Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de lemploi et de la solidarité, sur la prise en charge des personnes âgées et l'allocation personnalisée d'autonomie, Paris le 28 mars 2001.

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Circonstance : Présentation du projet de loi relatif à la prise en charge des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie à l'Assemblée nationale le 28 mars 2001

Texte intégral

C'est avec beaucoup de plaisir que je viens aujourd'hui présenter à votre commission, au nom du gouvernement, le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Il est la traduction de l'engagement pris par le Premier ministre il y a un an d'apporter la réponse nécessaire qu'appelle la perte d'autonomie des personnes âgées. Ce projet de loi fait également suite à des missions d'études confiées par le gouvernement à Jean-Pierre Sueur, à Madame Guinchard-Kunstler, qui devait être ici comme rapporteure, mais que j'ai le plaisir d'avoir aujourd'hui à mes côtés comme membre du gouvernement et chargée des personnes âgées. Leurs travaux ont beaucoup contribué à construire ma réflexion et celle du gouvernement sur ce sujet.
Avant d'aborder l'objet de ce projet de loi : autonomie des personnes âgées dépendantes, je voudrais dire quelques mots sur les défis que posent à notre société le vieillissement de la population, phénomène français et européen, qui nous oblige à repenser non seulement une bonne partie de notre système de protection sociale, mais aussi à voir comment faire de ce phénomène une chance.
Vieillir est, dès la naissance, le destin de chacun d'entre nous. Ce n'est pas une maladie. C'est une évolution normale pour tout individu. Il faut penser l'organisation de notre société pour donner toute leur place aux personnes âgées, leur permettre d'exercer pleinement leurs droits de citoyens et aussi tirer le meilleur parti de ce qu'elles peuvent donner à la société.
Il faut que notre société soit une société de tous les âges et que d'ailleurs l'on accorde une grande attention aux liens entre générations, qui sont pour moi une des clés du renforcement du lien social.
A ce titre, il est important d'abord de mettre un frein aux licenciements des travailleurs âgés. Ces travailleurs qui sont trop âgés pour le travail et trop jeunes pour la retraite. C'est un affreux gâchis qui prive d'une expérience précieuse les entreprises au moment où on ose parler de pénurie de main d'uvre et qui prive aussi la sécurité sociale et les régimes vieillesse de cotisations, alors même que certains pressent d'allonger l'âge de départ à la retraite.
Lorsque les personnes âgées sont à la retraite, il faut que la société les aide à faire de ce temps, un temps de bonheur individuel et d'utilité collective. Il y a en réalité, compte tenu de l'allongement de la durée de la vie, plusieurs tranches d'âges bien différenciées chez les personnes âgées : les jeunes retraités (55 - 70 ans) qui ont souvent à leur charge, et leurs enfants, et leurs parents, et qui sont souvent très actifs dans la vie sociale et associative ; les personnes plus âgées, à partir de 70 ans, qui sont valides, mais qui ont besoin que l'habitat, les transports soient adaptés à leurs besoins. Et enfin, les personnes beaucoup plus âgées, en fin de vie, qui malades ou pas, ont besoin d'une aide extérieure pour bien vivre leur vie quotidienne.
J'ajoute pour terminer ce bref panorama des questions que pose le vieillissement de la population, celles de la santé, de la place plus grande à donner à la prévention dès l'enfance pour l'ostéoporose, sans oublier toutes les grandes actions de prévention sanitaire : maladies cardio-vasculaires, cancers, traitement des dépressions.
Enfin, il y a la dépendance.
C'est dans cette perspective que le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui prend tout son sens. La réponse qu'il apporte à la perte d'autonomie des plus âgés de nos concitoyens est fondée sur le principe de solidarité. En ce sens, il vise à assurer aux personnes âgées ayant perdu leur autonomie de vivre dans la dignité.
I. La perte d'autonomie des personnes âgées porte réellement en germe une limitation de la citoyenneté. Cela implique que la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées sorte d'une logique d'aide sociale, subsidiaire, où elle est actuellement confinée, pour être reconnue comme un vrai risque social appelant une réponse de la solidarité nationale.
Faire un peu d'étymologie nous éclaire bien. Etre autonome, c'est vivre selon sa propre loi. Perdre son autonomie, c'est donc vivre sous la loi d'un autre, aliéner une partie de son être. Ce qui est en jeu dans la compensation de la perte d'autonomie, c'est donc bien la liberté et l'égalité. On ne sera donc pas étonné si répondre à cet enjeu suppose, ainsi que je l'ai évoqué en introduction, de faire appel au principe de solidarité. On voit qu'il faut toujours se ressourcer à notre triptyque républicain.
Dès lors, la perte d'autonomie des personnes âgées devient une question politique, au sens premier du terme. Elle appelle une réponse collective et ne peut plus relever de la seule sphère privée, familiale, des bonnes volontés ou de l'aide sociale traditionnelle, qui n'intervient qu'à titre subsidiaire. Elle est désormais l'affaire de tous, de la communauté des citoyens. S'en désintéresser serait exclure de la communauté civique les plus âgés d'entre nous.
Dans le langage de la protection sociale, cela signifie qu'il faut désormais reconnaître la perte d'autonomie des personnes âgées pour ce qu'elle est : un nouveau risque social.
Or, il n'est pas contestable que l'action publique à cet égard n'est pas satisfaisante.
Bien sûr, les situations les plus scandaleuses, les mouroirs qu'étaient encore certains hospices il y a trente ans ont, pour la plupart, disparu. Mais il faut bien reconnaître que la réponse de la solidarité nationale à la perte d'autonomie des personnes âgées n'atteint pas encore les exigences que je viens d'évoquer.
Le bilan de la prestation spécifique dépendance est connu et dans l'ensemble décevant : elle ne compte que 135 000 bénéficiaires, car les conditions d'accès sont trop restrictives ; les montants sont trop souvent insuffisants ; il existe de fortes disparités selon les départements.
Dans ces conditions, l'essentiel de l'effort repose sur les familles, qui doivent subvenir financièrement aux dépenses provoquées par la perte d'autonomie et s'épuisent parfois physiquement et nerveusement lorsque la perte d'autonomie devient sévère. On est donc loin de la fraternité et de la logique de solidarité nationale que nous appelons tous de nos vux.
Le projet du gouvernement s'inspire de ce principe de fraternité et s'inscrit dans une logique de solidarité nationale pour apporter à la perte d'autonomie des personnes âgées les réponses politiques qu'elle appelle en la reconnaissant comme un nouveau risque social.
La réponse apportée par le gouvernement rejoint le débat sur la perte d'autonomie des personnes âgées, structuré depuis plusieurs années autour de la problématique dite du " cinquième risque ".
Cette expression de cinquième risque s'entend par analogie avec les quatre risques existants que sont la maladie, la vieillesse au sens de la retraite, les accidents du travail et la charge d'enfants. L'aspiration à la reconnaissance d'un cinquième risque est celle des caractéristiques d'un risque de sécurité sociale, au premier rang desquelles se trouvent l'égalité des droits, sur une base objective. La reconnaissance d'un risque suppose aussi qu'un financement spécifique soit affecté à sa prise en charge.
Cette aspiration à l'instauration en France d'un " cinquième risque " est légitime, compte tenu de l'enjeu politique que représente aujourd'hui la perte d'autonomie tel que je l'ai évoqué. Elle a été exacerbée par les disparités de traitement provoquées par la mise en place de la prestation spécifique dépendance, et alimentée par certains exemples étrangers, notamment en Allemagne.
Je crois cependant sur cette notion de risque social qu'il faut lever plusieurs malentendus et ambiguïtés qui sont parfois à l'origine de crispations chez certains représentants des personnes âgées, ou dans le milieu des professionnels. La réalité de la prise en charge des risques sociaux par la sécurité sociale aujourd'hui admet en effet manifestement une assez grande diversité dans l'application des principes théoriques qui les fondent.
Ainsi, dans l'univers des prestations de sécurité sociale, l'universalité n'apparaît pas incompatible avec une modulation en fonction des ressources, notamment pour les prestations familiales.
De même, la question des modalités de gestion au regard des principes d'organisation de la prise en charge d'un risque social fait l'objet d'ambiguïtés. Manifestement, cette question est souvent réduite à la revendication d'une gestion par des organismes de sécurité sociale comme seule compatible avec la théorie des risques sociaux.
Je crois que c'est une vision réductrice des choses. L'histoire de notre système de protection sociale est ainsi faite que le vocable générique d'organisme de sécurité sociale recouvre en fait, pour un même risque, une grande diversité d'organismes au demeurant sans liens institutionnels entre eux. C'est ce que l'on appelle les "régimes", particulièrement nombreux en matière de retraite.
La question qu'il faut se poser, c'est plutôt de se demander quelle est la solution la plus efficace.
Par conséquent, si parler de " cinquième risque " pour fonder un projet relatif à la perte d'autonomie a une cohérence en exprimant la nécessité de reconnaître un droit égal et objectif, cela n'épuise pas le débat sur les modalités de mise en uvre. Je crois donc qu'il y a plusieurs façons d'assurer la mise en uvre de ce " cinquième risque ", si bien que personne ne peut s'en approprier le monopole. Il suffit de voir la diversité avec laquelle sont pris en charge les autres risques sociaux dans le cadre de la sécurité sociale pour s'en persuader.
II. Dans ces conditions, le projet du gouvernement apporte bien une réponse en terme de risque social. Je vais y revenir. Par ailleurs, le projet du gouvernement souhaite également renforcer la qualité de la prise en charge des personnes âgées, notamment en soutenant le recours à des services de professionnels.
Je n'insisterai pas longuement sur la description du projet du gouvernement que vous connaissez, et j'en résumerai les traits saillants, qui montrent bien que l'on sort d'une logique d'aide sociale pour entrer dans une logique de solidarité nationale.
Il s'agira d'abord d'un droit universel. Ce droit sera universel puisqu'il n'y a pas de plafond de ressources excluant certaines personnes dont la perte d'autonomie justifierait qu'elles soient aidées. Très concrètement , il sera étendu à ce que l'on appelle les personnes en " GIR 4 ", ou moyennement dépendantes, aujourd'hui exclues de la PSD. Son montant sera modulé en fonction du degré de perte d'autonomie et du niveau de ressources.
La modulation de l'aide en fonction des ressources est justifiée dans la perspective d'une compensation des coûts provoquées par la perte d'autonomie : ce n'est pas la même chose de devoir recourir à une aide à domicile lorsque l'on perçoit le minimum vieillesse et lorsque l'on dispose de 20 000F par mois de ressources.
Fixer des niveaux d'aide au plan national en fonction de la dépendance est également très important pour assurer l'égalité sur tout le territoire. Je sais que certains considèrent que le niveau de l'aide devrait être appréciée au cas par cas, sans plafonnement, pour tenir compte de la réalité des besoins, au motif que certaines personnes moins dépendantes peuvent nécessiter, du fait de l'environnement, une assistance importante.
Je crois que cette logique est tout simplement contraire au principe de l'égalité des droits. Sans barème national, on recréera les conditions de l'inégalité des droits. Bien sûr, les textes ne peuvent pas tout prévoir, et on trouvera toujours des situations individuelles qui nécessiteraient des adaptations. Mais dans ce cas, l'aide pourra être majorée par les fonds d'action sociale, dont la vocation est justement de venir compléter les prestations légales, et pas de s'y substituer comme c'est le cas actuellement du fait de l'insuffisance des dispositifs.
Concrètement, l'aide à domicile ira de 600F/mois pour une personne dont la perte d'autonomie est modérée et gagnant plus de 20000F/mois, à 7000F/mois pour une personne très dépendante et gagnant jusqu'à 6000F/mois. Nous sommes en train de finaliser le barème, mais à titre d'illustration, une personne percevant 10000F/mois et très dépendante devrait percevoir environ 5600F/mois.
Je viens d'en parler, l'égalité et l'objectivité des droits est un élément fondamental. L'égalité sera garantie car le montant d'aide sera défini très précisément par décret. Il y aura donc bien un droit objectif et égal, et non plus des situations particulières selon le lieu de résidence.
Il s'agira enfin d'un droit personnalisé, on pourrait dire "sur mesure". Les montants nationaux par niveau de perte d'autonomie et de revenus prendront la forme de "plans d'aide" qui seront un véritable droit de tirage pour les personnes âgées. Dans la limite de ce droit de tirage, elles pourront financer toutes les actions qui auront été reconnues nécessaires.
Il s'agira ainsi de permettre une adaptation au cas par cas des aides concrètement apportées à la personne âgée, pour tenir compte de chaque situation particulière, en fonction de l'environnement, de l'entourage. A titre d'exemple, la difficulté à se déplacer n'a pas la même ampleur si la personne habite un rez-de-chaussée ou une maison avec étages.
De même, la perte d'autonomie n'a pas les mêmes conséquences pour les personnes qui ont pu rester à leur domicile et pour celles qui sont hébergées dans une maison de retraite. Dans ce deuxième cas, il faut en effet distinguer, la prise en charge de l'hébergement (d'hôtellerie), qui n'est pas liée à la perte d'autonomie, celle des soins financés par l'assurance maladie, et la prise en charge de l'aide à la vie quotidienne de la personne.
Les besoins nécessaires à la prise en charge des personnes âgées seront désormais précisément mesurés dans chaque établissement et serviront de base au calcul de l'allocation. Cela permettra de tenir compte des coûts précis de l'établissement dans lequel la personne âgée est accueillie, et donc, comme à domicile, de personnaliser l'allocation en fonction des dépenses réelles supportées du fait de la perte d'autonomie dans chaque cas particulier.
Parallèlement au bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie, les personnes accueillies dans les maisons de retraite bénéficieront aussi d'une baisse du tarif hébergement, en moyenne de 20%, qui contribuera beaucoup à les solvabiliser.
Concernant l'APA, avant d'en venir au financement et aux modalités de gestion, il est un sujet que je ne voudrais pas éluder qui est celui de la récupération sur les successions.
Je sais que c'est une question difficile qui suscite de fortes oppositions. Je crois qu'elle pose le problème du partage entre la solidarité familiale, qu'il faut maintenir bien sûr, et la solidarité nationale. Beaucoup considèrent que la récupération sur les successions caractérisent l'aide sociale. On pourrait cependant observer que le minimum-vieillesse, qui est une prestation de sécurité sociale, est également soumis à récupération.
Quoi qu'il en soit, je crois important que la représentation nationale débatte de cette question essentielle du rôle respectif de la solidarité familiale et nationale. Cela permettra de déterminer quel est le bon équilibre.
J'en viens maintenant aux modalités de financement. Elle sont cohérentes avec l'approche en termes de risque social.
Le financement reposera sur la reconduction des moyens existants des départements et un effort supplémentaire de leur part, ainsi que sur une contribution des caisses de retraite, pour un total d'environ 11,5 MdsF. Le solde sera assuré par l'utilisation de la contribution sociale généralisée (CSG), à hauteur d'environ 5 MdsF.
Cette fraction de CSG, ainsi que la contribution des régimes de retraite, seront affectées à un nouvel établissement public, le fonds national pour le financement de l'allocation personnalisée à l'autonomie. Il en redistribuera le produit aux départements, en fonction de critères de péréquation permettant de tenir compte des différences démographiques et de richesses d'un département à un autre.
Les modalités précises de cette péréquation ne sont pas encore déterminées. Nous allons y travailler avec Paulette Guinchard-Kunstler, mon collègue Daniel Vaillant qui a la charge des collectivités territoriales, et bien sûr l'Assemblée des départements de France.
Le recours à la CSG pour assurer l'équilibre du financement de l'APA correspond à la logique de solidarité nationale sur laquelle repose ce nouveau droit. La CSG en est la meilleure expression du fait de son universalité.
Son affectation au fonds de financement de l'APA est tout aussi logique. J'ai vu ici ou là que l'on s'interrogeait sur la création d'un nouveau fonds. Mais on ne peut pas vouloir une chose et son contraire. La création de ce nouvel établissement public national constitue une nécessité pour reconnaître, sans aller jusqu'à la création d'une nouvelle branche de sécurité sociale, sur le plan institutionnel et politique, la perte d'autonomie comme un nouveau risque social et pour affecter une fraction de CSG au financement de la nouvelle prestation.
Un autre point important concerne les modalités de gestion. Elles peuvent paraître innovantes pour une prestation universelle, mais ne sont pas contradictoires avec une approche en terme de risque social.
La mise en uvre de l'APA supposera une action de proximité importante. Le versement de l'allocation personnalisée d'autonomie sera l'objet d'un dialogue approfondie entre le bénéficiaire et les équipes médico-sociales. Celles-ci doivent aller chez la personne âgée, évaluer son niveau de perte d'autonomie, discuter avec elle des aides qui lui seraient nécessaires, enfin élaborer un " plan d'aide " qui soit l'aboutissement de ce travail. Cela nécessite d'avoir des équipes de terrain, de connaître les services d'aide à domicile disponibles localement, bref, de pouvoir faire de la coordination gérontologique.
C'est pourquoi le projet de loi confirme la compétence des départements dans la mise en uvre de cette nouvelle allocation, en les associant étroitement aux caisses de retraite. L'objectif poursuivi est de généraliser les partenariats qui existent déjà dans nombre de départements, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité. Il s'agit en effet d'assurer la mobilisation de tous les moyens existants, des différents savoirs-faire, aujourd'hui réparties assez largement entre ces deux catégories d'institutions.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, ce qui compte vraiment c'est l'efficacité. Pour parler simplement, " il faut que ça marche ". En l'occurrence, l'Etat définit un droit au niveau national. Il en délègue la mise en uvre à d'autres. Il en assurera le contrôle. Ce qui est important, c'est que les personnes âgées aient effectivement accès à leurs droits, et que ce droit soit égal pour tous.
S'engager dans la voie de la création d'une nouvelle branche de sécurité sociale n'aurait finalement aujourd'hui servi qu'à attiser les querelles de territoire entre les différents acteurs, sans apporter un plus aux personnes âgées, compte tenu de la dissémination actuelle des compétences. Peut-être cette situation sera-t-elle appelée à évoluer. Nous le verrons bien. Un des principes fondateurs du service public n'est-il pas celui de l'adaptabilité, en fonction des nécessités de l'intérêt général ? Mais pour l'heure, je suis persuadée que dans l'intérêt des personnes âgées la voie du partenariat entre les acteurs est la plus appropriée.
L'objectif du gouvernement est donc double : la reconnaissance d'un nouveau risque social dans le cadre de la solidarité nationale sur le plan des principes, la recherche de l'efficacité dans un cadre pragmatique pour la mise en uvre.
Cette mise en uvre doit permettre une prise en charge de qualité. C'est le dernier point sur lequel je voudrais insister.
Plusieurs mesures ont déjà été annoncées dans cette perspective. Je les rappelle ici :
- la diffusion progressive des comités locaux d'information, de liaison et de coordination (CLIC) d'ici 2005, qu'avait suggéré Paulette Guinchard-Kusntler. Le réseau des CLIC maillera le territoire au niveau des bassins de vie et offriront aux personnes âgées et à leur famille une " porte d'entrée " dans le dispositif de prise en charge, pour faciliter l'accès aux différents services. 25 sites ont démarré une expérimentation en 2000. 70 MF ont été prévus dans la loi de finances pour les étendre en 2001.
- un plan de médicalisation, qui se traduit par l'augmentation forte des crédits d'assurance maladie en faveur des maisons de retraite et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), sur une durée de cinq ans, avec 7,2 MdsF de mesures nouvelles.
Je souhaite aujourd'hui apporter une attention particulière à l'aide à domicile, car c'est autour d'elle que s'articule la prise en charge de la perte d'autonomie, et c'est grâce à elle que peut être évitée ou retardée l'entrée dans les établissements spécialisés.
Il s'agit d'inciter les personnes âgées à recourir aux services des services d'aide à domicile, qui apportent généralement une meilleure qualité et plus de continuité dans la prise en charge. Il faut cependant laisser la liberté de choix aux personnes âgées et à leur famille, et penser aussi aux contraintes pratiques, qui ne permettent pas toujours d'organiser une prise en charge par l'intermédiaire d'un service d'aide à domicile.
Dans cette perspective, le projet de loi prévoit que l'équipe médico-sociale définira quelle est le mode d'intervention - emploi direct ou service prestataire - qui lui paraît le plus approprié compte tenu de la situation de la personne. Si celle-ci est très dépendante, elle sera prioritairement orientée vers un service d'aide à domicile, sans que cela constitue une obligation. Le montant de l'aide pourra également être modulée pour tenir compte des différences de qualité.
Il reste que pour développer ce recours aux services de professionnels, dans l'intérêt même des personnes âgées, encore faut-il s'en donner les moyens. A cet égard, l'aide à domicile doit trouver des financements. Le secteur a également besoin d'être modernisé, la condition économique et sociale des salariés doit être améliorée, les qualifications renforcées.
L'APA est bien sûr un élément de réponse, puisqu'elle permettra une meilleure solvabilisation des personnes âgées, et donc facilitera le recours aux associations. Les montants de prestation ont été estimées afin de correspondre aux plans d'aide les plus élevés actuellement constatés, à un coût horaire proche de celui des associations d'aide à domicile. La demande adressée aux associations va donc fortement augmenter.
Par ailleurs, le projet de loi crée un fonds de modernisation de l'aide à domicile, dont l'objet sera de contribuer au financement d'actions de formation, de soutien à l'encadrement, de développement des services, et de toutes mesures susceptibles de favoriser la professionnalisation du secteur. Je vais discuter avec les professionnels de l'aide à domicile qui souhaitent s'engager dans une démarche constructive les modalités de fonctionnement de ce fonds qui seront précisées par décret. Il pourrait se voir adjoindre une commission d'attribution des aides, sous la responsabilité du ministre chargé des personnes âgées.
Je crois qu'il est important de souligner la novation que constitue ce fonds : pour la première fois, l'Etat se dote d'un outil budgétaire permettant de conduire une politique structurelle dans l'aide à domicile. Il pourrait par ailleurs être complété par un engagement de développement de la formation, permettant au budget de l'Etat de cofinancer des actions de formation avec la branche de l'aide à domicile, si des négociations avec les partenaires sociaux pouvaient aboutir sur ce point.
C'est donc une politique ambitieuse que le gouvernement entend mettre en uvre pour apporter une réponse adaptée aux questions que posent la perte d'autonomie des personnes âgées. Il s'agit rien de moins que de rompre avec une partie de l'histoire de notre pays sur ce sujet pour instaurer un nouveau droit relevant de la solidarité nationale, faisant de la perte d'autonomie un nouveau risque social.
C'est une tâche difficile parce que les situations varient d'un individu à l'autre ; parce qu'avec le temps se sont développées des logiques de territoire entre les différents acteurs ; ces difficultés doivent être surmontées.
Ce projet doit enfin, comme je l'ai indiqué être replacé dans le cadre plus large du vieillissement, et dont la perte d'autonomie ne constitue qu'une manifestation, sans doute aujourd'hui la plus sensible.
Je ne doute pas qu'avec ce projet, même si nous pourrons encore l'améliorer ensemble, notamment grâce au travail de votre commission, nous disposons d'un dispositif dont l'architecture offre les cadres nécessaires à une vraie rupture pour sortir enfin de l'aide sociale. Le gouvernement et moi-même sommes très déterminés à réaliser cette rupture, pour que toutes les personnes âgées, quelle que soit leur situation, trouvent toute leur place dans notre société.

(source http://www.social.gouv.fr, le 18 avril 2001)