs il a un candidat communiste contre lui. Ca sera au suffrage, là aussi, du conseil d'administration de s'exprimer.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 octobre 2009