Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur la prévention des cancers professionnels, Paris le 18 novembre 2009.

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Circonstance : Colloque " Prévenons les cancers professionnels " à Paris le 18 novembre 2009

Texte intégral

Monsieur le Président [Henri Forest]
Monsieur le directeur général, [Stéphane Pimbert]
Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai répondu à votre invitation à participer à ce colloque organisé par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) sur la prévention des cancers professionnels. Je tiens à remercier le directeur de l'INRS, Stéphane Pimbert, ainsi que tous les spécialistes qui participent à la tenue de ce colloque, les organismes d'expertise comme l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (l'AFSSET), l'Institut national du cancer (INCa) et l'Institut de veille sanitaire (InVS), pour n'en citer que quelques-uns, mais aussi les régimes de protection sociale, la Direction générale du travail (DGT) et les universitaires qui sont venus apporter leur éclairage sur ce sujet qui concerne notre société tout entière.
L'amélioration des connaissances et de la prévention des cancers professionnels est une des priorités de la politique de santé au travail que je conduis actuellement avec l'ensemble des acteurs concernés.
Ma mission comme Ministre du travail, c'est avant tout en effet de veiller à ce que chaque salarié puisse travailler dans des conditions de travail décentes, car c'est d'abord à cette condition que le travail permet à chacun de progresser, de développer ses talents et d'être créateur de richesses pour l'entreprise et pour la société.
C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, j'ai consacré mon premier déplacement comme titulaire de ce portefeuille à la prévention des risques liés aux produits cancérogènes, car c'est un des piliers de la politique de prévention des risques professionnels que j'entends mener. Début juillet, je me suis rendu dans deux entreprises de Savigny le Temple, Etandex et Verrechia : chez Etandex, [qui apporte un témoignage dans ce colloque] j'ai étudié la démarche de substitution pour éliminer un agent cancérogène présent dans un durcisseur de résine d'étanchéité ; chez Verrechia, je me suis fait présenter une installation très moderne de captation des poussières de bois permettant de capter à la source les poussières nocives.
Ces exemples de prévention sont le signe d'avancées notables, mais vous connaissez les chiffres.
Les cancers sont aujourd'hui la deuxième cause de mortalité en France. Ils sont responsables d'environ 150 000 décès par an. On estime qu'entre 2,5 et 6% des cancers auraient une origine professionnelle, soit entre 4 000 et 9 000 cas et 1857 cas de cancer ont été reconnus en maladies professionnelles en 2007. Par ailleurs 13,5% de la population active, soit 2,37 millions de salariés, seraient exposés à au moins un agent cancérogène sur son lieu de travail.
Devant vous je veux le dire clairement, les cancers professionnels sont autant de drames humains qui révèlent les carences de notre système de santé au travail, et parfois aussi l'inertie des décideurs public et privés, comme l'a montré la tragédie de l'amiante dans les années 1990.
Je ne peux accepter que malgré toutes les avancées de ces dernières années, les cancers professionnels restent encore trop souvent l'objet d'une forme de déni, de la part des salariés, des dirigeants, des partenaires sociaux qui n'osent parler trop fort de ces « longues maladies ». Je sais aussi que trop de cancers professionnels ne sont pas reconnus faute d'être déclarés, parce qu'ils surviennent longtemps après l'exposition à un agent cancérogène, parce qu'il est difficile d'évaluer la part des facteurs de risques liés au travail, ou parce que la traçabilité des expositions fait défaut.
J'ai donc voulu que les risques cancérogènes soient une cible privilégiée du deuxième Plan santé au travail que je prépare actuellement avec les partenaires sociaux pour 2010-2014. D'ici fin 2009 nous fixerons des objectifs de résultats assortis d'indicateurs chiffrés pour faire reculer le pourcentage des salariés exposés professionnellement à des substances cancérogènes.
Ce Plan s'articulera avec les actions déjà engagées par mon ministère pour améliorer ce qu'on appelle la prévention primaire, celle qui vise, en amont, à éviter l'exposition aux substances dangereuses pour l'organisme.
Pour prévenir les expositions aux risques cancérogènes, mutagènes et repro-toxiques (CMR), mon prédécesseur a lancé le 30 avril dernier le site www.substitution-cmr.fr, développé par l'AFSSET. Il permet aux dirigeants d'entreprise et à tous les professionnels et acteurs de la prévention de trouver les informations nécessaires pour remplacer les produits cancérogènes de leur processus de production et de leur environnement de travail.
En outre, pour assurer la mise en oeuvre effective par les professionnels des dispositions réglementaires en matière de prévention des risques CMR, mon ministère a signé des conventions avec plusieurs fédérations professionnelles. Notre objectif commun, c'est que les salariés des entreprises de fabrication de peinture ou des usines de produits chimiques mais aussi ceux qui utilisent ces produits puissent travailler en toute sécurité, sans que leur travail d'aujourd'hui ne les rende malade demain.
Le deuxième Plan Santé au travail s'articulera bien entendu avec le deuxième Plan Cancer (2009-2013) lancé par le Président de la République à la suite des propositions du rapport Grünfeld. Ce dernier prévoit notamment :
- d'améliorer le recensement des cancers d'origine professionnelle ;
- d'effectuer des campagnes de contrôles de l'application des réglementations auprès de toutes les entreprises en ciblant les cancérigènes les plus utilisés ;
- d'élaborer à l'attention des médecins du travail et des médecins traitants des recommandations de bonnes pratiques pour améliorer la surveillance médicale des travailleurs exposés à des CMR. Sur ces sujets, je compte agir en étroite collaboration avec le ministère de la santé. Je veillerai en outre à avancer sur le sujet des services de santé au travail lors du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) du 4 décembre prochain.
Le deuxième Plan Santé au Travail s'articulera également avec le deuxième Plan national Santé Environnement, élaboré par le ministère chargé de l'environnement, afin notamment de mieux maîtriser le risque chimique et d'éviter la dissémination des polluants.
Pour améliorer la traçabilité des expositions professionnelles, une mission a été confiée à M. Daniel Lejeune, inspecteur général des affaires sociales, dans le cadre de la Commission « accidents du travail et maladies professionnelles » de la Caisse nationale d'assurance maladie.
Le rapport Lejeune a été adopté à l'unanimité par les partenaires sociaux et ses préconisations ont été reprises dans le contrat d'objectif et de gestion de la branche AT/MP pour 2009-2012 sous forme d'expérimentation.
Dans le cadre de la loi du Grenelle 1, nous avons ainsi mis en place un dispositif de traçabilité des expositions sur les substances classées CMR 1 et CMR 2. Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer lors de la discussion générale au sénat sur le PLFSS pour 2010, c'est une sorte de « curriculum laboris » qui permettra d'avoir l'historique de l'exposition d'une personne à des substances cancérogènes durant sa vie professionnelle.
Nous allons expérimenter ce dispositif ciblé sur les CMR dès le 1er janvier 2010, dans 5 régions qui représentent plus de 50% de l'effectif des ressortissants de la branche accidents du travail maladie professionnelles. Si cette expérimentation est concluante, ce que je souhaite, elle permettra à l'Etat et aux partenaires sociaux de définir les modalités de sa généralisation en 2012.
Je ne peux conclure sur les risques à effet différé sans évoquer le dossier de l'amiante que je suis avec une attention particulière. Afin d'améliorer la prévention et la réglementation, mon ministère a saisi l'AFSSET qui a rendu en septembre 2009 un avis invitant à diviser par 10 le niveau limite d'exposition professionnelle à l'amiante. C'est un progrès significatif car ce nouveau seuil placera la France au plus haut niveau de protection des travailleurs de l'Union européenne. J'ai demandé à ce que nous mettions en oeuvre ces recommandations rapidement.
Mesdames et messieurs,
Dans son discours de lancement du deuxième plan cancer au début de ce mois de novembre, le Président de la République a souligné que le risque de mourir d'un cancer entre 30 et 65 ans était deux fois plus élevé chez les ouvriers que chez les professions libérales. L'amélioration de la prévention des cancers professionnels est donc à mes yeux un élément essentiel à la pérennité de notre contrat social.
Je confluerai en rappelant que la santé au travail est l'un des fondements de la revalorisation du travail souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre. Soyez assurés de la détermination de mon ministère à tout mettre en oeuvre en ce sens.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 25 novembre 2009