Interview de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille et à la solidarité, à France 2 le 20 novembre 2009, sur la maltraitance des enfants à l'occasion du vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant et la suppression du Défenseur des enfants.

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Média : France 2

Texte intégral

J. Wittenberg.- Bonjour à tous. Bonjour N. Morano.
 
Bonjour.
 
Un double anniversaire aujourd'hui : cinquante ans pour la déclaration des Droits de l'Enfant ; 20e anniversaire de la Convention internationale des Droits de l'Enfant. Vous lancez à cette occasion, dès ce matin, une grande campagne. De quoi s'agitil ?
 
C'est une campagne à la fois de sensibilisation mais aussi d'information parce que les anniversaires que vous rappelez, je pense que très peu de nos concitoyens l'ont en tête, très peu aussi d'élus, et il me semblait important de rappeler que les enfants ont des droits qui sont souvent, d'ailleurs, bafoués dans de nombreux pays sur la Terre alors que 191 pays ont ratifié la Convention internationale des Droits de l'Enfant, que dans notre pays évidemment nous faisons beaucoup d'efforts en direction de la protection des enfants, mais que nous avons encore 200 000 enfants environ, c'est-à-dire 1,8 % des moins de 18 ans, qui font l'objet de mesures de protection de l'enfance.
 
Alors, qu'est-ce que vous allez faire donc ?
 
Alors, il y aura une campagne d'information déjà avec des témoignages d'enfants sur toutes les radios à partir de ce matin, pendant plus de trois jours ; un site Internet à leur disposition sur convention-enfants.fr. Et d'ailleurs, j'insiste les parents à les amener regarder ce site parce qu'il y a un kit pédagogique qui leur est destiné pour connaître les dix grands principes de cette convention internationale.
 
Alors, N. Morano, les parents mais aussi les enfants qui peuvent être victimes de maltraitance ou qui peuvent avoir des problèmes seront concernés par cette campagne et comment ?
 
Bien sûr ! Eh ben, ils seront concernés par cette campagne parce qu'il y aura aussi des affiches qui seront envoyées dans les écoles, dans les mairies. Nous souhaitons vraiment à ce qu'il y ait une mobilisation autour de cet anniversaire, qu'on en parle, et qu'on rappelle que l'enfant c'est ce qu'il y a de plus important dans une société, il mérite d'être protégé, éduqué, et les enfants doivent savoir que c'est un droit pour eux.
 
Mais j'allais vous demander pourquoi cette campagne ? Il y a de plus en plus de problèmes, il y a une recrudescence des problèmes de maltraitance d'enfants aujourd'hui ?
 
Je ne dirais pas une recrudescence, mais il y a de la maltraitance dans notre pays. Il y a des enfants, je vous disais les chiffres, à partir du moment où un seul enfant est en danger ça n'est pas acceptable pour une société. Et donc, c'est pourquoi cet après-midi le président de la République réunira les grandes associations à l'Elysée.
 
Des mesures vont être annoncées ?
 
Oui ! Il annoncera des mesures parce qu'il y a les mesures de protection de l'enfance, il y a aussi l'enfance...
 
Lesquelles ?
 
... l'enfance fragilisée, c'est-à-dire l'enfance la plus pauvre. Quelles mesures allons-nous prendre ? Il y a beaucoup de choses à annoncer, vous savez. Ca concerne la santé, l'éducation, et c'est à lui qu'il revient, après les réflexions que j'ai menées, à sa demande, avec les associations de faire des annonces qui seront à mon sens importantes.
 
Sur quelle piste, par exemple, pouvez-vous annoncer...
 
... non, les pistes je ne vous ne les donnerai pas parce que c'est lui qui les donnera.
 
Bon, donc on attendra !
 
Les thèmes, je vous les cite, mais les pistes c'est lui qui les donnera.
 
Bon, en tout cas cette campagne pour la protection de enfants tombe à un assez mauvais moment parce que le Gouvernement supprime de façon très controversée, il faut bien le dire, le poste de Défenseur des enfants, que tout le monde ne connaît pas, mais c'est un poste qui existe depuis 2006, c'est un organisme auquel les enfants peuvent s'adresser directement. Il est occupé par D. Versini, une personnalité qui vient de l'UMP. Ce poste vous le remplacez par un poste de Défenseur des droits des libertés, beaucoup plus large. Pourquoi cette réforme qui, encore une fois, est très controversée ?
 
Elle n'est pas controversée par la très grande majorité des associations qui s'occupent justement des droits des enfants, et quand on veut faire quelque chose, c'est toujours pour améliorer, ce n'est pas pour reculer. Et, nous voulons allez beaucoup plus loin comme beaucoup de pays dans l'Union européenne qui ont hissé au niveau constitutionnel la défense des droits. Avant, nous avions le Médiateur de la République, et pour cela il fallait un parlementaire qui puisse le saisir. Pour le Défenseur des enfants, vous avez raison de le rappeler, qui connaît véritablement le Défenseur des enfants ?
 
Certains enfants qui écrivent...
 
... mais certains, mais c'est pas suffisant. Vous voyez, vous le dites vous-même. Et quels sont les pouvoirs du Défenseur des enfants ? Pour l'instant, aucun. Elle fait des très bons rapports, D. Versini. Moi, j'apprécie beaucoup le travail qu'elle a fait.
 
Elle a une équipe, elle a énormément de courrier, et surtout elle explique, je répète encore une fois qu'elle vient de vos rangs, que finalement ce remplacement ça va être une dilution des responsabilités.
 
Au contraire.
 
Puisque le Défenseur des enfants n'existera plus spécifiquement.
 
Au contraire, nous allons renforcer ces droits et surtout nous allons renforcer les pouvoirs du Défenseur des enfants, parce que au sein du Défenseur des droits, il y aura toute une équipe qui va s'occuper de la défense des enfants, et qui n'aura pas juste comme pouvoir, comme l'avait D. Versini jusqu'à maintenant, de faire des observations, mais qui pourra faire des injonctions et qui pourra aussi mener des actions, saisir la justice. Donc, nous hissons la défense des droits des enfants au niveau constitutionnel, nous renforçons les pouvoirs, la lisibilité et l'action. Et donc, aujourd'hui, ça ne tombe pas à un mauvais moment, c'est notre volonté de réaffirmer que nous voulons porter au niveau constitutionnel la défense des droits des enfants.
 
Les enfants sont en tout cas les plus concernés par l'un des débats, si j'ose dire, de société lancé cette semaine : « faut-il interdire ou non la fessée ? », comme le recommande la députée UMP et pédiatre E. Antier. Elle propose que la France se mette au diapason d'une dizaine d'autres pays européens.
 
Environ dix-huit.
 
Quel est votre sentiment ?
 
Dix-huit pays de l'Union européenne interdisent la fessée.
 
Quelle est votre opinion là-dessus ?
 
Moi, mon opinion c'est que... je comprends d'abord la préoccupation d'E. Antier parce qu'elle est pédiatre et qu'elle voit beaucoup de familles et beaucoup d'enfants, et qu'en même temps nous avons un arsenal législatif très complet sur la protection de l'enfant sur ces sujets, et il ne faudrait pas... nous ne pouvons pas nous doter d'ailleurs d'une police de la fessée, bon. Et je comprends sa préoccupation parce que...
 
...alors, faut-il l'interdire ou non ?
 
Je pense qu'il ne faut pas légiférer en introduisant le mot "fessée" parce que nous ne pourrons pas aller contrôler à l'intérieur des maisons si les parents administrent une fessée ou pas. En revanche, on sait très bien que certains peuvent avoir la main un peu lourde, bon. Et donc, je comprends la préoccupation d'E. Antier, mais je pense qu'il est inutile de légiférer sur ce sujet. Mais encore une fois, c'est aussi ce moment important d'éclairer nos concitoyens et de dire que le châtiment corporel quel qu'il soit n'est pas la meilleure forme d'éducation. Et d'ailleurs, en tant que parent, combien de parents ont regretté après avoir administré une fessée parce qu'on était un peu à bout de nerf, ce se dire : voilà, on regrette. Et donc, c'est vrai que le message qu'elle veut porter c'est de dire « évitons absolument de lever la main sur les enfants ». Mais il n'y aura pas de loi.
 
On ne légiférera pas !
 
Je ne suis pas favorable à une loi sur ce sujet, mais je pense que sa préoccupation doit ouvrir les yeux de certains parents et de dire vraiment il y a d'autres formes d'éducation.
 
On vous entend. On s'éloigne un tout petit peu des corrections, des châtiments, quoi que... On va parler de politique maintenant. Les maires vont rencontrer N. Sarkozy, un certain nombre d'entre eux en tout cas aujourd'hui, 700 sont invités à l'Elysée, 200 ont répondu, les socialistes ne viendront pas. Finalement, cette affaire de taxe professionnelle, de dialogue entre les maires et le Président de la République ça se passe pas très bien. Vous souhaitez bon courage au Président aujourd'hui ?
 
Bon courage, non, parce qu'il en a, donc j'ai pas besoin de lui souhaiter bon courage. Mais, encore une fois, le Premier ministre lorsqu'il est allé s'exprimer devant l'Association des Maires a été très clair sur ces sujets. Vous me dites que les socialistes ne viendront pas, je ne suis pas étonnée, ils ne viennent pas rencontrer le président de la République qui est aussi leur Président. Je trouve que ça démontre à quel point le Premier ministre a eu raison de le rappeler, que les socialistes ont essayé d'instrumentaliser l'Association des Maires de France.
 
Mais la taxe professionnelle ne plaît pas aussi à certains élus de droite, vous le savez.
 
Moi, je dirais que les réformes...
 
... la suppression de la taxe professionnelle, pardon.
 
Non mais, la suppression de la taxe professionnelle mais également la réforme des collectivités locales sont des réformes extrêmement importantes, notamment pour aider les entreprises à être beaucoup plus compétitives. C'est tout l'enjeu de la réforme de la taxe professionnelle. Et la réforme des collectivités locales c'est aussi tout l'enjeu de mieux gérer pour nos concitoyens parce que ça coûte très cher l'ensemble de cette dilution et la façon dont on a travaillé avec cette superposition d'administrations dans notre pays et de collectivités.
 
D'un mot, N. Morano, pour finir, il y a des élus qui renâclent, on vient de le dire, il y quelques-uns de vos anciens collègues ministres qui racontent leurs états d'âme dans des livres. Coup sur coup, Y. Jégo, B. Laporte, qui disent que finalement la politique c'est très dur, que d'être au Gouvernement ce n'est pas facile, et que souvent quand on part c'est un peu impitoyable. Quelle est votre réaction là-dessus ?
 
C'est très dur, c'est vrai que d'être dans un gouvernement, de faire de la politique tout court c'est très dur, c'est souvent même très ingrat, mais enfin on connaît les règles du jeu avant d'y venir, donc il faut savoir s'y adapter et savoir faire face dans les difficultés.
 
Y. Jégo reproche à F. Fillon de ne pas lui avoir dit les choses en face lorsqu'il est parti, lorsqu'il a été "viré", comme il dit.
 
Eh bien, je crois qu'il doit avoir une conversation avec le Premier ministre s'il ne l'a pas eue. En tous les cas, moi, j'ai des rapports de confiance avec le Premier ministre. Quand j'ai besoin de l'avoir au téléphone, il n'y a aucun souci sur les sujets dont j'ai à traiter.
 
Très bien ! N. Morano merci beaucoup.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 novembre 2009