Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, à "Libération" le 27 novembre 2009, sur le caractère irrecevable de la demande de commission d'enquête parlementaire demandée par le PS sur les sondages payés par l'Elysée.

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Texte intégral

- Pourquoi avez-vous refusé hier la commission d'enquête sur les sondages de l'Elysée réclamée par le groupe socialiste ?
J'ai prononcé l'irrecevabilité de cette demande après que la commission des lois a été consultée, et qu'elle a considérée qu'une commission d'enquête portant sur la présidence de la République ne pouvait entrer dans le cadre constitutionnel. J'ai consulté hier natoin le bureau de l'Assemblée nationale, qui a rejeté à l'unanimité l'argument de la séparation des pouvoirs avancé par le gouvernement au nom de deux articles de la Constitution, les articles 24 et 51. Si nous avions suivi son raisonnement, il n'aurait plus été possible de constituer des commissions d'enquête sur des affaires comme celle d'Outreau. Il n'a jamais été dans l'intention des constituants de 2008 de limiter le droit d'enquête de l'Assemblée nationale. Mais le problème posé par cette demande de commission était celui de la responsabilité politique du chef de l'Etat. La réponse constitutionnelle est claire : le chef de l'Etat est responsable devant le peuple et non pas devant le Parlement. C'est ce qu'a rappelé le bureau de l'Assemblée nationale qui, à la majorité à bulletin secret, a jugé la demande irrecevable. J'ai suivi cet avis.
- Un nouveau «droit de tirage» vient d'être accordé aux groupes d'opposition, leur permettant de désigner une commission d'enquête. La première fois qu'elle le fait, on lui retire le droit d'en choisir le sujet ! C'est comme cela que vous voyez les nouveaux droits du Parlement ?
Ce droit de tirage est entièrement nouveau. C'est un changement majeur, et il est normal que l'on accompagne sa mise en oeuvre. Mais on ne peut pas remettre en cause les fondements de nos institutions, comme la responsabilité du chef de l'Etat devant le peuple. La commission des lois aurait pu lever ce point en élargissant l'objet de l'enquête. Elle ne l'a pas fait. Je ne pouvais donc pas prendre d'autre décision.
- Le groupe communiste et républicain (GDR) a voulu exercer son droit de tirage en demandant une commission d'enquête sur les suicides à France Télécom. Il vient d'y renoncer, parce que la commission des affaires sociales l'obligeait à élargir le champ des investigations...
Il n'y a pas eu d'accord sur ce point entre le groupe GDR et la commission des affaires sociales. Je le regrette d'autant plus que le cadre élargi qu'a proposé la commission n'exclut pas l'entreprise en question. Le problème fait par ailleurs déjà l'objet d'une mission d'information parlementaire pluraliste.
- Et même d'un groupe de réflexion sur la souffrance au travail demandé par l'UMP ! La manière dont Jean-François Copé double les missions parlementaires par des initiatives UMP ne vous agace-t-elle pas ?
Je l'ai déjà dit : ce n'est pas une bonne méthode de travail. Cela entretient une certaine confusion, notamment pour ceux qui sont auditionnés par les uns et les autres.
- Si le groupe PS revient à la charge en demandant une commission d'enquête sur les pouvoirs publics et les sondages en général, que ferez-vous?
Cela ne me semble pas poser de problème constitutionnel. Ce qui n'est pas conforme à la Constitution, c'est que la formulation de l'objet de l'enquête ou que le travail de la commission portent sur l'action du chef de l'Etat. Tout le reste est ouvert : le gouvernement, les entreprises...
- L'opposition se plaint que la majorité déserte l'hémicycle et que le gouvernement demande un vote solennel chaque fois qu'elle défend une proposition de loi. Vous approuvez cette façon de répondre aux initiatives de l'opposition ?
Comme président de l'Assemblée nationale, je préfère évidemment que la totalité des débats se déroulent dans les meilleures conditions. Force est de reconnaître que ce n'est pas le cas quand la majorité est minoritaire en séance face à une opposition mobilisée, et que le gouvernement doit recourir à l'article 44 pour éviter qu'une proposition de loi soit votée par l'opposition le jeudi et rejetée le mardi suivant par la majorité. Quelle image donnerions-nous si cela se produisait sur un sujet aussi grave que la fin de vie, qui est venu en débat la semaine dernière ! J'ai proposé aux présidents de groupes de modifier le calendrier de ces séances d'initiative parlementaire, pour qu'elles ne se déroulent pas toujours en fin de semaine. Mais nous n'avons pas encore trouvé de solution.
- Le bureau de l'Assemblée a également évoqué hier la question du port du voile. Qu'avez-vous décidé ?
A la suite d'un incident de séance, la question du port du voile dans les tribunes du public a été posée. Le bureau a choisi d'attendre que la mission d'information sur le voile intégral ait remis ses conclusions pour prendre une décision. D'expérience, chaque fois que l'on a réuni une mission pluraliste sur des questions de société, on a trouvé des réponses consensuelles. Je l'attends aussi de cette mission parlementaire.
Source http://www.deputes-ump.fr, le 2 décembre 2009