Interview de M. Christian Estrosi, ministre de l'industrie, à "Europe 1" le 2 novembre 2009, sur l'inquiétude autour du prochain statut de La Poste, sur le débat sur la taxe professionnelle et l'ouverture des états généraux de l'industrie.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Bonjour C. Estrosi.

Bonjour M.-O. Fogiel.

Vous êtes le ministre chargé de l'Industrie, entre le statut de La Poste, les états-généraux d'industrie, la taxe professionnelle, on a de quoi se parler ce matin C. Estrosi. D'abord le statut de La Poste. « On va leur pourrir la semaine », c'est ce qu'on pouvait entendre du groupe socialiste à la veille du débat au Sénat, plus de 600 amendements déposés, trois motions de procédure, une motion référendaire, ça s'annonce mouvementé ce matin pour vous ?

Moi je trouve que c'est assez terrifiant qu'on puisse, lorsqu'on est des représentants du peuple, dire : « on va leur pourrir la semaine ». L'avenir de La Poste ce n'est pas rien...

Ah bah ça, à qui le dites vous, ils y a les Français qui se sont mobilisés.

Apporter sa contribution pour construire l'avenir de La Poste, qui sera confrontée à la concurrence européenne à partir du 1er janvier 2011, c'est important.

C. Estrosi la votation citoyenne inquiète.

C'est justement parce qu'elle a inquiété quelques centaines de milliers de Français, pas plus, que moi je vais parler parce que je ne les néglige pas, même s'ils ne sont pas beaucoup, je vais parler...

Deux millions de Français, 90% inquiets.

...Enfin, ça vous ne l'avez pas vérifié, il n'y a pas d'huissier de justice et il n'y avait pas de sous-préfet pour vérifier dans chaque arrondissement. Moi à Paris, j'ai envoyé des amis voter dix fois L. de Funès dans le même bureau de vote...

Juste pour rire ?

Simplement vous vérifier. Mais rentrons dans les affaires sérieuses : construire l'avenir de La Poste. Que les socialistes et les communistes disent « cette semaine, on va faire des propositions pour l'avenir de La Poste », on vous dit « on va leur pourrir la semaine ». Alors vous savez, le Français qui lit dans un journal, vous savez la majorité, le Gouvernement veulent privatiser La Poste et puis qui lisent trois lignes plus loin, et puis ils veulent 2 milliards 700 millions d'euros d'argent public pour la moderniser, celui-là se dit : mais qu'est-ce que c'est ce pays ?

Mais alors vous dites quoi ce matin concrètement, parce que là, on est un peu perdu.

Mais je pose la question : quel est le pays au monde où quelqu'un voudrait privatiser et en même temps mettre 2 milliards 700 millions d'argent public pour moderniser La Poste ? Moi, le seul pays que je connaisse, ça s'appelle « socialo-fanstasme-Land ». C'est ça la réalité.

Donc vous prenez l'engagement ce matin une nouvelle fois, il n'y aura pas de privatisation...

Mais je vais beaucoup plus loin, puisque non seulement il est inscrit dans le texte que ça restera 100% public et que nous mettons les moyens de la moderniser dans le domaine du courrier électronique, de la Banque postale, des colis express, la modernisation de tous les bureaux de Poste, parce que les Français ils attendent qu'on modernise aussi leur service public. Mais en plus je vais faire rajouter dans le texte qu'en application du préambule de la Constitution de 1946, La Poste ne sera pas privatisable. C'est-à-dire que La Poste sera encore moins privatisable lorsque le texte aura été voté que dans l'état actuel. C'est ça la réalité.

Donc, là, vous allez renforcer d'une certaine manière ce qui inquiète les Français, enfin vous allez rassurer les Français en renforçant le texte...

C'est-à-dire que je ne permettrai pas à un Gouvernement socialiste qui dans le pire de mes cauchemars reviendrait demain, de pouvoir privatiser puisque je vais la rendre - c'est un mot qui n'est pas français, mais que j'utilise à dessein - « imprivatisable ».

En deux mots, expliquez nous, parce que les Français entendent "la privatisation de La Poste", "on va la moderniser", mais c'est quoi le problème de La Poste ?

Le problème de La Poste c'est qu'elle a six milliards de dettes, c'est qu'elle est confrontée à la concurrence au 1er janvier 2011, c'est que toutes les Postes européennes se sont mises en situation d'affronter cette concurrence, c'est qu'elle fait de moins en moins de courrier à cause d'Internet et que nous avons besoin de lui donner les moyens de se moderniser, en communication électronique...

Mais elle est en danger ? Si jamais vous ne vous en occupez pas, vous dites que La Poste est en danger ?

C'est le président de La Poste qui me dit : je suis en danger, aidez-moi, apportez-nous 2 milliards 700 millions d'euros. Soit on le fait en privatisant, soit on le fait en apportant de l'argent de l'Etat et de La Caisse Des Dépôts et pour ça, il faut simplement une modification statutaire qui en donnant les moyens de cette modernisation, en même temps, garantit l'avenir du statut de La Poste.

C'est ce que vous nous annoncez ce matin sur Europe 1. La taxe professionnelle, vous avez entendu, vous avez lu J.-P. Raffarin dans le JDD, vous l'entendrez tout à l'heure à 8h20 avec M. Grossiord, très remonté contre la suppression de la taxe professionnelle. La majorité qui s'attaque au Gouvernement ça vous inspire quoi ?

Est-ce que simplement, sur La Poste, vous savez que dans les 600 amendements qui ont été déposés pour faire de l'obstruction parlementaire, il y a des amendements qui suppriment le tarif unique du timbre et il y a des amendements qui au-delà empêchent les postiers de devenir des actionnaires de La Poste ? C'est-à-dire que c'est pire que la situation actuelle.

On tourne la page de La Poste. Sur la taxe professionnelle, vous sentez quand même la gronde des sénateurs ce matin ?

Sur la taxe professionnelle, J.-P. Raffarin et les sénateurs n'ont dit qu'une chose : c'est qu'ils voulaient avoir la certitude qu'en même temps qu'on supprimait la taxe la plus injuste qui soit à l'égard des entreprises - et c'est le ministre de l'Industrie qui le dit, puisqu'on les prive, on ne leur permet pas d'avoir une suppression de la taxe professionnelle sur les investissements productifs, on s'est engagé vis-à-vis d'eux à le faire à partir du 1er janvier 2010 - en même temps, ils veulent des garanties sur la pérennisation du financement des collectivités locales.

Ce qu'on vous reproche c'est d'avoir mis la charrue avant les boeufs, alors vous dites quoi ?

Pour moi, il n'est pas acceptable qu'au terme de la discussion budgétaire, on n'ait pas supprimé la taxe professionnelle sur les investissements productifs. J'ai eu J.-P. Raffarin hier, nous en avons parlé. C. Lagarde apportera des simulations aux sénateurs dans le courant de la semaine pour parfaitement les rassurer...

Il serait temps non ?

Non, déjà aujourd'hui, il y a un certain nombre d'éléments qui ont pu avancer dans le débat à l'Assemblée nationale, il sera complété avec les sénateurs au Sénat et je suis convaincu qu'on trouvera un accord à la fois pour garantir la pérennisation du financement des collectivités et en même temps...

Mais vous voulez dire quoi concrètement ? Il sera tout à l'heure à 8h20, vous lui dites quoi à J.-P. Raffarin : tout va bien ?

Je dis : J.-P. Raffarin, notre responsabilité commune est de veiller à ce qu'en 2010 les entreprises françaises, les industries françaises ne paient plus la taxe la plus injuste qui soit, c'est-à-dire un impôt sur les investissements productifs qui créent des emplois dans les entreprises.

Un mot sur les états-généraux de l'industrie que vous avez lancés il y a quinze jours, vous lancez aujourd'hui le comité national qui va le piloter, ça représente quoi ?

Ca représente avec les syndicats des salariés, avec les chefs d'entreprise, des économistes, des sociologues, tout simplement l'opportunité que nous nous offrons avec des élus, de pouvoir passer d'un monde dans un autre au coeur de cette crise pour faire de l'innovation industrielle un accélérateur de sortie de crise et en même temps réorganiser le débat dans l'industrie pour faire en sorte que nous sortions du débat branche par branche qui depuis trente ans, sous tous les gouvernements de gauche comme de droite, n'a pas permis à l'industrie, aux ouvriers, aux usines de France d'être la force de frappe qu'elles doivent constituer mais d'avoir une organisation par filière qui nous permettra dans le domaine de l'automobile, de l'aéronautique, de l'aérospatiale, du nautisme, des nanotechnologies, de l'industrie pharmaceutique, à la sortie de la crise, d'avoir de véritables leaders mondiaux.

Merci C. Estrosi. Un mot, oui ou non, est-ce que vous êtes d'accord avec N. Morano qui dit à R. Yade : un ministre ça ferme sa gueule ou ça part du Gouvernement ?

J'aime beaucoup N. Morano donc, je n'apporterai pas de contradiction à N. Morano ce matin.

Merci C. Estrosi.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 novembre 2009