Texte intégral
L. Bazin.- Bonjour M. Hirsch.
Bonjour.
Vous êtes commissaire aux Solidarités actives, à la Jeunesse et à la Vie associative, je l'ajoute, parce que vous réunissez bientôt les associations de France. Est-ce que vous vous sentez toujours aussi à l'aise dans ce gouvernement, en ce moment, particulièrement, quand on entend la fronde des maires, la fiscalisation des accidents du travail, le débat sur l'identité nationale ?
J'ai toujours dit que la question n'était pas de savoir si j'étais à l'aise ou pas, la question était de savoir si on pouvait faire avancer les choses. En ce moment, où on en est ? En ce moment, on est, du moins de mon côté, à avoir sur le feu, à tenir des engagements vis-à-vis des étudiants, c'était hier V. Pécresse...
Dixième mois de bourse...
Le dixième mois de bourse, c'est mettre en place le RSA pour les jeunes, c'est passé à l'Assemblée nationale la semaine dernière, ça a été adopté. On m'avait dit qu'il y aurait une bronca, etc., c'est passé facilement et logiquement...
D'un mot, vous l'espérez avant l'été, ce RSA jeunes ?
Eh bien, moi, j'aimerais bien avant l'été. Peut-être pour des raisons techniques, on va nous forcer à le faire après l'été. Moi, je voudrais que ça vienne le plus vite possible, c'est assez logique : on vient répondre à des situations de jeunes en situation de détresse, c'est-à-dire qui auront épuisé leur fin de droit à indemnisation chômage et qui peuvent se trouver avec zéro euro de revenu. Donc, vous comprendrez que je veux essayer d'aller le plus rapidement possible. Mais toutes ces affaires-là, c'est compliqué à gérer, il faut que ça soit bien fait. Et puis, en même temps, on avance sur des programmes expérimentaux, des programmes expérimentaux pour essayer de regarder comment est-ce qu'on peut aider les jeunes. En même temps, on a une aide sur le permis de conduire des jeunes ; donc moi, j'ai des tas de choses à faire en ce moment...
Et le reste, vous vous bouchez les oreilles, c'est ça, vous ne voulez pas l'entendre ?
Non, je ne me bouche pas les oreilles, mais la question que vous posez, c'est, encore une fois : est-ce que je suis... ce n'est pas si je suis à l'aise ou pas, c'est est-ce que dans cette période qui est, à la fois, une période de crise...
La question que je pose c'est : est-ce que vous êtes à l'aise, si... Et vous me répondez : moi, ce n'est pas le problème.
Oui, je ne suis pas rentré au Gouvernement pour prendre mes aises, pour me demander si je suis à l'aise le matin, l'après-midi ou le soir. J'essaie d'être dans mon boulot comme un boulot normal, comme beaucoup de gens qui vont au travail, en se disant : est-ce que je peux faire avancer le dossier, le sujet, la cause pour laquelle je travaille.
Donc en ce moment, M. Hirsch n'a pas d'état d'âme ?
Moi, j'ai toujours des états d'âme, je suis né avec des états d'âme, et je pense que je mourrai avec des états d'âme.
Par exemple, la fiscalisation des accidents du travail, est-ce que ça vous pose problème ?
La fiscalisation des accidents du travail, je comprends le raisonnement qui consiste... Moi, je suis pour que les choses ne dépendent pas du statut des personnes, mais effectivement de leurs ressources. Donc quelqu'un qui a un accident du travail avec des très faibles revenus, il sera en dessous de la barre des impôts, et tant mieux, comme d'autres. Que des gens qui ont des revenus un peu plus aisés, qui paient l'impôt sur le revenu le paient aussi pour des revenus de remplacement, ça ne me choque pas. Par ailleurs, je fais partie de celles et ceux qui poussent plutôt pour plus d'équité fiscale qu'il n'y en a aujourd'hui, mais ça ne vous étonnera pas beaucoup.
Est-ce qu'un Premier ministre sifflé par des maires de France, qui ne sont pas réputés pour être des fauves indomptables, ça vous choque, ça vous frappe, ça vous interpelle ?
Moi, ça m'est arrivé de me faire siffler aussi dans des assemblées...
Le Premier ministre, lui, tout au long d'un discours, on parle du Premier ministre de la France, me disait L. Fabius...
Oui, et puis ensuite, pendant une heure et demie, il a expliqué le sens de la réforme, de manière plutôt courageuse et plutôt convaincante. Donc voilà, je trouve qu'aller au-devant des personnes concernées, même quand il y a un petit chouïa de chahut, c'est ce qu'on peut faire de mieux.
Vous regrettez que N. Sarkozy ne l'ait pas fait lui-même ?
Mais non. Quand il y va, on dirait : mais est-ce qu'il prend la place de son Premier ministre ? Quand il n'y va pas, est-ce qu'il...
Parce qu'il y va tout le temps, d'habitude.
Voilà, ils sont deux, ils font le travail, j'ai l'impression que les choses roulent.
Sur le fond du dossier, ce sont les départements qui appliquent en ce moment le RSA, ils ne sont pas financièrement responsables de ce RSA, en revanche, l'action sociale...
Ils sont en partie.
Ils sont en partie responsables, merci de m'apporter cette précision. Ils financent en partie l'action sociale, ils aident des associations - je pense à Emmaüs, mais c'est par mauvais esprit, parce que vous étiez le président d'Emmaüs avant - mais que les subventions...
Ah oui, et puis surtout qu'Emmaüs ne vit pas de subventions, mais vit de son travail de récupération, donc, voilà.
Non, mais par l'Abbé Pierre, la Fondation de l'Abbé Pierre et d'autres. Je veux dire, les départements ont un rôle actif. Ils disent : demain, on n'aura plus les moyens de faire ça. Est-ce qu'il vous semble que la réforme de la taxe professionnelle a été pensée un peu vite ?
Eh bien, moi...
st-ce qu'ils ont raison de dire : attention, on va être en rupture, en cessation de paiement...
Alors, il y a deux choses différentes, sur : est-ce que la réforme de la taxe professionnelle, c'est allé vite ou pas ? Moi, je me souviens des voeux de J. Chirac, président de la République, il y a quelques années, expliquant qu'il allait supprimer la taxe professionnelle, ça devait être il y a six, sept ans, quelque chose comme ça. Et ensuite, tout le monde s'est aperçu que c'était un peu compliqué et personne ne l'a fait. Donc quelquefois, devant les trucs compliqués, il faut savoir aller vite. Moi, je ne vais pas reprocher d'aller vite.
Ça c'est M. Hirsch, ça c'est ce que vous avez fait.
Mais oui. Le RSA, on a essayé de foncer, on s'est fait engueuler là aussi, parce qu'on allait vite, mais en disant : si on prend un an de plus, peut-être que ça ne se fera jamais. Donc il vaut mieux quelquefois aller vite pour pouvoir le faire...
Aller vite, mais...
Première chose. Deuxième chose, ce qui me paraît le plus important, et dont pas grand monde parle, sur la taxe professionnelle, on allège les charges sur les entreprises, est-ce que ça va créer plus d'emplois ou pas ? Moi, j'aurai l'oeil rivé là-dessus, c'est-à-dire que, entre les allègements de charges sur les salaires d'un côté, et la suppression de la taxe professionnelle, est-ce que seront bien au rendez-vous les emplois que l'on attend des entreprises et la possibilité de continuer à faire des emplois sur les territoires ? C'est là-dessus que la droite et la gauche, que l'Etat, les départements, les communes devraient faire bloc commun, pour essayer de faire en sorte que les entreprises tiennent des engagements en contrepartie de l'allègement de la taxe professionnelle. Cela me paraît le plus important.
Ne vous engueulez pas entre vous, regardez ce que les autres vont faire.
De mon point de vue de responsable des situations de pauvreté, d'exclusion et d'exclusion du monde du travail, et pour avoir entendu les entreprises dire : "oh, là, là, si on payait un peu moins d'impôts, un peu moins d'impôts imbéciles, effectivement, on pourrait davantage embaucher", la question principale, c'est : est-ce qu'elles vont être au rendez-vous ou pas, et est-ce que l'ensemble des forces politiques sont capables de faire en sorte que les entreprises soient au rendez-vous.
Donc il aurait fallu le faire sous conditions ?
Eh bien, non, mais il faut faire en sorte qu'effectivement, cette promesse soit tenue dans ce sens-là. Et donc je trouve qu'il faudrait unir nos forces là-dessus. Ensuite, est-ce que les collectivités locales - moi, j'étais au congrès des maires hier, aussi, sur la crise sociale -, est-ce que les collectivités locales prennent de plein fouet la crise ? La réponse est oui, les difficultés sociales... Je trouve qu'il ne faut pas faire de langue de bois et cacher les choses. Est-ce que les Restos du Coeur, le Secours Populaire, les différentes associations voient leur activité augmenter considérablement ? Réponse, oui. Est-ce que les bureaux d'aide sociale et les centres communaux d'action sociale, etc. sont, cette année, débordés aussi par les effets de la crise ? La réponse est oui. On ne peut pas dire d'un côté qu'il y a 400.000 emplois qui ont été détruits il y a quelques mois, et ne pas voir arriver des personnes en difficulté, elles sont là. Et je trouve qu'on arrive de plus en plus - moi, je le vois, j'étais à Dunkerque avant-hier, à Villefranche, il y a trois jours, etc., je trouve qu'on arrive de plus en plus finalement au-delà ce qu'on entend dans le débat politique national - à faire en sorte que sur le terrain, on arrive à faire travailler ensemble les services de l'Etat, les services du département, les services de la ville, etc., pour apporter des réponses communes, ce qu'on n'a pas fait depuis assez longtemps. Donc il y a une quête d'espoir quand même dans la manière de travailler davantage ensemble et de ne pas catégoriser les gens pour les renvoyer chacun à leurs difficultés.
Je regardais les chiffres du RSA hier, en préparant cette interview, il y avait un million et demi, 1.600.000 Français qui travaillent aujourd'hui, qui sont dans une situation de précarité ou de pauvreté, qui pourraient en bénéficier. A peine 40% ont déposé un dossier aujourd'hui ; comment vous expliquez cette méfiance ?
Oui, il y a 25% qui l'ont (fait), 25 ou 30%...
C'est très peu, non ?
Je ne pense pas que ce soit de la méfiance.
C'est quand même 110 euros de plus, ce n'est pas rien.
C'est 110 euros de plus par mois. Mais en fait, quand on regarde, quand une prestation nouvelle arrive, il faut souvent deux ans ou trois ans pour qu'elle atteigne sa cible. Moi, je pense que là, on a vu effectivement que celles et ceux qui avaient le plus besoin du RSA sont venus s'inscrire et le demander...
Les prioritaires.
Voilà.
Ceux qui auront la prime de Noël au passage...
Et je pense qu'il y a encore beaucoup de gens qui ne réalisent pas que le RSA, ce n'est pas simplement un RMI+, c'est aussi quelque chose qui est un complément de revenus pour des gens qui travaillent, et donc même parmi les gens qui nous regardent aujourd'hui ou qui sont employeurs de gens qui ont un emploi à plein temps, etc., il y a beaucoup de gens qui peuvent avoir droit au RSA, même avec un emploi à plein temps, etc....
Vous n'avez pas fait le boulot, vous n'avez pas bien expliqué. Cela veut dire qu'on se perd dans des mesures qui sont une fois de droite, une fois de gauche...
Peut-être, je vais vous expliquer pourquoi... non, ce n'est pas ça, c'est que, comme le RSA, c'est deux instruments en un, c'est d'un côté transformer le RMI en quelque chose de plus efficace, et c'est de l'autre, apporter un complément de revenus à des gens qui travaillent, donc c'est très difficile, je le reconnais, et on a fait exprès, si vous voulez, on a fait exprès pour ne pas qu'il y ait d'un côté les gens qui seraient au crochet de la société, avec un revenu, et de l'autre, ceux qui se lèvent tôt et qui paieraient pour les autres, mais d'avoir une prestation qui soit utile aux deux, et ça, ça brouille les repères habituels. Donc ça ne m'étonne pas...
Donc vous pensez que c'est normal. Est-ce que vous pensez que 100% de ces 1.600.000 personnes, ce n'est quand même pas rien, auront souscrit au RSA, d'ici quand d'ailleurs ?
Eh bien, on s'est fixé l'objectif d'atteindre ça d'ici un an après l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire d'ici juin 2010, d'atteindre 90%, disons, ce qui est assez rare d'atteindre 90% d'un système, mais voilà, dès maintenant, vous pouvez y aller, et le RSA, il n'y a pas de piège, il n'y a pas d'effets pervers, et je regardais hier...
Ce n'est pas un truc de droite pour amener des voix de gauche à N. Sarkozy, c'est ça que vous voulez dire ?
Ah oui, mais surtout, hier, j'ai été abordé par une dame qui gardait des enfants, et qui m'a expliqué, il y a quatre mois, en disant : c'est dégoûtant, je n'ai pas le droit au RSA, puisque je travaille à plein temps. Je lui ai dit : mais qui vous a dit ça ? "Mes collègues". Je lui ai dit : mais elles ont tort, allez à la CAF. Elle est allée à la CAF, elle est revenue en disant : ah, on m'a dit que le RSA, je n'aurai le droit qu'à 28 euros par mois. Je lui ai dit : c'est peut-être déjà ça. Et puis hier, je l'ai recroisée, et elle m'a dit : ah, mais finalement, c'est bien 74 euros par mois supplémentaires...
Il y a un problème d'information.
74 euros par mois supplémentaires, pour quelqu'un qui travaillait à plein temps, voilà. Donc cet argent, c'est de l'argent qui, je suis sûr, va dans les poches où il faut qu'il aille, donc vous pouvez encore vous inscrire, vous pouvez encore faire le 39.39 ou aller vers caf.fr pour avoir accès à cela.
Vous m'avez donné deux dates depuis le début de cette interview, qui se termine. Vous m'avez dit : j'aimerais bien que le RSA jeunes soit en place en juin prochain, si possible au printemps, mais il y a des problèmes techniques ; et vous venez de me dire : le RSA à 100%, j'espère que ce sera en juin prochain. Ça veut dire qu'en juin prochain, vous aurez quitté le Gouvernement, mission accomplie, terminée ?
Ah, non, je ne sais pas du tout...
Vous vous posez la question de temps en temps ?
Oh, oui, toujours, parce que je ne suis pas un professionnel de la politique, ce n'est pas mon métier, je ne rêve pas d'avoir d'autres fonctions dans un Gouvernement, etc. C'est ce qui fait souvent que d'ailleurs les gens me regardent bizarrement, y compris dans le milieu politique...
Oui, mais on se dit que M. Hirsch y a pris goût.
En se demandant quelles sont mes arrière-pensées. Je n'ai pas d'arrière-pensées.
Quand on vous a vu ajouter la jeunesse aux solidarités actives, on s'est dit : ah ben, tiens, il a fait le truc pour lequel il était venu, il rajoute quelque chose...
Vous, vous vous êtes peut-être dit ça, les jeunes, ils ne se sont pas dit ça, les jeunes, ils se sont dit : ben, pour une fois, ils se sont posé la question en disant : est-ce que ça veut dire qu'on est tous des pauvres, mais ils se sont dit : pour une fois, et je voyais les syndicats étudiants hier, c'est ce qu'ils disent : on a attendu vingt ans pour qu'il y ait quelqu'un qui s'occupe véritablement de la jeunesse dans toute sa dimension, et ils se sont dit, là : il y a peut-être un petit espoir pour la santé, on va doubler l'aide à la complémentaire santé, il y a peut-être un espoir pour le logement, on essaie de faire des trucs sur le logement...
Vous n'êtes pas près de partir ?
Je ne sais pas, non, mais ça veut dire que je ne suis pas près de... je ne fais pas de la langue de bois, ça fait... pendant treize ans, je me suis occupé d'affaires sociales sans être au gouvernement, et je pense que quand je ne serai plus au gouvernement, je continuerai de m'occuper de ces sujets-là. Donc quand je suis au gouvernement, je suis à 100% sur ces sujets-là, comme vous l'avez vu, et je n'ai pas besoin d'être au gouvernement pour pouvoir m'en occuper, donc ce n'est pas une question, ce n'est pas... voilà, j'aime le travail bien fait, et j'essaie de le faire le mieux possible, je trouve ça très difficile, vous savez, parce qu'il faut à la fois montrer aux gens qu'on peut y arriver, que ça peut être mieux que ce qu'ils subissent depuis vingt ans, et à la fois, ne pas leur faire naître d'espoirs survendus, et ça, c'est difficile. Et voilà, j'essaie de le faire le mieux possible, et puis à un moment, je ferai...
Si dans trois mois, vous êtes ailleurs, vous serez ailleurs...
Voilà, exactement.
On a entendu ça. Merci d'avoir été notre invité ce matin.
Je vous en prie, merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 novembre 2009
Bonjour.
Vous êtes commissaire aux Solidarités actives, à la Jeunesse et à la Vie associative, je l'ajoute, parce que vous réunissez bientôt les associations de France. Est-ce que vous vous sentez toujours aussi à l'aise dans ce gouvernement, en ce moment, particulièrement, quand on entend la fronde des maires, la fiscalisation des accidents du travail, le débat sur l'identité nationale ?
J'ai toujours dit que la question n'était pas de savoir si j'étais à l'aise ou pas, la question était de savoir si on pouvait faire avancer les choses. En ce moment, où on en est ? En ce moment, on est, du moins de mon côté, à avoir sur le feu, à tenir des engagements vis-à-vis des étudiants, c'était hier V. Pécresse...
Dixième mois de bourse...
Le dixième mois de bourse, c'est mettre en place le RSA pour les jeunes, c'est passé à l'Assemblée nationale la semaine dernière, ça a été adopté. On m'avait dit qu'il y aurait une bronca, etc., c'est passé facilement et logiquement...
D'un mot, vous l'espérez avant l'été, ce RSA jeunes ?
Eh bien, moi, j'aimerais bien avant l'été. Peut-être pour des raisons techniques, on va nous forcer à le faire après l'été. Moi, je voudrais que ça vienne le plus vite possible, c'est assez logique : on vient répondre à des situations de jeunes en situation de détresse, c'est-à-dire qui auront épuisé leur fin de droit à indemnisation chômage et qui peuvent se trouver avec zéro euro de revenu. Donc, vous comprendrez que je veux essayer d'aller le plus rapidement possible. Mais toutes ces affaires-là, c'est compliqué à gérer, il faut que ça soit bien fait. Et puis, en même temps, on avance sur des programmes expérimentaux, des programmes expérimentaux pour essayer de regarder comment est-ce qu'on peut aider les jeunes. En même temps, on a une aide sur le permis de conduire des jeunes ; donc moi, j'ai des tas de choses à faire en ce moment...
Et le reste, vous vous bouchez les oreilles, c'est ça, vous ne voulez pas l'entendre ?
Non, je ne me bouche pas les oreilles, mais la question que vous posez, c'est, encore une fois : est-ce que je suis... ce n'est pas si je suis à l'aise ou pas, c'est est-ce que dans cette période qui est, à la fois, une période de crise...
La question que je pose c'est : est-ce que vous êtes à l'aise, si... Et vous me répondez : moi, ce n'est pas le problème.
Oui, je ne suis pas rentré au Gouvernement pour prendre mes aises, pour me demander si je suis à l'aise le matin, l'après-midi ou le soir. J'essaie d'être dans mon boulot comme un boulot normal, comme beaucoup de gens qui vont au travail, en se disant : est-ce que je peux faire avancer le dossier, le sujet, la cause pour laquelle je travaille.
Donc en ce moment, M. Hirsch n'a pas d'état d'âme ?
Moi, j'ai toujours des états d'âme, je suis né avec des états d'âme, et je pense que je mourrai avec des états d'âme.
Par exemple, la fiscalisation des accidents du travail, est-ce que ça vous pose problème ?
La fiscalisation des accidents du travail, je comprends le raisonnement qui consiste... Moi, je suis pour que les choses ne dépendent pas du statut des personnes, mais effectivement de leurs ressources. Donc quelqu'un qui a un accident du travail avec des très faibles revenus, il sera en dessous de la barre des impôts, et tant mieux, comme d'autres. Que des gens qui ont des revenus un peu plus aisés, qui paient l'impôt sur le revenu le paient aussi pour des revenus de remplacement, ça ne me choque pas. Par ailleurs, je fais partie de celles et ceux qui poussent plutôt pour plus d'équité fiscale qu'il n'y en a aujourd'hui, mais ça ne vous étonnera pas beaucoup.
Est-ce qu'un Premier ministre sifflé par des maires de France, qui ne sont pas réputés pour être des fauves indomptables, ça vous choque, ça vous frappe, ça vous interpelle ?
Moi, ça m'est arrivé de me faire siffler aussi dans des assemblées...
Le Premier ministre, lui, tout au long d'un discours, on parle du Premier ministre de la France, me disait L. Fabius...
Oui, et puis ensuite, pendant une heure et demie, il a expliqué le sens de la réforme, de manière plutôt courageuse et plutôt convaincante. Donc voilà, je trouve qu'aller au-devant des personnes concernées, même quand il y a un petit chouïa de chahut, c'est ce qu'on peut faire de mieux.
Vous regrettez que N. Sarkozy ne l'ait pas fait lui-même ?
Mais non. Quand il y va, on dirait : mais est-ce qu'il prend la place de son Premier ministre ? Quand il n'y va pas, est-ce qu'il...
Parce qu'il y va tout le temps, d'habitude.
Voilà, ils sont deux, ils font le travail, j'ai l'impression que les choses roulent.
Sur le fond du dossier, ce sont les départements qui appliquent en ce moment le RSA, ils ne sont pas financièrement responsables de ce RSA, en revanche, l'action sociale...
Ils sont en partie.
Ils sont en partie responsables, merci de m'apporter cette précision. Ils financent en partie l'action sociale, ils aident des associations - je pense à Emmaüs, mais c'est par mauvais esprit, parce que vous étiez le président d'Emmaüs avant - mais que les subventions...
Ah oui, et puis surtout qu'Emmaüs ne vit pas de subventions, mais vit de son travail de récupération, donc, voilà.
Non, mais par l'Abbé Pierre, la Fondation de l'Abbé Pierre et d'autres. Je veux dire, les départements ont un rôle actif. Ils disent : demain, on n'aura plus les moyens de faire ça. Est-ce qu'il vous semble que la réforme de la taxe professionnelle a été pensée un peu vite ?
Eh bien, moi...
st-ce qu'ils ont raison de dire : attention, on va être en rupture, en cessation de paiement...
Alors, il y a deux choses différentes, sur : est-ce que la réforme de la taxe professionnelle, c'est allé vite ou pas ? Moi, je me souviens des voeux de J. Chirac, président de la République, il y a quelques années, expliquant qu'il allait supprimer la taxe professionnelle, ça devait être il y a six, sept ans, quelque chose comme ça. Et ensuite, tout le monde s'est aperçu que c'était un peu compliqué et personne ne l'a fait. Donc quelquefois, devant les trucs compliqués, il faut savoir aller vite. Moi, je ne vais pas reprocher d'aller vite.
Ça c'est M. Hirsch, ça c'est ce que vous avez fait.
Mais oui. Le RSA, on a essayé de foncer, on s'est fait engueuler là aussi, parce qu'on allait vite, mais en disant : si on prend un an de plus, peut-être que ça ne se fera jamais. Donc il vaut mieux quelquefois aller vite pour pouvoir le faire...
Aller vite, mais...
Première chose. Deuxième chose, ce qui me paraît le plus important, et dont pas grand monde parle, sur la taxe professionnelle, on allège les charges sur les entreprises, est-ce que ça va créer plus d'emplois ou pas ? Moi, j'aurai l'oeil rivé là-dessus, c'est-à-dire que, entre les allègements de charges sur les salaires d'un côté, et la suppression de la taxe professionnelle, est-ce que seront bien au rendez-vous les emplois que l'on attend des entreprises et la possibilité de continuer à faire des emplois sur les territoires ? C'est là-dessus que la droite et la gauche, que l'Etat, les départements, les communes devraient faire bloc commun, pour essayer de faire en sorte que les entreprises tiennent des engagements en contrepartie de l'allègement de la taxe professionnelle. Cela me paraît le plus important.
Ne vous engueulez pas entre vous, regardez ce que les autres vont faire.
De mon point de vue de responsable des situations de pauvreté, d'exclusion et d'exclusion du monde du travail, et pour avoir entendu les entreprises dire : "oh, là, là, si on payait un peu moins d'impôts, un peu moins d'impôts imbéciles, effectivement, on pourrait davantage embaucher", la question principale, c'est : est-ce qu'elles vont être au rendez-vous ou pas, et est-ce que l'ensemble des forces politiques sont capables de faire en sorte que les entreprises soient au rendez-vous.
Donc il aurait fallu le faire sous conditions ?
Eh bien, non, mais il faut faire en sorte qu'effectivement, cette promesse soit tenue dans ce sens-là. Et donc je trouve qu'il faudrait unir nos forces là-dessus. Ensuite, est-ce que les collectivités locales - moi, j'étais au congrès des maires hier, aussi, sur la crise sociale -, est-ce que les collectivités locales prennent de plein fouet la crise ? La réponse est oui, les difficultés sociales... Je trouve qu'il ne faut pas faire de langue de bois et cacher les choses. Est-ce que les Restos du Coeur, le Secours Populaire, les différentes associations voient leur activité augmenter considérablement ? Réponse, oui. Est-ce que les bureaux d'aide sociale et les centres communaux d'action sociale, etc. sont, cette année, débordés aussi par les effets de la crise ? La réponse est oui. On ne peut pas dire d'un côté qu'il y a 400.000 emplois qui ont été détruits il y a quelques mois, et ne pas voir arriver des personnes en difficulté, elles sont là. Et je trouve qu'on arrive de plus en plus - moi, je le vois, j'étais à Dunkerque avant-hier, à Villefranche, il y a trois jours, etc., je trouve qu'on arrive de plus en plus finalement au-delà ce qu'on entend dans le débat politique national - à faire en sorte que sur le terrain, on arrive à faire travailler ensemble les services de l'Etat, les services du département, les services de la ville, etc., pour apporter des réponses communes, ce qu'on n'a pas fait depuis assez longtemps. Donc il y a une quête d'espoir quand même dans la manière de travailler davantage ensemble et de ne pas catégoriser les gens pour les renvoyer chacun à leurs difficultés.
Je regardais les chiffres du RSA hier, en préparant cette interview, il y avait un million et demi, 1.600.000 Français qui travaillent aujourd'hui, qui sont dans une situation de précarité ou de pauvreté, qui pourraient en bénéficier. A peine 40% ont déposé un dossier aujourd'hui ; comment vous expliquez cette méfiance ?
Oui, il y a 25% qui l'ont (fait), 25 ou 30%...
C'est très peu, non ?
Je ne pense pas que ce soit de la méfiance.
C'est quand même 110 euros de plus, ce n'est pas rien.
C'est 110 euros de plus par mois. Mais en fait, quand on regarde, quand une prestation nouvelle arrive, il faut souvent deux ans ou trois ans pour qu'elle atteigne sa cible. Moi, je pense que là, on a vu effectivement que celles et ceux qui avaient le plus besoin du RSA sont venus s'inscrire et le demander...
Les prioritaires.
Voilà.
Ceux qui auront la prime de Noël au passage...
Et je pense qu'il y a encore beaucoup de gens qui ne réalisent pas que le RSA, ce n'est pas simplement un RMI+, c'est aussi quelque chose qui est un complément de revenus pour des gens qui travaillent, et donc même parmi les gens qui nous regardent aujourd'hui ou qui sont employeurs de gens qui ont un emploi à plein temps, etc., il y a beaucoup de gens qui peuvent avoir droit au RSA, même avec un emploi à plein temps, etc....
Vous n'avez pas fait le boulot, vous n'avez pas bien expliqué. Cela veut dire qu'on se perd dans des mesures qui sont une fois de droite, une fois de gauche...
Peut-être, je vais vous expliquer pourquoi... non, ce n'est pas ça, c'est que, comme le RSA, c'est deux instruments en un, c'est d'un côté transformer le RMI en quelque chose de plus efficace, et c'est de l'autre, apporter un complément de revenus à des gens qui travaillent, donc c'est très difficile, je le reconnais, et on a fait exprès, si vous voulez, on a fait exprès pour ne pas qu'il y ait d'un côté les gens qui seraient au crochet de la société, avec un revenu, et de l'autre, ceux qui se lèvent tôt et qui paieraient pour les autres, mais d'avoir une prestation qui soit utile aux deux, et ça, ça brouille les repères habituels. Donc ça ne m'étonne pas...
Donc vous pensez que c'est normal. Est-ce que vous pensez que 100% de ces 1.600.000 personnes, ce n'est quand même pas rien, auront souscrit au RSA, d'ici quand d'ailleurs ?
Eh bien, on s'est fixé l'objectif d'atteindre ça d'ici un an après l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire d'ici juin 2010, d'atteindre 90%, disons, ce qui est assez rare d'atteindre 90% d'un système, mais voilà, dès maintenant, vous pouvez y aller, et le RSA, il n'y a pas de piège, il n'y a pas d'effets pervers, et je regardais hier...
Ce n'est pas un truc de droite pour amener des voix de gauche à N. Sarkozy, c'est ça que vous voulez dire ?
Ah oui, mais surtout, hier, j'ai été abordé par une dame qui gardait des enfants, et qui m'a expliqué, il y a quatre mois, en disant : c'est dégoûtant, je n'ai pas le droit au RSA, puisque je travaille à plein temps. Je lui ai dit : mais qui vous a dit ça ? "Mes collègues". Je lui ai dit : mais elles ont tort, allez à la CAF. Elle est allée à la CAF, elle est revenue en disant : ah, on m'a dit que le RSA, je n'aurai le droit qu'à 28 euros par mois. Je lui ai dit : c'est peut-être déjà ça. Et puis hier, je l'ai recroisée, et elle m'a dit : ah, mais finalement, c'est bien 74 euros par mois supplémentaires...
Il y a un problème d'information.
74 euros par mois supplémentaires, pour quelqu'un qui travaillait à plein temps, voilà. Donc cet argent, c'est de l'argent qui, je suis sûr, va dans les poches où il faut qu'il aille, donc vous pouvez encore vous inscrire, vous pouvez encore faire le 39.39 ou aller vers caf.fr pour avoir accès à cela.
Vous m'avez donné deux dates depuis le début de cette interview, qui se termine. Vous m'avez dit : j'aimerais bien que le RSA jeunes soit en place en juin prochain, si possible au printemps, mais il y a des problèmes techniques ; et vous venez de me dire : le RSA à 100%, j'espère que ce sera en juin prochain. Ça veut dire qu'en juin prochain, vous aurez quitté le Gouvernement, mission accomplie, terminée ?
Ah, non, je ne sais pas du tout...
Vous vous posez la question de temps en temps ?
Oh, oui, toujours, parce que je ne suis pas un professionnel de la politique, ce n'est pas mon métier, je ne rêve pas d'avoir d'autres fonctions dans un Gouvernement, etc. C'est ce qui fait souvent que d'ailleurs les gens me regardent bizarrement, y compris dans le milieu politique...
Oui, mais on se dit que M. Hirsch y a pris goût.
En se demandant quelles sont mes arrière-pensées. Je n'ai pas d'arrière-pensées.
Quand on vous a vu ajouter la jeunesse aux solidarités actives, on s'est dit : ah ben, tiens, il a fait le truc pour lequel il était venu, il rajoute quelque chose...
Vous, vous vous êtes peut-être dit ça, les jeunes, ils ne se sont pas dit ça, les jeunes, ils se sont dit : ben, pour une fois, ils se sont posé la question en disant : est-ce que ça veut dire qu'on est tous des pauvres, mais ils se sont dit : pour une fois, et je voyais les syndicats étudiants hier, c'est ce qu'ils disent : on a attendu vingt ans pour qu'il y ait quelqu'un qui s'occupe véritablement de la jeunesse dans toute sa dimension, et ils se sont dit, là : il y a peut-être un petit espoir pour la santé, on va doubler l'aide à la complémentaire santé, il y a peut-être un espoir pour le logement, on essaie de faire des trucs sur le logement...
Vous n'êtes pas près de partir ?
Je ne sais pas, non, mais ça veut dire que je ne suis pas près de... je ne fais pas de la langue de bois, ça fait... pendant treize ans, je me suis occupé d'affaires sociales sans être au gouvernement, et je pense que quand je ne serai plus au gouvernement, je continuerai de m'occuper de ces sujets-là. Donc quand je suis au gouvernement, je suis à 100% sur ces sujets-là, comme vous l'avez vu, et je n'ai pas besoin d'être au gouvernement pour pouvoir m'en occuper, donc ce n'est pas une question, ce n'est pas... voilà, j'aime le travail bien fait, et j'essaie de le faire le mieux possible, je trouve ça très difficile, vous savez, parce qu'il faut à la fois montrer aux gens qu'on peut y arriver, que ça peut être mieux que ce qu'ils subissent depuis vingt ans, et à la fois, ne pas leur faire naître d'espoirs survendus, et ça, c'est difficile. Et voilà, j'essaie de le faire le mieux possible, et puis à un moment, je ferai...
Si dans trois mois, vous êtes ailleurs, vous serez ailleurs...
Voilà, exactement.
On a entendu ça. Merci d'avoir été notre invité ce matin.
Je vous en prie, merci à vous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 novembre 2009