Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président du Comité national olympique et sportif français,
Monsieur le Prince héritier,
Président du Comité national olympique du Bhoutan,
Messieurs les Présidents de fédérations,
Chers amis,
Nous sommes donc réunis cet après-midi autour d'une passion, « vieille de deux mille ans, qui aujourd'hui comme jadis, agite le coeur des hommes », je veux dire celle du sport. Cette même passion qui animait le baron de Coubertin lorsqu'il accomplit, ici même à la Sorbonne, le 23 juin 1894, son oeuvre de renaissance de l'idéal olympique. Cet idéal, avec une intuition révolutionnaire, Coubertin voulut lui donner corps dans le temple de l'esprit, la Sorbonne. Non sans mérite : regardez bien derrière moi la magnifique composition que peint Puvis de Chavannes en 1889 : dans cette allégorie des savoirs et des vertus, c'est en vain que vous rechercherez celle qui illustre le sport.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Certes, le sport est populaire, et les sportifs parfois adulés : sont-ils pour autant considérés ? Je ne suis pas sûre et le déplore. Lors de mon arrivée au Ministère des Sports, il s'en est trouvé des esprits égarés pour parler de relégation ou de punition et ainsi ignorer la fierté que j'ai ressenti à succéder à Maurice Herzog. Je suis sûre d'ailleurs que les journalistes sportifs qui sont dans cette salle doivent ressentir, dans les dîners en ville, cette condescendance de leurs collègues, journalistes politiques ou société. On s'est même étonné que je vienne pas du milieu sportif : mais Mme Buffet, M. Mazeaud, Mme Alliot-Marie non plus et ils ont laissé une très belle trace. Et le sport doit être un sujet politique et de société comme un autre, et donc ouvert à tous les profils, y compris les plus politiques. Il n'y a pas de raison ! Il fallait donc revenir à la source, ici à la Sorbonne, dans la lignée de Pierre Coubertin pour redonner au sport sa place dans le temple de la culture française. En espérant que les gardiens du temple n'y voient ni effraction ni provocation !
Tant pis pour cette vieille émission de télé qu'on appelait « La tête et les jambes » ! Comme si un écrivain n'avait pas de corps et un sportif n'avait pas de cerveau. Ah, tradition quand tu nous tiens ! Car, si en France, le corps et l'esprit n'ont jamais fait bon ménage, c'est la faute à la religion, pensait Mauriac qui formulait : « l'Eglise ne fait pas sa part à la chair. Elle la supprime ».
Peut-être même est-ce aussi la faute de quelques-unes de nos élites intellectuelles qui se méfient du sport comme passion populaire. Peut-être même que les derniers représentants de cette école ressentent-ils un peu de jalousie à l'égard de ces Zidane, Noah, qui après avoir obtenu la reconnaissance de l'argent et celle des médias, sont devenus les personnalités préférées des Français, avant les politiques et avant les hommes de lettres.
Des exceptions toutefois ont tenté de renverser la tendance. Mais pour un Camus, un Morand, un Cocteau, combien d'esprits étriqués ! Au-delà des plaisirs proustiens et des souvenirs de jeunesse, de grands esprits ont su saisir l'esthétisme du sport et comprendre qu'il a souvent une encolure d'avance sur la société : Hemingway, Steinbeck, Godard, Camus, Marguerite Duras, Rainer Maria Rilke, Woody Allen.
Eux, ont compris la dimension esthétique du sport. Eux, ils ont compris qu'il n'y a aucun film, aucune pièce de théâtre où une carrière se joue en 5 ou 10 secondes, sur un pénalty, une expulsion ou sur la main de Dieu. Eux, ont compris que, dans le sport, la souplesse d'adaptation, l'invention des gestes, le caractère foudroyant de certaines actions appartiennent à un état d'intelligence supérieur.
Eux, se rappellent que Micheline Ostermayer gagnait des médailles et jouait du Chopin ! Eux, se rappellent que, quand Marcel Bernard a gagné Roland-Garros, il travaillait au Quai d'Orsay !
Eux, ont compris que le sport est quelque chose d'aussi estimable que la littérature ou la musique.
Eux, ont compris le rôle éducatif, le vecteur de lien social et la dimension politique du phénomène.
Eux, ont compris que nous aurions bien tort de ne pas saisir cette référence comme un symptôme de nos sociétés et une forme d'avertissement.
Avertissement quand le pays vibre à la France black-blanc-beur, que le monde politique monocolore n'avait, avant 1998, pas voulu voir alors que la société française disait sa soif de diversité. Avertissement quand en 1938 le boxeur afro-américain Joe Louis devient champion du monde face à l'Allemand Max Schleming mais doit, au moment de la seconde guerre mondiale, servir dans une unité uniquement composée de noirs. Avertissement quand loin, là-bas, en Iran, face à la répression, ces Iraniens qui n'ont rien trouvé de mieux qu'un terrain de foot pour crier « Résistance ! ».
Poisson-pilote de la société vous dit-on ! Locomotive de la démocratie, aussi, comme le dit si bien Pascal Boniface. Le fils de Zidane fera une grande carrière s'il est bon. Pas parce qu'il s'appelle Zidane. Dans le reste de la société, ça ne marche pas forcément comme ça : le nom peut suffire. Et la géopolitique, elle aussi, qui ne sait plus où donner de la tête tant sur les pistes d'athlétisme, au rythme des records de leurs champions, ce sont des noms de pays marginalisés à l'ONU qui tiennent le haut de l'affiche : Saint-Kitts et Nevi, Bahamas, Jamaïque, Kenya, Ethiopie. « L'égalité devant le sport est vraiment la seule égalité » rappelait Jean Giraudoux. Niveleur de classes et dérivatif de tous les instincts mauvais, disait Pierre Coubertin.
Et c'est parce qu'il éduque autant qu'il civilise, les élites culturelles françaises ne peuvent décemment plus se tenir à l'écart de ce phénomène populaire. Ni fermer les yeux sur le premier mouvement associatif de Français, les 30 milliards annuels d'investissements, les 16 millions de licenciés à jour de cotisation qui feraient pâlir d'envie les Eglises, les partis politiques et les syndicats de France.
Il est temps de comprendre que l'autre nom du Ministère des Sports est le Ministère de l'Education populaire. C'est pour cela que j'ai voulu ce film introductif. Parce que pour savoir où nous allons, nous devons nous rappeler d'où nous venons. Parce que je voulais que nous ressentions ensemble la fierté d'appartenir à ce Ministère très républicain qu'est le Ministère des sports, à travers ceux qui l'ont fait, porté, grandi.
Alors, permettez-moi de saluer mes prédécesseurs, qui, depuis le Front populaire et Leo Lagrange, ont compris, qu'ils soient de droite ou de gauche, qu'en entrant au Ministère des Sports, ils ne mettaient pas les pieds n'importe où et qu'en fait, ils mettaient un pied dans le sport et un autre dans l'éducation. Parce que, comme disait Jean-Luc Godard, le sport offre encore cette espérance..., l'espérance de la vérité. Le stade, lui, ne ment pas. Je serai fidèle à cet héritage. Je serai fidèle aux principes qui font l'identité et l'originalité profonde de ce ministère :
Fidélité d'abord au partenariat historique qui unit les 4 acteurs du sport que sont l'Etat qui édicte les règles et sans lequel la moitié des fédérations disparaîtrait car n'intéressent pas le privé, le mouvement sportif qui applique, le secteur privé du mécénat-sponsoring qui a toujours existé dans le sport et les collectivités territoriales qui financent les infrastructure.
Fidélité ensuite à l'unité fédérale du sport, parce que la mutualisation des capacités sportives est nécessaire.
Mais, après trois mois à la tête de ce secrétariat d'Etat, sans présomption, avec l'humilité qui naît de ces 70 ans d'histoire qui m'ont précédée, et après plus de 500 entretiens, une question fondamentale revient sans cesse : en France, notre modèle sportif est-il encore viable ? Peut-il relever à l'international le défi d'une compétition de plus en plus forte ?
Ce sont trois défis, celui de la mutation interne, celui de l'exemplarité et celui de la compétitivité européenne et mondiale qu'ensemble, Etat, mouvement sportif, collectivités territoriales, nous devons relever.
I - Premier défi donc, la place de l'Etat dans le sport en France et la pérennité de notre modèle sportif.
A. Redonner à l'Etat toute sa place
J'entends des gens murmurer, toujours bien sûr sous le couvert de la réflexion désintéressée, que l'Etat n'a plus sa place dans le sport : il faudrait une Agence spécialisée du haut niveau, confier le sport professionnel aux entreprises et le sport pour tous aux collectivités territoriales. Bref, le ministère des sports serait d'un autre âge. Et bien non !
Ce que je suis venue vous dire aujourd'hui, c'est que l'Etat français ne renoncera pas au rôle qui est le sien vis-à-vis du sport.
Ce ministère est né d'une volonté politique et s'ancre dans une tradition de l'Etat français.
Ce ministère, c'est le symbole de l'Etat régulateur. Je travaille d'ailleurs, comme je l'ai proposé au Premier ministre, à la rédaction d'un projet de loi qui me permettra d'affirmer ce rôle.
Je veux également redire ici la complémentarité du mouvement sportif et de l'Etat. C'est notre tradition, c'est notre modèle, c'est notre fierté.
Notre modèle, c'est l'équilibre entre le monde associatif et l'Etat, garant de l'intérêt général.
C'est la volonté politique de favoriser l'accès à la pratique sportive des plus modestes de nos concitoyens.
C'est l'équilibre recherché entre les territoires, ruraux ou urbains, qui souffrent d'un manque d'équipements sportifs.
C'est l'équilibre entre le sport professionnel et le sport fédéral, qui garantit l'unicité du sport et sa solidarité interne.
C'est la volonté politique de soutenir les associations et les milliers de bénévoles, admirables, qui aident ceux dont le corps est affaibli par un handicap à retrouver confiance en eux-mêmes à travers le sport.
C'est la volonté politique de favoriser le sport féminin.
B. Revaloriser l'administration
Je veux m'adresser à vous, agents du ministère, vous qui êtes nombreux dans cet amphithéâtre, venus de l'administration centrale et déconcentrée. Je veux m'adresser à vous en confiance et avec respect. Depuis le 23 juin, depuis cent jours, j'ai mesuré à la fois votre engagement, votre compétence et souvent vos interrogations, sinon votre désarroi. On n'arrive pas au ministère des sports par hasard ; c'est, pour presque chacun d'entre vous, un choix personnel, de vie souvent ; vous n'êtes pas une administration de gestion, vous êtes une administration de passion. De même, ai-je la conviction que vos métiers sont si spécifiques que je vois personne d'autre les exercer à votre place.
Votre défi, mon défi, notre défi donc, c'est d'abord celui des ressources humaines ; ce qui fait l'incomparable richesse du ministère chargé des sports, c'est votre qualité, votre dévouement, votre sens de l'Etat au service d'une vocation.
Dans nos services déconcentrés, 70 à 80% des agents sont des cadres A. Je suis fière de diriger une administration de projet plus que de guichet, orientée davantage vers l'accompagnement des acteurs plus que la simple prestation de services.
Au service des fédérations sportives, tant au niveau national qu'auprès de leurs échelons territoriaux, au sein des ligues et des comités sportifs régionaux et départementaux, le ministère met à disposition des cadres sportifs de grande valeur, experts de haut niveau, directeurs techniques et entraîneurs nationaux, conseillers techniques nationaux ou régionaux. Vous exercez un métier difficile, en permanence jugés à l'aune des résultats sportifs au plus haut niveau dans vos disciplines. Fonctionnaires nommés par l'Etat pour conduire les politiques sportives nationales et régionales définies sous la responsabilité des présidents de Fédérations et des ligues sportives, vous incarnez la singularité du modèle sportif français, qui repose sur la coopération entre l'Etat et le mouvement sportif fédéral, délégataire d'une mission de service public. Cela n'est pas simple ; vous êtes parfois tiraillés ; ce n'est pas une double loyauté que je vous demande d'assumer, mais une double intelligence, au service de l'Etat et des fédérations délégataires.
Je pense à cet égard indispensable d'ouvrir sans tarder le dossier des métiers et du statut d'emploi des cadres techniques, notamment des DTN. Pour réfléchir à leurs missions, à leur positionnement, à l'élargissement du vivier des compétences, à leur mode de recrutement, de rémunération, d'évolution de carrière et de reconversion. Il faut redonner sens et cohérence à notre système de délégation, clé de voûte de notre système.
A ces corps propres du ministère je veux associer les personnels administratifs et les personnels ouvriers et de services, relevant du ministère de l'Education nationale, dont la contribution au service public du sport est essentielle. Je sais que leur conduite a été exemplaire lors des récentes opérations de restructuration de nos établissements.
Dès mon arrivée, j'ai tenu à m'adresser à vous, par courriel, directement. A ma grande surprise, beaucoup m'ont répondu, d'un simple mot amical parfois, d'autres, plus longuement. Chez beaucoup, j'ai aussi senti une inquiétude sur la réforme de l'administration territoriale, qui sera opérationnelle le 1er janvier 2010.
Croyez bien une chose cependant : cette réforme ne signifie pas la dilution, ou la disparition des objectifs de la politique publique du sport, que ce soit au sein des nouvelles directions régionales ou des nouvelles directions départementales interministérielles. Ce film, je l'ai voulu parce que pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient. Grâce au film, nous savons d'où nous venons.
Vous avez aussi le droit de savoir ce que deviendront vos missions au sein des nouvelles directions de cohésion sociale et quelle sera l'articulation entre l'échelon départemental et l'échelon régional. Et, parce que la RGPP ne touche pas seulement à l'organisation mais impacte aussi les missions (il faut bien que quelqu'un le dise), j'ai le devoir de vous apporter des réponses, tout comme de préciser aux préfets le sens de vos missions.
Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a de la place pour un service public des sports. Aux directions départementales, la proximité avec les clubs, les équipements et les éducateurs mais également le lien avec les publics défavorisés, les pratiques émergentes et risquées, les sports de nature et tout ce qui relève de l'accompagnement des acteurs locaux et des territoires au quotidien. Au niveau régional, d'assurer le pilotage des politiques de l'Etat, l'expertise, la mutualisation des moyens et des ressources et l'aménagement du territoire à travers les équipements. A l'administration centrale, la définition de la politique publique du sport, les modalités de sa mise en oeuvre en tenant compte des dynamiques territoriales et des nouvelles manières de travailler. Je leur demande également de communiquer avec vous le plus possible. Pour continuer à faire passer ce message, je me suis engagée, et j'ai déjà commencé à le faire, à aller à votre rencontre chaque fois que possible lorsque je me déplace en région. Je m'adresserai également aux préfets pour leur rappeler la préservation des métiers et le maintien des relations privilégiées avec les acteurs sportifs locaux, personnels d'inspection et professeurs de sport. Je me suis attachée à cet égard à une juste représentation de nos personnels jeunesse et sports au niveau des préfigurateurs régionaux en obtenant que sur les 14 préfigurateurs désignés 9 soient issus de notre administration, dont le préfigurateur Ile de France. L'équité oui, la portion congrue, non. Enfin, pour éviter que les corps ne s'assèchent, j'ai demandé à mon administration d'étudier l'ouverture d'un concours d'inspecteurs et de cas car je souhaite conforter la place du sport dans les missions et les compétences dévolues aux nouvelles directions interministérielles.
Je souhaite par ailleurs au sein de notre administration un dialogue social profondément renouvelé. J'ai un profond respect pour les organisations syndicales. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu les rencontrer très vite pour entendre leurs préoccupations et le leur dire. Les décisions tombant d'en haut, sans information ni concertation, ce n'est pas ma méthode ni ma conception de l'action publique. C'est pourquoi j'ai demandé aux directeurs d'administration centrale d'avoir systématiquement le réflexe, la culture de réunir les organisations syndicales, les groupements professionnels chaque fois qu'une nouvelle politique, qu'une réforme statutaire ou autre seront mises en chantier. Je souhaite une culture de la décision, dans la concertation, et sans le renoncement à ses convictions.
J'achèverai enfin la réorganisation des services et du réseau d'établissements du ministère, celle de nos Ecoles nationales, en particulier l'ENSA de Chamonix et le Centre national de Prémanon dans le Jura qui constitueront un nouvel établissement dédié au ski, à l'alpinisme et aux sports de montagne, mais aussi le regroupement de l'Ecole nationale d'équitation et son fleuron, le Cadre noir, avec les Haras nationaux, qui auront été, préalablement, profondément restructurés dans leurs missions.
Quant aux CREPS, je sais que les personnels s'interrogent sur la réforme en cours. Je voudrais vous dire que la réforme, comme toute réforme, n'a d'intérêt que si elle a un sens, c'est-à-dire une direction et une signification ; elle doit également s'accompagner de pédagogie et de concertation. Alors, je prends, comme vous le savez, le train en marche, et à quelle allure il va ! Ce qui a été fait est fait. Mais ce qui reste à faire, notamment concernant Dinard et Voiron, ne sera pas la fermeture brutale. Ce ne peut non plus être le statu quo. J'ai donc proposé la recherche d'une troisième voie originale en concertation avec les agents et les régions de Rhône-Alpes et Bretagne, qui sont de grandes régions sportives. Et ce mot de CREPS, il faudrait le garder et le décliner, comme l'un de nos agents me l'a proposé par mail, en « Campus de Recherche et d'Excellence en performance sportive ».
Voilà le sens des premières démarches que j'ai entreprises pour que notre Ministère continue à assumer sa mission de service public du sport.
C. Réinventer l'intérêt général du sport La deuxième priorité que nous devons nous fixer, c'est celle de la place du sport dans notre société. Vaste et ambitieux chantier !!! Mais tellement essentiel !
Avec deux ambitions : assurer l'égalité des chances pour tous et mettre le sport au coeur de la Cité. Bref, mettre le Ministère au service de l'intérêt général, puisque ni les collectivités, ni le mouvement sportif ni le secteur privé n'ont cette vocation.
Si l'Etat républicain est le garant ultime de l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire, il doit en effet également l'être en matière d'accès au sport. Or, beaucoup de Français n'ont pas accès au sport, soit parce qu'ils n'en n'ont pas les moyens, soit parce qu'ils se trouvent sur un territoire ou dans un quartier sans installations sportives. C'est un déni républicain. Je veillerai à cet égard à ce que l'exclusion du sport des lois de décentralisation en 1983 ne se reproduise pas lorsque s'ouvrira la réflexion sur la réforme des collectivités territoriales. J'ai écrit dès juillet au ministre de l'Intérieur, afin que les régions et les départements puissent continuer à financer le sport. Il m'a été répondu favorablement.
Mais l'apport considérable des collectivités territoriales dans le domaine du sport ne doit pas nous faire oublier pour autant la mission de notre ministère. Nous devons être le ministère du refus des fatalités, du soutien aux populations en difficultés, de l'investissement dans les territoires fragilisés.
C'est là la première de nos missions, qui se concrétise cette année avec plus de 200 millions d'euros dépensés par le Centre national de développement du sport (CNDS) afin d'aider plus de 40 000 associations sportives et construire ou rénover plus de 800 équipements sportifs. Le CNDS dont je viens de renouveler le conseil d'administration et dont j'ai précisé les missions pour qu'elles soient centrées sur la politique de la ville, le milieu rural, l'outre mer, la lutte contre les discriminations, le handicap, le sport féminin. Je n'oublie pas non plus les moyens du CNDS puisque, dans le cadre de la libéralisation des paris sportifs en ligne, je me suis battue pour qu'une contribution supérieure à ce qui était prévue soit actée pour financer le sport amateur et le sport de masse.
Cette égalité des chances, nous tentons d'abord de la rétablir dans les quartiers populaires, en consacrant 35 Meuros en faveur des associations et des éducateurs qui y travaillent, ainsi que pour les équipements qui y sont implantés. Nous construisons et nous rénovons des équipements sportifs à Villiers-le-Bel, à Montfermeil, à Firminy, dans le quartier Saint-Jacques à Perpignan, aux Tarterêts à Corbeil-Essonnes... Dans ces lieux emblématiques du malaise des banlieues, le sport doit rester porteur d'intégration. Mais aussi d'excellence : je compte ainsi favoriser l'accès des jeunes des quartiers aux sports dont ils sont souvent absents comme le golf, l'équitation, l'escrime ou les sports de glace. Il n'y a pas de raison !
Mais n'oublions pas les zones rurales. Ces territoires délaissés, je compte bien partir à leur reconquête. Je serai attentive aux mutations difficiles qu'elles vivent et je me porterai garante du maintien d'une offre sportive de qualité. Je propose notamment de modifier les critères d'attribution des financements en matière d'équipements sportifs, aujourd'hui trop favorables aux zones urbaines, afin que le CNDS puisse mieux prendre en compte les spécificités sportives, sociales, économiques et démographiques des territoires ruraux. En outre, je demanderai prochainement à un parlementaire-sénateur de mener une mission sur le sport en milieu rural afin d'établir un diagnostic complet et de me proposer de nouvelles pistes d'action concrètes.
Je pense aussi à nos compatriotes d'Outre-mer. Nous consacrons 14 Meuros chaque année au développement du sport dans ces départements et territoires. Les grèves des derniers mois nous appellent à intensifier notre effort. Je n'attends pas les conclusions qui seront tirées des Etats généraux de l'outre-mer. J'ai demandé au député-maire de Fort-de-France M. Serge LETCHIMY de faire un état des lieux des équipements outre mer pour me permettre de soutenir un plan de rénovation dans ces départements qui sont de grands pourvoyeurs de médailles pour la France. Il en va de leur compétitivité dans un contexte régional caribéen de plus en plus concurrentiel.
Mais notre ambition ne doit pas s'arrêter là. Nous devons mettre le sport au coeur même de la Cité.
Le sport donne parfois l'impression d'être omniprésent dans notre société. Certains même s'en plaignent : trop de sport à la télévision, à la radio, dans les journaux. Mais ce n'est que le sport-spectacle qui est valorisé. Le sport, dans ses autres dimensions négligé. Qui parle en effet de sport lorsqu'on évoque l'éducation, la culture, le développement durable, l'aménagement du territoire, l'économie, l'éthique, la création d'emplois... ?
Je propose donc de mettre le sport, et son ministère, au coeur de la Cité. Il faut oser s'extraire des routines traditionnelles, s'immiscer dans des sujets qui habituellement ne nous concernent pas, donner notre opinion sur des enjeux pour lesquels personne ne sollicite notre avis mais sur lesquels nous aurions pourtant tant à dire.
Ce ministère conduit ainsi depuis plusieurs années une politique exemplaire en matière de handicap - Jean-François [Lamour], tu en as été en grande partie à l'origine. Les moyens mobilisés sont importants - 14 Meuros chaque année -, l'expertise indéniable, le réseau de partenaires de la société civile considérable. Ce travail de promotion et d'intégration des personnes handicapées, je le continuerai bien évidemment. Mais je ferai aussi en sorte qu'il soit mieux intégré dans le champ général des politiques interministérielles et qu'il soit reconnu pour ce qu'il est : une référence en matière de politique publique.
De même, notre ministère doit jouer un rôle de précurseur, il doit aller au devant des tendances qui transforment la société française.
Ce travail, il doit notamment le faire avec les nouvelles pratiques sportives, les nouveaux sports urbains, qui se développent dans nos villes... et qui sont parfois à la frontière du sport et de la culture. Il faut donc accompagner leur développement.
Le monde des sports urbains attend des Etats généraux pour aborder toutes les questions qui lui tiennent à coeur. Ces Etats généraux, nous les ferons, avec tous ceux qui veulent y contribuer. Et nous y traiterons des questions qui sont essentielles à la pratique de ces sports : l'accès aux équipements sportifs, le partage des espaces publics, la formation des éducateurs...
Le sport ne doit pas vivre caché. Son ministère non plus. Il y gagnera en légitimité, il se renforcera, et il résistera d'autant mieux aux bourrasques qui accompagnent toujours les réformes de l'Etat.
Mettre le sport au coeur de la Cité, c'est aussi faire du sport à l'école une priorité. Maurice Herzog le disait déjà il y a 50 ans lorsqu'il engagea ses premières réformes au Haut commissariat à la Jeunesse et aux sports : développer l'éducation physique et sportive est le plus sûr moyen de changer les mentalités en France à l'égard du sport. Guy Drut a également fait de remarquables efforts en ce sens.
Mais pour beaucoup, l'EPS reste toujours considérée au mieux comme un moment de loisir, au pire comme un « gâchis » du temps scolaire.
Pourtant, si l'on regarde ce qui se fait de mieux en matière d'éducation, dans le monde ou en France, on s'aperçoit qu'à Harvard on fait du sport, à Stanford on fait du sport, à Cambridge ou Oxford on fait du sport, à Polytechnique on fait du sport, à Sciences-Po on fait du sport...
Ces établissements ont en effet compris ce que pouvait apporter à leurs élèves les qualités éducatives intrinsèques au sport. Car l'éducation n'est pas une simple accumulation de savoirs littéraires ou scientifiques. L'éducation nourrit des personnalités, elle inculque des valeurs de discipline et d'entraide, elle apprend l'estime de soi, le goût de l'effort, la responsabilité.
Pourtant, assez étrangement, on refuse aux collèges de La Courneuve, de Roubaix ou de Marseille ce que l'on admire à Polytechnique ou Cambridge.
Le Président de la République ne s'y est d'ailleurs pas trompé lorsqu'il a souhaité lors de ses voeux au monde sportif à l'INSEP, en janvier dernier, l'instauration d'un mi-temps sportif dans les établissements scolaires qui le souhaiteraient.
Je suis convaincue qu'il a raison. Nous ne changerons cependant pas le système avec un coup de baguette magique. L'expérimentation est la voie à suivre : sollicitons plutôt les chefs d'établissement les plus volontaires, ceux qui croient dans le sport comme outil pédagogique, et donnons-leur les moyens de proposer plus d'heures de sport à tous leurs élèves dans le cadre d'un projet éducatif innovant.
Mais je n'y arriverai pas toute seule. Les obstacles seront immenses. Sans vous, je ne pourrai pas. Avec vous, je pourrai peut-être.
II - Le second grand défi qu'il nous appartient de relever est celui qui touche aux valeurs. C'est un défi d'exemplarité.
Avec quatre priorités : lutter contre la violence, la traite des mineurs, les dérives du sport business et le développement durable.
A. Lutter contre la violence. Il y a quelques jours, j'ai dû quitter précipitamment Beyrouth, où j'assistais aux Jeux de la Francophonie, pour me rendre à Belgrade : Brice Taton, le supporter de Toulouse qui avait été sauvagement agressé par plus d'une dizaine de voyous, venait de décéder. Au même moment, notre championnat est le théâtre d'actes d'incivilités, peut-être pas aussi graves mais qui inquiètent.
J'ai donc provoqué vendredi dernier une réunion d'urgence sur les faits de violence dans le football et j'ai pris trois mesures immédiates :
- la création d'une « cellule nationale de prévention et de lutte contre la violence » directement rattachée au Directeur des sports, pour assurer les missions de veille, d'alerte et de coordination nationale et être l'interlocuteur sportif institutionnel du ministère de l'intérieur comme du ministère de la justice,
- le renforcement massif des actions de prévention et de promotion du respect sur le terrain que nous allons recenser pour construire une stratégie nationale de promotion du respect sur laquelle nous concentrerons les 2,6 millions d'euros que nous affectons chaque année
- et enfin la réunion d'ici à la fin de l'année du 1er congrès national des associations de supporters pour engager un dialogue entre supporters, instances sportives et pouvoirs publics. Il est nécessaire de donner la parole aux supporters pour dépasser les oppositions stériles qui sont source de violence et ne pas faire peser sur les vrais supporters le poids des comportements de quelques groupes extrémistes qui n'ont rien à voir avec le sport.
B. Lutter contre la traite des mineurs.
S'il y a bien un sujet sur lequel nous devons et pouvons être exemplaires, c'est celui du recrutement de mineurs étrangers, cette pratique que l'on appelle communément la « traite des mineurs » et qui, il faut oser le dire, relève d'un véritable esclavage sportif.
Or, les mineurs ne sont pas des marchandises. Certains joueurs étrangers, notamment africains, sont recrutés, dès l'âge de 13 ans, dans des centres de formation européens. Une très forte majorité d'entre eux ne deviendra jamais professionnel. Leur situation peut alors devenir dramatique : on les retrouve en déshérence sur le territoire national, déracinés, sans ressources, sans papiers. Ce traitement de jeunes gamins fragiles est insupportable. Ce serait l'honneur de nos institutions d'encadrer cette pratique.
Demain, le mondial 2010 se tient en Afrique du Sud. Cet événement majeur et symbolique nous offre une opportunité unique de travailler plus étroitement avec la FIFA et les pays africains pour que notre pays devienne un partenaire actif et déterminé de la lutte contre ces pratiques, dans le respect de la convention internationale des droits de l'enfant. C'est une question d'éthique et d'honneur.
Comme c'est souvent le cas, la société civile, le monde sportif, ne nous ont pas attendus pour s'engager dans de telles actions de solidarité, et je pense à de très beaux projets tels que l'académie Diambars de Bernard Lama ou encore le projet Foot solidaire de Jean-Claude Mbouvin. Ils nous montrent la voie. Nous devons les appuyer.
C'est pourquoi je propose la création d'un outil dédié, le « fonds sportif pour la protection internationale de l'enfance », fonds public-privé auquel je suis prête à contribuer à hauteur de 2 millions d'euros. Je m'engagerai personnellement pour qu'il rassemble tous ceux qui sont prêts à s'impliquer dans cette mission, clubs, ligues, fédérations, entreprises et même pourquoi pas supporters pour que ce fonds soit opérationnel dès janvier prochain.
Ce sont ces principes qui guident des initiatives telles que les centres « football for hope » promus par la FIFA à l'occasion du prochain Mondial 2010 en Afrique du Sud, dont l'objectif est de favoriser le développement social au sein des communautés et de renforcer les organisations locales en leur fournissant des infrastructures essentielles. Voilà l'exemple que nous devons suivre, voilà la direction que nous devons prendre.
C. Lutter contrer les dérives du sport business
On ne construit rien de durable sur la dette, l'argent fou. En particulier dans le football. On s'est doté de règles mais pas les autres. Si on continue comme ça, on peut faire courir au football européen un risque systémique, comme la crise bancaire.
C'est pourquoi j'appelle de mes voeux un sport européen financièrement sain et transparent. Le mois dernier, Michel Platini a annoncé que le comité exécutif de l'UEFA adoptait à l'unanimité le principe du « fair-play financier », tandis que le championnat anglais (la Premier League) annonçait que ses clubs seraient désormais soumis à des règles comptables plus strictes et à une limitation du nombre de contrats. Désormais, avec le « fair-play financier », les clubs ne doivent pas dépenser plus d'argent qu'ils n'en génèrent.
On sait très bien que « l'argent marque des buts » et fausse les résultats sportifs : il y a un lien entre compétitivité sportive et compétitivité économique. Sans parler de notre football qui ne peut continuer à subir plus longtemps le pillage organisé de ses joueurs issus de nos centres de formation à la française.
Je voudrais porter cette idée à Bruxelles, prolonger l'idée de Bernard Laporte d'une spécificité sportive, comme il y a une exception culturelle.
A Nyon, le 1er septembre, j'ai promis à Michel Platini, président de l'UEFA, que la France continuerait de jouer un rôle moteur à ses côtés. J'entends tenir cette promesse :
- en encourageant les ligues professionnelles à mettre en place une « licence club », qui est un agrément donné par l'organisateur d'une compétition à un club, lui permettant de participer à la compétition, s'il s'est qualifié sportivement et s'il répond aux conditions requises pour la licence. Les critères peuvent être sportifs (nombre de joueurs sous contrat, suivi médical, lutte antidopage, centre de formation...), financiers ou avoir trait aux infrastructures. Ces critères sont un sésame, mais aussi un outil de travail, qui permet aux clubs de se structurer et de développer leur projet.
- en réfléchissant à l'installation d'une agence de notation, sorte d'autorité indépendante de régulation du sport, qui aurait pour objectif d'instaurer des normes et indicateurs d'analyse des clubs pour faciliter les décisions d'investissement dans le sport professionnel. Rattachée au ministère, cette agence complèterait la mission essentielle des directions nationales de contrôle de gestion, dont je souhaite consolider le dispositif au niveau législatif.
- en soutenant la proposition du sénateur Humbert sur la moralisation et la transparence de l'exercice de la profession d'agent sportif.
D. Favoriser un sport durable Je souhaite un sport durable. Le développement durable n'est pas une variable d'ajustement. Il doit devenir une préoccupation partagée au plus haut niveau des instances sportives. Je souhaite favoriser cette prise de conscience, qui doit être relayée par les fédérations. Je demanderai aux fédérations un rapport sur leurs actions - sur l'aspect environnemental (incluant le bilan carbone) comme sur le volet « responsabilité sociale » du développement durable.
Dans un second temps, nous pourrons réfléchir à la mise en place d'un RSE (rapport social et environnemental), à l'instar de ce qui est demandé aux entreprises cotées.
Nous devons aussi travailler avec l'AFNOR à un label « HQE » spécifique au sport. Nous devons construire le corpus normatif et l'expertise d'évaluation qui nous manquent.
Ces réflexions nourriront des Assises vertes du sport, que j'organiserai au premier trimestre 2010.
III - Le dernier défi à relever est celui de la compétitivité de la France et de son modèle sportif.
Pour assurer le rayonnement international de la France. Ou bien, comme aurait dit le Général de Gaulle, permettre à la France de tenir son rang de grande nation sportive.
A. La France doit être conquérante.
Le rayonnement passe aussi par l'organisation de grands événements. Le « soft power » en sport, c'est ça aussi, cette expertise, cette capacité à être une terre d'accueil des grands événements sportifs de renommée internationale. Les grands événements créent des grands moments de rassemblement et de cohésion nationale. Le Ministère des sports, c'est aussi quelquefois celui du bonheur, de la France qui gagne, surtout en période de crise car le sport apporte des moments de joie. Tout le monde se souvient de la coupe du monde de football en 1998, ou de celle de rugby en 2007. C'est toujours pour le pays qui accueille un grand moment d'enthousiasme populaire, que l'on gagne ou qu'on perde (c'est toujours mieux de gagner).
Nous voulons l'Euro de football 2016. Dès le 23 juin, je me suis battue pour que l'Etat s'engage financièrement d'une manière substantielle pour crédibiliser la candidature de la France. Le Président de la République et le Premier ministre ont permis cet effort, concrétisé par un fonds de soutien de 150 Meuros pour rénover, agrandir, construire les stades qui accueilleront la compétition.
Les rapports Seguin et Besson l'ont montré : la stade est le principal levier de développement des clubs professionnels français. Aujourd'hui, lorsqu'un club français génère 1euros de chiffre d'affaires, un club italien génère 1,2 euros environ, un club allemand ou espagnol 1,4 euros, un club anglais 2,2 euros. Le stade doit être un lieu de vie mais aussi un centre de ressources, pour les clubs, pour le public.
Mais nous voulons davantage. Nous voulons de grandes compétitions de handball, de basket et de volley. D'escrime, de judo, de badminton, de hockey. Nous voulons des grandes salles. Nous sommes démunis : le POPB est la 21e salle d'Europe, le Palais des Sports de Pau la 155e. C'est pourquoi, dans le sillage de la Commission Grands Stades - Euro 2016 qu'avait présidée Philippe Seguin, je souhaite installer une Commission Grandes Salles, qui sera présidée par Daniel Costantini, que je salue. Elle rendra ses recommandations en mars. La Commission établira ainsi des passerelles entre les différents sports de salle, mais aussi avec la culture, avec le sport scolaire, avec les collectivités territoriales.
Nous sommes aussi candidats à l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver en 2018. Lorsque je me suis rendue à Washington il y a quelques jours, j'ai plaidé la cause d'Annecy auprès des autorités américaines, comme je l'ai fait à Beyrouth aux Jeux de la Francophonie. Partout, je plaiderai la candidature d'Annecy, qui est aussi la candidature de la France et des Français. Je la plaiderai bientôt à Vancouver. Même si ce sont nos sportifs qui doivent être sur le devant de la scène pour emmener l'équipe France. Je sais aussi que nous ne sommes pas assez présents dans les instances internationales du sport. Nous devons être plus présents, plus offensifs. Plus systématiques. Je souhaite, dans une réflexion commune avec le CNOSF et les ministères concernés, mettre en place un véritable outil permanent de veille stratégique. Nous devons tirer les leçons de l'échec de Paris 2012. Le rapport que Philippe Augier a remis au président de la République recommande ainsi de passer d'une stratégie de puissance à une stratégie d'influence.
Et tenons nos promesses d'équipements : je m'attellerai dans les semaines à venir à réunir l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse du projet de piscine à Aubervilliers ou du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines pour lequel il a été demandé à l'Etat 13 Meuros pour boucler son financement. Je mettrai de même toute mon énergie à soutenir le prestige et la compétitivité de Roland-Garros. Ces compétitions, nous ne voulons pas seulement les organiser. Nous voulons les gagner. Je veux que nous soyons prêts pour les Jeux de Londres. Je veux que les clubs français soient en mesure de participer régulièrement aux demi-finales ou à la finale de la Ligue des Champions (ce qui ne leur est plus arrivé depuis la finale perdue par Monaco contre Porto en 2004), qu'en handball nos clubs retrouvent les sommets européens (la victoire de Montpellier en Ligue des Champions remonte à 2003), que nos clubs de basket puissent aller au bout en Euroligue. Ce que l'Espagne réussit avec les sports collectifs, nous devons le réussir aussi.
C'est pourquoi je vais confier à Raphaël Ibanez, que je salue aussi, une mission sur la compétitivité des sports collectifs français. Le rapport Besson s'était penché sur l'environnement des clubs. La mission Ibanez s'intéressera à leur organisation : conditions de préparation, infrastructures, logistique. Tout n'est pas seulement affaire de budget, les joueurs internationaux me le disent. J'attends de Raphaël Ibanez (98 sélections en équipe de France de rugby, 34 fois capitaine, 3 coupes du monde disputées) une analyse transversale et des préconisations sur la situation des sports collectifs français, nourrie par une veille internationale du haut niveau, en lien avec les fédérations concernées et l'INSEP.
Je n'oublie pas pour autant les principales préconisations du rapport Besson, que je souhaite intégrer dans mon projet de loi Sport et qui doivent elles aussi contribuer à accroître la compétitivité du sport professionnel français :
- aligner le régime des sociétés sportives sur le droit commun des sociétés commerciales
- accorder à la société sportive la capacité d'inscrire directement l'équipe professionnelle aux compétitions auxquelles elle participe
- assouplir le régime des prêts aux sociétés sportives.
La France conquérante, c'est aussi, bien sûr la France des médailles et des podiums. La France est toujours une grande nation sportive. Quelle que soit la méthode de calcul, notre pays est régulièrement classé dans les 5 ou 6 meilleures nations du monde.
Mais l'esprit de conquête suppose de ne pas baisser la garde.
B. Notre système doit désormais évoluer, tenir compte des avancées de la concurrence, s'inspirer des bonnes pratiques observées à l'étranger, tout en capitalisant sur nos qualités et expériences.
Nous devons également mieux associer les entreprises aux actions des pouvoirs publics et du mouvement sportif. Les entreprises apportent au sport non seulement des financements mais aussi des compétences et une culture d'efficacité. Le rapprochement de leur savoir-faire et de l'enthousiasme des bénévoles sur lesquels repose souvent l'organisation sportive peut faire beaucoup pour la compétitivité du sport.
Dans les semaines et les mois qui viennent, je procèderai à une large concertation sur cette question cruciale. Mon objectif est de disposer de propositions nouvelles au plus tard au tout début de l'année prochaine.
Un de nos atouts majeurs, c'est l'INSEP, outil incomparable, dédié à l'excellence sportive et au sport de haut niveau. L'INSEP par son histoire, sa culture, ses structures et ses ressources humaines a vocation à être le fer de lance, la pointe de diamant d'une politique du haut niveau rénovée et ambitieuse. Je souhaite que cet établissement rénové dans ses murs, dans sa structure, dans son organisation, se rapproche de sa philosophie d'origine. Il se consacrera en priorité au sport de haut niveau et constituera la tête de pont d'un réseau constitué, notamment, des établissements publics nationaux du ministère chargé des sports qu'il animera.
L'INSEP recevra bientôt le statut d'établissement public scientifique culturel et professionnel (EPSCP) dans la catégorie des « grands établissements » au sens du code de l'éducation. Et un nouveau nom sous un même acronyme : Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP).
Je veux également insister sur le projet concernant « Les Parcours de l'Excellence Sportive »
Notre objectif est de :
- Faire évoluer le dispositif d'émergence des talents, formation et préparation des sportifs des équipes de France dans une perspective d'amélioration des performances individuelles et collectives au plus haut niveau international,
- Replacer la performance au centre du dispositif et oeuvrer pour que l'ensemble des acteurs soit mobilisé pour contribuer à sa réussite,
- Capitaliser sur une organisation nationale unique au monde, dont le socle, au sein des fédérations, est constitué des clubs sportifs affiliés,
- Organiser une évaluation appuyée sur une expertise sportive plus opérationnelle,
- Accompagner les fédérations dans la conception des grandes lignes de leur projet de performance,
- Tenir compte et respecter les spécificités de chaque sport,
- Passer d'une politique de moyens, de contrôle et de structures, à une stratégie de performance et d'objectifs,
- Revisiter les principes et conditions de financement de l'ensemble du projet au niveau national, et fédérer les partenaires financiers potentiels autour de celui-ci,
- Favoriser la déclinaison régionale voire locale des politiques fédérales pour contribuer, partout en France, à la lisibilité, au financement et à la réussite des projets.
D. Le statut du sportif de haut niveau
La France veut des médailles, bien sûr. Mais je veux que ceux qui se battent ainsi pour la gloire de notre pays soient mieux respectés par la nation, une fois que le parfum de la gloire s'est dissipé. Il est nécessaire d'améliorer le statut du sportif de haut niveau.
Les sportifs de haut niveau sont, en matière de retraite et de couverture sociale, dans une situation désavantagée par rapport au reste de la population. Il s'agit là d'une injustice que je veux réparer. En effet, pendant que la majorité de la population est en train de préparer sa vie professionnelle, les sportifs de haut niveau sont engagés dans une activité qui nécessite de leur part une totale mobilisation qui ne s'accompagne pas, le plus souvent, de contreparties financières importantes.
Ainsi, sur les 7050 sportifs inscrits sur la liste ministérielle de haut niveau en janvier 2009, 2 500 sportifs de plus de dix-huit ans ne disposaient pas de revenus leur permettant d'être affiliés à une caisse de retraite ou ne percevaient de revenus suffisants pour valider quatre trimestres de cotisation par an.
Ainsi, au cours de la dernière olympiade (2004-2008), moins de 200 sportifs ont pu cotiser par ce moyen à la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
Aussi, je souhaiterais renforcer la protection sociale des sportifs de haut niveau en leur permettant notamment de valider quatre trimestres de droits à retraite par an, au moyen de leur affiliation à l'assurance vieillesse du régime général et du versement de cotisations forfaitaires par l'État.
J'ai demandé qu'on évalue le coût d'une telle mesure. J'ai déjà reçu les représentants de la Commission des Athlètes de Haut Niveau du CNOSF pour débattre de ce sujet et leur proposer de collaborer à ce projet ambitieux auquel j'attache une importance particulière.
Voilà. Je n'ai pas tout dit tant il y a de chantiers en cours. Mais je pense que votre patience a des limites. Je ferai de mon mieux, avec humilité et sans présomption mais avec la ferme conviction que le Ministère des sports, ministère très républicain et à visée éducative, peut relever les défis auxquels est confronté le sport français. Bien sûr, je n'ai pas la prétention de le faire seule. Votre soutien et votre coopération seront décisifs.Source http://www.sports.gouv.fr, le 14 octobre 2009
Monsieur le Président du Comité national olympique et sportif français,
Monsieur le Prince héritier,
Président du Comité national olympique du Bhoutan,
Messieurs les Présidents de fédérations,
Chers amis,
Nous sommes donc réunis cet après-midi autour d'une passion, « vieille de deux mille ans, qui aujourd'hui comme jadis, agite le coeur des hommes », je veux dire celle du sport. Cette même passion qui animait le baron de Coubertin lorsqu'il accomplit, ici même à la Sorbonne, le 23 juin 1894, son oeuvre de renaissance de l'idéal olympique. Cet idéal, avec une intuition révolutionnaire, Coubertin voulut lui donner corps dans le temple de l'esprit, la Sorbonne. Non sans mérite : regardez bien derrière moi la magnifique composition que peint Puvis de Chavannes en 1889 : dans cette allégorie des savoirs et des vertus, c'est en vain que vous rechercherez celle qui illustre le sport.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Certes, le sport est populaire, et les sportifs parfois adulés : sont-ils pour autant considérés ? Je ne suis pas sûre et le déplore. Lors de mon arrivée au Ministère des Sports, il s'en est trouvé des esprits égarés pour parler de relégation ou de punition et ainsi ignorer la fierté que j'ai ressenti à succéder à Maurice Herzog. Je suis sûre d'ailleurs que les journalistes sportifs qui sont dans cette salle doivent ressentir, dans les dîners en ville, cette condescendance de leurs collègues, journalistes politiques ou société. On s'est même étonné que je vienne pas du milieu sportif : mais Mme Buffet, M. Mazeaud, Mme Alliot-Marie non plus et ils ont laissé une très belle trace. Et le sport doit être un sujet politique et de société comme un autre, et donc ouvert à tous les profils, y compris les plus politiques. Il n'y a pas de raison ! Il fallait donc revenir à la source, ici à la Sorbonne, dans la lignée de Pierre Coubertin pour redonner au sport sa place dans le temple de la culture française. En espérant que les gardiens du temple n'y voient ni effraction ni provocation !
Tant pis pour cette vieille émission de télé qu'on appelait « La tête et les jambes » ! Comme si un écrivain n'avait pas de corps et un sportif n'avait pas de cerveau. Ah, tradition quand tu nous tiens ! Car, si en France, le corps et l'esprit n'ont jamais fait bon ménage, c'est la faute à la religion, pensait Mauriac qui formulait : « l'Eglise ne fait pas sa part à la chair. Elle la supprime ».
Peut-être même est-ce aussi la faute de quelques-unes de nos élites intellectuelles qui se méfient du sport comme passion populaire. Peut-être même que les derniers représentants de cette école ressentent-ils un peu de jalousie à l'égard de ces Zidane, Noah, qui après avoir obtenu la reconnaissance de l'argent et celle des médias, sont devenus les personnalités préférées des Français, avant les politiques et avant les hommes de lettres.
Des exceptions toutefois ont tenté de renverser la tendance. Mais pour un Camus, un Morand, un Cocteau, combien d'esprits étriqués ! Au-delà des plaisirs proustiens et des souvenirs de jeunesse, de grands esprits ont su saisir l'esthétisme du sport et comprendre qu'il a souvent une encolure d'avance sur la société : Hemingway, Steinbeck, Godard, Camus, Marguerite Duras, Rainer Maria Rilke, Woody Allen.
Eux, ont compris la dimension esthétique du sport. Eux, ils ont compris qu'il n'y a aucun film, aucune pièce de théâtre où une carrière se joue en 5 ou 10 secondes, sur un pénalty, une expulsion ou sur la main de Dieu. Eux, ont compris que, dans le sport, la souplesse d'adaptation, l'invention des gestes, le caractère foudroyant de certaines actions appartiennent à un état d'intelligence supérieur.
Eux, se rappellent que Micheline Ostermayer gagnait des médailles et jouait du Chopin ! Eux, se rappellent que, quand Marcel Bernard a gagné Roland-Garros, il travaillait au Quai d'Orsay !
Eux, ont compris que le sport est quelque chose d'aussi estimable que la littérature ou la musique.
Eux, ont compris le rôle éducatif, le vecteur de lien social et la dimension politique du phénomène.
Eux, ont compris que nous aurions bien tort de ne pas saisir cette référence comme un symptôme de nos sociétés et une forme d'avertissement.
Avertissement quand le pays vibre à la France black-blanc-beur, que le monde politique monocolore n'avait, avant 1998, pas voulu voir alors que la société française disait sa soif de diversité. Avertissement quand en 1938 le boxeur afro-américain Joe Louis devient champion du monde face à l'Allemand Max Schleming mais doit, au moment de la seconde guerre mondiale, servir dans une unité uniquement composée de noirs. Avertissement quand loin, là-bas, en Iran, face à la répression, ces Iraniens qui n'ont rien trouvé de mieux qu'un terrain de foot pour crier « Résistance ! ».
Poisson-pilote de la société vous dit-on ! Locomotive de la démocratie, aussi, comme le dit si bien Pascal Boniface. Le fils de Zidane fera une grande carrière s'il est bon. Pas parce qu'il s'appelle Zidane. Dans le reste de la société, ça ne marche pas forcément comme ça : le nom peut suffire. Et la géopolitique, elle aussi, qui ne sait plus où donner de la tête tant sur les pistes d'athlétisme, au rythme des records de leurs champions, ce sont des noms de pays marginalisés à l'ONU qui tiennent le haut de l'affiche : Saint-Kitts et Nevi, Bahamas, Jamaïque, Kenya, Ethiopie. « L'égalité devant le sport est vraiment la seule égalité » rappelait Jean Giraudoux. Niveleur de classes et dérivatif de tous les instincts mauvais, disait Pierre Coubertin.
Et c'est parce qu'il éduque autant qu'il civilise, les élites culturelles françaises ne peuvent décemment plus se tenir à l'écart de ce phénomène populaire. Ni fermer les yeux sur le premier mouvement associatif de Français, les 30 milliards annuels d'investissements, les 16 millions de licenciés à jour de cotisation qui feraient pâlir d'envie les Eglises, les partis politiques et les syndicats de France.
Il est temps de comprendre que l'autre nom du Ministère des Sports est le Ministère de l'Education populaire. C'est pour cela que j'ai voulu ce film introductif. Parce que pour savoir où nous allons, nous devons nous rappeler d'où nous venons. Parce que je voulais que nous ressentions ensemble la fierté d'appartenir à ce Ministère très républicain qu'est le Ministère des sports, à travers ceux qui l'ont fait, porté, grandi.
Alors, permettez-moi de saluer mes prédécesseurs, qui, depuis le Front populaire et Leo Lagrange, ont compris, qu'ils soient de droite ou de gauche, qu'en entrant au Ministère des Sports, ils ne mettaient pas les pieds n'importe où et qu'en fait, ils mettaient un pied dans le sport et un autre dans l'éducation. Parce que, comme disait Jean-Luc Godard, le sport offre encore cette espérance..., l'espérance de la vérité. Le stade, lui, ne ment pas. Je serai fidèle à cet héritage. Je serai fidèle aux principes qui font l'identité et l'originalité profonde de ce ministère :
Fidélité d'abord au partenariat historique qui unit les 4 acteurs du sport que sont l'Etat qui édicte les règles et sans lequel la moitié des fédérations disparaîtrait car n'intéressent pas le privé, le mouvement sportif qui applique, le secteur privé du mécénat-sponsoring qui a toujours existé dans le sport et les collectivités territoriales qui financent les infrastructure.
Fidélité ensuite à l'unité fédérale du sport, parce que la mutualisation des capacités sportives est nécessaire.
Mais, après trois mois à la tête de ce secrétariat d'Etat, sans présomption, avec l'humilité qui naît de ces 70 ans d'histoire qui m'ont précédée, et après plus de 500 entretiens, une question fondamentale revient sans cesse : en France, notre modèle sportif est-il encore viable ? Peut-il relever à l'international le défi d'une compétition de plus en plus forte ?
Ce sont trois défis, celui de la mutation interne, celui de l'exemplarité et celui de la compétitivité européenne et mondiale qu'ensemble, Etat, mouvement sportif, collectivités territoriales, nous devons relever.
I - Premier défi donc, la place de l'Etat dans le sport en France et la pérennité de notre modèle sportif.
A. Redonner à l'Etat toute sa place
J'entends des gens murmurer, toujours bien sûr sous le couvert de la réflexion désintéressée, que l'Etat n'a plus sa place dans le sport : il faudrait une Agence spécialisée du haut niveau, confier le sport professionnel aux entreprises et le sport pour tous aux collectivités territoriales. Bref, le ministère des sports serait d'un autre âge. Et bien non !
Ce que je suis venue vous dire aujourd'hui, c'est que l'Etat français ne renoncera pas au rôle qui est le sien vis-à-vis du sport.
Ce ministère est né d'une volonté politique et s'ancre dans une tradition de l'Etat français.
Ce ministère, c'est le symbole de l'Etat régulateur. Je travaille d'ailleurs, comme je l'ai proposé au Premier ministre, à la rédaction d'un projet de loi qui me permettra d'affirmer ce rôle.
Je veux également redire ici la complémentarité du mouvement sportif et de l'Etat. C'est notre tradition, c'est notre modèle, c'est notre fierté.
Notre modèle, c'est l'équilibre entre le monde associatif et l'Etat, garant de l'intérêt général.
C'est la volonté politique de favoriser l'accès à la pratique sportive des plus modestes de nos concitoyens.
C'est l'équilibre recherché entre les territoires, ruraux ou urbains, qui souffrent d'un manque d'équipements sportifs.
C'est l'équilibre entre le sport professionnel et le sport fédéral, qui garantit l'unicité du sport et sa solidarité interne.
C'est la volonté politique de soutenir les associations et les milliers de bénévoles, admirables, qui aident ceux dont le corps est affaibli par un handicap à retrouver confiance en eux-mêmes à travers le sport.
C'est la volonté politique de favoriser le sport féminin.
B. Revaloriser l'administration
Je veux m'adresser à vous, agents du ministère, vous qui êtes nombreux dans cet amphithéâtre, venus de l'administration centrale et déconcentrée. Je veux m'adresser à vous en confiance et avec respect. Depuis le 23 juin, depuis cent jours, j'ai mesuré à la fois votre engagement, votre compétence et souvent vos interrogations, sinon votre désarroi. On n'arrive pas au ministère des sports par hasard ; c'est, pour presque chacun d'entre vous, un choix personnel, de vie souvent ; vous n'êtes pas une administration de gestion, vous êtes une administration de passion. De même, ai-je la conviction que vos métiers sont si spécifiques que je vois personne d'autre les exercer à votre place.
Votre défi, mon défi, notre défi donc, c'est d'abord celui des ressources humaines ; ce qui fait l'incomparable richesse du ministère chargé des sports, c'est votre qualité, votre dévouement, votre sens de l'Etat au service d'une vocation.
Dans nos services déconcentrés, 70 à 80% des agents sont des cadres A. Je suis fière de diriger une administration de projet plus que de guichet, orientée davantage vers l'accompagnement des acteurs plus que la simple prestation de services.
Au service des fédérations sportives, tant au niveau national qu'auprès de leurs échelons territoriaux, au sein des ligues et des comités sportifs régionaux et départementaux, le ministère met à disposition des cadres sportifs de grande valeur, experts de haut niveau, directeurs techniques et entraîneurs nationaux, conseillers techniques nationaux ou régionaux. Vous exercez un métier difficile, en permanence jugés à l'aune des résultats sportifs au plus haut niveau dans vos disciplines. Fonctionnaires nommés par l'Etat pour conduire les politiques sportives nationales et régionales définies sous la responsabilité des présidents de Fédérations et des ligues sportives, vous incarnez la singularité du modèle sportif français, qui repose sur la coopération entre l'Etat et le mouvement sportif fédéral, délégataire d'une mission de service public. Cela n'est pas simple ; vous êtes parfois tiraillés ; ce n'est pas une double loyauté que je vous demande d'assumer, mais une double intelligence, au service de l'Etat et des fédérations délégataires.
Je pense à cet égard indispensable d'ouvrir sans tarder le dossier des métiers et du statut d'emploi des cadres techniques, notamment des DTN. Pour réfléchir à leurs missions, à leur positionnement, à l'élargissement du vivier des compétences, à leur mode de recrutement, de rémunération, d'évolution de carrière et de reconversion. Il faut redonner sens et cohérence à notre système de délégation, clé de voûte de notre système.
A ces corps propres du ministère je veux associer les personnels administratifs et les personnels ouvriers et de services, relevant du ministère de l'Education nationale, dont la contribution au service public du sport est essentielle. Je sais que leur conduite a été exemplaire lors des récentes opérations de restructuration de nos établissements.
Dès mon arrivée, j'ai tenu à m'adresser à vous, par courriel, directement. A ma grande surprise, beaucoup m'ont répondu, d'un simple mot amical parfois, d'autres, plus longuement. Chez beaucoup, j'ai aussi senti une inquiétude sur la réforme de l'administration territoriale, qui sera opérationnelle le 1er janvier 2010.
Croyez bien une chose cependant : cette réforme ne signifie pas la dilution, ou la disparition des objectifs de la politique publique du sport, que ce soit au sein des nouvelles directions régionales ou des nouvelles directions départementales interministérielles. Ce film, je l'ai voulu parce que pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient. Grâce au film, nous savons d'où nous venons.
Vous avez aussi le droit de savoir ce que deviendront vos missions au sein des nouvelles directions de cohésion sociale et quelle sera l'articulation entre l'échelon départemental et l'échelon régional. Et, parce que la RGPP ne touche pas seulement à l'organisation mais impacte aussi les missions (il faut bien que quelqu'un le dise), j'ai le devoir de vous apporter des réponses, tout comme de préciser aux préfets le sens de vos missions.
Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a de la place pour un service public des sports. Aux directions départementales, la proximité avec les clubs, les équipements et les éducateurs mais également le lien avec les publics défavorisés, les pratiques émergentes et risquées, les sports de nature et tout ce qui relève de l'accompagnement des acteurs locaux et des territoires au quotidien. Au niveau régional, d'assurer le pilotage des politiques de l'Etat, l'expertise, la mutualisation des moyens et des ressources et l'aménagement du territoire à travers les équipements. A l'administration centrale, la définition de la politique publique du sport, les modalités de sa mise en oeuvre en tenant compte des dynamiques territoriales et des nouvelles manières de travailler. Je leur demande également de communiquer avec vous le plus possible. Pour continuer à faire passer ce message, je me suis engagée, et j'ai déjà commencé à le faire, à aller à votre rencontre chaque fois que possible lorsque je me déplace en région. Je m'adresserai également aux préfets pour leur rappeler la préservation des métiers et le maintien des relations privilégiées avec les acteurs sportifs locaux, personnels d'inspection et professeurs de sport. Je me suis attachée à cet égard à une juste représentation de nos personnels jeunesse et sports au niveau des préfigurateurs régionaux en obtenant que sur les 14 préfigurateurs désignés 9 soient issus de notre administration, dont le préfigurateur Ile de France. L'équité oui, la portion congrue, non. Enfin, pour éviter que les corps ne s'assèchent, j'ai demandé à mon administration d'étudier l'ouverture d'un concours d'inspecteurs et de cas car je souhaite conforter la place du sport dans les missions et les compétences dévolues aux nouvelles directions interministérielles.
Je souhaite par ailleurs au sein de notre administration un dialogue social profondément renouvelé. J'ai un profond respect pour les organisations syndicales. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu les rencontrer très vite pour entendre leurs préoccupations et le leur dire. Les décisions tombant d'en haut, sans information ni concertation, ce n'est pas ma méthode ni ma conception de l'action publique. C'est pourquoi j'ai demandé aux directeurs d'administration centrale d'avoir systématiquement le réflexe, la culture de réunir les organisations syndicales, les groupements professionnels chaque fois qu'une nouvelle politique, qu'une réforme statutaire ou autre seront mises en chantier. Je souhaite une culture de la décision, dans la concertation, et sans le renoncement à ses convictions.
J'achèverai enfin la réorganisation des services et du réseau d'établissements du ministère, celle de nos Ecoles nationales, en particulier l'ENSA de Chamonix et le Centre national de Prémanon dans le Jura qui constitueront un nouvel établissement dédié au ski, à l'alpinisme et aux sports de montagne, mais aussi le regroupement de l'Ecole nationale d'équitation et son fleuron, le Cadre noir, avec les Haras nationaux, qui auront été, préalablement, profondément restructurés dans leurs missions.
Quant aux CREPS, je sais que les personnels s'interrogent sur la réforme en cours. Je voudrais vous dire que la réforme, comme toute réforme, n'a d'intérêt que si elle a un sens, c'est-à-dire une direction et une signification ; elle doit également s'accompagner de pédagogie et de concertation. Alors, je prends, comme vous le savez, le train en marche, et à quelle allure il va ! Ce qui a été fait est fait. Mais ce qui reste à faire, notamment concernant Dinard et Voiron, ne sera pas la fermeture brutale. Ce ne peut non plus être le statu quo. J'ai donc proposé la recherche d'une troisième voie originale en concertation avec les agents et les régions de Rhône-Alpes et Bretagne, qui sont de grandes régions sportives. Et ce mot de CREPS, il faudrait le garder et le décliner, comme l'un de nos agents me l'a proposé par mail, en « Campus de Recherche et d'Excellence en performance sportive ».
Voilà le sens des premières démarches que j'ai entreprises pour que notre Ministère continue à assumer sa mission de service public du sport.
C. Réinventer l'intérêt général du sport La deuxième priorité que nous devons nous fixer, c'est celle de la place du sport dans notre société. Vaste et ambitieux chantier !!! Mais tellement essentiel !
Avec deux ambitions : assurer l'égalité des chances pour tous et mettre le sport au coeur de la Cité. Bref, mettre le Ministère au service de l'intérêt général, puisque ni les collectivités, ni le mouvement sportif ni le secteur privé n'ont cette vocation.
Si l'Etat républicain est le garant ultime de l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire, il doit en effet également l'être en matière d'accès au sport. Or, beaucoup de Français n'ont pas accès au sport, soit parce qu'ils n'en n'ont pas les moyens, soit parce qu'ils se trouvent sur un territoire ou dans un quartier sans installations sportives. C'est un déni républicain. Je veillerai à cet égard à ce que l'exclusion du sport des lois de décentralisation en 1983 ne se reproduise pas lorsque s'ouvrira la réflexion sur la réforme des collectivités territoriales. J'ai écrit dès juillet au ministre de l'Intérieur, afin que les régions et les départements puissent continuer à financer le sport. Il m'a été répondu favorablement.
Mais l'apport considérable des collectivités territoriales dans le domaine du sport ne doit pas nous faire oublier pour autant la mission de notre ministère. Nous devons être le ministère du refus des fatalités, du soutien aux populations en difficultés, de l'investissement dans les territoires fragilisés.
C'est là la première de nos missions, qui se concrétise cette année avec plus de 200 millions d'euros dépensés par le Centre national de développement du sport (CNDS) afin d'aider plus de 40 000 associations sportives et construire ou rénover plus de 800 équipements sportifs. Le CNDS dont je viens de renouveler le conseil d'administration et dont j'ai précisé les missions pour qu'elles soient centrées sur la politique de la ville, le milieu rural, l'outre mer, la lutte contre les discriminations, le handicap, le sport féminin. Je n'oublie pas non plus les moyens du CNDS puisque, dans le cadre de la libéralisation des paris sportifs en ligne, je me suis battue pour qu'une contribution supérieure à ce qui était prévue soit actée pour financer le sport amateur et le sport de masse.
Cette égalité des chances, nous tentons d'abord de la rétablir dans les quartiers populaires, en consacrant 35 Meuros en faveur des associations et des éducateurs qui y travaillent, ainsi que pour les équipements qui y sont implantés. Nous construisons et nous rénovons des équipements sportifs à Villiers-le-Bel, à Montfermeil, à Firminy, dans le quartier Saint-Jacques à Perpignan, aux Tarterêts à Corbeil-Essonnes... Dans ces lieux emblématiques du malaise des banlieues, le sport doit rester porteur d'intégration. Mais aussi d'excellence : je compte ainsi favoriser l'accès des jeunes des quartiers aux sports dont ils sont souvent absents comme le golf, l'équitation, l'escrime ou les sports de glace. Il n'y a pas de raison !
Mais n'oublions pas les zones rurales. Ces territoires délaissés, je compte bien partir à leur reconquête. Je serai attentive aux mutations difficiles qu'elles vivent et je me porterai garante du maintien d'une offre sportive de qualité. Je propose notamment de modifier les critères d'attribution des financements en matière d'équipements sportifs, aujourd'hui trop favorables aux zones urbaines, afin que le CNDS puisse mieux prendre en compte les spécificités sportives, sociales, économiques et démographiques des territoires ruraux. En outre, je demanderai prochainement à un parlementaire-sénateur de mener une mission sur le sport en milieu rural afin d'établir un diagnostic complet et de me proposer de nouvelles pistes d'action concrètes.
Je pense aussi à nos compatriotes d'Outre-mer. Nous consacrons 14 Meuros chaque année au développement du sport dans ces départements et territoires. Les grèves des derniers mois nous appellent à intensifier notre effort. Je n'attends pas les conclusions qui seront tirées des Etats généraux de l'outre-mer. J'ai demandé au député-maire de Fort-de-France M. Serge LETCHIMY de faire un état des lieux des équipements outre mer pour me permettre de soutenir un plan de rénovation dans ces départements qui sont de grands pourvoyeurs de médailles pour la France. Il en va de leur compétitivité dans un contexte régional caribéen de plus en plus concurrentiel.
Mais notre ambition ne doit pas s'arrêter là. Nous devons mettre le sport au coeur même de la Cité.
Le sport donne parfois l'impression d'être omniprésent dans notre société. Certains même s'en plaignent : trop de sport à la télévision, à la radio, dans les journaux. Mais ce n'est que le sport-spectacle qui est valorisé. Le sport, dans ses autres dimensions négligé. Qui parle en effet de sport lorsqu'on évoque l'éducation, la culture, le développement durable, l'aménagement du territoire, l'économie, l'éthique, la création d'emplois... ?
Je propose donc de mettre le sport, et son ministère, au coeur de la Cité. Il faut oser s'extraire des routines traditionnelles, s'immiscer dans des sujets qui habituellement ne nous concernent pas, donner notre opinion sur des enjeux pour lesquels personne ne sollicite notre avis mais sur lesquels nous aurions pourtant tant à dire.
Ce ministère conduit ainsi depuis plusieurs années une politique exemplaire en matière de handicap - Jean-François [Lamour], tu en as été en grande partie à l'origine. Les moyens mobilisés sont importants - 14 Meuros chaque année -, l'expertise indéniable, le réseau de partenaires de la société civile considérable. Ce travail de promotion et d'intégration des personnes handicapées, je le continuerai bien évidemment. Mais je ferai aussi en sorte qu'il soit mieux intégré dans le champ général des politiques interministérielles et qu'il soit reconnu pour ce qu'il est : une référence en matière de politique publique.
De même, notre ministère doit jouer un rôle de précurseur, il doit aller au devant des tendances qui transforment la société française.
Ce travail, il doit notamment le faire avec les nouvelles pratiques sportives, les nouveaux sports urbains, qui se développent dans nos villes... et qui sont parfois à la frontière du sport et de la culture. Il faut donc accompagner leur développement.
Le monde des sports urbains attend des Etats généraux pour aborder toutes les questions qui lui tiennent à coeur. Ces Etats généraux, nous les ferons, avec tous ceux qui veulent y contribuer. Et nous y traiterons des questions qui sont essentielles à la pratique de ces sports : l'accès aux équipements sportifs, le partage des espaces publics, la formation des éducateurs...
Le sport ne doit pas vivre caché. Son ministère non plus. Il y gagnera en légitimité, il se renforcera, et il résistera d'autant mieux aux bourrasques qui accompagnent toujours les réformes de l'Etat.
Mettre le sport au coeur de la Cité, c'est aussi faire du sport à l'école une priorité. Maurice Herzog le disait déjà il y a 50 ans lorsqu'il engagea ses premières réformes au Haut commissariat à la Jeunesse et aux sports : développer l'éducation physique et sportive est le plus sûr moyen de changer les mentalités en France à l'égard du sport. Guy Drut a également fait de remarquables efforts en ce sens.
Mais pour beaucoup, l'EPS reste toujours considérée au mieux comme un moment de loisir, au pire comme un « gâchis » du temps scolaire.
Pourtant, si l'on regarde ce qui se fait de mieux en matière d'éducation, dans le monde ou en France, on s'aperçoit qu'à Harvard on fait du sport, à Stanford on fait du sport, à Cambridge ou Oxford on fait du sport, à Polytechnique on fait du sport, à Sciences-Po on fait du sport...
Ces établissements ont en effet compris ce que pouvait apporter à leurs élèves les qualités éducatives intrinsèques au sport. Car l'éducation n'est pas une simple accumulation de savoirs littéraires ou scientifiques. L'éducation nourrit des personnalités, elle inculque des valeurs de discipline et d'entraide, elle apprend l'estime de soi, le goût de l'effort, la responsabilité.
Pourtant, assez étrangement, on refuse aux collèges de La Courneuve, de Roubaix ou de Marseille ce que l'on admire à Polytechnique ou Cambridge.
Le Président de la République ne s'y est d'ailleurs pas trompé lorsqu'il a souhaité lors de ses voeux au monde sportif à l'INSEP, en janvier dernier, l'instauration d'un mi-temps sportif dans les établissements scolaires qui le souhaiteraient.
Je suis convaincue qu'il a raison. Nous ne changerons cependant pas le système avec un coup de baguette magique. L'expérimentation est la voie à suivre : sollicitons plutôt les chefs d'établissement les plus volontaires, ceux qui croient dans le sport comme outil pédagogique, et donnons-leur les moyens de proposer plus d'heures de sport à tous leurs élèves dans le cadre d'un projet éducatif innovant.
Mais je n'y arriverai pas toute seule. Les obstacles seront immenses. Sans vous, je ne pourrai pas. Avec vous, je pourrai peut-être.
II - Le second grand défi qu'il nous appartient de relever est celui qui touche aux valeurs. C'est un défi d'exemplarité.
Avec quatre priorités : lutter contre la violence, la traite des mineurs, les dérives du sport business et le développement durable.
A. Lutter contre la violence. Il y a quelques jours, j'ai dû quitter précipitamment Beyrouth, où j'assistais aux Jeux de la Francophonie, pour me rendre à Belgrade : Brice Taton, le supporter de Toulouse qui avait été sauvagement agressé par plus d'une dizaine de voyous, venait de décéder. Au même moment, notre championnat est le théâtre d'actes d'incivilités, peut-être pas aussi graves mais qui inquiètent.
J'ai donc provoqué vendredi dernier une réunion d'urgence sur les faits de violence dans le football et j'ai pris trois mesures immédiates :
- la création d'une « cellule nationale de prévention et de lutte contre la violence » directement rattachée au Directeur des sports, pour assurer les missions de veille, d'alerte et de coordination nationale et être l'interlocuteur sportif institutionnel du ministère de l'intérieur comme du ministère de la justice,
- le renforcement massif des actions de prévention et de promotion du respect sur le terrain que nous allons recenser pour construire une stratégie nationale de promotion du respect sur laquelle nous concentrerons les 2,6 millions d'euros que nous affectons chaque année
- et enfin la réunion d'ici à la fin de l'année du 1er congrès national des associations de supporters pour engager un dialogue entre supporters, instances sportives et pouvoirs publics. Il est nécessaire de donner la parole aux supporters pour dépasser les oppositions stériles qui sont source de violence et ne pas faire peser sur les vrais supporters le poids des comportements de quelques groupes extrémistes qui n'ont rien à voir avec le sport.
B. Lutter contre la traite des mineurs.
S'il y a bien un sujet sur lequel nous devons et pouvons être exemplaires, c'est celui du recrutement de mineurs étrangers, cette pratique que l'on appelle communément la « traite des mineurs » et qui, il faut oser le dire, relève d'un véritable esclavage sportif.
Or, les mineurs ne sont pas des marchandises. Certains joueurs étrangers, notamment africains, sont recrutés, dès l'âge de 13 ans, dans des centres de formation européens. Une très forte majorité d'entre eux ne deviendra jamais professionnel. Leur situation peut alors devenir dramatique : on les retrouve en déshérence sur le territoire national, déracinés, sans ressources, sans papiers. Ce traitement de jeunes gamins fragiles est insupportable. Ce serait l'honneur de nos institutions d'encadrer cette pratique.
Demain, le mondial 2010 se tient en Afrique du Sud. Cet événement majeur et symbolique nous offre une opportunité unique de travailler plus étroitement avec la FIFA et les pays africains pour que notre pays devienne un partenaire actif et déterminé de la lutte contre ces pratiques, dans le respect de la convention internationale des droits de l'enfant. C'est une question d'éthique et d'honneur.
Comme c'est souvent le cas, la société civile, le monde sportif, ne nous ont pas attendus pour s'engager dans de telles actions de solidarité, et je pense à de très beaux projets tels que l'académie Diambars de Bernard Lama ou encore le projet Foot solidaire de Jean-Claude Mbouvin. Ils nous montrent la voie. Nous devons les appuyer.
C'est pourquoi je propose la création d'un outil dédié, le « fonds sportif pour la protection internationale de l'enfance », fonds public-privé auquel je suis prête à contribuer à hauteur de 2 millions d'euros. Je m'engagerai personnellement pour qu'il rassemble tous ceux qui sont prêts à s'impliquer dans cette mission, clubs, ligues, fédérations, entreprises et même pourquoi pas supporters pour que ce fonds soit opérationnel dès janvier prochain.
Ce sont ces principes qui guident des initiatives telles que les centres « football for hope » promus par la FIFA à l'occasion du prochain Mondial 2010 en Afrique du Sud, dont l'objectif est de favoriser le développement social au sein des communautés et de renforcer les organisations locales en leur fournissant des infrastructures essentielles. Voilà l'exemple que nous devons suivre, voilà la direction que nous devons prendre.
C. Lutter contrer les dérives du sport business
On ne construit rien de durable sur la dette, l'argent fou. En particulier dans le football. On s'est doté de règles mais pas les autres. Si on continue comme ça, on peut faire courir au football européen un risque systémique, comme la crise bancaire.
C'est pourquoi j'appelle de mes voeux un sport européen financièrement sain et transparent. Le mois dernier, Michel Platini a annoncé que le comité exécutif de l'UEFA adoptait à l'unanimité le principe du « fair-play financier », tandis que le championnat anglais (la Premier League) annonçait que ses clubs seraient désormais soumis à des règles comptables plus strictes et à une limitation du nombre de contrats. Désormais, avec le « fair-play financier », les clubs ne doivent pas dépenser plus d'argent qu'ils n'en génèrent.
On sait très bien que « l'argent marque des buts » et fausse les résultats sportifs : il y a un lien entre compétitivité sportive et compétitivité économique. Sans parler de notre football qui ne peut continuer à subir plus longtemps le pillage organisé de ses joueurs issus de nos centres de formation à la française.
Je voudrais porter cette idée à Bruxelles, prolonger l'idée de Bernard Laporte d'une spécificité sportive, comme il y a une exception culturelle.
A Nyon, le 1er septembre, j'ai promis à Michel Platini, président de l'UEFA, que la France continuerait de jouer un rôle moteur à ses côtés. J'entends tenir cette promesse :
- en encourageant les ligues professionnelles à mettre en place une « licence club », qui est un agrément donné par l'organisateur d'une compétition à un club, lui permettant de participer à la compétition, s'il s'est qualifié sportivement et s'il répond aux conditions requises pour la licence. Les critères peuvent être sportifs (nombre de joueurs sous contrat, suivi médical, lutte antidopage, centre de formation...), financiers ou avoir trait aux infrastructures. Ces critères sont un sésame, mais aussi un outil de travail, qui permet aux clubs de se structurer et de développer leur projet.
- en réfléchissant à l'installation d'une agence de notation, sorte d'autorité indépendante de régulation du sport, qui aurait pour objectif d'instaurer des normes et indicateurs d'analyse des clubs pour faciliter les décisions d'investissement dans le sport professionnel. Rattachée au ministère, cette agence complèterait la mission essentielle des directions nationales de contrôle de gestion, dont je souhaite consolider le dispositif au niveau législatif.
- en soutenant la proposition du sénateur Humbert sur la moralisation et la transparence de l'exercice de la profession d'agent sportif.
D. Favoriser un sport durable Je souhaite un sport durable. Le développement durable n'est pas une variable d'ajustement. Il doit devenir une préoccupation partagée au plus haut niveau des instances sportives. Je souhaite favoriser cette prise de conscience, qui doit être relayée par les fédérations. Je demanderai aux fédérations un rapport sur leurs actions - sur l'aspect environnemental (incluant le bilan carbone) comme sur le volet « responsabilité sociale » du développement durable.
Dans un second temps, nous pourrons réfléchir à la mise en place d'un RSE (rapport social et environnemental), à l'instar de ce qui est demandé aux entreprises cotées.
Nous devons aussi travailler avec l'AFNOR à un label « HQE » spécifique au sport. Nous devons construire le corpus normatif et l'expertise d'évaluation qui nous manquent.
Ces réflexions nourriront des Assises vertes du sport, que j'organiserai au premier trimestre 2010.
III - Le dernier défi à relever est celui de la compétitivité de la France et de son modèle sportif.
Pour assurer le rayonnement international de la France. Ou bien, comme aurait dit le Général de Gaulle, permettre à la France de tenir son rang de grande nation sportive.
A. La France doit être conquérante.
Le rayonnement passe aussi par l'organisation de grands événements. Le « soft power » en sport, c'est ça aussi, cette expertise, cette capacité à être une terre d'accueil des grands événements sportifs de renommée internationale. Les grands événements créent des grands moments de rassemblement et de cohésion nationale. Le Ministère des sports, c'est aussi quelquefois celui du bonheur, de la France qui gagne, surtout en période de crise car le sport apporte des moments de joie. Tout le monde se souvient de la coupe du monde de football en 1998, ou de celle de rugby en 2007. C'est toujours pour le pays qui accueille un grand moment d'enthousiasme populaire, que l'on gagne ou qu'on perde (c'est toujours mieux de gagner).
Nous voulons l'Euro de football 2016. Dès le 23 juin, je me suis battue pour que l'Etat s'engage financièrement d'une manière substantielle pour crédibiliser la candidature de la France. Le Président de la République et le Premier ministre ont permis cet effort, concrétisé par un fonds de soutien de 150 Meuros pour rénover, agrandir, construire les stades qui accueilleront la compétition.
Les rapports Seguin et Besson l'ont montré : la stade est le principal levier de développement des clubs professionnels français. Aujourd'hui, lorsqu'un club français génère 1euros de chiffre d'affaires, un club italien génère 1,2 euros environ, un club allemand ou espagnol 1,4 euros, un club anglais 2,2 euros. Le stade doit être un lieu de vie mais aussi un centre de ressources, pour les clubs, pour le public.
Mais nous voulons davantage. Nous voulons de grandes compétitions de handball, de basket et de volley. D'escrime, de judo, de badminton, de hockey. Nous voulons des grandes salles. Nous sommes démunis : le POPB est la 21e salle d'Europe, le Palais des Sports de Pau la 155e. C'est pourquoi, dans le sillage de la Commission Grands Stades - Euro 2016 qu'avait présidée Philippe Seguin, je souhaite installer une Commission Grandes Salles, qui sera présidée par Daniel Costantini, que je salue. Elle rendra ses recommandations en mars. La Commission établira ainsi des passerelles entre les différents sports de salle, mais aussi avec la culture, avec le sport scolaire, avec les collectivités territoriales.
Nous sommes aussi candidats à l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver en 2018. Lorsque je me suis rendue à Washington il y a quelques jours, j'ai plaidé la cause d'Annecy auprès des autorités américaines, comme je l'ai fait à Beyrouth aux Jeux de la Francophonie. Partout, je plaiderai la candidature d'Annecy, qui est aussi la candidature de la France et des Français. Je la plaiderai bientôt à Vancouver. Même si ce sont nos sportifs qui doivent être sur le devant de la scène pour emmener l'équipe France. Je sais aussi que nous ne sommes pas assez présents dans les instances internationales du sport. Nous devons être plus présents, plus offensifs. Plus systématiques. Je souhaite, dans une réflexion commune avec le CNOSF et les ministères concernés, mettre en place un véritable outil permanent de veille stratégique. Nous devons tirer les leçons de l'échec de Paris 2012. Le rapport que Philippe Augier a remis au président de la République recommande ainsi de passer d'une stratégie de puissance à une stratégie d'influence.
Et tenons nos promesses d'équipements : je m'attellerai dans les semaines à venir à réunir l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse du projet de piscine à Aubervilliers ou du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines pour lequel il a été demandé à l'Etat 13 Meuros pour boucler son financement. Je mettrai de même toute mon énergie à soutenir le prestige et la compétitivité de Roland-Garros. Ces compétitions, nous ne voulons pas seulement les organiser. Nous voulons les gagner. Je veux que nous soyons prêts pour les Jeux de Londres. Je veux que les clubs français soient en mesure de participer régulièrement aux demi-finales ou à la finale de la Ligue des Champions (ce qui ne leur est plus arrivé depuis la finale perdue par Monaco contre Porto en 2004), qu'en handball nos clubs retrouvent les sommets européens (la victoire de Montpellier en Ligue des Champions remonte à 2003), que nos clubs de basket puissent aller au bout en Euroligue. Ce que l'Espagne réussit avec les sports collectifs, nous devons le réussir aussi.
C'est pourquoi je vais confier à Raphaël Ibanez, que je salue aussi, une mission sur la compétitivité des sports collectifs français. Le rapport Besson s'était penché sur l'environnement des clubs. La mission Ibanez s'intéressera à leur organisation : conditions de préparation, infrastructures, logistique. Tout n'est pas seulement affaire de budget, les joueurs internationaux me le disent. J'attends de Raphaël Ibanez (98 sélections en équipe de France de rugby, 34 fois capitaine, 3 coupes du monde disputées) une analyse transversale et des préconisations sur la situation des sports collectifs français, nourrie par une veille internationale du haut niveau, en lien avec les fédérations concernées et l'INSEP.
Je n'oublie pas pour autant les principales préconisations du rapport Besson, que je souhaite intégrer dans mon projet de loi Sport et qui doivent elles aussi contribuer à accroître la compétitivité du sport professionnel français :
- aligner le régime des sociétés sportives sur le droit commun des sociétés commerciales
- accorder à la société sportive la capacité d'inscrire directement l'équipe professionnelle aux compétitions auxquelles elle participe
- assouplir le régime des prêts aux sociétés sportives.
La France conquérante, c'est aussi, bien sûr la France des médailles et des podiums. La France est toujours une grande nation sportive. Quelle que soit la méthode de calcul, notre pays est régulièrement classé dans les 5 ou 6 meilleures nations du monde.
Mais l'esprit de conquête suppose de ne pas baisser la garde.
B. Notre système doit désormais évoluer, tenir compte des avancées de la concurrence, s'inspirer des bonnes pratiques observées à l'étranger, tout en capitalisant sur nos qualités et expériences.
Nous devons également mieux associer les entreprises aux actions des pouvoirs publics et du mouvement sportif. Les entreprises apportent au sport non seulement des financements mais aussi des compétences et une culture d'efficacité. Le rapprochement de leur savoir-faire et de l'enthousiasme des bénévoles sur lesquels repose souvent l'organisation sportive peut faire beaucoup pour la compétitivité du sport.
Dans les semaines et les mois qui viennent, je procèderai à une large concertation sur cette question cruciale. Mon objectif est de disposer de propositions nouvelles au plus tard au tout début de l'année prochaine.
Un de nos atouts majeurs, c'est l'INSEP, outil incomparable, dédié à l'excellence sportive et au sport de haut niveau. L'INSEP par son histoire, sa culture, ses structures et ses ressources humaines a vocation à être le fer de lance, la pointe de diamant d'une politique du haut niveau rénovée et ambitieuse. Je souhaite que cet établissement rénové dans ses murs, dans sa structure, dans son organisation, se rapproche de sa philosophie d'origine. Il se consacrera en priorité au sport de haut niveau et constituera la tête de pont d'un réseau constitué, notamment, des établissements publics nationaux du ministère chargé des sports qu'il animera.
L'INSEP recevra bientôt le statut d'établissement public scientifique culturel et professionnel (EPSCP) dans la catégorie des « grands établissements » au sens du code de l'éducation. Et un nouveau nom sous un même acronyme : Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP).
Je veux également insister sur le projet concernant « Les Parcours de l'Excellence Sportive »
Notre objectif est de :
- Faire évoluer le dispositif d'émergence des talents, formation et préparation des sportifs des équipes de France dans une perspective d'amélioration des performances individuelles et collectives au plus haut niveau international,
- Replacer la performance au centre du dispositif et oeuvrer pour que l'ensemble des acteurs soit mobilisé pour contribuer à sa réussite,
- Capitaliser sur une organisation nationale unique au monde, dont le socle, au sein des fédérations, est constitué des clubs sportifs affiliés,
- Organiser une évaluation appuyée sur une expertise sportive plus opérationnelle,
- Accompagner les fédérations dans la conception des grandes lignes de leur projet de performance,
- Tenir compte et respecter les spécificités de chaque sport,
- Passer d'une politique de moyens, de contrôle et de structures, à une stratégie de performance et d'objectifs,
- Revisiter les principes et conditions de financement de l'ensemble du projet au niveau national, et fédérer les partenaires financiers potentiels autour de celui-ci,
- Favoriser la déclinaison régionale voire locale des politiques fédérales pour contribuer, partout en France, à la lisibilité, au financement et à la réussite des projets.
D. Le statut du sportif de haut niveau
La France veut des médailles, bien sûr. Mais je veux que ceux qui se battent ainsi pour la gloire de notre pays soient mieux respectés par la nation, une fois que le parfum de la gloire s'est dissipé. Il est nécessaire d'améliorer le statut du sportif de haut niveau.
Les sportifs de haut niveau sont, en matière de retraite et de couverture sociale, dans une situation désavantagée par rapport au reste de la population. Il s'agit là d'une injustice que je veux réparer. En effet, pendant que la majorité de la population est en train de préparer sa vie professionnelle, les sportifs de haut niveau sont engagés dans une activité qui nécessite de leur part une totale mobilisation qui ne s'accompagne pas, le plus souvent, de contreparties financières importantes.
Ainsi, sur les 7050 sportifs inscrits sur la liste ministérielle de haut niveau en janvier 2009, 2 500 sportifs de plus de dix-huit ans ne disposaient pas de revenus leur permettant d'être affiliés à une caisse de retraite ou ne percevaient de revenus suffisants pour valider quatre trimestres de cotisation par an.
Ainsi, au cours de la dernière olympiade (2004-2008), moins de 200 sportifs ont pu cotiser par ce moyen à la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
Aussi, je souhaiterais renforcer la protection sociale des sportifs de haut niveau en leur permettant notamment de valider quatre trimestres de droits à retraite par an, au moyen de leur affiliation à l'assurance vieillesse du régime général et du versement de cotisations forfaitaires par l'État.
J'ai demandé qu'on évalue le coût d'une telle mesure. J'ai déjà reçu les représentants de la Commission des Athlètes de Haut Niveau du CNOSF pour débattre de ce sujet et leur proposer de collaborer à ce projet ambitieux auquel j'attache une importance particulière.
Voilà. Je n'ai pas tout dit tant il y a de chantiers en cours. Mais je pense que votre patience a des limites. Je ferai de mon mieux, avec humilité et sans présomption mais avec la ferme conviction que le Ministère des sports, ministère très républicain et à visée éducative, peut relever les défis auxquels est confronté le sport français. Bien sûr, je n'ai pas la prétention de le faire seule. Votre soutien et votre coopération seront décisifs.Source http://www.sports.gouv.fr, le 14 octobre 2009