Point de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur l'état des négociations sur l'élargissement de l'UE, notamment la question de la libre circulation des personnes, Bruxelles le 14 mai 2001.

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Circonstance : Conseil affaires générales à Bruxelles le 14 mai 2001

Texte intégral

Je viens de participer au déjeuner qui a porté sur l'élargissement et sur le Proche-Orient.
Le point principal était l'élargissement et l'accord n'est pas encore trouvé. L'Allemagne et l'Autriche ont rappelé leurs positions. L'Espagne a rappelé son problème. La Présidence a fait des propositions qui n'ont pas pu être agréées à ce stade et la question est donc renvoyée au COREPER qui est chargé de trouver le bon équilibre entre ces demandes et manifester notre solidarité. On souhaite le faire dans des conditions qui ne pèsent pas sur la suite et qui ne créent pas d'ambiguïté quant au fait qu'une négociation n'est terminée que quand toutes les questions sont réglées, pays par pays. Il faut déjà avoir une méthode de négociation et donc il faut avancer chapitre par chapitre mais tout cela suppose que la conclusion d'un chapitre, même si c'est un chapitre sensible concernant un pays important, ne soit pas considérée comme étant la conclusion de la négociation. Cela a été dit clairement par tout le monde, notamment par Joshka Fischer, ce dont je me réjouis. Par ailleurs, on peut comprendre que l'Espagne manifeste des préoccupations pour la suite mais cela ne peut pas aller jusqu'à "réouvrir Berlin" ou anticiper sur 2006, uniquement pour conclure un chapitre à un moment donné, dans la négociation d'adhésion. La France n'est pas sourde aux problèmes. Elle fait preuve de bonne volonté par rapport à tous les sujets. Nous souhaitons qu'un accord soit trouvé ce qui n'a pas pu être le cas encore au déjeuner en dépit des efforts d'Anna Lindh. Voilà sur ce point.
Q - Sur la libre circulation des personnes, le mécanisme proposé convient à peu près à tout le monde ?
R - Il y a quand même une discussion qui continue sur le mécanisme lui-même. Ce matin, le ministre espagnol a fait une remarque assez pertinente sur le mécanisme en faisant remarquer que les expériences du passé montraient que c'étaient souvent des craintes exagérées. En fait, il plaiderait pour qu'on applique tout de suite à cette question l'acquis communautaire, ce qui est prévu dans la proposition actuelle au bout de 5 ans. Qu'on le fasse dès le début. Plusieurs pays ont rappelé, qu'en effet, dans le passé, on a voulu prendre des précautions extraordinaires au moment de l'entrée de l'Espagne et du Portugal et que tout cela ne s'était pas avéré nécessaire. Il y a là, peut-être, une marge de négociation pour la Présidence et pour la Commission. On sait qu'il y a beaucoup de psychologie politique là dedans. Il s'agit d'éviter que certaines inquiétudes de certaines opinions publiques, même si on pense qu'elles sont exagérées, ne prennent de telles proportions que cela finirait par peser sur la négociation elle-même.
Il y a donc une discussion sur le mécanisme. Nous, nous cherchons à faciliter les choses. Nous n'avons pas de problème particulier, ni d'inquiétude particulière et on favorise des solutions qui ne sont pas trop compliquées.
Après il y a la question du lien avec d'autres chapitres. Il faut la manier prudemment. Il est vrai qu'il y a un lien et nous sommes les premiers à le dire. Il y a un lien entre chaque chose et tout le reste. Et simplement, on ne peut pas faire un lien uniquement avec un problème concernant un pays, un autre concernant un autre pays et c'est tout. Il y a quinze pays et 29 chapitres. Il faut rappeler sans arrêt la globalité.
Q - Le ministre Fischer vient de dire qu'il était inquiet pour l'Italie. On a eu l'impression, au cours de la journée, qu'il y a des réactions quand même assez différentes à propos des élections italiennes. Est-ce qu'on ressent le besoin de se concerter à l'intérieur du Conseil pour prendre une décision ?
R - Non, pendant le déjeuner, il n'en a pas été question, pas plus pendant la matinée. Je crois que tout le monde attend sagement les résultats définitifs. En plus ce ne seront pas des résultats qui seront totalement surprenants. J'ai dit ce matin ce que j'en pensais et je n'ai rien à ajouter. Je respecte la démocratie et j'ai confiance dans le peuple italien. Nous sommes naturellement attentifs à ce qui se passe en Italie et donc attentifs à ce que fera concrètement le gouvernement qui sortira de ces élections et j'ai indiqué que, s'il le fallait, nous passerions de l'attention à la vigilance. Je n'ai pas à en dire plus, parce que tout cela reste encore non concrétisé. Je ne parle pas des résultats mais de la nature du gouvernement. Les ministres n'ont pas demandé qu'on en parle spécialement.
Q - Je reviens à l'élargissement, sur le mécanisme lui-même. Les Espagnols l'ont critiqué pour d'autres raisons.
R - Ce serait moins difficile de trouver un accord sur le mécanisme lui-même s'il n'y avait pas le lien qui est caché derrière.
Q - L'approche espagnole, cela voudrait dire en clair demander dès maintenant qu'une dérogation soit justifiée par un trouble du marché ? C'est cela ?
R - Ce que dit l'Espagne c'est qu'il faudrait l'accord de principe sur la libre circulation et que les pays qui ont des problèmes demanderaient une dérogation. Et ce n'est pas un pays qui ferait endosser sa dérogation par tout le monde. Ce n'est pas la piste sur laquelle on est parti. On peut discuter sur le premier point. Il me semble que si on ne parlait que de l'amélioration du mécanisme il serait peut-être modifié à la marge pour montrer une bonne volonté et qu'on trouverait une solution assez vite. Mais il y a les deux choses. Encore une fois, la France n'est pas à l'origine du problème, donc elle ne peut pas dégager la solution toute seule.
Q - Est-ce que la question ira jusqu'au Sommet de Göteborg ?
R - Nous ne sommes pas encore à Göteborg. Nous avons encore le temps de travailler. Les ministres peuvent encore avoir des échanges entre eux, donner des nouvelles instructions au COREPER donc, moi je continue à rester dans l'idée que nous aurons trouvé une solution pour Göteborg.
Q - Sur le Proche-Orient ?
R - En ce qui concerne le Proche-Orient, nous avons eu un échange à propos d'un projet de déclaration préparé par la Présidence et j'ai suggéré, suivi par le Conseil, que nous renforcions les termes dans lesquels nous parlons de la Commission Mitchell, puisqu'il est clair que cette Commission a fait un travail vraiment important. Elle a dit des choses fortes et intéressantes. Dans la situation très pénible qui est celle d'aujourd'hui au Proche-Orient et que vous connaissez bien, il y a deux éléments à partir desquels il faut travailler : les initiatives egypto-jordaniennes et les analyses de la Commission Mitchell. C'est à dire à la fois l'analyse qu'elle fait des événements et les conclusions auxquelles elle arrive. C'est important.
Q - Quels commentaires pouvez-vous faire sur la dégradation de la situation ?
R - C'est l'engrenage que nous ne cessons de craindre et sur lequel on travaille. Je vais tout de suite aux conclusions. Nous savons tout cela et tout peut encore s'aggraver. Donc nous, nous disons à chaque fois : que pouvons-nous faire d'utile dans ce contexte ?
Q - Pour revenir à l'élargissement, êtes-vous favorable à une date ?
R - L'essentiel c'est que les négociations progressent. On est plus utile à l'élargissement en cherchant ensemble des solutions à des problèmes qui sont apparus comme sur la libre circulation. Et il y en aura d'autres.
J'observe que cette question n'a pas été mise à l'ordre du jour de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères des 5 et 6 mai.
Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2001)