Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur l'urgence des décisions à prendre au niveau international pour lutter contre la faim dans le monde, Rome le 16 novembre 2009.

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Circonstance : Sommet mondial sur la sécurité alimentaire organisé par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), à Rome le 16 novembre 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Délégués,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi d'abord de remercier le Directeur général de la FAO, Jacques DIOUF, pour l'organisation de ce sommet.
Nous connaissons les images de la faim. Nous connaissons les chiffres de la faim. Rien ne serait pire que de nous habituer à ce scandale moral. Des régions entières dans le monde souffrent de pauvreté alimentaire. Aucun citoyen, aucun Etat responsable, aucun être humain ne peut se résigner à cet état de fait. Au nom du gouvernement français, je suis venu ici pour dire que la faim dans le monde n'est pas une fatalité.
Depuis quelques années, la communauté internationale a montré qu'elle avait pris la mesure des défis globaux.
Je pense à la lutte contre le réchauffement climatique et pour le développement durable, qui nous réunira à Copenhague et doit se traduire par des engagements concrets des Etats.
Je pense à la crise financière et économique, face à laquelle nous avons su réagir collectivement, en particulier lors des G20 de Londres et de Pittsburgh.
Pourquoi n'en serait-il pas de même pour la lutte contre la faim dans le monde ? Dans ce domaine, le temps n'est plus aux chiffres et aux études : le temps est à l'action. Le temps n'est plus à l'indifférence : le temps est à la décision. Le temps n'est plus à la défense des intérêts particuliers : le temps est à la définition, à la mise en place et au respect de choix collectifs.
Le premier de ces choix collectifs, c'est le Partenariat mondial pour l'agriculture et la sécurité alimentaire, proposé par le Président Sarkozy lors de la Conférence de haut niveau de 2008.
Il repose sur trois orientations majeures :
1 - L'investissement dans l'agriculture, notamment dans l'agriculture familiale. La production mondiale devra croître de 70 % d'ici à 2050 pour répondre à la demande.
De réelles avancées ont été faites, prenons en acte. Après des années de baisse, l'investissement agricole reprend. La communauté internationale s'est engagée à L'Aquila en juillet dernier à hauteur de 22 milliards de dollars sur trois ans, dont les deux tiers viennent de l'Union européenne. Je veux également mentionner les nouveaux engagements de la Banque mondiale et du Fond International de Développement Agricole.
A travers notamment l'équipe de haut niveau des Nations Unies, il sera essentiel dans les années à venir de poursuivre et d'amplifier la coordination sur le terrain, qu'elle concerne des moyens existants ou de nouveaux instruments. Enfin, les pays en développement devront poursuivre leur propre engagement comme s'y est engagé l'Afrique à Maputo.
Je tiens ici à saluer le courage avec lequel l'Afrique fait face à ses difficultés. Je tiens à saluer la volonté des responsables et des peuples africains pour trouver des solutions durables au drame de la faim sur leur territoire.
2 - La deuxième orientation, c'est une plus grande cohérence des politiques internationales et des acteurs.
Dans ce domaine, le sommet mondial de Rome permet de marquer aujourd'hui une nouvelle étape importante.
Je veux saluer ici la création de cette Assemblée mondiale de la sécurité alimentaire que représente la réforme du Comité de la sécurité alimentaire mondiale. Le Comité réunira désormais dans une même enceinte les Etats, les organisations internationales des Nations Unies et de Bretton Woods, les organisations professionnelles et de paysans, les entreprises et les ONG.
Il aura pour rôle de coordonner des positions aujourd'hui disparates. Il devra aussi garantir les engagements et les choix qui sont faits au G20, à l'OMC ou ailleurs.
3 - Enfin nous avons besoin d'une meilleure expertise scientifique.
Nous avons décidé de mettre en place un Panel international d'experts. Comme le GIEC qui a tiré la sonnette d'alarme du changement climatique, ce panel devra apporter une nouvelle légitimité aux décisions les plus nécessaires.
La France est déterminée à soutenir ce panel financièrement et par la mise à disposition d'experts nationaux.
A travers ces réformes, c'est la voix des pays les plus pauvres et de la société civile qui est renforcée et le multilatéralisme qui est consolidé.
Maintenant que les bases du Partenariat ont été jetées, le CSA doit être en mesure de réunir rapidement tous les acteurs concernés pour débattre et adopter une feuille de route pour la sécurité alimentaire mondiale.
Cette feuille de route devra consolider les visions prospectives pour une alimentation durable, suffisante et saine à l'horizon 2050 et donner l'impulsion à des examens conjoints des politiques de sécurité alimentaire, notamment dans un objectif d'intégration régionale.
Elle devra faire des recommandations pour améliorer l'efficacité et la coordination de l'aide et viser à ce que la sécurité alimentaire sorte renforcée des négociations en matière de commerce et des réformes des institutions internationales en cours, notamment celles de la FAO, du système financier international et des instances internationales de recherche.
Nous proposons aussi qu'elle se saisisse sans attendre de trois questions cruciales :
1 - D'abord la volatilité et l'insécurité des prix agricoles sur les marchés mondiaux : il faut en analyser les ressorts et trouver des solutions, notamment par de nouvelles régulations, pour y remédier et en limiter les effets, en particulier pour les agriculteurs familiaux qui sont les plus exposés.
2 - Ensuite, la gestion de l'espace agricole : face aux risques de prédation et de spéculation sur cette ressource indispensable à l'agriculture, nous devons identifier des règles de bonnes pratiques sociales, environnementales et foncières.
3 - Enfin, le changement climatique : à la suite de Copenhague, un nouvel effort commun, notamment en matière de recherche et de transfert de savoirs, devra être consacré à l'adaptation et à l'atténuation du changement climatique en matière agricole. Il n'y a pas de contradiction entre développement durable et développement agricole. A nous de trouver les voies et moyens d'une complémentarité nouvelle. Nourrir chacun et respecter notre planète, voilà notre objectif. Il est difficile à atteindre. Mais la conjugaison de nos efforts nous permettra d'y parvenir.
La lutte contre la faim dans le monde est une exigence majeure de notre temps. Les décennies qui ont précédées ont été trop souvent, malgré la volonté de beaucoup d'entre nous ici, des décennies de paroles. Les décennies à venir doivent être des décennies d'action.
La déclaration que nous avons adoptée aujourd'hui doit donc se traduire en actes dans les meilleurs délais. La France est déterminée. Elle tiendra ses engagements. Côte à côte avec tous les Etats qui le souhaitent, elle avancera dans la mise en place d'une véritable politique mondiale de sécurité alimentaire.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 19 novembre 2009