Déclaration de M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie, sur les propositions de projets et de priorités stratégiques des acteurs de l'industrie susceptibles d'être financés par le grand emprunt, Paris le 6 novembre 2009.

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Circonstance : Propositions des acteurs de l'industrie dans le cadre du grand emprunt, à paris le 6 novembre 2009

Texte intégral

Vous le savez, la Commission sur le Grand emprunt devrait rendre son rapport d'ici une dizaine de jours. Le Président de la République devrait décider au début du mois prochain du montant exact, entre 25 et 50 Mds euros, de cet emprunt.
Comme l'a souhaité le Président de la République, l'emprunt national doit nous permettre de relever trois défis majeurs pour se projeter vers l'avenir et dynamiser notre économie sur le long terme :
. le tournant vers l'économie de la connaissance, qui inclut notamment les enjeux d'enseignement supérieur et de recherche,
. la compétitivité des entreprises,
. les équipements industriels innovants.
Il a également souligné l'importance de voir ces investissements s'inscrire pleinement dans les évolutions structurelles de la société comme le vieillissement de la population, le changement climatique et l'épuisement des ressources naturelles, le développement de la mondialisation des échanges ou le renforcement de la demande de sécurité.
J'ai souhaité que soient réunis aujourd'hui au ministère les grands acteurs de l'industrie ayant effectué des propositions de projets ou de priorités stratégiques susceptibles d'être financés par l'emprunt national.
Depuis plusieurs mois, ces acteurs sont venus m'exposer leurs propositions dont nous avons débattu, et la plupart d'entre eux les ont soumises à la commission Juppé Rocard.
Il me semblait essentiel au moment où la commission est en train de finaliser ses grandes priorités, de pouvoir donner un éclairage d'ensemble aux différentes contributions en faveur de l'industrie.
C'est pourquoi l'objectif aujourd'hui était de faire un point général sur ces contributions afin de mettre en évidence les convergences et de dégager des lignes directrices.
Je soulignerai tout d'abord la richesse et la qualité des propositions, ainsi que la diversité de leurs origines: fédérations industrielles, acteurs de l'aéronautique, de l'automobile, de la santé, de la chimie, de l'agroalimentaire, de l'électronique, pôles de compétitivité, think tanks,...
Trois grands axes structurants de ces travaux et réflexions peuvent être dégagés.
Premier grand axe de propositions, pour se projeter vers les marchés de demain, il faut trouver des réponses innovantes aux trois évolutions fondamentales qui structureront notre société dans les 30 ans qui viennent : 1. L'épuisement des matières premières et le réchauffement climatique, 2. L'ère numérique, 3. Les exigences en matière de santé de nos concitoyens et le vieillissement de la population
1. Pour relever le défi de l'épuisement des matières premières et du réchauffement climatique, il nous faut
. Développer de nouveaux matériaux,
- à partir de matières premières renouvelables (matériaux agrosourcés, développement des technologies de chimie verte, démonstrateurs pré-industriels en chimie verte) ;
- ou de procédés nanotechnologiques qui permettent notamment de réduire très significativement la consommation en éléments rares ou à favoriser le recyclage.
. Réduire drastiquement la consommation d'énergie d'origine fossile,
- soit par l'amélioration radicale des procédés ou produits : je pense aux avions et hélicoptères du futur en composite, aux navires du futur plus économes en énergie, aux technologies passives ou actives de maîtrise de la consommation énergétique dans l'habitat;
- soit par l'utilisation d'autres sources d'énergie. C'est bien sûr le véhicule électrique, le développement d'un réseau électrique intelligent permettant notamment l'utilisation efficace des énergies renouvelables, plus largement développement de sources d'énergie non carbonée comme l'énergie nucléaire, ou celles renouvelables,...).
. Pour y parvenir certaines infrastructures doivent être développées.
- Pour le véhicule automobile du futur, c'est le réseau de charge pour le véhicule électrique. La simplicité d'usage est un facteur clef de succès ici. On devra pouvoir recharger rapidement sa voiture en bas de son immeuble ou de son bureau, dans les parkings collectifs privés ou publics.
- Pour les autres types de transport, ce sont par exemple les nouvelles technologies de contrôle aérien mais aussi les ports de plaisance pour l'industrie nautique.
. Développer en conséquence les filières industrielles françaises dans le domaine des éco-industries.
- A travers les énergies renouvelables (éolien, biocarburants, photovoltaïque, solaire thermodynamique, hydroliennes, ...), notamment via le soutien à la R&D et à l'industrialisation.
. Enfin, démontrer le savoir-faire français en matière d'écotechnologies
- Par exemple dans les domaines de l'écologie urbaine ou du captage-stockage du CO2 pour conquérir des marchés à l'export.
2. Pour positionner la France parmi les leaders du monde numérique, il apparaît essentiel de
. Déployer les infrastructures de la société numérique :
- C'est-à-dire les réseaux très haut débit en favorisant le déploiement le la fibre optique sur le territoire national et, pour les zones les moins denses, les technologies alternatives (notamment le satellite).
- C'est aussi les grandes centrales numériques de calcul et de stockage, dans le contexte de l'émergence de l'informatique en nuage ou « cloud computing » (infrastructures logicielles, sécurisation, technologies de l'informatique verte). Il est urgent de faire émerger une alternative française. C'est un enjeu de compétitivité et de souveraineté. J'ai noté que plusieurs grands acteurs industriels (Dassault Systemes, Orange, Thales) sont prêts à s'engager dans un ambitieux projet. Je propose donc que soit étudiée la création d'une société publique-privée chargée de concevoir, construire et exploiter de grandes centrales numériques de calcul et de stockage. Grâce à l'emprunt national, l'Etat pourrait disposer d'une participation élevée au capital de ce projet stratégique pour notre pays.
. Enfin, il est essentiel d'intégrer le numérique dans les industries traditionnelles. Au-delà du secteur des TIC, le numérique est, de fait, au coeur de la plupart des grands projets proposés par les acteurs, d'infrastructure de confiance ou de « smart grid » pour optimiser la production et la distribution d'électricité.
En investissant dans ces projets, la France contribue d'une part à maîtriser la complexité de ces systèmes industriels et, d'autre part, à positionner son industrie parmi les leaders du monde numérique.
3. Pour répondre à la hausse constante des exigences en matière de santé et plus généralement de vieillissement de la population nous devons en particulier
. Développer un écosystème propre à l'innovation, notamment dans les biotechnologies à travers des plateformes et unité de bioproduction sur le modèle de celui de Sanofi-Aventis de Vitry, les technologies de bioproduction à haut rendement et faible coût. C'est d'autant plus important qu'ici la France dispose déjà d'avantages comparatifs.
. Soutenir des programmes de R&D sur les pathologies clés (infectiologie, maladies liées au vieillissement...).
. Accélérer le développement de la télésanté : de la téléexpertise entre professionnels de santé à télésurveillance des malades ou personnes âgées à leur domicile, du télédiagnostic, à la téléchirurgie en passant bien sûr par l'e-santé qui permettra à chacun d'entre nous d'accéder directement au moment souhaité à son dossier de santé ou à des services médicaux
Deuxième grand axe de propositions, pour accélérer la création de richesse et d'emploi, les projets du Grand emprunt doivent miser sur les technologies les plus stratégiques, celles qui irriguent l'innovation de la plupart des autres branches industrielles.
1. Il s'agit d'abord de renforcer la maîtrise des technologies de la micro-nanoélectronique et du logiciel embarqué,
Ces technologies constituent le socle technologique de la révolution numérique (informatique et télécommunications) avec de grands enjeux applicatifs. Il s'agit de préserver la capacité de conception et de production dans un domaine stratégique en renforçant les synergies entre fournisseurs de technologies et industriels intégrateurs, dans une logique de filière. Pour cela il est important
. D'investir dans de nouvelles lignes-pilotes, en lien avec les sites industriels ;
. De lancer de grands programmes de R&D industrielle, en lien avec des centres d'intégration, permettant de positionner les sites français vers les filières d'avenir (numérique, énergie, transport, sécurité, santé) ;
. De soutenir l'intégration des technologies dans les industries applicatives.
2. Il s'agit ensuite de maîtriser l'infiniment petit avec les nanomatériaux.
Les développements des technologies de l'observation associés aux capacités croissantes de simulation et de modélisation ont notamment permis la maîtrise croissante des opérations « nanométriques »
. Cela se concrétiserait par exemple par des équipements de fabrication de nanotubes de carbone qui pourraient pour illustrer, être utilisés pour fabriquer des vêtements hautement résistants et imperméables
3. Il s'agit enfin de maîtriser les technologies du vivant.
Les techniques liées au travail du génome ainsi que l'utilisation de techniques issues d'autres domaines d'application (TIC, imagerie, nanoparticules...) fournissent de riches perspectives d'innovation dans le domaine de la santé mais aussi dans des domaines proches.
. Cela passe par le développement d'un écosystème propre à l'innovation, notamment dans les biotechnologies avec des investissements dans des plateformes et unité de bioproduction, des technologies de bioproduction à haut rendement et faible coût, le renforcement du financement des PME de biotechnologie) où la France dispose déjà d'avantages comparatifs.
. Programme de R&D ou de démonstration d'utilisation des biotechnologies pour les matériaux.
Troisième grand axe de propositions, pour se projeter sur les marchés du futur, il est indispensable de créer les conditions favorables à l'innovation en renforçant les outils qui ont fait leurs preuves
1. Il faut promouvoir un nouvel écosystème des pôles de compétitivité.
Les pôles de compétitivité constituent des instruments clés pour cibler les moyens nouveaux du soutien à l'innovation.
. On pourrait lancer 5 clusters de classe mondiale à partir des pôles de compétitivité existants sur des filières en essor, en attirant et concentrant sur un même territoire les acteurs clefs (PME, recherche, université) pour en faire de véritables campus de l'innovation, à l'image ceux existants aux Etats-Unis, au Japon, en Corée ou même en Suède.
. Cela pourrait se compléter par des infrastructures structurantes et partagées comme de très grandes plateformes d'innovation où recherche public et privée travaillent au quotidien côte à côte.
2. Il faut resserrer les liens entre recherche public et industrie.
. Cela peut se faire en orientant des moyens supplémentaires accordés à la recherche publique dans le cadre de projets menés en lien avec des entreprises industrielles sur les priorités du grand emprunt.
Voilà en substance, ce que je retiens, sur la base des contributions des acteurs de l'industrie à l'emprunt national. Et voilà les projets que je considère comme incontournables pour la transformation de notre modèle industriel.
Je suis convaincu que ces propositions permettront à la commission de faire le meilleur choix possible car l'avenir de l'économie française passe par celui de son industrie.
L'engagement de l'Etat sera fort. Celui des industriels doit l'être aussi : Cela doit être du donnant-donnant. Les pouvoirs publics avec le grand emprunt donneront l'impulsion nécessaire. J'attends des industriels qu'ils s'engagent massivement pour faire jouer l'effet de levier à plein. C'est la condition sine qua non d'une projection collective vers la France du futur.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 6 novembre 2009