Texte intégral
- Lundi 19 octobre, la Commission européenne débloquait 280 millions d'euros pour être distribués en aides directes aux producteurs de lait et acceptait l'essentiel des points de votre papier sur la régulation. Que va-t-il se passer maintenant ?
La nécessité de la régulation des marchés agricoles est devenue une idée acceptée par la plupart de nos partenaires européens. Nous avons le soutien de vingt et un États membres, du Parlement européen qui s'est exprimé en faveur des propositions franco-allemandes et de la Cour des comptes européenne, qui s'est également prononcée en faveur de cette régulation. La Commission européenne a, en effet, repris point par point toutes les propositions - à l'exception de l'une d'entre elles sur l'alimentation animale -, figurant dans le document des vingt et un États membres signé à Vienne. J'estime que la France a fait considérablement bouger les lignes et emporté une vraie victoire diplomatique en mettant le dossier de la régulation sur la table des discussions européennes.
Un chemin très important reste cependant à parcourir pour définir de manière plus large cette régulation à la fois dans le secteur du lait et dans les autres secteurs agricoles. Un groupe de travail de haut niveau, mis en place par la Commission, doit rendre ses conclusions en juin 2010. Mais je souhaite qu'il formule des propositions au fil des mois.
- Juin 2010, c'est loin ?
Soit on veut bâtir quelque chose de grande ampleur, c'est-à-dire une régulation de l'ensemble des marchés agricoles européens et pas simplement du marché du lait : alors il faut s'interroger sur les instruments les plus efficaces ou les nouveaux instruments à mettre en place, sur le champs que l'on fixe à cette régulation. Cela prendra forcément du temps. Soit, au contraire, on fait du rafistolage et cela sera fait en quelques semaines. Je n'envisage pas cette solution, préférant que l'on prenne le temps nécessaire pour bâtir une vraie régulation solide de l'ensemble des marchés agricoles européens.
- Allez-vous réunir le groupe des vingt et un États membres parallèlement à ce groupe de travail de haut niveau ?
Je souhaite continuer nos travaux sur la régulation avec les 27 États membres de façon à nourrir les travaux du groupe de haut niveau. Une association du Royaume-Uni, du Danemark, et des Pays-Bas à ces travaux serait utile de façon à recueillir le plus large consensus. Dès qu'une proposition sera arrêtée, elle devra être rapidement mise en œuvre. Je pense, par exemple, à l'ouverture de l'OCM unique de façon à définir de nouvelles règles de fonctionnement dans chaque État entre les producteurs. Si jamais un accord se dégage rapidement sur une de ces mesures, n'attendons pas les conclusions de juin 2010 pour la rendre opérationnelle.
- Qu'attendez-vous exactement de la renégociation de l'OCM unique ?
La possibilité pour les producteurs de mieux s'organiser dans le secteur du lait de façon à mieux défendre leurs intérêts face aux industriels. Nous avons vu dans le passé que, lorsqu'ils ont voulu mieux s'organiser, on leur a opposé des règles européennes pour leur signifier que cette organisation n'était pas conforme aux règles de la concurrence. Je pense qu'il serait utile que les règles européennes s'assouplissent pour permettre aux producteurs de mieux s'organiser.
- Vous demandez une évolution du régime de la concurrence ?
Je souhaite des règles plus souples qui permettent aux producteurs de mieux s'organiser et de conclure des contrats justes et équitables entre les producteurs et les industriels, à la fois sur des volumes et sur des prix. C'est la seule chose qui garantira un revenu stable aux producteurs de lait. Cette question du revenu est aujourd'hui centrale dans le monde agricole. Aucune profession ne peut accepter une telle instabilité de son revenu. On constate, sur la période 2006 à 2009, des variations qui vont de +15 % à -20 %. Quelle profession peut accepter de faire vivre sa famille avec des revenus qui varient pareillement ? Personne ! La stabilisation des revenus est l'un des objectifs de la régulation.
- En France, avez-vous avancé sur la contractualisation ? Ses contours devraient-ils être décrits dans la loi de modernisation agricole (LMA) ? En quoi cette contractualisation peut-elle participer à la régulation des volumes ?
Je préfère parler de contrat et d'accord passé entre producteurs et industriels et éviter toute incompréhension sur l'objectif de cette nouvelle relation : il ne s'agit pas d'aller vers une intégration du producteur agricole dans les groupes industriels. Pour que ces contrats ou accords soient justes et équitables, il est important qu'il y ait un cadre général défini par la loi. Elle doit fixer un certain nombre de conditions indiquant ce qui doit figurer dans le contrat entre producteurs et industriels. Ensuite, la liberté de conclure ces contrats appartient, bien entendu, à chaque producteur et à chaque industriel.
- Les discussions interprofessionnelles sur la contractualisation semblent buter sur les prix et volume...
C'est évidemment le point le plus difficile. C'est nouveau et comme toute chose nouvelle, cela prend du temps à se mettre en place. D'où l'intérêt d'avoir un projet de loi et une date butoir. À cette date, le cadre général du contrat ou de l'accord devra être défini.
- Comment peut se passer la mise en place des volumes indicatifs européens que vous évoquez souvent ?
À l'échelle européenne, la question centrale est de savoir comment on fait pour éviter que la disparition des quotas à l'échéance 2015 ne se traduise par un retour à la surproduction de lait. Tant qu'on ne m'a pas fourni une réponse satisfaisante, j'en reste à l'idée qu'il faudra nécessairement une indication sur les volumes, fournie par un opérateur européen. Il est important que nous ne fermions pas, d'emblée, la porte à la discussion sur cette question des volumes.
- La négociation sur les prix de 2010 doit-elle se faire au sein de l'interprofession ou d'une autre structure incluant également les syndicats minoritaires très présents dans le débat laitier depuis plusieurs mois ?
C'est à l'interprofession de discuter de cette question des indicateurs sur le prix du lait pour 2010. Il est important qu'elle entame cette discussion rapidement, afin de répondre aux fortes attentes des producteurs sur le terrain. Ils observent un frémissement sur les prix des produits laitiers, il est légitime qu'ils voient l'interprofession se remettre à discuter de ces indicateurs sur le lait pour 2010.
- Les syndicats minoritaires doivent-ils participer à cette discussion ?
Vous ne pouvez pas changer du jour au lendemain toutes les règles de fonctionnement d'un secteur économique, sinon vous courez le risque de le perturber et de l'affaiblir. J'ai conduit les discussions sur l'avenir de la filière avec tout le monde : les organisations syndicales représentatives, les industriels, les distributeurs, les consommateurs. Sur la question du prix, ce n'est pas le rôle de l'État de définir le prix du lait. L'interprofession a vocation à prendre l'initiative. Cette interprofession est un organisme de droit privé. C'est donc à elle de définir les modalités de son fonctionnement et de tracer les perspectives pour l'avenir. Me concernant, comme ministre de l'Agriculture, ma méthode de travail restera la même, c'est-à-dire de travailler avec tout le monde.
- Les interprofessions sont pourtant régies par une loi ?
La loi définit un cadre. Mais le fonctionnement interne relève de la responsabilité de l'interprofession. Chacun a sa méthode de travail. Ma méthode me semble appropriée à la situation de crise actuelle. Je veux entendre les préoccupations de chacun de façon à prendre des décisions qui répondent aux attentes de chacun sur le terrain. C'est ma responsabilité de Ministre. Les interprofessions ont leurs propres responsabilités et prennent leurs propres décisions de manière autonome.
- Les interprofessions, à l'heure où la PAC voit son rôle se réduire, pourraient-elles devenir des instruments majeurs de régulation ?
Les interprofessions ont un rôle très important à jouer dans l'organisation du monde agricole et dans la définition d'un certain nombre de choix pour l'avenir. Dans les périodes difficiles comme celle que nous connaissons aujourd'hui, chacun doit exercer la responsabilité qui lui incombe.
S'agissant de la PAC, je ne partage pas l'idée selon laquelle elle devrait se retirer de la définition des grandes orientations politiques et laisser chacun libre d'exercer son activité à l'échelle nationale, sans perspective commune. Il est urgent de redéfinir les objectifs de la politique agricole commune. Je propose qu'on la rebaptise « politique alimentaire et agricole européenne », parce que je crois que l'alimentation doit devenir l'objectif politique numéro « un » de l'agriculture européenne. Cela veut dire : sécurité alimentaire, sécurité sanitaire totale et respect du développement durable...
- Depuis votre arrivée à ce ministère, vous avez connu des crises, des relations souvent tendues avec les agriculteurs et leurs organisations. C'est la première fois par exemple qu'un ministre de droite est empêché de visiter un salon par la FNSEA. Comment ressentez-vous, humainement, ce contexte?
J'ai le sentiment d'avoir un contrat moral avec les agriculteurs de France. Je reçois chaque jour entre 100 et 150 courriers d'exploitants agricoles, de familles agricoles ou d'enfants d'agriculteurs, je reçois sur ma boîte mail de 150 à 300 messages par jour de personnes qui m'appuient dans le combat que je conduis en faveur de la régulation européenne des marchés et qui me demandent de tenir bon. La seule chose qui me préoccupe est de savoir si je remplis bien ce contrat moral. Mon cap est clair : répondre aux difficultés immédiates, ouvrir des perspectives nationales et définir une ambition européenne.
- Vos relations avec la FNSEA sont bonnes ?
Elles sont très bonnes. Elles le sont avec tous les syndicats représentatifs du monde agricole.
- Elles sont un peu tendues, tout de même ?
Non. Nous ne cessons de discuter. Je sais que je ne trouverai les solutions utiles et efficaces pour l'agriculture française qu'avec les syndicats représentatifs. Je travaille donc sans relâche avec la FNSEA, avec les jeunes agriculteurs, avec la coordination rurale, avec la confédération paysanne et je continuerai ainsi. Il est important que chacun reste dans son rôle et qu'il n'y ait pas de confusion des genres. Les syndicats représentent les professions agricoles. Pour ma part, je suis un ministre de la République, je suis membre d'un gouvernement au service d'une politique définie par le Premier ministre et le président de la République et je dois représenter l'intérêt général.
- Concernant la loi de modernisation agricole, pourrez-vous respecter le calendrier prévu d'un passage au parlement avant la fin d'année ?
Nous avons commencé en septembre par un grand débat sur l'avenir de l'agriculture et de la pêche françaises. Nous avons eu, pendant plus d'un mois, des travaux très riches. Les rapporteurs m'ont remis les synthèses des groupes de travail. Ces travaux ont été particulièrement utiles et fructueux. J'ai, sur mon bureau, le rapport de chacun des groupes de travail. Sur cette base, nous rédigerons un projet de loi dont je souhaite qu'il comporte cinq ou six mesures phares, structurantes pour l'agriculture. Je proposerai ensuite un projet au premier ministre et au président de la république, début novembre, de manière à ce que nous ayons un projet de loi adopté en conseil des ministres en décembre. Il sera ensuite au parlement avant la fin de l'année. S'agissant de la date d'examen du projet, je ne suis pas fermé à ce que, sur la base du texte transmis au parlement, on se donne du temps pour des discussions complémentaires avec les organisations syndicales représentatives.
- Mais le texte ne sera-t-il pas déjà figé, à ce moment ?
D'abord il faut pouvoir bien l'expliquer. Il existe des possibilités d'évolution par le biais d'amendements parlementaires.
- La loi aura quel rôle ? Préparer la grande réforme de la Pac de 2013 ?
C'est d'abord une étape majeure pour sortir de la crise, donner les moyens à l'agriculture et à la pêche française de redémarrer dans les meilleures conditions. Le deuxième objectif est de préparer les agriculteurs à passer le cap de 2013. Pour cela, j'ai voulu concentrer les travaux autour de cinq grands axes. Le premier est celui de l'alimentation. Cette loi doit être le moyen de définir une politique publique de l'alimentation. Cette politique n'a jusqu'à présent jamais été définie. Nous devons passer à une politique publique d'alimentation plus structurée avec au moins trois objectifs. Le premier consiste à fixer des objectifs nutritionnels. Deuxième objectif : une meilleure information sur l'alimentation pour l'ensemble des Français. Le troisième est d'ordre social: ne serait-il pas logique de valoriser davantage l'effort collectif au service de l'alimentation des plus démunis?
- Et sur le plan plus agricole ?
Le deuxième axe est, justement, la question du revenu des agriculteurs et de la compétitivité de l'agriculture française. Nous devons prendre des décisions en améliorant le dispositif assuranciel actuel. Il faut aller plus loin aujourd'hui. Ce qui existe est insuffisant pour garantir la stabilité des revenus des agriculteurs. Les exploitants connaissent des fluctuations et des pertes de revenus trop importantes. Gagner en productivité, cela veut dire aussi avoir une meilleure organisation des filières et résoudre un certain nombre de problèmes comme le coût du travail occasionnel. Celui-ci atteint le double de ce qui existe dans certains pays européens. En apportant une réponse à cette question, nous permettrons à l'agriculture française de mieux se battre par rapport à ses concurrents européens. Troisième grand axe de la loi, la gestion des territoires agricoles. Cette gestion est insuffisante par rapport à l'enjeu stratégique que représente la préservation des meilleures terres agricoles. Ce sera l'objet de certaines mesures de la loi de modernisation.
- Vous êtes favorable à la classification des terres ?
Cela fait partie des possibilités envisageables.
- Et la taxe en cas de changement d'affectation des terres ?
Beaucoup de voies ont été ouvertes, les arbitrages seront rendus par le Premier ministre et le président de la République. Nous avons déjà des outils. Ils méritent seulement d'être améliorés pour être plus efficaces.
- Des positions s'expriment pour supprimer les associations d'éleveurs, en proposant « l'obligation du transfert de propriété » dans un cadre coopératif. Y êtes-vous favorable ?
Je ne suis pas sûr qu'il existe une solution identique pour toutes les filières agricoles. Un des atouts majeurs de notre agriculture est sa diversité. Attention à ne pas avoir d'esprit de système quand on aborde l'agriculture française. Il n'y a pas une mais des agricultures en France. Chaque filière obéit à une histoire particulière et à des logiques économiques différentes. Ce qui peut être utile à une filière ne le sera pas forcément à une autre.
- Donc il faut maintenir des spécificités ?
Oui, si besoin est, il faut maintenir les spécificités de tel ou tel secteur.
- La FNSEA a conçu une « plateforme » de demandes et l'a soutenue par sa manifestation du 16 octobre. Elle se chiffre à 1,4 milliard d'euros dont 575 d'aides d'urgence. Est-ce crédible ? Le gouvernement peut-il y répondre favorablement, comme il l'a fait pour l'automobile ou les banques ?
On ne peut jamais ignorer une manifestation quand elle a été massive, et quand elle suit un certain nombre de mouvements agricoles comme la grève du lait. Ces actions traduisent un malaise. Il doit être pris en compte. Je suis convaincu qu'il faut, aujourd'hui, un plan d'urgence global qui touche toutes les filières et qui permette d'éviter les dégâts que provoquera la crise économique. Ce plan d'urgence doit notamment permettre de soulager la trésorerie d'un certain nombre d'exploitants, comme les jeunes et ceux qui ont récemment investi. Ils se retrouvent avec des remboursements d'emprunts extrêmement lourds à payer. Il doit aussi permettre de relancer l'agriculture en lui donnant des perspectives, financières entre autres. Je proposerai au président de la République et au Premier ministre que ce plan ait deux volets. À la fois alléger l'année 2009 qui restera comme une année calamiteuse pour les filières et en même temps relancer une dynamique d'investissement.
- Cela passe par une année blanche ?
Je ne veux pas m'arrêter à des termes auxquels chacun donne sa propre définition. Il y a parfois beaucoup de confusion autour de ces mots d'année blanche. L'essentiel est que chaque agriculteur puisse passer cette année dans les conditions les moins pénibles possibles et qu'on lui ouvre des perspectives pour les années à venir.
- Il n'y a pas que la crise laitière ou de l'élevage, font remarquer des représentants des grandes cultures. Ils témoignent de prix bas, eux aussi, avec des charges qui augmentent. Le plan de soutien les concernera-t-il également ?
La crise laitière est un symbole des difficultés du monde agricole. Si j'ai consacré autant de temps à cette crise c'est aussi que, au-delà du lait, il y a l'agriculture qui souffre dans son ensemble. C'est vrai de l'élevage, notamment porcin, mais aussi des fruits et légumes, de la viticulture. Toute l'agriculture souffre. En grande culture, nous sommes passé d'une situation avec des prix de l'ordre de 300 euros la tonne à 120 euros aujourd'hui et avec des rendements moindres que ceux des années passées. Cette situation économique appellera une réponse. Le plan global concernera tous les secteurs.
- Comment fait-on pour cibler ceux qui en ont le plus besoin ?
Toute la difficulté de ce plan consiste à prendre des mesures les plus rapides possibles en tirant les enseignements du passé. Il faut que, dans le cadre de notre plan, les aides arrivent très rapidement dans les exploitations. Il faut s'appuyer sur les banques, la MSA et sur les services déconcentrés de mon ministère pour repérer les exploitations qui ont les difficultés les plus importantes. Il faut distinguer entre celles qui sont dans une situation gravissime et celles qui ont juste besoin d'un coup de pouce. Il faut faire du sur-mesure, mais rapidement.
- Pour les PME, le gouvernement a mis en place des médiateurs de crédit. Peut-on imaginer une organisation similaire pour l'agriculture ?
On peut tout à fait l'imaginer.
- Bon nombre d'éleveurs s'inquiètent de la fin de souscription des nouvelles PHAE pour des raisons budgétaires. La prime à l'herbe à venir ne comblera pas ce vide. Comptez vous demander les moyens pour prolonger le principe des PHAE ?
Je comprends parfaitement les inquiétudes sur la PHAE. D'une manière plus générale, il y a un problème d'instabilité des règles nationales ou européennes en matière d'agriculture. Cela pose de réels problèmes aux exploitants. Cela les oblige à s'adapter de manière parfois trop rapide. Dans le cas de la PHAE, il y a un problème de définition européenne et un problème budgétaire français. Nous travaillons à une solution pour les résoudre. Je souhaite pouvoir répondre aux inquiétudes des éleveurs concernés, de façon à ce qu'il n'y ait pas de perte pour eux.
- N. Sarkozy devrait intervenir la semaine prochaine pour annoncer un plan de soutien. Est-ce vraiment son rôle ? N'est-ce pas celui du ministre de l'agriculture, tandis que le président de la république fixe les grandes orientations ?
Le président de la République intervient au bon moment. Au ministère de l'agriculture, nous avons traité un ensemble de difficultés importantes depuis plusieurs mois, qu'il s'agisse de la crise des filières, des problèmes de rapports avec la commission européenne - pour les fruits et légumes par exemple - ou de la mise en place d'une nouvelle régulation européenne. Nous avons beaucoup fait bouger les lignes. Nous sommes maintenant à un moment où il est important et utile que le président de la république prenne de nouveau la parole sur l'avenir de l'agriculture en France. Il ne fera pas qu'annoncer un plan de soutien global ; il s'exprimera de manière plus générale sur la place de l'agriculture dans la société française et dans les grands équilibres nationaux et européens.
- Comment aborder la préparation de 2013 ?
Il y a d'abord la discussion avec nos partenaires européens. Si je passe autant de temps à dialoguer avec eux, c'est que je crois que la France sera en bonne position si elle a repris le leadership en matière agricole et si nous gardons un contact étroit avec tous nos partenaires. Si on veut être convaincant, il faut voir nos partenaires, discuter avec eux. Faute d'être compris, on est isolé. Ensuite, il ne faut pas limiter la discussion à son aspect budgétaire. On doit fixer des objectifs politiques avant tout. Sinon, la réforme de la PAC aboutira à la réduction de son budget. Si, en revanche, nous arrivons à faire de l'alimentation de tous les Européens un vrai objectif stratégique, une vraie politique européenne, on verra que la discussion sur les budgets sera plus facile car elle redonnera une légitimité à l'investissement.
- Votre prédécesseur Michel Barnier avait tenté de procéder ainsi sans y parvenir...
Michel Barnier a beaucoup fait bouger les choses. J'ai pris sa succession à un moment où la question des perspectives financières et des objectifs de la PAC se rapprochent rapidement. La discussion va donc devenir plus naturelle. Ce sera une discussion très difficile car la Pac est la seule politique intégrée. Donc les enjeux sont vitaux pour tous les États. Et quand on touche à des intérêts vitaux, les discussions sont évidemment difficiles.
- Après la note du préfet des Côtes d'Armor regrettant " une opposition de la profession agricole qui souhaite maintenir le modèle économique existant," estimez vous que les efforts faits dans ce domaine par les agriculteurs restent insuffisants et comptez vous faire en sorte qu'ils fassent plus radicalement évoluer leurs pratiques ?
Chacun doit mesurer les efforts considérables qui ont été faits par les agriculteurs pour réduire les taux de nitrates. En 10 ans, les concentrations en nitrates ont été réduites de 10% dans les Côtes d'Armor. Il est évident qu'il faudra aller plus loin. Mais nous ne pourrons le faire qu'en aidant les agriculteurs et en leur apportant le soutien technique nécessaire. En tout état de cause, il n'est pas envisageable d'arrêter toute activité agricole dans le secteur.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 23 octobre 2009