Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les grandes orientations de la politique économique et sur les relations bilatérales entre la France et la Chine, à Pékin le 22 décembre 2009.

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Circonstance : Allocution faite devant la communauté française de Pékin le 22 décembre 2009

Texte intégral

Mes chers compatriotes,
Je voulais à l'issue de cette visite à Pékin venir vous remercier, venir vous rendre hommage, à vous qui êtes l'image de la France en Chine, à vous qui êtes les combattants pacifiques de la mondialisation. Je suis venu comme vous le voyez avec une importante délégation, madame Lagarde, le ministre de l'Economie et des Finances, monsieur Woerth, le ministre du Budget ; monsieur Mitterrand, le ministre de la Culture ; monsieur Bussereau, le ministre des Transports ; ainsi qu'une très importante délégation de parlementaires, vous me permettrez de citer ceux qui la conduisent : monsieur Herbillon, qui est le président du groupe d'amitié France-Chine à l'Assemblée nationale, et le sénateur Besson qui est son homologue au Sénat.
A vous qui vivez dans l'un des pays les plus dynamiques au monde, je veux d'abord vous dire que la France, que vous représentez, est aussi un pays en mouvement. Et je voudrais vous en donner quelques nouvelles.
Sous l'impulsion du président de la République, depuis deux ans et demi, nous avons engagé un important travail de réformes de fond, qui a un seul objectif : nous voulons renforcer la place de notre pays dans la compétition internationale. Et ce n'est pas à vous que j'expliquerai combien cette compétition est dure, combien elle est âpre, et combien elle demande d'être sans cesse en mouvement et inventive.
La France doit moderniser son modèle social, son modèle économique, et c'est cet objectif que nous poursuivons. On peut, pour schématiser les choses, dire que la première année du quinquennat du président de la République, ça a été l'année de la libération des énergies.
Nous avons essayé de gommer les effets de la contrainte des 35 heures, en défiscalisant les heures supplémentaires. Nous avons mis en place un bouclier fiscal pour ramener la fiscalité dans notre pays dans la moyenne des autres pays européens. Car comment conduire cette compétition si l'on met sur nos compatriotes des charges et des contraintes qui n'existent pas sur celles des voisins de la France et des concurrents de notre pays. Nous avons réformé nos universités, nous avons cherché en permanence, avec l'appui du Parlement, à moderniser notre pays.
La deuxième année, ça a été l'année de la résistance à la crise. Naturellement, nous ne l'avions pas vue venir, nous ne l'avions pas prévue, mais nous avons cherché à y répondre en continuant l'effort de réformes de notre pays.
Nous avons été parmi les premiers pays au monde à mettre en place un dispositif de sécurisation de notre système financier, qui a fonctionné, et qui a d'ailleurs tellement bien fonctionné que, aujourd'hui, la plupart des avances que nous avions faites aux banques nous ont été remboursées, et elles nous l'ont été avec les intérêts, ce qui pour le moment nous a permis dans cette affaire de gagner de l'argent tout en sécurisant notre système financier.
Nous avons mis en place un plan de relance qui a représenté un peu plus de 2 % de notre PIB et qui a été presque en totalité consommé.
Le résultat de cette action, c'est qu'en 2009 la France aura connu une récession deux fois moins importante que celle de la moyenne des pays de la zone euro, et en particulier que celle de notre voisin allemand. Et en 2010, pour le moment, on nous prévoit une croissance supérieure à 1 %, c'est-à-dire, supérieure environ de moitié à celle de la zone euro. Nous avons été le pays qui a le mieux résisté à la récession en 2009.
Alors la troisième année, ce devra être l'année de la reprise compétitive.
Et pour gagner la bataille de la croissance et de la compétition internationale, nous avons décidé au-delà de la poursuite de notre effort de réformes, des engagements qui ont été pris par le président de la République devant les Français, à l'occasion de l'élection présidentielle, nous avons décidé de faire un effort supplémentaire sur les investissements d'avenir pour mieux préparer notre pays à la compétition internationale. Au fond, il y a une quarantaine d'années, quand le général de Gaulle puis Georges Pompidou ont décidé du programme électronucléaire français, ou qu'ils ont décidé de lancer le TGV, ou qu'ils ont décidé de lancer avec l'Allemagne le programme Airbus, ils ne l'ont pas fait parce que le marché le réclamait, ils l'ont fait parce qu'à un moment donné, ils ont eu la volonté politique de doter notre pays d'instruments, d'outils industriels, d'outils en matière énergétique, dont nous profitons encore aujourd'hui, et qui sont une des sources de prospérité en France et en Europe.
Nous pensons que le moment est venu de faire la même chose. C'est l'objectif du plan d'investissement d'avenir que nous venons d'annoncer, un plan de 35 milliards d'euros dont l'essentiel va aller à l'université et à la recherche. Parce que, non seulement nous avons donné l'autonomie aux universités françaises, qui en avaient bien besoin, et aujourd'hui, après près de six mois de conflit, 51 universités françaises ont fait le choix de l'autonomie. Et je pense qu'à la fin du quinquennat du président de la République, la totalité des universités françaises fonctionnera sous ce statut, qui est d'ailleurs le statut de la plupart des universités des pays occidentaux.
Et puis, nous allons mettre sur les universités et sur la recherche des crédits considérables pour permettre à notre université de se développer, pour faire émerger une dizaine de grands campus de niveaux internationaux. Et d'ailleurs, nous voulons avoir le plus grand campus européen sur le plateau de Saclay, où nous allons concentrer une grande partie de la capacité de formation et de la capacité de recherche présentes dans la région parisienne.
Parallèlement, nous avons décidé de miser à fond sur l'entreprise et sur la compétitivité des entreprises françaises. Au 1er janvier prochain, la taxe professionnelle, cet impôt que seule la France connaissait et qui frappait les investissements des entreprises françaises, sera supprimée. Nous avons mis en place un dispositif de soutien à la recherche privée à travers le crédit impôt-recherche qui fait de la France le pays le plus attractif des pays de l'OCDE, s'agissant du soutien à la recherche et à l'innovation. Et puis, nous allons investir sur les secteurs d'avenir que sont le numérique, et naturellement sur le développement durable à travers le soutien aux énergies renouvelables, aux énergies décarbonées, mais aussi, et c'est une spécificité française à laquelle nous tenons, à travers le développement de la quatrième génération de réacteurs nucléaires.
Nous nous réformons en interne, mais nous voulons aussi que l'Europe et les institutions internationales se réforment. Et d'une certaine façon, nous avons pris la tête de ce combat. D'abord pour faire en sorte que l'Europe soit plus efficace. Depuis le référendum de mai 2005 et le rejet de la Constitution européenne, l'Europe était en panne. C'était une très mauvaise passe, c'était une très mauvaise passe pour l'ensemble du continent européen.
Désormais, cette mauvaise passe est derrière nous.
Il y a trois semaines, l'Union européenne a adopté le Traité de Lisbonne. Les 27 ont désormais des institutions, avec un président élu pour deux ans et demi, avec un responsable de la politique étrangère. Il faut maintenant que cette Europe, qui est en état de marche sur le plan institutionnel, se dote d'une véritable politique. D'une véritable politique économique, d'une véritable politique industrielle et d'une politique de la concurrence dont l'objectif ne soit pas d'empêcher les entreprises européennes de constituer des champions européens pour aller se battre sur les marchés internationaux, mais soit au contraire d'aider les entreprises européennes dans leur combat, dans la mondialisation.
Enfin, nous avons pris la tête, d'une certaine façon, d'un combat pour changer les institutions internationales. Beaucoup de mes interlocuteurs, tout au long de ce séjour, m'ont parlé du général de Gaulle, et de la décision historique qu'il avait prise il y a 45 ans de reconnaître la Chine populaire.
En les écoutant, je me disais, au fond, nous sommes dans une période qui n'est pas si différente de celle où le général de Gaulle avait pris cette décision. Je veux dire par là que nous sommes dans une période où le monde change complètement, et où il faut savoir adapter notre organisation à ces changements.
Or nous continuons, jusqu'à ces derniers mois, à vouloir conduire les affaires du monde avec des institutions héritées de la Seconde Guerre mondiale. Des institutions qui ne faisaient pas de place à la Chine, ou si peu. Des institutions qui ne faisaient de place à l'Inde, au Brésil ; qui ignoraient totalement l'Afrique. Des institutions qui n'avaient pas pris en compte les grands défis du XXIe siècle.
La France se bat pour que ces institutions changent. Nous avons déjà transformé, d'une certaine façon, le G8 en G20. Nous allons continuer ce combat. Nous nous sommes battus dans le cadre de la Conférence de Copenhague pour que soit créé une instance internationale chargée de l'environnement.
Pour le moment, nous n'avons pas réussi à obtenir gain de cause mais nous allons continuer ce combat, parce qu'au fond, c'est la vocation de notre pays qui, de cette façon, ne poursuit pas des objectifs égoïstes, mais qui veut simplement aider le monde à s'adapter aux défis du XXIe siècle.
Et puisque je parle de la conférence de Copenhague, je veux dire que, naturellement, nous aurions souhaité que l'accord de Copenhague soit plus ambitieux, mais aujourd'hui, nous sommes surtout satisfaits qu'il y ait un accord. Car s'il n'y avait pas eu d'accord, cela aurait voulu dire que l'ensemble des grands pays auraient repris leur liberté et auraient pu faire, chacun de leur côté, ce qu'ils entendaient.
Aujourd'hui, il y a un accord et sur les bases de cet accord, nous allons continuer à nous battre pour améliorer la situation. Tous les pays, y compris la Chine, ont pris un engagement. Cet engagement, c'est de mettre en oeuvre tous les moyens pour faire en sorte que l'augmentation de la température à l'horizon 2050 ne soit pas supérieure à deux degrés en moyenne. C'est un engagement qui contraint tous les pays qui l'ont signé. Et il faut maintenant que chacun mette en avant les moyens pour y parvenir. Ces moyens, ils sont liés, naturellement à des changements de comportement, mais ma conviction, c'est qu'ils sont surtout liés à des progrès scientifiques, à des progrès techniques. Il faut que tous les grands pays développés, nous mettions en commun nos efforts, nos moyens, nos financements pour chercher et trouver les solutions qui nous permettrons de faire face à cet immense défi des évolutions du climat.
Et puis, naturellement, je veux vous dire un mot de la visite que je viens d'effectuer à Pékin.
Le président de la République après sa rencontre avec le président HU Jintao à Londres, au printemps 2009, m'avait, au fond, chargé d'une mission : remettre les relations franco-chinoises sur les rails. Je pense que nous y sommes parvenus et les résultats de cette visite l'attestent.
Cela a d'abord été l'occasion pour les industriels très nombreux qui m'accompagnent de signer des accords industriels et commerciaux qui vont conforter la dynamique franco-chinoise, et qui s'inscrivent bien dans le partenariat durable dans le partenariat de confiance, qui existe entre la France et la Chine.
Je veux l'illustrer avec les accords qui ont été signés dans le domaine nucléaire. Cela fait 25 ans que la France et la Chine coopèrent dans ce domaine. Eh bien la Chine va construire deux EPR, deux réacteurs de nouvelles générations et nous avons signé un accord pour développer ensemble l'aval de la filière, c'est-à-dire retraiter les combustibles pour permettre une meilleure utilisation de l'uranium.
De la même façon, nous avons signé un accord historique s'agissant de la motorisation du futur avion chinois. Cet accord vient après la décision de construire une chaîne d'assemblage de l'A320, ou après, l'association de l'industrie chinoise au projet du futur Airbus A350. Nous ne sommes pas là simplement dans une relation commerciale classique, dans une relation de clients et de fournisseurs, nous sommes dans un vrai partenariat stratégique qui montre l'étendue de la confiance que la France a dans la Chine et que la Chine met dans la France.
Eh bien, mes chers compatriotes, pour faire vivre cette dynamique, nous avons besoin de vous.
Votre rôle est primordial. Dans une Chine qui brûle les étapes de la modernisation et du développement, nous avons besoin d'une communauté française entreprenante, d'une communauté française qui sache promouvoir la France dans sa modernité, qui sache promouvoir sa capacité technologique, ses valeurs et qui sache aussi accompagner la grande mutation chinoise.
Nos entreprises ont compris que pour être à la hauteur des enjeux, elles devaient envoyer ici leurs meilleurs cadres et leurs meilleurs agents.
Mieux que personne, vous savez ce que valent, dans cet immense pays en devenir, l'excellence technique et les compétences linguistiques. Vous êtes de plus en plus nombreux à intégrer ces données à votre projet professionnel.
Votre communauté ne cesse de prospérer ; 25.000 Français enregistrés, et sans doute plus de 30.000 dans la réalité, c'est le signe d'une vitalité qui ne trompe pas.
Mais je ne voudrais pas terminer sans évoquer les obstacles que vous devez chaque jour surmonter.
Il faut que vous sachiez que vous n'êtes pas seuls dans votre expatriation. Tout un dispositif est destiné à faciliter votre vie dans ce pays, et si possible, à l'améliorer encore.
Je voudrais évoquer quelques sujets concrets.
D'abord, celui du permis de conduire français, qui n'est pas reconnu en Chine.
Je veux vous dire que j'ai demandé officiellement aux autorités chinoises qu'elles autorisent l'échange de nos permis respectifs afin de faciliter votre vie quotidienne. J'espère que cette question recevra une réponse favorable. J'ai compris qu'en Chine, la réponse n'était jamais immédiate, qu'il fallait toujours attendre.
Ensuite, je voudrais vous parler du Lycée français international de Pékin.
Je voudrais vous remercier de la patience toute confucéenne dont vous avez fait preuve en vous disant qu'elle sera bientôt récompensée, puisqu'à la rentrée 2011, notre nouvel établissement scolaire sera opérationnel. Il rassemblera tous les niveaux du lycée français international de Pékin, de l'école élémentaire aux classes du lycée, qui étaient jusqu'à maintenant réparties sur trois sites différents.
Le futur lycée français sera situé au nord-est de la ville, dans le quartier de Chaoyang, à proximité d'autres grands établissements internationaux. Et je crois d'ores et déjà pouvoir dire que cet établissement sera exemplaire par ses qualités architecturales et naturellement environnementales.
Ensuite, je voulais vous dire que nous avons décidé, avec le président de la République et le Parlement de donner droit à une revendication très ancienne, qui étaient celle des Français vivant à l'étranger, s'agissant de leur représentation au Parlement.
Vous étiez jusqu'à maintenant représentés par douze sénateurs. C'était très bien, naturellement et je voudrais féliciter les sénateurs qui vous représentent. Mais enfin, l'ensemble des Français sont représentés par des sénateurs et par des députés. Eh bien, à partir des prochaines élections législatives, vous serez aussi représentés par des députés.
Cela fait trente ans que cette proposition était débattue. La réforme des institutions qui a été votée par le Parlement en juillet 2008, va permettre d'étendre votre représentation à l'Assemblée Nationale.
Et dès le prochain renouvellement, onze députés seront envoyés à l'Assemblée Nationale pour vous représenter, ce qui est, grosso modo, proportionnel au poids de votre communauté par rapport à l'ensemble de la population française.
Enfin, prochainement, une ordonnance va vous donner une faculté que n'ont pas vos compatriotes résidant en France, celle de voter par correspondance et par Internet lors des élections législatives de 2012. Nous voulons que vous soyez complètement associés à la vie de votre pays, quel que soit le lieu où vous vivez, vous êtes français, vous représentez ici la force de la France, sa culture. Eh bien il est normal que vous puissiez faire entendre votre voix auprès de votre Gouvernement et de votre Parlement.
Voilà, les chers compatriotes, ce que je voulais vous dire. Vous voyez, notre pays change, et, avec lui, l'image des Français évolue.
C'est à vous, les Français de Chine, d'écrire au quotidien l'histoire des Français de ce siècle, en montrant que nous savons incarner le dynamisme et l'esprit d'entreprise.
Je pense que nul ne doit s'y tromper, devant l'accélération de la mondialisation, le dialogue entre l'Occident et l'Orient ne fait en réalité que commencer.
Eh bien c'est à vous de porter les couleurs de la France en déployant tout l'éventail de vos talents à travers ce pays passionnant, dont je ne prends pas beaucoup de risque à dire qu'il sera l'un des principaux carrefours de notre avenir.
Source http://www.gouvernement.fr, le 28 décembre 2009