Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense et président du Nouveau centre, au "Grand Jury" RTL - Le Figaro - La Chaîne info le 13 décembre 2009, notamment sur l'héritage et les valeurs de l'UDF, l'identité nationale, le déficit budgétaire et la situation en Afghanistan.

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Emission L'Invité de RTL - La Chaîne Info - Le Figaro - RTL

Texte intégral

HERVE MORIN
Et président du Nouveau centre, j'aimerais qu'on ne l'oublie pas.
JEAN-MICHEL APATHIE
Alors l'émission n'était pas commencée, mais vous avez entendu Hervé MORIN souhaitait une précision, donc bonsoir à tous ; bienvenue dans le grand studio de RTL pour ce « Grand jury ». Vous en êtes l'invité, Hervé MORIN, vous êtes donc ministre de la Défense, président du Nouveau centre ; vous répondrez aux questions d'Etienne MOUGEOTTE, du FIGARO et d'Eric REVEL, de LCI. On va parler du Nouveau centre, justement.
HERVE MORIN
Ah...
JEAN-MICHEL APATHIE
Puisque ce Parti que vous présidez, a tenu son conseil national hier ; vous êtes associé à l'action gouvernementale ; vos candidats figurent sur les listes de l'UMP lors des élections régionales de 2010 et justement, on se demande à quoi ça sert, le Nouveau centre ? Pour être, à ce point, fusionné avec l'UMP, on se demande quel est votre apport dans le débat public et ce qui vous différencie avec le parti du président.
HERVE MORIN
Si vous voulez bien me laisser deux minutes d'explication...
JEAN-MICHEL APATHIE
Ah, en répondant à la question que je vous ai posée ?
HERVE MORIN
En répondant à votre question.
JEAN-MICHEL APATHIE
Ah. Alors si c'est deux minutes d'explication pour répondre à une question, on vous les laisse.
HERVE MORIN
Tout d'abord, le Nouveau centre est dans la majorité. Ca a été le fondement même de notre création entre les deux tours de l'élection présidentielle, puisque dans la droite ligne dans l'héritage de l'UDF, nous avons considéré que notre formation politique qui incarne cette vieille famille modérée, issue des courants libéraux, démocrates chrétiens et radicaux, que cette famille politique devait participer à la transformation, à la modernisation du pays. Donc sur ce point-là, aucun doute là-dessus : nous sommes dans la majorité. Mais nous voulons incarner cette famille politique que François BAYROU a condamnée entre les deux tours de l'élection présidentielle, à travers des idées simples. Nous voulons incarner une société apaisée qui cesse d'affronter et de confronter les Français les uns aux autres. Les...
JEAN-MICHEL APATHIE
C'est ce qu'on fait aujourd'hui ?
HERVE MORIN
Les agriculteurs aux écologistes, les patrons aux salariés, les fonctionnaires aux salariés du secteur privé, les policiers aux magistrats, alors que nous voulons défendre l'idée que les uns ont besoin des autres pour porter l'avenir de notre société. Premier élément ?
JEAN-MICHEL APATHIE
La société n'est pas apaisée aujourd'hui ?
HERVE MORIN
Elle ne l'est plus depuis des années et des années, en effet, avec une société qui recherche régulièrement des boucs émissaires ailleurs, et qui pense que...
JEAN-MICHEL APATHIE
La manière d'être...
HERVE MORIN
... Qui oublie - et qui oublie - que l'individu, quel que soit son talent, a besoin des autres pour réussir. Ca, c'est le premier élément.
JEAN-MICHEL APATHIE
La manière d'être, de gouverner...
HERVE MORIN
Le deuxième...
JEAN-MICHEL APATHIE
Pour rester sur le premier élément... Pour rester sur le premier élément, la manière d'être et de gouverner du président...
HERVE MORIN
Heureusement que j'ai deux minutes !
JEAN-MICHEL APATHIE
Oui, oui... la manière d'être et de gouverner du président de la République ne contribue pas à apaiser la société ?
HERVE MORIN
Ca n'est pas ma question. Vous me demandez si...
JEAN-MICHEL APATHIE
Ah si, c'est ma question !
HERVE MORIN
Oui, mais moi, je...
JEAN-MICHEL APATHIE
Ce n'est pas votre réponse...
HERVE MORIN
Je vous réponds à ce que représente le Nouveau centre qui incarne cet héritage de l'UDF. Deuxième élément...
JEAN-MICHEL APATHIE
Vous ne voulez pas répondre à ma question...
HERVE MORIN
Je pense que la société française...
JEAN-MICHEL APATHIE
(Rire)
HERVE MORIN
... Vit une période de mutation et de transformation qui la rend angoissée et inquiète de son avenir ; et que lorsqu'on vit une telle mutation et une telle transformation, on a besoin de porter un message d'apaisement. Deuxième élément, nous voulons, nous considérons que les corps intermédiaires doivent jouer un rôle plus important dans la société française. Que l'individu ne doit pas être seul devant l'Etat, que les fondations, les associations, le mutualisme, le... Le secteur coopératif, les syndicats doivent être en mesure de créer de nouvelles solidarités pour répondre à des problématiques particulières ; qu'il ne doit pas y avoir seulement un système d'allocations, de subventions, de redistributions par l'impôt et qu'il y a d'autres moyens de créer de la solidarité. Troisième exemple, nous voulons être ceux qui portent l'idée d'une Europe fédérale, d'une construction politique. Et parmi cela, nous défendons l'idée - je l'ai présentée aux militants samedi - l'idée que l'Europe à 27 et demain, à 30 ou à 35 sera probablement une Europe difficile à construire politiquement au sens de l'intégration politique, et qu'il faudra probablement un jour ou l'autre - et c'est bien ce que je compte défendre dans les années qui viennent - défendre l'idée qu'il faudra un traité entre un certain nombre de pays dont il doit y avoir la France et l'Allemagne, pour construire une Europe qui décide de s'occuper de politique étrangère et de s'occuper de défense et qui décide de pouvoir parler aussi fort que les Chinois, que les Indiens ou que les Américains....
ERIC REVEL
Hervé MORIN...
HERVE MORIN
Voilà des choses qui, me semble-t-il, nous différencie. Voyez, je voyais Valéry GISCARD D'ESTAING jeudi matin et Valéry GISCARD D'ESTAING me disait : « Durant tout mon mandat, j'ai cherché à pacifier la société française ». Moi, je l'exprime par un autre mot, pardon, qui est l'idée d'une société apaisée. Je pense qu'on a besoin de cela.
JEAN-MICHEL APATHIE
On va y revenir... Eric REVEL...
ERIC REVEL
Hervé MORIN, justement, vous avez commencé en nous expliquant que le Nouveau centre, c'est un parti qui... Qui voulait porter, d'une certaine manière, l'apaisement de la société française, et Jean-Michel APATHIE vous a posé une question précise. Je vais y revenir...
JEAN-MICHEL APATHIE
Ah, j'ai...
ERIC REVEL
Je vais y revenir en la posant un peu différemment : est-ce que, aujourd'hui, le grand débat sur l'identité nationale qui semble un peu tourner en rond participe...
HERVE MORIN
J'aurais dû prendre cet exemple... Heureusement que vous êtes là, Eric REVEL...
ERIC REVEL
Participe, participe à l'apaisement de la société française ?
JEAN-MICHEL APATHIE
Ou à sa crispation...
HERVE MORIN
Nous avons fait part de nos préventions sur ce sujet. Hervé de CHARRETTE, qui est devant moi, aussi ; Maurice LEROY, aussi ; Colette LE MOAL, députée des Yvelines, aussi, dans l'hémicycle. Pourquoi ? Parce que ce débat-là, ça ne doit pas être le débat d'une nostalgie. En quelque sorte, une espèce de France éternelle qui aurait oublié que la France a évolué ; et donc à travers cela, éviter la stigmatisation d'une partie de nos compatriotes. Et moi, je peux mieux en parler, probablement, que quiconque, parce que je sais, par exemple, à quel point les Français issus de l'immigration jouent un rôle majeur et essentiel dans les Armées françaises et qu'ils sont fiers de porter le drapeau français et tricolore en Afghanistan, quelles que soient leurs...
ERIC REVEL
Donc ce n'est pas un bon débat, le débat sur l'identité nationale...
HERVE MORIN
Je n'ai pas dit que c'était un bon débat, c'est un débat passionnant ! Je dis les prudences qu'il faut avoir sur ce débat. La deuxième chose, c'est que ce débat-là, pour moi, c'est.... J'ai beaucoup aimé la tribune de Michèle ALLIOT-MARIE...
ERIC REVEL
Sur l'unité nationale...
HERVE MORIN
Je pense que si on se pose la question de l'identité nationale, c'est parce qu'on se pose la question de l'unité nationale. Parce que si vous avez le sentiment que vous êtes parfaitement intégré et assimilé dans une société qui est une société... La société française est une société d'immigration ! On s'est construit sur l'immigration ! Depuis des siècles et des siècles ! Et contrairement à ce qu'on raconte, quand on a voulu intégrer, quand les Italiens sont arrivés ou les Polonais sont arrivés, ça s'est fait dans des climats parfois de violence considérable dans un certain nombre de villes. Les Polonais cherchaient à changer de nom ! Et donc il faut que ce débat-là porte sur ce qui nous rassemble, et non pas ce qui nous divise - je reviens au même sujet - et qui doit nous porter sur l'avenir. Parce que cette question de l'identité nationale...
JEAN-MICHEL APATHIE
Oui, on va essayer, Hervé MORIN.
HERVE MORIN
Pardon, cette question d'identité nationale, c'est une question qui évolue dans le temps. Je vais prendre un exemple : l'égalité entre les hommes et les femmes. On dirait, c'est une composante de l'identité nationale. En vérité, je vous rappelle que, jusqu'en 1965, - 1965, vous étiez né, moi aussi - jusqu'en 1965, les femmes n'avaient pas le droit d'ouvrir un compte en banque, les femmes n'avaient pas le droit de signer un contrat de travail sans l'accord de leur mari, elles n'étaient pas juridiquement pleinement et entières.
JEAN-MICHEL APATHIE
On va essayer, s'il vous plaît...
HERVE MORIN
... Et donc on voit bien que ce sujet évolue en fonction de l'évolution de la société ; c'est comme ça qu'il faut le porter...
JEAN-MICHEL APATHIE
On va essayer...
HERVE MORIN
... Pour moi, c'est d'abord la volonté de vivre ensemble. C'est ça, l'identité.
JEAN-MICHEL APATHIE
On va essayer, si vous l'accepter, Hervé MORIN...
HERVE MORIN
Oui...
JEAN-MICHEL APATHIE
... De sortir des généralités.
HERVE MORIN
Ah, je ne sors pas des généralités, là !
JEAN-MICHEL APATHIE
Si, si, de sortir des généralités. Ce débat, le gouvernement au eu tort de le lancer ? Ou bien ce débat doit-il s'arrêter ?
HERVE MORIN
Ce débat ne doit pas s'arrêter, il doit continuer, mais il faut le faire avec la prudence que je viens d'indiquer.
JEAN-MICHEL APATHIE
Je vais vous citer Yazid SABEG, qui est commissaire à la Diversité et à l'égalité des chances, dans LE JOURNAL DU DIMANCHE, hier : « je suis mal à l'aise ; ce débat échappe à tout contrôle. Il peut aggraver les fractures et il donne à beaucoup de Français de confession musulmane, le sentiment d'être une fois de plus marginalisés ». C'est presque un collègue du gouvernement, Yazid SABEG, puisqu'il est commissaire à la Diversité et à l'égalité des chances. Est-ce qu'il a raison de dire ça, « Je suis mal à l'aise, ce débat échappe à tout contrôle » ?
HERVE MORIN
Ce que je dis, c'est que ça ne doit pas se limiter à une espèce de grille de lecture qu'il faudrait cocher pour dire « je suis français » ou « je ne le suis pas ». Voilà.
JEAN-MICHEL APATHIE
Non mais est-ce que, aujourd'hui, ce débat échappe à tout contrôle ou pas ?
HERVE MORIN
Non ! Il n'échappe pas à tout contrôle ! Il ne faut pas raconter d'histoire !
JEAN-MICHEL APATHIE
Est-ce que les Musulmans se sentent stigmatisés ? Est-ce qu'ils ont tort ou raison de se sentir stigmatisés ?
HERVE MORIN
Eh bien c'est pour cela qu'il faut avoir ce message qui soit un message de compréhension de ce que représente pour nous cette identité.
JEAN-MICHEL APATHIE
Mais... Il est utile, ce débat ? Parce que... Il n'apporte pas grand-chose, pour l'instant. On ne peut pas dire...
HERVE MORIN
Eh bien attendez de... Mais... Vous êtes... Vous êtes drôle, vous ! Il commence à peine...
JEAN-MICHEL APATHIE
Oui... Déjà c'est ça...
HERVE MORIN
... Laissez-lui le temps de vivre ! Au contraire, ça va nous permettre probablement de pouvoir lever un certain nombre de vieilles idées qui pouvaient traîner.
JEAN-MICHEL APATHIE
Lesquelles ?
HERVE MORIN
Non ! Cette espèce de nostalgie d'une France éternelle qui... Voilà. La France, elle est autre, elle est métissée...
JEAN-MICHEL APATHIE
Et qui a cette nostalgie ? Qui a cette nostalgie ?
HERVE MORIN
Mais je ne sais pas ! Il peut y avoir des Français qui peuvent avoir cette idée-là ! Et puis ceux qui votent Front national l'ont probablement !
JEAN-MICHEL APATHIE
Etienne MOUGEOTTE, là-dessus ?
ETIENNE MOUGEOTTE
Bah, j'ai... Non, moi je voudrais...
JEAN-MICHEL APATHIE
Alors je voudrais...
HERVE MORIN
Etienne MOUGEOTTE est d'accord avec moi, c'est pour ça qu'il... (Inaudible)
ETIENNE MOUGEOTTE
Non, non, non, non ! J'ai une question sur l'Europe ! J'ai une question sur l'Europe, mais finissez...
JEAN-MICHEL APATHIE
Je voudrais rester là-dessus ; voyez, MARIANNE fait une « Une », cette semaine : Eric BESSON...
HERVE MORIN
Ah mais... On ne peut pas demander à MARIANNE de faire une « Une » sympathique sur un membre du gouvernement ! (Rire)
JEAN-MICHEL APATHIE
Ca, je ne sais pas. « Eric BESSON, l'homme le plus détesté de France ». Eric BESSON, c'est le ministre qui a lancé ce débat, donc il siège avec vous au gouvernement. Quelle image vous avez, vous, d'Eric BESSON ?
HERVE MORIN
Moi, je trouve que les chariots d'injures qu'on peut... Dont il fait l'objet depuis des jours sont absolument scandaleux, c'est tout. Parce que s'il y a bien quelqu'un qui a les préventions dont je parlais, c'est bien lui. Je le connais bien, j'ai souvent discuté avec lui lorsqu'il était... Lorsque nous siégions à l'Assemblée nationale et en plus de ça, on a fait beaucoup de choses ensemble pour une raison très simple, c'est que, lors de la campagne présidentielle, il défendait régulièrement les positions du PS sur les... A des débats sur l'économie, et moi je défendais les positions de François BAYROU ; donc on a eu l'occasion de parler très fréquemment d'autres sujets. Et ces sujets-là, honnêtement, le... Considérer, grosso modo, qu'il est en train de cultiver des relents divers et variés, je trouve que c'est absolument scandaleux.
ETIENNE MOUGEOTTE
Mais c'est beaucoup plus clair que ça !
JEAN-MICHEL APATHIE
Etienne MOUGEOTTE...
ETIENNE MOUGEOTTE
Il y a des responsables socialistes éminents qui le comparent, tantôt à LAVAL, c'est-à-dire le chef du gouvernement...
HERVE MORIN
Ouais, oh...
ETIENNE MOUGEOTTE
Qui a livré la France aux Allemands, ou à DEHA (phon) un socialiste qui avait...
HERVE MORIN
Ouais... Allons arrêtons...
ETIENNE MOUGEOTTE
Non mais attendez... Je vous...
HERVE MORIN
Arrêtons... S'il vous plaît...
ETIENNE MOUGEOTTE
Est-ce qu'on peut vous poser une question ?
HERVE MORIN
Oui.
ETIENNE MOUGEOTTE
Bon, merci ; alors
JEAN-MICHEL APATHIE
Une question, Etienne MOUGEOTTE...
ETIENNE MOUGEOTTE
Ma question est : quand le débat arrive à ce niveau, qu'est-ce que vous en pensez ?
HERVE MORIN
Bof... Que c'est absolument médiocre de ceux qui font ce genre de comparaison, c'est tout ! Voilà !
ETIENNE MOUGEOTTE
C'est plus que médiocre ! C'est invraisemblable, non ?
HERVE MORIN
Oui, c'est minable. Appelons ça comme on veut.
JEAN-MICHEL APATHIE
Démentez-moi si je me trompe, aucun officier supérieur dans l'Armée française n'est issu de la diversité. Vrai ou faux ?
HERVE MORIN
Oui.
JEAN-MICHEL APATHIE
Et alors ?
HERVE MORIN
Oh, je ne sais pas s'il y en a aucun, mais il y en a très peu et raison pour laquelle...
JEAN-MICHEL APATHIE
Pourquoi ?
HERVE MORIN
Attendez, j'ai lancé... J'ai lancé un programme d'égalité des chances parce que c'est un sujet sur lequel j'ai beaucoup travaillé depuis des années, j'ai rencontré tous les grands sociologues durant la période 2003 - 2004 ; vous pourriez même reprendre le débat que j'ai fait le jour de la motion de censure de la question de confiance, pardon, à Dominique de VILLEPIN avant l'explosion des banlieues où j'ai expliqué que c'était le sujet majeur de la société française. Donc c'est un sujet que je connais bien. Et c'est pour ça que j'ai engagé, dans les lycées militaires français, un programme de recrutement de 150 jeunes par an issus de milieu modeste ou défavorisé, qui ne soient pas... Qu'ils s'appellent DUPONT ou ELARBI, parce qu'on peut trouver les mêmes problématiques chez les Français de longue date, et afin que nos grands lycées militaires puissent donner à nos grandes écoles militaires des jeunes issus de ces milieux défavorisés et modestes, et notamment issus de l'immigration. Donc 150 jeunes par an, il va y en avoir 500 l'année prochaine ; et enfin, j'ai créé des classes préparatoires, parce que bien souvent, quand vous passez les grands concours, vous avez des problèmes de culture, de mots, de codes. Et c'est cela qui vous handicape au moment où vous passez ces concours, et donc j'ai ouvert 6 classes préparatoires dans les 6 lycées militaires, permettant à ces jeunes, pendant un an, d'acquérir ces codes, d'acquérir cette culture pour pouvoir passer, avec les mêmes chances que les autres, les concours des grandes écoles militaires. Donc dans quelques années, ça ne sera plus le cas.
JEAN-MICHEL APATHIE
Mais est-ce que quelqu'un qui, aujourd'hui, se prénomme Mohammed a du mal à faire une carrière au sein de l'Armée française ?
HERVE MORIN
Pas du tout. Pourquoi j'ai fait ça ? Parce que l'Armée française est la plus belle école de la réussite sociale. C'est le seul, la seule institution... Attendez...
JEAN-MICHEL APATHIE
Voyez le constat !
HERVE MORIN
C'est la seule institution dans laquelle on peut réussir si on le veut, où on reconnaît les talents et on reconnaît les mérites. C'est parce que les armées sont bâties comme ça que j'ai pu lancer ce programme. Sachez qu'1 officier sur 2 est issu du monde des sous-officiers et 1 sous-officier sur 2 est issu du monde des militaires du rang. Et donc la promotion sociale, vous en avez des exemples fameux, le général BIGEARD, il a commencé comme militaire du rang.
JEAN-MICHEL APATHIE
Mais puisque nous débattons de l'identité nationale française, et donc du rapport que la France a avec son immigration, constatez que, à la troisième génération d'enfants...
HERVE MORIN
Ce n'est pas... Ce n'est pas « à son immigration », la question de l'identité nationale...
JEAN-MICHEL APATHIE
Oh enfin... De plus en plus, ça tourne à ça, à la troisième génération...
ERIC REVEL
Mais d'avoir la nostalgie de la France éternelle sans avoir la nostalgie...
JEAN-MICHEL APATHIE
A la troisième... A la troisième - excusez-moi - à la troisième génération, on constate, troisième génération de présence ce jeunes gens issus de l'immigration, on constate qu'il n'y a aucun officier supérieur dans l'Armée française qui est issu de cette immigration.
HERVE MORIN
Eh bien, Jean-Michel APATHIE, Jean-Michel APATHIE, grâce au plan que j'ai lancé en 2007, ça ne sera plus le cas dans quelques années.
ERIC REVEL
Sans avoir la nostalgie de la France éternelle, est-ce que le ministre de la Défense peut nous dire, ce soir, qu'il regrette quand même l'époque où il y avait un service militaire obligatoire...
HERVE MORIN
(Rire)
ERIC REVEL
Mais oui ! Parce que vous parlez...
HERVE MORIN
J'ai été contre la suppression du service national. Bon.
ERIC REVEL
Justement, redites-le ! Vous parlez de brassage social, de brassage ethnique...
HERVE MORIN
Je ne peux pas dire autre chose !
ERIC REVEL
... De brassage religieux, est-ce que ça n'a pas été une erreur monumentale ?
JEAN-MICHEL APATHIE
Bah, non !
HERVE MORIN
Ecoutez, Eric REVEL, vous avez raison. Moi, j'étais contre la suppression du service national pour deux raisons. La première, c'est que c'était, en effet, un élément de brassage, et 2/ ça permettait aux bourgeois de découvrir qu'il y avait un autre monde que le XVIème arrondissement. Et 3/ ça avait une grande vertu, c'est que ça permettait à beaucoup de jeunes de pouvoir acquérir une formation, de pouvoir apprendre à lire et à écrire, à passer le permis de conduire. Ca avait un défaut majeur, c'est que c'était devenu très inégalitaire parce qu'il y avait 30 % des Français qui y échappaient.
JEAN-MICHEL APATHIE
Et vous n'êtes pas dans la nostalgie...
HERVE MORIN
Eh bien je ne suis pas dans la nostalgie, mais je peux quand même... On me pose une question, j'y réponds.
JEAN-MICHEL APATHIE
Oui, oui !... Etienne MOUGEOTTE...
ETIENNE MOUGEOTTE
Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit, tout au début sur l'Europe. Vous avez dit quelque chose de très fort, vous avez dit que vous êtes pour l'Europe fédérale.
HERVE MORIN
Oui.
ETIENNE MOUGEOTTE
Vous avez laissé entendre - et vous avez raison - qu'on ne peut pas faire une Europe fédérale à 27. Vous...
HERVE MORIN
Encore moins demain à 30 ou à 35.
ETIENNE MOUGEOTTE
Et vous préconisez donc une Europe à deux vitesses, dont une Europe restreinte, intégrée avec la France et l'Allemagne comme pivot, et puis les autres autour. J'ai bien compris ? C'est bien une Europe à deux vitesses ?
HERVE MORIN
J'ai... Je constate qu'il est extrêmement difficile de faire progresser l'Europe politique, c'est-à-dire l'Europe de la politique de la Défense, de la politique étrangère, les grands sujets, à 27, plus encore demain à 30 ou à 35. Et à partir de ce constat, j'estime qu'il faudra, à un moment ou à un autre, que la France et l'Allemagne - parce que ce n'est pas parce que c'est la France et l'Allemagne, mais parce que la construction européenne se fait entre ces deux pays - ...
ETIENNE MOUGEOTTE
Encore faut-il encore que l'Allemagne le veuille.
HERVE MORIN
Bien entendu, mais vous pouvez avoir des initiatives ! Et je suis convaincu que vous n'arriverez à faire porter cette Europe politique que par un nombre limité de pays qui souhaitent le faire. Parce qu'on voit très bien - c'est un constat - qu'au sein des pays européens, vous en avez qui souhaitent simplement une zone de libre échange, qui ont une vision économique, une zone commerciale de l'Europe, et d'autres qui ont encore en tête l'intégration politique.
ETIENNE MOUGEOTTE
J'imagine mal l'Allemagne, très ouverte, maintenant, sur l'Europe du Nord, vouloir se cantonner à ce qu'on pourrait appeler, dans le bon sens du terme, une petite Europe...
HERVE MORIN
Mais ce n'est pas...
ETIENNE MOUGEOTTE
Je pense que c'est un rêve qu'on ne peut plus avoir aujourd'hui.
HERVE MORIN
Eh bien écoutez, permettez-moi de défendre une position contraire !
ERIC REVEL
Mais quel aurait été le rôle de l'Europe fédérale, plongée dans la crise qu'on a connue ? On a assisté au retour, au contraire, des Etats nations et des plans nationaux. L'Europe fédérale, si elle avait été construite aujourd'hui, aurait sans doute été totalement inefficace à juguler des problèmes qui sont des problèmes nationaux ! Tous les plans de relance ont été des plans de relance nationaux ! L'Europe de Bruxelles n'a fait que courir derrière !
HERVE MORIN
Moi, ce que je constate, c'est que, sur un certain nombre de sujets, on a une Europe qui pense avec une seule grille de lecture, c'est la grille de lecture du marché de la concurrence libre et non-faussée, du marché pur et parfait. Or moi je souhaiterais que l'Europe, au contraire, elle ait des politiques. Par exemple, une politique industrielle, par exemple une politique agricole qui soit une politique agricole qui soit fondée sur autre chose que le prix du marché, parce qu'on sait très bien que le prix du marché, ça n'a jamais fait vivre des paysans.
JEAN-MICHEL APATHIE
Etes-vous favorable, Hervé MORIN, à une loi pour interdire le port de la burqa en France ?
HERVE MORIN
J'ai... Je pense que ce sujet-là, avant qu'il n'arrive à l'Assemblée nationale et au Sénat, doit faire l'objet d'une réflexion et d'un vrai débat et d'une discussion. La même démarche que celle sur le voile. Je n'ai pas voté, je le... Et d'ailleurs je pense que c'était une erreur - je n'ai pas voté la loi sur le voile ; parce que je pensais que ça n'était pas nécessaire...
JEAN-MICHEL APATHIE
Qui interdisait le port du voile à l'école.
HERVE MORIN
Voilà. Parce que je pensais que les circulaires et les textes réglementaires suffisaient à régler la question. Et je ne voulais pas rentrer dans le risque de stigmatisation. Ce qu'il faut, c'est qu'avant d'en arriver à la loi, qu'il y ait une discussion comme il a pu y en avoir une lors du voile à l'école, avec la Commission STASI pour qu'il y ait une compréhension du sujet, pour qu'il y ait un dialogue entre les communautés, les communautés religieuses, afin qu'on puisse trouver les éléments qui permettent de trouver la bonne solution, voilà ; qu'on n'ait pas un système brutal, mais qu'on ait un système qui passe d'abord par le dialogue.
JEAN-MICHEL APATHIE
Pourquoi ne pas dire que vous êtes opposé à la loi, alors ?
HERVE MORIN
Pardon ?
JEAN-MICHEL APATHIE
Pourquoi ne pas reconnaître que vous êtes opposé à la loi ? C'est ce que vous essayez de dire !
HERVE MORIN
Non ! Je dis que ça mérite une discussion d'abord, une concertation, qu'on crée les conditions d'un dialogue plutôt que des risques d'affrontement. Ce n'est pas du tout ça que je dis.
ETIENNE MOUGEOTTE
Est-ce que vous pensez vraiment que... Alors en gros, il y a peut-être 2.000 femmes au maximum qui portent la burqa. Est-ce que ça vaut un débat national, une loi, des affrontements ? Est-ce que ça ne peut pas se traiter autrement ?
HERVE MORIN
Eh bien c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait ce dialogue avant. La Commission sur le voile avait eu cette vertu formidable, c'est qu'on était parti de la question du voile pour finir sur les signes distinctifs ostentatoires. Et donc on avait trouvé les moyens pour éviter la stigmatisation et faire en sorte qu'en fait, toutes les religions soient concernées par le sujet. Eh bien c'est ainsi, aussi, qu'il faut aborder la question. La burqa, au-delà de l'indignité, cela représente pour nous, pour les femmes, c'est aussi la question : est-ce qu'on peut se promener dans la rue en France sans pouvoir être identifié ? A mon sens, non.
JEAN-MICHEL APATHIE
A votre sens, non, donc il faut l'interdire...
HERVE MORIN
Il faut trouver les moyens pour faire en sorte que ça ne s'accélère pas, ça c'est clair.
JEAN-MICHEL APATHIE
Qu'est-ce que vous pensez de la suppression de l'histoire obligatoire en terminale S ?
HERVE MORIN
(Rire) ... Je pense que...
JEAN-MICHEL APATHIE
Ca vous fait rire ?
HERVE MORIN
Je pense que c'est un... Vraiment une mauvaise polémique à l'égard de Luc CHATEL. Je sais que Maurice LEROY n'est pas d'accord avec moi, il me pardonnera.
JEAN-MICHEL APATHIE
Peut-être !
HERVE MORIN
C'est une mauvaise polémique, pourquoi ? Pour deux raisons. La première, c'est qu'on n'a pas fait tant de foin quand il s'agissait des terminales technologiques dont... Pour lesquelles il n'y a plus ni histoire, ni géographie. Deuxième élément, moi je n'ai pas été un aussi bon élève que vous, Jean-Michel APATHIE,
ERIC REVEL
(Rire)
HERVE MORIN
... Mais j'ai fait une terminale D à l'époque.
JEAN-MICHEL APATHIE
Je n'ai pas fait du tout de terminale, voyez !
HERVE MORIN
Ah bien voyez...
JEAN-MICHEL APATHIE
Voyez, comme ça...
HERVE MORIN
Et j'ai le souvenir... Et j'ai le souvenir qu'il y avait les matières qui étaient des matières à fort coefficient - terminale S, vous avez les coefficients, ça doit être 5 ou 6 en maths et en physique - et des matières à petit coefficient qui étaient des matières qu'on avait tendance à négliger parce qu'on savait que le paquet, il fallait le mettre, pour moi, sur Sciences naturelles, maths et physique et pour vous, pour d'autres matières.
JEAN-MICHEL APATHIE
(Rire)
HERVE MORIN
Et donc... Et donc...Et donc, de faire en sorte qu'on permette aux jeunes, comme on le fait pour le Français, d'acquérir le même bagage et que cela s'achève en 1ère, et qu'on ait deux années, deux heures optionnelles en terminale, notamment pour ceux qui voudraient faire Cagne, Hypocagne ou qui voudraient faire Sciences Po et qui ont besoin d'avoir de l'Histoire - géographie, eh bien ça me paraît plutôt une bonne solution. Et par ailleurs, on oublie que, quand même, il y a un élément majeur dans cette réforme qui était réclamé depuis des années, c'était de faire en sorte qu'il puisse y avoir un accompagnement individualisé des élèves qui étaient en difficulté. On le crée, et c'est bien ! Donc cessons de chercher de fausses querelles et de mauvaises querelles à Luc CHATEL qui ne le mérite pas.
ETIENNE MOUGEOTTE
Mais sans fausse querelle, reconnaissez que, symboliquement, ce n'est pas formidable de supprimer l'Histoire au moment où on débat...
HERVE MORIN
On ne la supprime pas, on la met en 1ère !
ETIENNE MOUGEOTTE
On la... On la supprime, si ! On la rend facultative. Ce n'est pas formidable au moment où on discute de l'identité nationale, voilà, c'est tout.
HERVE MORIN
Vous n'avez pas de français en terminale non plus !
ETIENNE MOUGEOTTE
Eh bien ce n'est pas forcément une bonne chose !
HERVE MORIN
Ah bah oui, mais...
ETIENNE MOUGEOTTE
Il faudrait peut-être mieux qu'ils parlent français, nos amis qui sont en S !
ERIC REVEL
Hervé MORIN, sur un autre sujet...
JEAN-MICHEL APATHIE
Eric REVEL...
ERIC REVEL
... La France s'apprête à affréter un deuxième ou un second charter d'Afghans pour reconduire dans leur pays des Afghans qui sont en situation irrégulière...
JEAN-MICHEL APATHIE
Ca, c'est une information que...
ERIC REVEL
Oui, c'est une information, oui, absolument...
JEAN-MICHEL APATHIE
... Que vous donnez...
ERIC REVEL
Absolument...
HERVE MORIN
Je...
JEAN-MICHEL APATHIE
Parce que ce n'est pas officiel.
ERIC REVEL
L'Elysée et Matignon auraient opté pour un vol groupé, d'ailleurs, avec la Grande-Bretagne, sur ce sujet, sans doute en début de semaine prochaine. Est-ce que ce type d'initiative va au président du Nouveau Centre qui, on l'a bien compris depuis le début de cette émission, cherche une voie ténue entre l'UMP, le gouvernement et le Parti socialiste ? Est-ce que c'est une bonne initiative que de reconduire dans des charters ?
HERVE MORIN
Si vous permettez qu'on vous exprime notre position...
ERIC REVEL
Oui, oui ! Mais alors sur ce point précis, est-ce que c'est une bonne chose ou pas une bonne chose de reconduire des Afghans de cette manière ?
JEAN-MICHEL APATHIE
Hervé MORIN...
HERVE MORIN
Les... Tous les pays européens procèdent de la même façon. Et il est évident que si vous considérez que, en Afghanistan... Quoi en France, la question des immigrés clandestins afghans va être traitée d'une autre façon que dans les autres pays européens, ça veut dire très clairement que vous allez créer une filière et un point de fixation majeurs sur le territoire national. Par ailleurs, considérer que les réfugiés afghans sont des réfugiés politiques, ou une chose de ce genre, permettez-moi de considérer qu'on est quand même très loin de cette réalité.
JEAN-MICHEL APATHIE
Donc s'il y a un deuxième charter, vous n'aurez pas grand-chose à redire...
HERVE MORIN
Je n'aurais... Non ! Parce que c'est clairement si, alors que tous les pays, des pays qui sont très soucieux sur ces sujets-là, comme les pays scandinaves, procèdent à telles expulsions, si vous ne le faites pas en France, ça veut dire très clairement que vous allez créer un point de fixation et un flux massif d'arrivées, d'entrées sur le territoire national.
JEAN-MICHEL APATHIE
Voyez si on arrêtait l'émission à cet instant, et si on demandait à un auditeur attentif, est-ce que vous avez compris ce qui différenciait le Nouveau centre de l'UMP, pttt ? ... Il aurait du mal à répondre...
HERVE MORIN
Eh bien quand le... Quand les parlementaires, à l'Assemblée nationale, par exemple, défendent la règle d'or, c'est-à-dire l'obligation d'inscrire dans la Constitution l'équilibre budgétaire, et que deux mois ou trois mois plus tard, on entend le ministre du Budget Eric WOERTH dire « il faudrait peut-être le faire », eh bien c'est la preuve que le débat que nous avons eu n'a pas été inutile ! Lorsque nous avons inscrit le référendum d'initiative populaire dans la Constitution, c'est nous qui l'avons fait inscrire. Lorsque nous défendons, par exemple, par la voie de Francis VERCAMER, le CV anonyme, ce sont des positions qui sont celles du Nouveau centre et qui sont des positions qui ont été défendues au Parlement !
ETIENNE MOUGEOTTE
Eh bien précisément, pour rentrer dans le sujet économique et de l'équilibre budgétaire, est-ce que vous pensez, raisonnablement qu'on pourra durablement rétablir l'équilibre des finances publiques sans augmenter la pression fiscale, c'est-à-dire, pour parler clair, les impôts ?
HERVE MORIN
La seule chose, c'est que vous avez déjà le niveau d'imposition le plus élevé de l'ensemble des pays européens.
ETIENNE MOUGEOTTE
Ca ne m'a pas échappé.
HERVE MORIN
Voilà. Nous avons le niveau de dépenses publiques le plus élevé des pays européens...
ETIENNE MOUGEOTTE
C'est évident...
HERVE MORIN
Plus que la Suède aujourd'hui ; nous sommes les premiers, champions, et donc augmenter les prélèvements obligatoires lorsque vous êtes dans un marché unifié, moi, je préfère réduire la dépense publique. Et permettez-moi de vous dire que c'est quelque chose de faisable. Nous en parlions juste avant l'émission, il y a des solutions à la réduction de la dépense publique qui ne sont pas des solutions radicales mais qui sont des solutions de bon sens et qui permettent de faire des économies considérables. Je prends mon ministère, si vous me le permettez, il y a la mutualisation des services, faire en commun ce qu'on fait séparément, il y a des politiques à mener comme, par exemple, faire ce que font toutes les sociétés, c'est-à-dire grouper les achats. J'ai commencé à le faire dans le ministère de la Défense - je vous donne des exemples parce que, quand on parle de gros chiffres, personne n'y comprends rien ; donc...
JEAN-MICHEL APATHIE
C'est un déficit ... C'est 140 milliards d'euros, il faudrait en mutualiser des choses (phon) ...
HERVE MORIN
Attendez, attendez, attendez, attendez. On a regroupé les achats téléphoniques, on a fait 10 millions d'euros d'économie sur 26. On a regroupé l'achat du mobilier, on a fait 5 millions d'économie sur 15. Eh bien, nous, par les restructurations...
ETIENNE MOUGEOTTE
C'est dire s'il y a ... parce que...
HERVE MORIN
Attendez ! Monsieur...
ETIENNE MOUGEOTTE
Attendre le ministre...
HERVE MORIN
Attendez, je vous donne un exemple...
ETIENNE MOUGEOTTE
... Pour faire ça, c'est bien de le faire, mais ça prouve, quand même, c'est assez énorme ! Imaginez... Non mais...
HERVE MORIN
Par les restructurations, par les restructurations que nous menons...
JEAN-MICHEL APATHIE
Personne ne compte sur le retour à l'équilibre budgétaire...
HERVE MORIN
.. Au sein... Attendez... Mais ne caricaturez...
JEAN-MICHEL APATHIE
... Sans impôts ! Ce n'est pas possible ! ... Ce n'est pas possible.
HERVE MORIN
Quand vous menez des réorganisations et des restructurations comme celles du ministère de la Défense, qui, en plus de ça, permettent d'investir et de moderniser nos armées et donc de faire travailler les salariés français et les entreprises françaises, eh bien nous allons réussir, par la simplification de nos structures, à économiser 2 milliards d'euros sur le fonctionnement ; deux milliards d'euros sur le budget de fonctionnement, si je ne dis pas de bêtise, de 15 milliards, ça veut dire que moi, je vais être capable de faire 20 % d'économie sur le budget de fonctionnement du ministère de la Défense. Eh bien si l'ensemble des Administrations font la même chose, on a les capacité se revenir à l'équilibre sur quelques années.
JEAN-MICHEL APATHIE
Une dernière question avant la pause, Hervé de CHARETTE, qui est au premier rang, ici, des spectateurs de ce « Grand jury », a quitté l'UMP pour rejoindre le Nouveau centre en disant : « L'UMP est trop à droite ». Vous reprendriez cette caractérisation à votre compte, Hervé MORIN ?
HERVE MORIN
Hervé de CHARETTE l'a expliqué à votre micro, Jean-Michel APATHIE...
JEAN-MICHEL APATHIE
Oui, mais c'est maintenant vous que l'on interroge !
HERVE MORIN
Simplement, je... Enfin, il me...
JEAN-MICHEL APATHIE
Est-ce que l'UMP est trop à droite ?
HERVE MORIN
Il me pardonnera si je ne... Je ne sais pas interpréter au mieux sa pensée ; je crois qu'il a voulu dire deux choses. La première, c'est que les centristes qui avaient fait le choix de l'UMP en 2002 ont eu le sentiment d'être dissous dans la structure de l'UMP. Ca, c'est la première chose, et d'ailleurs on a bien vu ,depuis que nous avons notre combat sur le Nouveau Centre UDF, on voit tout d'un coup Pierre MEHAIGNERIE, Marc-Philippe DAUBRESSE dire : « On va faire en sorte que nos exigences de centristes soient retenues au sein de l'UMP ». Et deuxièmement...
JEAN-MICHEL APATHIE
Et la deuxième ?
HERVE MORIN
Deuxième élément, c'est que, comme j'ai essayé de l'expliquer tout à l'heure, nous essayons d'incarner ce Centre droit, cette politique modérée qui tente de faire une place à un certain nombre de politiques, ce que j'appelle « l'humanisme moderne ». Je pense que...
JEAN-MICHEL APATHIE
Et ma question, c'était : est-ce que l'UMP est trop à droite ? Vous pouvez répondre par oui ou...
HERVE MORIN
Pas trop à droite, mais de toute évidence, elle n'a pas fait la place qu'elle devait faire au Centre. C'est ce que je crois avoir compris des conversations de nos camarades centristes de l'UMP.
JEAN-MICHEL APATHIE
Mais l'UMP n'est pas trop à droite...
HERVE MORIN
L'UMP, c'est le RPR d'hier pour l'essentiel, c'est tout ! Voilà !
JEAN-MICHEL APATHIE
Nous avons parlez, avec Hervé MORIN, président du Nouveau centre, durant cette première demi-heure, des problèmes de la société française, et dans la deuxième demi-heure, nous parlerons des problèmes internationaux ave Hervé MORIN, ministre de la Défense. A tout de suite après les infos.

JEAN-MICHEL APHATIE
Nous sommes de retour dans le grand studio de RTL avec vous, Hervé MORIN. Nous allons parler de la situation en Afghanistan. Quels commentaires faites-vous à propos de la décision des Américains de renforcer leurs troupes sur place ? Est-ce que ça modifie la situation de manière importante, pour vous ?
HERVE MORIN
Les Américains sont partis d'une analyse qu'il fallait des renforts sur un certain nombre de secteurs bien particuliers. Ce que je sais, c'est que... et d'ailleurs, c'est ce que demande la France depuis deux ans, c'est que ça n'est pas seulement une réponse militaire qui permettra d'améliorer très sérieusement la situation en Afghanistan ; qu'il faut que, à la présence militaire et à l'intervention et à la sécurisation, à la stabilisation de zones, que concomitamment, simultanément, on ait des actions de développement économique, de reconstruction de ponts, d'écoles, de routes. C'est...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ce n'est pas ce que vont faire les renforts américains.
HERVE MORIN
...et il faut absolument que nous ayons une politique qui soit celle d'être une politique qui s'adresse aux populations. On s'est adressé, à mon sens, trop longtemps aux talibans, et pas assez aux populations.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais les renforts américains sont des renforts militaires.
HERVE MORIN
Oui, mais à ces renforts militaires...
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, ils ne correspondent pas à ce que vous développez là.
HERVE MORIN
...comme vous le savez, il y a la Conférence de Londres, à la fin du mois de janvier, qui doit permettre à la communauté internationale d'intégrer l'ensemble des dispositifs politiques nécessaires à la reconstruction de l'Afghanistan.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais là ce sont des renforts militaires, donc ça ne correspond pas à ce que vous décrivez.
HERVE MORIN
Ça n'est pas que des renforts militaires. Il y a aussi la décision de créer un fonds fiduciaire pour participer à la reconstruction de l'armée afghane, pour qu'elle monte en puissance plus rapidement. Et enfin, il y aura un certain nombre de politiques liées à la gouvernance, liées à la lutte contre la drogue, liée à la lutte contre les trafics qui participent... oui ?
ETIENNE MOUGEOTTE
Quand les Américains envoient 30.000 hommes de plus, et qu'ils se tournent vers nous, et les autres alliés, en disant : « Faites aussi un effort », ça n'est pas facile de leur dire non ?
HERVE MORIN
Il y a plusieurs façons de faire un effort. Il y a déjà le fait de pouvoir participer concrètement, financièrement, à l'aide au développement et à la reconstruction. Nous avons besoin de faire plus que nous ne faisons aujourd'hui. Deuxièmement, nous pouvons le faire à travers de la formation. Moi je vais très souvent en Afghanistan, et je constate que l'armée nationale afghane, qui était une armée de va-nu-pieds il y a deux ans, est aujourd'hui une réelle armée, qu'on a affaire à des compagnies de combat qui sont des compagnies qui aujourd'hui ressemblent à une armée et à des militaires. Et donc, on a beaucoup progressé sur l'armée. On progresse beaucoup moins sur la police. Et donc il y a un troisième axe possible, c'est celui aussi d'assurer plus rapidement la montée en puissance de la police afghane. Donc il y a toute une série, il y a toute une panoplie de décisions qui sont possibles, que le président de la République prendra...
ERIC REVEL
Est-ce qu'on peut être encore plus précis, Hervé MORIN, et nous dire si oui ou non les Américains ont demandé à la France d'envoyer 1.500 soldats de plus ?
HERVE MORIN
...oui, ils ont demandé à la France de faire un effort militaire supplémentaire...
ERIC REVEL
1.500 soldats de plus ?
HERVE MORIN
...comme ils ont demandé aux autres pays occidentaux, européens, de faire un effort. La France et l'Allemagne ont décidé d'attendre la Conférence de Londres pour se prononcer et annoncer quels sont les résultats, dans une démarche qui est une démarche cohérente, qui est celle d'apprécier avec le gouvernement afghan quelles doivent être les priorités.
ERIC REVEL
Mais c'est un peu en contradiction avec ce que vous venez de dire...
HERVE MORIN
Non !...
ERIC REVEL
...vous dites : l'Afghanistan a besoin de formateurs. Si les Américains demandent à la France d'envoyer 1.500 soldats de plus, il ne s'agit pas de formateurs.
HERVE MORIN
...eh bien, les formateurs sont des militaires, hein, bon. Et dernier élément que je voudrais dire là-dessus, c'est que moi j'ai eu un regret : c'est de constater, sur ce sujet, que nous n'ayons pas eu une réponse commune des Européens. On a eu tous des coups de fil, alors chacun à son niveau - moi, de mon collègue américain, et tous mes collègues européens ont eu le même coup de fil, j'imagine, du moins pour les principaux pays. Eh bien, c'eût été, me semble-t-il, en termes d'expression de l'existence de l'Europe, de la position de l'Europe, c'eût été, me semble-t-il, intelligent que nous ayons une réflexion commune, et que cette réflexion européenne commune nous amène à une réponse commune. Ça n'a pas été le cas, puisqu'un certain nombre de pays ont déjà annoncé leurs renforts.
JEAN-MICHEL APHATIE
Jean-François COPE, président du groupe UMP, a déclaré tout à l'heure : « Il faut comprendre que maintenant en Afghanistan on est dans une guerre ; ce n'est pas simplement une intervention, bien sûr que ça s'appelle une guerre ». Il a raison ?
HERVE MORIN
Eh bien, ce sont des opérations de guerre, mais on n'est pas en guerre contre les Afghans - au contraire, on participe à la reconstruction...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une guerre ?
HERVE MORIN
...mais il y a des actions de guerre, c'est évident. Mais qui pourrait dire le contraire ?
JEAN-MICHEL APHATIE
On a du mal à appeler un chat un chat.
HERVE MORIN
Non, c'est parce que pour moi, ayant été professeur de droit constitutionnel, je rappelle que la guerre, ça correspond à un article de la constitution, qui est l'article 35, avec une déclaration de guerre, un état de guerre, et que ce n'est pas le cas. On est dans une opération de l'ONU.
JEAN-MICHEL APHATIE
Toujours là-dessus ? Etienne MOUGEOTTE.
ETIENNE MOUGEOTTE
Oui. On comprend très bien la douleur des familles qui ont perdu, qui un fils, qui un frère et qui un mari. Mais de là à porter plainte, quand il s'agit de militaires dont c'est le métier, de carrière, est-ce qu'il n'y a pas quelque chose là d'un peu étonnant, ces plaintes déposées ?
HERVE MORIN
Je suis allé à Vannes, jeudi dernier, pour la dissolution du Groupement tactique de Kapissa, donc de l'ensemble du bataillon français qui était en vallée de Kapissa, et comme je l'ai dit dans mon propos introductif, je suis allé trop souvent à Vannes, ces derniers mois, puisque plusieurs hommes du troisième RIMA sont morts durant ces six mois. Et je comprends très bien, je vis la douleur des familles, à chaque fois. Je comprends très bien l'injustice, l'incompréhension. Et je comprends très bien cette volonté de ce processus de deuil, en quelque sorte. Ce que je sais, c'est que la judiciarisation de l'armée, la judiciarisation des opérations militaires, c'est un risque majeur de paralysie de nos armées et de nos soldats. Et qu'en plus de ça, pour les militaires français, comme pour tous les militaires du monde, il n'y a aucun doute sur le sens de leur engagement : pour eux, le sens de leur engagement peut aller jusqu'à la mort au combat. Ils l'acceptent, c'est pour eux quelque chose de parfaitement intégré. Et donc, on ne peut pas simplement considérer qu'une opération militaire, un acte de guerre - pour reprendre l'expression de Jean-Michel APHATIE -, c'est un fait divers. Ce n'est pas vrai. Et jamais vous ne serez dans une situation où vous pourrez lever la totalité des incertitudes. CLAUSEWITZ parlait du « brouillard de la guerre », ou de l'incertitude des opérations militaires. On a beau prendre toutes les précautions possibles, mettre en place tous les moyens possibles, on ne fera jamais des opérations militaires, malheureusement, sans risques. Ça n'existe pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pensez que cette plainte va fragiliser le commandement militaire, que c'est un traumatisme vécu dans l'armée ?
HERVE MORIN
Dans les armées et chez les militaires, c'est, il faut le reconnaître, on ne comprend pas bien ce sens d'une action judiciaire. Ça c'est clair.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est mal vécu ?
HERVE MORIN
C'est qu'on ne le comprend pas bien.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je voudrais juste poser une dernière question à ce sujet. Un débat sur l'Afghanistan a été organisé au Sénat le 16 novembre, vous y avez participé, bien sûr. On a noté que dans l'hémicycle il y avait à peu près 20 sénateurs - ils sont 343...
HERVE MORIN
Il y a un débat à l'Assemblée cette semaine...
JEAN-MICHEL APHATIE
...le 16, effectivement. Est-ce choquant de constater que si peu de parlementaires se mobilisent pour un tel débat, Hervé MORIN ?
HERVE MORIN
Eh bien, on a eu un débat où malheureusement il n'y avait pas beaucoup plus de monde, c'est lorsqu'il y a eu la décision d'engagement des militaires en Afghanistan - puisque vous vous souvenez que maintenant c'est soumis au vote. Et que globalement, ça revient toujours à cette question. Moi je connais très bien le Parlement, parce que j'y suis depuis 1987, comme administrateur d'abord, puis comme parlementaire. Et on a transféré beaucoup de pouvoirs aux parlementaires. Et je pense qu'il faut que les parlementaires utilisent plus leurs pouvoirs qu'ils ne les utilisent. On parlait de la dépense publique tout à l'heure. Les rapporteurs spéciaux des commissions des finances ont plus de pouvoir, ont autant de pouvoir que les membres de la Cour des Comptes ; ils ont un contrôle sur pièces et sur place, ils peuvent se faire ouvrir tous les placards qu'ils veulent, ils peuvent contrôler tout ce qu'ils veulent. Eh bien, il faut que les parlementaires utilisent totalement leurs pouvoirs, pour faire en sorte qu'ils puissent mettre en oeuvre cette mission majeure d'un Parlement dans une démocratie, qu'est la fonction de contrôle.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je suis désolé d'insister, parce que ma question ce n'est pas seulement le pouvoir. Un débat est organisé en séance plénière sur l'Afghanistan, l'armée française s'y trouve, des soldats français y meurent, et 95 % des sénateurs ne sont pas là pour en débattre, pour écouter ceux qui en débattent. Et ma question c'était : est-ce que ça vous a choqué ?
HERVE MORIN
Je connais le Parlement depuis longtemps, donc je sais quelles sont les pratiques. Mais il y avait...
JEAN-MICHEL APHATIE
Elles vous choquent, ces pratiques ?
HERVE MORIN
...non, parce qu'on ne peut pas demander aux parlementaires d'être présents à tous les débats, sur tous les sujets. Il y a des spécialistes sur les sujets...
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, pas à tous les débats, mais à celui-là ?
HERVE MORIN
...c'est bien que les membres de la commission de la Défense et des Affaires étrangères étaient là, ils ont participé. Bon, très bien, voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand même, quand on est citoyen, c'est tout à fait choquant de constater ça.
HERVE MORIN
C'est ainsi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un ministre ne peut pas le dire ? Il est tenu par une solidarité quelconque ?
HERVE MORIN
Non, je le dis ! Je le dis, je le dis, mais... je dis qu'il faut aussi avoir conscience qu'on ne peut pas demander aux parlementaires d'être sept jours sur sept sur des débats divers et variés. Ils ont des compétences, ils ont des spécialisations, il est donc logique aussi qu'on ait une présence au Parlement en fonction des sujets.
JEAN-MICHEL APHATIE
On ne peut pas faire de débats, alors ! Le débat à l'Assemblée nationale n'est pas nécessaire, alors ?
HERVE MORIN
Les parlementaires de chaque groupe politique représentent l'expression des groupes. Il ne faut jamais oublier qu'avant l'arrivée dans le Parlement, dans l'hémicycle, il y a des débats au sein des groupes, et que les parlementaires qui représentent ces groupes politiques sont là pour exprimer la position de tous les parlementaires de leur groupe. Il faut aussi accepter cette idée du mandat.
ETIENNE MOUGEOTTE
C'est simplement que le travail parlementaire pourrait probablement être organisé différemment !
HERVE MORIN
Peut-être aussi.
(...) Rires
JEAN-MICHEL APHATIE
Eric REVEL ?
ERIC REVEL
Peut-être ouvrir une page un peu industrielle, qui intéresse à la fois la Défense et l'économie française. On était partis avec tambours et trompettes au Brésil, pour la vente - la première, qui serait la première - du Rafale à l'exportation, avec des transferts de technologies à la clé. Hervé MORIN, on a l'impression que le dossier tarde à sortir ? Est-ce que vous avez des nouvelles sur ce contrat brésilien, qui sera donc la première vente du Rafale à l'exportation ?
HERVE MORIN
Permettez-moi de vous dire que si j'en avais, je ne vous le dirais pas, d'abord ! Parce que ça a besoin de confidentialité, c'est sujets-là. La concurrence est sévère, elle est rude...
ERIC REVEL
Mais le dossier avance ? Il prend du retard ?
HERVE MORIN
...non, on a une relation de confiance, c'est un dialogue extrêmement profond que nous avons avec les Brésiliens, sur tous les sujets, pas uniquement sur les questions de défense : sur les questions d'environnement, sur les questions de programmes de recherche sur la biodiversité, ensemble, dans la forêt amazonienne. Bref...
ERIC REVEL
Mais ça achoppe pour l'instant sur la qualité des concurrents du Rafale, ou bien par exemple... ?
HERVE MORIN
...et donc, nous avons des relations de confiance et un dialogue extrêmement loyal et sincère avec les Brésiliens. Les Brésiliens sont en train de se doter d'un système d'armes qui va être le leur pour 30 à 40 ans ; et donc il est logique qu'ils prennent le temps de la réflexion, de l'analyse. Parce que, acheter un avion de combat, ce n'est pas comme acheter une voiture...
ERIC REVEL
Le président LULA a dit : début 2010...
HERVE MORIN
...ce n'est pas comme acheter une voiture...
ERIC REVEL
...mais est-ce qu'on est toujours aussi bien parti qu'on était il y a trois mois, ou quatre mois, lorsque le président SARKOZY était au Brésil ?
HERVE MORIN
...nous n'avons aucun indice nous permettant de nous dire que les choses vont moins bien. Ce que je veux dire, c'est qu'un système d'armes comme le Rafale, c'est une discussion extrêmement complexe, qui intègre beaucoup d'industriels, qui intègre des transferts de technologies, qui intègre des « offsets », c'est-à-dire des achats faits par la France à l'économie brésilienne ; cela intègre la problématique de la maintenance des systèmes d'armes. Bref, c'est une discussion extrêmement lourde et longue. Et donc, ça ne peut pas se faire en quelques mois. Je prends l'exemple des sous-marins que nous leur avons vendus : il nous a fallu neuf mois entre leur décision et le moment où on a signé. Mais...
JEAN-MICHEL APHATIE
Confirmez-vous que...
HERVE MORIN
...j'en profite pour dire une chose : le gouvernement français, sous la houlette du président de la République, a fait un effort colossal pour faire en sorte que ce fleuron industriel que représente l'industrie de l'armement français, soit soutenu politiquement. Eh bien, ça porte ses fruits. On vendait 5,5 milliards à peu près à l'export chaque année ; nous avons passé 6,5 milliards en 2008, et nous allons être à plus de 7 milliards en 2009. Et donc, la France retrouve sa place dans un secteur où elle a une des meilleures industries du monde, et qui emploie la bagatelle de 250.000 personnes. Donc, on se bat pour faire en sorte que les salariés français et les technologies françaises qui sont derrière tout ça, qui ont souvent des applications duales, c'est-à-dire dans le domaine civil, eh bien, que cette industrie-là puisse continuer à se développer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Confirmez-vous que pour remporter le marché brésilien, le constructeur du Rafale propose une réduction de 40 % des prix ?
HERVE MORIN
Ecoutez, ces chiffres étaient farfelus.
JEAN-MICHEL APHATIE
Farfelus ?
HERVE MORIN
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, c'est dit. Etienne ?
ETIENNE MOUGEOTTE
L'A400M, c'est-à-dire l'AIRBUS de transport militaire, a volé pour la première fois vendredi. Il a à peu près trois ans de retard, et il aura, au bas mot, 5 milliards d'euros de surcoût. Qui va payer ? Le directeur général d'AIRBUS disait, dans LA TRIBUNE, vendredi : « Il faut que les Etats acceptent une hausse de l'A400M ». Alors, allons-nous payer ?
HERVE MORIN
Peut-être, pour les auditeurs, parce que tout le monde ne suit pas forcément les programmes militaires aussi bien que vous, Etienne MOUGEOTTE ! L'A400 M, c'est un avion de transport tactique et stratégique, permettant d'envoyer des troupes, des équipements militaires, sur les théâtres. Il a cette vertu d'être à la fois... de pouvoir se poser sur une piste en latérite, très sommaire, comme nos Transall, et en même temps, de faire des très longs vols pour transporter de très gros volumes...
ETIENNE MOUGEOTTE
Ce n'est pas un avion à réaction !
HERVE MORIN
...ce n'est pas un avion à réaction... c'est un avion où on y a mis des sauts technologiques absolument colossaux. Et comme tous les programmes d'armement, ils connaissent des surcoûts et des retards. Il n'y en a pas un qui ne déroge à la règle. A partir de là, les Européens sont devant cette situation simple : il y a en effet autour de 5 milliards d'euros de surcoût sur ce programme, nous sommes sept pays, nous avons là un programme qui permet d'équiper les armées, et qui en plus sera un programme qui sera un succès - j'en suis convaincu - énorme à l'exportation, parce qu'il n'y a pas meilleur produit, il n'y a pas produit équivalent dans le monde aujourd'hui. Et donc, il faut qu'il y ait un dialogue entre EADS et les Etats. Vous savez, j'ai tout fait pour sauver ce programme, tout, tout. Les Anglais voulaient partir, je les ai rattrapés. Les Allemands étaient parfois... doutaient, on a fait en sorte de rester ensemble. Alors aujourd'hui, il faut qu'on trouve avant la fin du mois de janvier une solution qui nous permettent que les Etats prennent une part du fardeau, comme on le fait sur tous les programmes d'armement à chaque fois qu'il y a des surcoûts, et qu'en même temps, EADS fasse un effort.
ERIC REVEL
Mais, Hervé MORIN, sur ce programme, vous dites : il faut trouver 5 milliards d'euros, il y a sept pays européens effectivement membres de ce programme de l'A400M. Mais vu le niveau des finances publiques aujourd'hui, confrontées à la crise économique, est-ce que vous êtes certain que les Etats seront dans la capacité de remettre la main à la poche pour financer un tel programme ? Car c'est bien cette question qui se pose. Quand on vous dit que certains Etats sont potentiellement en défaillance financière... Est-ce que vous êtes certain que les Etats trouveront les 5 milliards d'euros ?
HERVE MORIN
Ce n'est pas 5 milliards à mettre sur la table tout de suite, hein. Il faut bien avoir en tête qu'un problème d'armement, c'est un problème qui dure sur vingt ans. Donc ce sont des échéances annuelles qui ne sont pas aussi colossales que cela. Non mais, il faut l'intégrer. C'est que nous, dans notre loi de programmation militaire, nous avons déjà intégré un certain nombre de surcoûts ; il nous faudra peut-être probablement revoir un certain nombre d'éléments, mais je veux dire, c'est jusqu'en 2020...
ERIC REVEL
Donc c'était une question de volonté politique, pas de finances, pour vous ?
HERVE MORIN
Il serait terrible que les Européens abandonnent le plus grand programme d'armement européen aujourd'hui en cours en Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE
La France souhaite vendre un bâtiment de projection et de commandement à la Russie, le Mistral. Ça inquiète beaucoup la Géorgie. Et même, voyez, par exemple il y a une tribune d'André GLUCKSMAN dans LE MONDE, il y a dix jours de cela, qui disait : vendre le Mistral aux Russes c'est prendre beaucoup de risques, et le risque de voir les Russes utiliser plus tard un bâtiment que nous leur avons vendu pour annexer la Géorgie. Que leur répondez-vous, Hervé MORIN ?
HERVE MORIN
On ne peut pas avoir deux discours à l'égard de la Russie. On ne peut pas avoir le discours qui consiste à considérer que nous voulons construire sur le continent européen une aire de stabilité, de sécurité et de paix, que les Russes sont des partenaires, que nous devons discuter de la transformation de l'OTAN, de la défense anti-missiles avec les Russes, et que la Russie est aujourd'hui certes une démocratie imparfaite - c'est vrai -, mais est sur le chemin de normalisation comme nous pouvons l'avoir chez nous, et en même temps avoir des oeillères et un regard qui soit celui de considérer la Russie comme si c'était l'Union Soviétique d'avant 1989. Le Mur de Berlin est tombé, et on ne peut pas à la fois avoir ce discours de tendre la main aux Russes, et en même temps de considérer qu'ils sont une menace pour la sécurité. Moi je pense qu'il faut créer les conditions d'un dialogue. Moi je le constate à chaque fois que j'ai des relations, des discussions avec mon homologue russe. J'étais encore en Russie, il y a trois semaines, avec Bernard KOUCHNER, on a rencontré le président METVEDEF. Eh bien, il faut qu'on sorte de cette période où nous, d'un côté, nous continuons à avoir une lecture de la Russie comme si l'Union Soviétique n'était pas morte ; et il faut que les Russes aussi acceptent l'idée d'engager les conditions d'un dialogue avec l'ensemble des démocraties occidentales.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous avez la certitude, ou la garantie, que ce matériel que vous allez vendre aux Russes ne sera pas utilisé par exemple contre la Géorgie ?
HERVE MORIN
J'ajoute que nous avons eu des éclaircissements du président METVEDEF sur ce sujet. Et j'ajoute, enfin, qu'il n'y a pas besoin seulement de BPC pour que les Russes éventuellement envahissent la Géorgie - ils nous l'ont montré.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais là ce serait plus facile.
HERVE MORIN
Dernier élément : j'ajoute que nous faisons le bateau en France, en France, et que le système d'armes est un système d'armes russe. J'ajoute enfin, pour que vous soyez parfaitement informés, c'est que c'est une discussion dans laquelle nous sommes en concurrence avec les Espagnols et les Pays-Bas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Etienne MOUGEOTTE.
ETIENNE MOUGEOTTE
Je vais revenir un tout petit peu au Nouveau Centre, pour vous être agréable !
(...) Rires
HERVE MORIN
Vous savez, je suis passionné de ma fonction de ministre de la Défense !
ETIENNE MOUGEOTTE
Vous avez accueilli ce week-end Anne-Marie IDRAC et Hervé de CHARETTE, et Hervé de CHARETTE est arrivé avec dans la poche le drapeau de l'UDF. Est-ce que vous croyez vraiment que c'est un signe de modernité pour le Nouveau Centre de récupérer un signe, certes prestigieux, mais qui a 30 ans, et qui ne représente pas forcément l'avenir ?
HERVE MORIN
Ecoutez, moi je trouve que c'est assez curieux. J'ai les déclarations de Jean-François COPE, qui étaient du même style que celle-là, en disant...
ETIENNE MOUGEOTTE
Moi je sais ce que je pense...
HERVE MORIN
...non mais, j'entends bien ! Mais, en même temps, ça va me permettre de lui répondre. Ce que nous voulons, par cela, c'est indiquer qu'avec nos racines, nous voulons construire la société que j'ai essayé de vous décrire tout à l'heure...
JEAN-MICHEL APHATIE
Société apaisée.
HERVE MORIN
...entre autres - on peut aborder d'autres sujets. Je veux que mon parti politique incarne un humanisme moderne. Et l'UDF, permettez-moi de le dire, a incarné cette modernité...
ETIENNE MOUGEOTTE
A incarné, oui !
HERVE MORIN
...a incarné cette modernité...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes nostalgique !
HERVE MORIN
...non, ce n'est pas une nostalgie ! C'est simplement de rappeler...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'était dans les années 70...
HERVE MORIN
...c'est simplement indiquer quelles sont nos racines, pour construire un projet futur. Ce n'est pas la même chose que simplement d'être dans la nostalgie ! C'est de rappeler d'où nous venons, ce qu'est le Nouveau Centre, ce que nous portons comme courant de pensée. Permettez-moi de vous dire...
ERIC REVEL
Mais on peut peut-être mettre les pieds dans le plat, Hervé MORIN...
HERVE MORIN
...non, non, non, je veux finir là-dessus. Je me permets de vous dire une chose, c'est que sur un certain nombre de sujets, l'UDF de l'époque s'était affrontée violemment au RPR, sur des sujets comme par exemple la loi sur l'IVG, comme par exemple le remboursement de la contraception par la sécurité sociale. Je rappelle que la modernité de l'UDF, c'était de faire en sorte qu'on intègre le divorce par consentement mutuel, qu'on crée la loi sur le handicap... cela montre ce que nous voulons porter, parce qu'il y a d'autres sujets de modernité aujourd'hui que nous pouvons porter, comme Valéry GISCARD d'ESTAING, en contradiction avec une partie de son opinion, a su porter des sujets qui étaient vécus comme des transgressions à l'époque ; comme d'ailleurs Nicolas SARKOZY, régulièrement, porte des transgressions par rapport à l'électorat de droite conservateur. Voilà.
ERIC REVEL
Mais est-ce que ce n'est pas tout bonnement du marketing politique ? Parce que quand vous faites des sondages autour de la marque Nouveau Centre, vous vous apercevez que, quoi, il y a 35 % des Français qui savent ce que c'est...
HERVE MORIN
Il y en aura beaucoup plus...
ERIC REVEL
...attendez, il y a 35 % des Français qui savent ce que c'est ! L'occasion est trop belle ! L'UDF ça veut dire...
HERVE MORIN
Ecoutez...
ERIC REVEL
...est-ce qu'en fait ce n'est pas une opération de marketing politique, récupérer le sigle UDF tout simplement, alors que vous voyez bien que le Nouveau Centre, la marque, pardonnez-moi, ne prend pas ?
HERVE MORIN
...mais ce n'est pas que la marque ne prend pas, je suis désolé de vous le dire ! Nous avons réalisé...
ERIC REVEL
35 %, vous êtes d'accord avec le chiffre ?
HERVE MORIN
...vous savez que nous l'avons créée il y a deux ans, cette formation politique ? Aujourd'hui on a quand même la bagatelle de 13.000 militants, 2.000 élus locaux, et donc... et un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, présidé par François SAUVADET, bientôt un au Sénat...
ERIC REVEL
Mais vous réfléchissez à changer le nom du Nouveau Centre ? Vous réfléchissez bien ?
HERVE MORIN
...l'Union pour la Démocratie Française... je me permets de vous rappeler, Eric REVEL, en 2007 elle avait encore un candidat à l'élection présidentielle, et il a fait 10 millions de voix.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, c'était François BAYROU.
HERVE MORIN
D'accord, mais il portait le message de l'UDF. Très bien ! Il portait ce message de l'UDF, sur bien des sujets. Et il les a abandonnés depuis. Bon, très bien, c'est son droit. Mais, ce n'est pas si vieux que ça.
ERIC REVEL
Et si vous ne récupérez pas l'UDF, vous changerez quand même le nom du Nouveau Centre ?
HERVE MORIN
Eh bien...
ERIC REVEL
Vous travaillez dessus, oui ?
HERVE MORIN
...oui, on y réfléchira. On va voir, on va voir. Je vais de toute façon engager un débat avec les militants sur cette question. Ce débat va se dérouler pendant le premier trimestre, et après les élections régionales, nous nous déciderons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'avez pas répondu à ma question du début, là, parce que... est-ce que, par sa manière d'être et de gouverner, Nicolas SARKOZY ne contribue pas à apaiser la société française ?
HERVE MORIN
Décidément ! Je pense que depuis des années et des années la société française ne sait plus trouver les voies de l'apaisement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc elle ne les a pas trouvées ces deux dernières années ?
HERVE MORIN
Non, mais pourquoi voulez-vous m'opposer forcément à Nicolas SARKOZY ?...
JEAN-MICHEL APHATIE
Je veux comprendre ce que vous dites. Est-ce que Nicolas SARKOZY apaise ou pas la société française ?
HERVE MORIN
Nicolas SARKOZY transforme la société française en profondeur, et nous, nous porterons dans la majorité l'idée de l'apaisement, voilà.
ETIENNE MOUGEOTTE
Je vais poser la question autrement : est-ce qu'on peut réformer en apaisant ? Est-ce qu'apaiser ce n'est pas inévitablement ne rien faire ? On est formidablement apaisé quand on fait la sieste !
HERVE MORIN
Moi je pense, au contraire, qu'on peut mener des réformes en profondeur parce qu'on a su créer les conditions du dialogue et de la réconciliation, de l'unité. Le chemin qui vous dit où vous allez, et qui rassemble un maximum de personnes. Je pense que c'est exactement l'inverse.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dernière question, Hervé MORIN : qu'est-ce que vous avez pensé du clip des Jeunes UMP où on voit vos collègues du gouvernement... ne pas chanter, mais remuer les lèvres ?
(...) Rires
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce que vous en avez pensé ?
HERVE MORIN
Je ne sais pas si je me serais prêté à cet exercice-là !
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous les trouvez ridicules, vos collègues ?
HERVE MORIN
Non, mais bon, je pense que... voilà, on fait de la politique, on ne chante pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Même pas « La Marseillaise » ?
HERVE MORIN
Ah ben si, oui, très bien !
JEAN-MICHEL APHATIE
« Le grand jury » d'Hervé MORIN est terminé ! Donc regardez ce clip des Jeunes UMP sur internet, et vous verrez de quoi il veut parler ! Et on se retrouve dimanche prochain, même lieu, même heure. Bonsoir !
Source http://nouveaucentre.fr, le 22 décembre 2009