Texte intégral
S. Paoli - L'Allemagne, la première, va-t-elle proposer au Congrès des socialistes européens à Berlin, au début de la semaine prochaine, une réforme radicale des institutions européennes aboutissant à une Europe fédérale ? Le chancelier G. Schröder en fait aujourd'hui son grand dessein politique, cependant que la France, initiatrice de la construction européenne, ne dit mot. L'Allemagne prend-elle l'initiative ?
- "L'Allemagne prend l'initiative ?! Nous sommes dans une phase de débats sur l'Europe qui doit se terminer en 2004, peut-être 2003, et chacun y va de son grand discours, c'est bien normal. J. Fischer, le ministre allemand des Affaires étrangères, avait commencé, le Président Chirac a suivi à Humboldt, maintenant c'est G. Schröder - ou plutôt son parti, le SPD - qui apporte sa contribution."
Il va beaucoup plus loin que Chirac et le ministre des Affaires étrangères allemand.
- "Il va plus loin ?! Il va peut-être même un peu loin. Les socialistes européens doivent en discuter lundi, je ferai partie de cette délégation aux côtés du Premier ministre, L. Jospin. Et puis, nous allons, nous aussi, apporter notre contribution. J'ai entendu tout à l'heure B. Guetta dire que L. Jospin était le problème ; il sera aussi la solution. Il va s'exprimer sur ce sujet rapidement, il va le faire vite et fort. Je connais la thèse de B. Guetta qui est la suivante : heureusement qu'il y a l'Allemagne, mais il y a aussi la France dans cette affaire-là. Je crois que nous avons deux problèmes. Le premier est de savoir quel est l'équilibre entre l'Europe et les nations. Ce n'est pas moi qui le dis, je ne suis pas un affreux nationaliste français, c'est J. Fischer lui-même qui le dit. Le deuxième problème est l'équilibre entre l'intégration européenne et l'intergouvernemental. Intégration : quelle force légitime, quel Parlement européen, quelle Commission, bref, quelle légitimité pour nos institutions ? Intergouvernemental : quel rôle reste-t-il aux gouvernements ? Et de ce point de vue-là, je crois qu'il faut peut-être être un peu plus équilibré que le projet de G. Schröder. Allons très loin dans l'intégration européenne - c'est mon souhait - mais en même temps respectons l'intergouvernemental. Le Conseil des ministres, les Etats en fait, ne peuvent pas être uniquement la deuxième Chambre d'un Parlement européen."
Vous dites : "discours européen" et moi je vous parle de "dessein européen." Schröder se positionne plus comme un homme qui a un grand projet, et qui peut-être d'ailleurs va tirer beaucoup de monde derrière, pas simplement en Allemagne, alors que franchement, on n'entend pas la France qui a été à l'initiative un peu de cette construction européenne ! N'est-ce pas le dessein qui manque ?
- "Je crois que le dessein doit être dans le discours et que ce discours n'a de sens que s'il formule un grand dessein. Un grand dessein, qu'est-ce ? C'est un projet pour l'Europe, c'est dire pourquoi nous sommes ensemble, où nous allons, ce que nous faisons dans un contexte révolutionnaire en Europe qui est celui de l'élargissement de l'Union européenne. Il ne faut pas l'oublier même si on en parle très peu : dans trois ans, quatre ans, il y aura de nouveaux pays membres de l'Union européenne. Aux élections européennes de 2004, il y aura sans doute - je l'espère - des Hongrois, des Slovènes, des Estoniens, des Polonais qui voteront à nos côtés. Et dans moins de dix ans, nous ne serons plus 15 mais 30. Ce ne sera plus uniquement l'Europe née de la Seconde Guerre mondiale, de pays prospères, ce sera une Europe réunifiée avec, à la fois les pays de l'Ouest et les pays de l'Europe Centrale et Orientale. C'est à cela qu'il faut penser, c'est révolutionnaire. Il faut donc réfléchir à notre projet et à la façon dont il marche. Qui fait quoi pour ce qui est de l'Europe, des nations, des régions ? Quelles valeurs partageons-nous ? Au-dessus de cela, y a-t-il un traité constitutionnel - pourquoi pas une constitution ? - pour une fédération d'Etats-nations ? Voilà les questions qui sont posées dans ce débat."
C'est presque comme les jeux d'enfants où on dit : "c'est celui qui dit qui fait" ... Voilà, Schröder l'a dit avant les autres !
- "Je pense que le discours de G. Schröder, qui est très intéressant, comme les autres d'ailleurs, comme celui de J. Fischer, comme celui de J. Chirac, est un discours qui va loin, mais qui va loin peut-être dans un sens qui est, pour le coup, un peu allemand, c'est-à-dire très fédéral."
Il s'en sert même beaucoup puisque ça va dans le sens de leur système ?
- "Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui soit tout à fait le centre de ce que peut être la pensée européenne. Sans parler des eurosceptiques britanniques, sans parler de la réaction qui pourrait être celle de T. Blair, il y a le fait qu'on ne peut pas réduire nos gouvernements européens, l'expression des nations, à une simple deuxième Chambre, à un Sénat du Parlement européen. Peut-être faut-il une vision un peu plus équilibrée entre l'intégration et l'intergouvernemental. Je le répète, je suis pour que nous fassions un choix très intégré, et en même temps pour que nous respections les gouvernements qui sont l'expression légitime des peuples et des Etats."
Ce que vous êtes en train de nous dire ce matin, est-ce un début de réponse française, une alternative française à la vision "schröderienne" de l'Europe ?
- "Je note que vous reconnaissez que la vision française doit être celle du Premier ministre, L. Jospin, même si le Président Chirac a donné la sienne il y a maintenant presqu'un an, à Berlin."
Non. J'ai dit cela parce que lundi se tient le Congrès socialiste à Berlin. On voit mal J. Chirac s'y rendre...
- "Absolument. Je crois que L. Jospin - et je réponds encore une fois à ce que disait B. Guetta - est en train d'achever sa maturation et qu'il va s'exprimer vite et fort. Il ne pouvait pas le faire avant. S'il le faisait avant, notamment pendant la présidence française de l'Union européenne, qu'aurait-on dit ! Qu'il s'alignait sur le Président de la République. Or, il est clair qu'un socialiste et un néo-gaulliste n'ont pas les mêmes positions sur l'Europe. Il est clair, à mon sens que les socialistes doivent faire un choix plus fort, plus puissant, dans le sens de l'intégration européenne. S'il s'était exprimé pendant la présidence française, on aurait dit soit qu'il s'aligne, soit qu'il se distingue et que la France ne parle pas d'une seule voix. Je crois que maintenant il est temps qu'il parle, d'autant plus que, au Conseil européen de Nice, nous avons décidé nous-mêmes de tenir un grand débat européen. La France est le premier pays qui a pris l'initiative de tenir un grand débat national. Les Allemands ne l'ont pas encore fait. A partir du mois de juin, nous allons organiser dans toutes les régions françaises, des débats à la fois, ouverts, larges, pluralistes, décentralisés, avec des journées de réflexion, avec des ateliers thématiques, avec des grands forums, qui regrouperont aussi bien les forces économiques, les forces sociales, les forces politiques, les religions et des invités étrangers pour dire où nous voulons aller ; comment nous souhaitons que cette Europe nouvelle, élargie, unifiée, soit gouvernée. Quelle gouvernance pour cette Europe ?"
Y a-t-il pour vous un message dans tout ce qui s'exprime en ce moment, y compris d'ailleurs dans les questions qui s'organisent en direction de l'Europe sociale, avec tout ce qu'on a connu : Marks Spencer, Danone, Lu etc. ?
- "Pour moi, il y a deux messages: un message d'insatisfaction par rapport à l'Europe telle qu'elle est et un message d'inquiétude : où allons-nous ? Je crois que les Européens se posent cette question en constatant, c'est vrai, que l'Europe est peut-être trop une force économique et pas encore assez une force politique. Et puis, il y a aussi une demande d'Europe, de plus d'Europe, mais d'une Europe qui soit différente, qui prenne en compte les exigences quotidiennes des concitoyens et qui donne de la lisibilité, de la légitimité. On parle souvent de Bruxelles en pensant à la Commission. Si cette dernière représentait de façon plus légitime les peuples, si nos concitoyens avaient l'impression, d'une façon ou d'une autre, d'avoir désigné le président de la Commission, monsieur Prodi, et son attelage gouvernemental, bref si la Commission, pour le coup, était une forme de gouvernement européen, peut-être y aurait-il une légitimité plus grande. Il y a donc cette double interrogation : Est-ce que ça marche ? Que va-t-il se passer ? L'élargissement représente un saut dans l'inconnu avec des risques d'illusions. Faisons-en plus, faisons mieux."
N'avez-vous pas l'impression que les citoyens européens sont assez ouverts finalement à l'idée d'une Europe fédérale et peut-être même plus ouverts à une Europe fédérale qu'à une fédération européenne d'Etats-nations ?
- "Je crois que cette fédération européenne, si elle voit le jour, sera nécessairement une fédération d'Etats-nations car nous ne sommes pas les Etats-Unis d'Amérique : nous ne partageons pas les mêmes langues et nous sommes dans une plus grande diversité culturelle et politique. A titre personnel, j'avoue que le concept de fédération d'Etats-nations, tel qu'il a été lancé par J. Delors, repris par J. Fischer, est un concept qui exprime bien cette double nature de l'Union européenne, très intégrée et en même temps intégrante des Etats-nations. Nous serons européens tout en restant français. Donc, oui à la fédération mais à une fédération d'Etats-nations."
Au lendemain du 1er mai, existe-t-il encore une gauche plurielle à vos yeux?
- "Il existe une gauche plurielle. Le 1er mai est une manifestation qui célèbre la Fête du travail. Il y a eu une manifestation syndicale qui s'est déroulée avec des mots d'ordre assez divers qui illustrent aussi une certaine forme de diversité syndicale, diversité qu'on peut regretter même si on ne peut pas s'ingérer dans les affaires syndicales. Mais il y a une gauche plurielle, il y a une majorité. Cette majorité réfléchit à ce que doit être sa dernière année. Elle doit rester tout à fait cohérente."
Ça tiraille un peu : Parti communiste, Mouvement des Citoyens...
- "Je ne suis pas dans les entretiens qu'a le Premier ministre avec les leaders politiques des différents partis de la majorité mais je crois que la préoccupation doit être justement de conserver la cohérence. Que chacun exprime sa diversité, c'est bien. Justement ce qui fait l'originalité de cette majorité, c'est sa pluralité, c'est que les communistes sont communistes ; c'est que les Verts ont une sensibilité écologiste ; c'est que les socialistes expriment des idées socialistes ou social-démocrates etc.; que les citoyens expriment des idées citoyennes et les radicaux des idées radicales. Mais en même temps, il ne faut pas que cette différence tourne à la divergence et que nous nous tirions nous-mêmes des balles dans le pied, en exprimant des opinions tellement contradictoires qu'il semblerait que nous tirions à hue et à dia. Donc, soyons divers mais en même temps cohérents. Soyons fiers du bilan de cette majorité et préparons un projet pour l'avenir puisque en 2002, nous aurons à choisir."
L'Europe ?
- "L'Europe en fera partie. Pour ce concerne les socialistes, je souhaite, puisque je suis membre du PS, que l'Europe soit au coeur du projet des socialistes. Je souhaite que l'Europe soit dans le débat."
G. Schröder fait de l'Europe l'argument de sa possible réélection. On ne sait pas encore si L. Jospin sera candidat à la présidentielle française, mais est-ce que l'Europe est pour lui la possibilité de sortir par le haut ?
- "Je suis persuadé d'une chose : L. Jospin n'est pas un européen tiède. Je travaille avec L. Jospin depuis maintenant 15 ans, sur les affaires européennes depuis maintenant six ou sept ans, je l'ai fait au PS et je le fais maintenant comme ministre délégué aux Affaires européennes ; L. Jospin est un européen convaincu. Il s'exprimera et je crois que son discours sera extrêmement clair et donnera le sens d'un dessein européen qui doit être celui des socialistes et qui, je l'espère, sera le dessein de la France."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 2 mai 2001)
- "L'Allemagne prend l'initiative ?! Nous sommes dans une phase de débats sur l'Europe qui doit se terminer en 2004, peut-être 2003, et chacun y va de son grand discours, c'est bien normal. J. Fischer, le ministre allemand des Affaires étrangères, avait commencé, le Président Chirac a suivi à Humboldt, maintenant c'est G. Schröder - ou plutôt son parti, le SPD - qui apporte sa contribution."
Il va beaucoup plus loin que Chirac et le ministre des Affaires étrangères allemand.
- "Il va plus loin ?! Il va peut-être même un peu loin. Les socialistes européens doivent en discuter lundi, je ferai partie de cette délégation aux côtés du Premier ministre, L. Jospin. Et puis, nous allons, nous aussi, apporter notre contribution. J'ai entendu tout à l'heure B. Guetta dire que L. Jospin était le problème ; il sera aussi la solution. Il va s'exprimer sur ce sujet rapidement, il va le faire vite et fort. Je connais la thèse de B. Guetta qui est la suivante : heureusement qu'il y a l'Allemagne, mais il y a aussi la France dans cette affaire-là. Je crois que nous avons deux problèmes. Le premier est de savoir quel est l'équilibre entre l'Europe et les nations. Ce n'est pas moi qui le dis, je ne suis pas un affreux nationaliste français, c'est J. Fischer lui-même qui le dit. Le deuxième problème est l'équilibre entre l'intégration européenne et l'intergouvernemental. Intégration : quelle force légitime, quel Parlement européen, quelle Commission, bref, quelle légitimité pour nos institutions ? Intergouvernemental : quel rôle reste-t-il aux gouvernements ? Et de ce point de vue-là, je crois qu'il faut peut-être être un peu plus équilibré que le projet de G. Schröder. Allons très loin dans l'intégration européenne - c'est mon souhait - mais en même temps respectons l'intergouvernemental. Le Conseil des ministres, les Etats en fait, ne peuvent pas être uniquement la deuxième Chambre d'un Parlement européen."
Vous dites : "discours européen" et moi je vous parle de "dessein européen." Schröder se positionne plus comme un homme qui a un grand projet, et qui peut-être d'ailleurs va tirer beaucoup de monde derrière, pas simplement en Allemagne, alors que franchement, on n'entend pas la France qui a été à l'initiative un peu de cette construction européenne ! N'est-ce pas le dessein qui manque ?
- "Je crois que le dessein doit être dans le discours et que ce discours n'a de sens que s'il formule un grand dessein. Un grand dessein, qu'est-ce ? C'est un projet pour l'Europe, c'est dire pourquoi nous sommes ensemble, où nous allons, ce que nous faisons dans un contexte révolutionnaire en Europe qui est celui de l'élargissement de l'Union européenne. Il ne faut pas l'oublier même si on en parle très peu : dans trois ans, quatre ans, il y aura de nouveaux pays membres de l'Union européenne. Aux élections européennes de 2004, il y aura sans doute - je l'espère - des Hongrois, des Slovènes, des Estoniens, des Polonais qui voteront à nos côtés. Et dans moins de dix ans, nous ne serons plus 15 mais 30. Ce ne sera plus uniquement l'Europe née de la Seconde Guerre mondiale, de pays prospères, ce sera une Europe réunifiée avec, à la fois les pays de l'Ouest et les pays de l'Europe Centrale et Orientale. C'est à cela qu'il faut penser, c'est révolutionnaire. Il faut donc réfléchir à notre projet et à la façon dont il marche. Qui fait quoi pour ce qui est de l'Europe, des nations, des régions ? Quelles valeurs partageons-nous ? Au-dessus de cela, y a-t-il un traité constitutionnel - pourquoi pas une constitution ? - pour une fédération d'Etats-nations ? Voilà les questions qui sont posées dans ce débat."
C'est presque comme les jeux d'enfants où on dit : "c'est celui qui dit qui fait" ... Voilà, Schröder l'a dit avant les autres !
- "Je pense que le discours de G. Schröder, qui est très intéressant, comme les autres d'ailleurs, comme celui de J. Fischer, comme celui de J. Chirac, est un discours qui va loin, mais qui va loin peut-être dans un sens qui est, pour le coup, un peu allemand, c'est-à-dire très fédéral."
Il s'en sert même beaucoup puisque ça va dans le sens de leur système ?
- "Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui soit tout à fait le centre de ce que peut être la pensée européenne. Sans parler des eurosceptiques britanniques, sans parler de la réaction qui pourrait être celle de T. Blair, il y a le fait qu'on ne peut pas réduire nos gouvernements européens, l'expression des nations, à une simple deuxième Chambre, à un Sénat du Parlement européen. Peut-être faut-il une vision un peu plus équilibrée entre l'intégration et l'intergouvernemental. Je le répète, je suis pour que nous fassions un choix très intégré, et en même temps pour que nous respections les gouvernements qui sont l'expression légitime des peuples et des Etats."
Ce que vous êtes en train de nous dire ce matin, est-ce un début de réponse française, une alternative française à la vision "schröderienne" de l'Europe ?
- "Je note que vous reconnaissez que la vision française doit être celle du Premier ministre, L. Jospin, même si le Président Chirac a donné la sienne il y a maintenant presqu'un an, à Berlin."
Non. J'ai dit cela parce que lundi se tient le Congrès socialiste à Berlin. On voit mal J. Chirac s'y rendre...
- "Absolument. Je crois que L. Jospin - et je réponds encore une fois à ce que disait B. Guetta - est en train d'achever sa maturation et qu'il va s'exprimer vite et fort. Il ne pouvait pas le faire avant. S'il le faisait avant, notamment pendant la présidence française de l'Union européenne, qu'aurait-on dit ! Qu'il s'alignait sur le Président de la République. Or, il est clair qu'un socialiste et un néo-gaulliste n'ont pas les mêmes positions sur l'Europe. Il est clair, à mon sens que les socialistes doivent faire un choix plus fort, plus puissant, dans le sens de l'intégration européenne. S'il s'était exprimé pendant la présidence française, on aurait dit soit qu'il s'aligne, soit qu'il se distingue et que la France ne parle pas d'une seule voix. Je crois que maintenant il est temps qu'il parle, d'autant plus que, au Conseil européen de Nice, nous avons décidé nous-mêmes de tenir un grand débat européen. La France est le premier pays qui a pris l'initiative de tenir un grand débat national. Les Allemands ne l'ont pas encore fait. A partir du mois de juin, nous allons organiser dans toutes les régions françaises, des débats à la fois, ouverts, larges, pluralistes, décentralisés, avec des journées de réflexion, avec des ateliers thématiques, avec des grands forums, qui regrouperont aussi bien les forces économiques, les forces sociales, les forces politiques, les religions et des invités étrangers pour dire où nous voulons aller ; comment nous souhaitons que cette Europe nouvelle, élargie, unifiée, soit gouvernée. Quelle gouvernance pour cette Europe ?"
Y a-t-il pour vous un message dans tout ce qui s'exprime en ce moment, y compris d'ailleurs dans les questions qui s'organisent en direction de l'Europe sociale, avec tout ce qu'on a connu : Marks Spencer, Danone, Lu etc. ?
- "Pour moi, il y a deux messages: un message d'insatisfaction par rapport à l'Europe telle qu'elle est et un message d'inquiétude : où allons-nous ? Je crois que les Européens se posent cette question en constatant, c'est vrai, que l'Europe est peut-être trop une force économique et pas encore assez une force politique. Et puis, il y a aussi une demande d'Europe, de plus d'Europe, mais d'une Europe qui soit différente, qui prenne en compte les exigences quotidiennes des concitoyens et qui donne de la lisibilité, de la légitimité. On parle souvent de Bruxelles en pensant à la Commission. Si cette dernière représentait de façon plus légitime les peuples, si nos concitoyens avaient l'impression, d'une façon ou d'une autre, d'avoir désigné le président de la Commission, monsieur Prodi, et son attelage gouvernemental, bref si la Commission, pour le coup, était une forme de gouvernement européen, peut-être y aurait-il une légitimité plus grande. Il y a donc cette double interrogation : Est-ce que ça marche ? Que va-t-il se passer ? L'élargissement représente un saut dans l'inconnu avec des risques d'illusions. Faisons-en plus, faisons mieux."
N'avez-vous pas l'impression que les citoyens européens sont assez ouverts finalement à l'idée d'une Europe fédérale et peut-être même plus ouverts à une Europe fédérale qu'à une fédération européenne d'Etats-nations ?
- "Je crois que cette fédération européenne, si elle voit le jour, sera nécessairement une fédération d'Etats-nations car nous ne sommes pas les Etats-Unis d'Amérique : nous ne partageons pas les mêmes langues et nous sommes dans une plus grande diversité culturelle et politique. A titre personnel, j'avoue que le concept de fédération d'Etats-nations, tel qu'il a été lancé par J. Delors, repris par J. Fischer, est un concept qui exprime bien cette double nature de l'Union européenne, très intégrée et en même temps intégrante des Etats-nations. Nous serons européens tout en restant français. Donc, oui à la fédération mais à une fédération d'Etats-nations."
Au lendemain du 1er mai, existe-t-il encore une gauche plurielle à vos yeux?
- "Il existe une gauche plurielle. Le 1er mai est une manifestation qui célèbre la Fête du travail. Il y a eu une manifestation syndicale qui s'est déroulée avec des mots d'ordre assez divers qui illustrent aussi une certaine forme de diversité syndicale, diversité qu'on peut regretter même si on ne peut pas s'ingérer dans les affaires syndicales. Mais il y a une gauche plurielle, il y a une majorité. Cette majorité réfléchit à ce que doit être sa dernière année. Elle doit rester tout à fait cohérente."
Ça tiraille un peu : Parti communiste, Mouvement des Citoyens...
- "Je ne suis pas dans les entretiens qu'a le Premier ministre avec les leaders politiques des différents partis de la majorité mais je crois que la préoccupation doit être justement de conserver la cohérence. Que chacun exprime sa diversité, c'est bien. Justement ce qui fait l'originalité de cette majorité, c'est sa pluralité, c'est que les communistes sont communistes ; c'est que les Verts ont une sensibilité écologiste ; c'est que les socialistes expriment des idées socialistes ou social-démocrates etc.; que les citoyens expriment des idées citoyennes et les radicaux des idées radicales. Mais en même temps, il ne faut pas que cette différence tourne à la divergence et que nous nous tirions nous-mêmes des balles dans le pied, en exprimant des opinions tellement contradictoires qu'il semblerait que nous tirions à hue et à dia. Donc, soyons divers mais en même temps cohérents. Soyons fiers du bilan de cette majorité et préparons un projet pour l'avenir puisque en 2002, nous aurons à choisir."
L'Europe ?
- "L'Europe en fera partie. Pour ce concerne les socialistes, je souhaite, puisque je suis membre du PS, que l'Europe soit au coeur du projet des socialistes. Je souhaite que l'Europe soit dans le débat."
G. Schröder fait de l'Europe l'argument de sa possible réélection. On ne sait pas encore si L. Jospin sera candidat à la présidentielle française, mais est-ce que l'Europe est pour lui la possibilité de sortir par le haut ?
- "Je suis persuadé d'une chose : L. Jospin n'est pas un européen tiède. Je travaille avec L. Jospin depuis maintenant 15 ans, sur les affaires européennes depuis maintenant six ou sept ans, je l'ai fait au PS et je le fais maintenant comme ministre délégué aux Affaires européennes ; L. Jospin est un européen convaincu. Il s'exprimera et je crois que son discours sera extrêmement clair et donnera le sens d'un dessein européen qui doit être celui des socialistes et qui, je l'espère, sera le dessein de la France."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 2 mai 2001)