Lettre aux parlementaires de M. Michel Rocard, Premier ministre, sur l'avenir des retraites, en date du 24 avril 1991.

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Circonstance : Parution du livre blanc sur les retraites

Texte intégral

Monsieur le Sénateur,
Comme mon Gouvernement s'y était engagé devant vous lors du débat sur la réforme du financement de la protection sociale en novembre dernier, il publie aujourd'hui un livre blanc sur l'avenir des retraites.
Nos régimes de répartition ont réussi. Les Français vivent aujourd'hui mieux et plus longtemps. En effet, la retraite n'est plus, pour la plupart de nos anciens, synonyme de pauvreté. Le niveau de vie des nouveaux retraités a rejoint, en moyenne, celui des actifs.
Maintenir dans l'avenir cet acquis collectif de la société française est de notre responsabilité commune. Les droits acquis par les retraités d'aujourd'hui ne sont pas en cause. Nous avons, vis-à-vis des générations futures, un devoir de lucidité et de solidarité pour actualiser le pacte qui, dans nos régimes par répartition, lie les générations successives entre elles.
Face aux évolutions démographiques du pays et dans la perspective de l'arrivée à l'âge de la retraite, dès le début du siècle prochain, des générations nombreuses de l'après-guerre, nous devons procéder aux adaptations nécessaires pour sauvegarder nos régimes par répartition et garantir ainsi aux actifs d'aujourd'hui les retraites qu'ils sont en droit d'espérer demain.
Le livre blanc du Gouvernement propose des perspectives chiffrées pour tous les régimes de vieillesse, il distingue scrupuleusement les données, les hypothèses raisonnées et les projections, les voies d'adaptation possibles. Son ambition est de rechercher l'accord sur les données, sur les termes du problème afin que chacun, en fonction de ses valeurs et de ses options politiques, puisse émettre des propositions et participer à la discussion.
Le Gouvernement a demandé à une mission de quatre personnes, M. Robert COTTAVE, M René LENOIR, Mme Suzanne GREVISSE et Mme Dominique FRULEUX, d'engager une concertation approfondie avec l'ensemble des partenaires sociaux et professionnels et de conduire une large action de sensibilisation et d'information de nos concitoyens.
A l'issue de ce vaste débat qui s'engage dans la société française, le Parlement et le Gouvernement auront à prendre leurs responsabilités devant le pays et pour les générations futures.
Pour ma part, je m'en tiendrai en permanence au respect de trois objectifs fondamentaux : la justice sociale entre les générations pour que nulle ne soit sacrifiée ; la justice sociale au sein de chaque génération, les efforts à consentir devant être équitablement répartis ; la sécurité enfin, car seule la maîtrise financière de nos régimes de retraites apportera à nos anciens la garantie contre les aléas des vieux jours à laquelle ils aspirent légitimement.
Sur ce sujet essentiel pour l'avenir de la société française, j'attends que chacun, au-delà des oppositions partisanes, fasse preuve, dans l'intérêt du pays, d'un sens élevé de la responsabilité publique et que les convergences indispensables au règlement de cette difficile question puissent être trouvées. Je m'y emploierai pour ma part sans relâche et je sais pouvoir compter sur votre appui.
Je vous prie de croire, Monsieur le Sénateur, en l'assurance de mes sentiments les meilleurs.