Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs,
Je suis particulièrement heureuse d'intervenir devant vous au terme des échanges fructueux qui se sont déroulés ce matin, et cela, pour au moins trois raisons :
- Parce que ce lieu historique du dialogue social, le Palais d'Iéna, s'est récemment ouvert aux questions environnementales, c'est une des suites du Grenelle de l'environnement et de la réforme constitutionnelle de l'été 2008. Je salue donc cette assemblée aux pouvoirs élargis ainsi que son président. J'éprouve toujours beaucoup de satisfaction à venir en ces lieux et la dernière fois que j'ai été accueillie dans cet hémicycle, c'était à l'occasion de la journée de l'a femme du 9 mars dernier dans le cadre de mes précédentes fonctions.
- Deuxièmement, parce que le thème de ce colloque articule concrètement deux dimensions du développement durable, la dimension sociale et la dimension environnementale, et c'est un chemin sur lequel nous devons progresser. Nous ne pourrons pas assurer les transitions vers une croissance verte et durable si les salariés et leurs représentants ne sont pas, au sens propre et fort du terme, parties prenantes de ce changement, c'est à dire déterminés et impliqués dans ces mutations.
- Enfin, parce que vos échanges traduisent l'évolution considérable qui s'est produite en quelques années: le document de l'ORSE qui a été présenté ce matin s'intitule en effet: la responsabilité sociale des entreprises : un levier de transformation du dialogue social. S'il y a eu une période de défiance des syndicats à l'égard de la RSE, elle est bien révolue. Je dois ajouter que les qualités des prestations et le sérieux du travail de l'ORSE n'est pas pour rien dans cette évolution. C'est d'ailleurs fort de cette réputation que l'ORSE avait été accueilli à mon secrétariat d'Etat il y a quelques mois, lorsque j'étais en charge du droit des femmes, pour présenter les résultats d'une action sur la place des femmes dans les entreprises.
La RSE, déclinaison du développement durable au niveau de l'entreprise, tentative de régulation des différentes attentes de la société, a bouleversé le cadre traditionnel du dialogue social. Les ONG, les riverains, les consommateurs, les actionnaires sont en effet autant de parties prenantes qui ont revendiqué leur place dans un dialogue devenu pluripartite. Mais aujourd'hui, la RSE, loin d'être une menace pour les organisations syndicales, notamment, devient, doit devenir, une opportunité et un levier du changement dans l'entreprise.
Je rappellerai à ce sujet le rôle des pouvoirs publics, les avancées du Grenelle et les perspectives ouvertes par les lois qui en découlent. Comme vous le savez, la loi Grenelle 2 sera débattue au Parlement dans quelques jours et il est donc important que vous soyez informés des perspectives qui s'ouvrent en matière de RSE.
Ce colloque a montré, grâce à des exemples concrets, qu'il ne peut y avoir de RSE sans un dialogue bien conduit avec les parties prenantes internes à l'entreprise. Les exemples dans l'automobile, l'énergie, les transports le montrent bien. Même si l'initiative du dirigeant est déterminante, il n'est pas de responsabilité durable de l'entreprise sans une implication des syndicats à tous les stades du processus. La RSE est l'intégration dans la stratégie interne de l'entreprise des objectifs de développement durable, et cette stratégie a besoin du dialogue social pour exister. Le dialogue pluripartite, avec les autres parties prenantes, notamment avec les ONG environnementales, essentielles aussi à la RSE, doit à mon sens prendre appui sur le dialogue social et fonctionner en synergie avec lui.
Je développerai deux points :
- d'abord un rappel des engagements du Grenelle en ce qui concerne le râle des institutions représentatives du personnel en matière d'environnement;
- ensuite un point d'actualité sur le bilan public relatif au reporting, que nous sommes sur le point de transmettre au parlement.
1/ Commençons par le rappel des engagements du Grenelle et des perspectives concrètes qu'ils ouvrent
Les tables rondes du Grenelle de l'environnement en 2007 ont abordé la question du rôle des comités d'entreprise et des CHSCT et elles ont envisagé l'évolution de leurs missions respectives concernant l'environnement et la santé publique.
Deux engagements du Grenelle intéressent particulièrement les partenaires sociaux. Ils recouvrent en particulier :
- l'évolution des missions confiées aux comités d'entreprises et aux Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT),
- la mise en place de procédures pour les alertes environnementales et de santé publique,
- la participation du comité d'entreprise aux débats sur le rapport annuel de développement durable.
En 2008, le comité opérationnel du Grenelle sur "entreprise et RSE"' qui a été créé après les tables rondes a retravaillé cette question. Il a souligné en particulier que les partenaires sociaux auraient à se prononcer sur ces sujets dans le cadre de la loi de modernisation du dialogue social.
Le Parlement a repris ces engagements du Grenelle, qui ont donc aujourd'hui force de loi. Je fais référence à l'article 53 de la loi Grenelle 1. Je souhaite que ces avancées se concrétisent rapidement. Le rôle des confédérations que vous représentez aujourd'hui sera déterminant.
Je soulignerai quelques sujets importants, tels qu'ils sont ressortis du Grenelle, et qui sont autant de chantiers ouverts :
- la question d'un cadre pour le dialogue social en matière de conditions de travail dans les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises (PME/TPE) ;
- la question de la formation au développement durable et à la RSE dans les TPE/PME ;
- la promotion du râle du CHSCT auprès des salariés afin de tendre vers un taux de couverture optimal pour les entreprises de plus de 50 salariés et réfléchir à une représentation du personnel dédiée à la santé et à la sécurité au travail dans les établissements de moins de 50 salariés.
Dans un contexte où les attentes sociales en la matière sont de plus en plus fortes, comme l'ont montré l'es travaux du Grenelle de l'environnement, les CHSCT devraient permettre une réelle implication de la représentation du personnel dans les problématiques de santé et de sécurité au travail.
Comment améliorer la formation des membres des CHSCT ? Comment faciliter l'exercice de leurs missions ? Faut-il envisager l'expertise sur d'autres domaines que ceux actuellement régis par la législation ?
Comment enfin identifier un mécanisme d'alerte quelle que soit la taille de l'entreprise et pour des risques majeurs, y compris dans les entreprises dépourvues de toute représentation du personnel ?
Voici les perspectives qui s'offrent à notre réflexion partagée.
2/ Venons-en à présent à la question du rapport sur le développement durable, rapport que l'on désigne sous le vocable de reporting.
A la demande du Parlement, le ministère en charge du développement durable, en lien avec les autres ministères concernés, a établi un bilan du dispositif juridique existant; je fais référence à la loi sur l'es nouvelles régulations économiques de 2001 (loi NRE) et à son décret d'application de 2002.
Ce bilan public de la loi NRE a été élaboré à partir des contributions reçues par le Commissariat Général au développement durable. Il est sur le point d'être transmis au Parlement et je souhaite vous en livrer les principales orientations.
Tout d'abord, le rapport met en évidence que le dispositif NRE a favorisé la mobilisation des sociétés cotées en faveur du développement durable.
Néanmoins ce dispositif, tel qu'il est appliqué, ne satisfait pas les parties prenantes des entreprises. Par exemple, le nombre d'entreprises qui répondent à la demande de la loi est jugé trop faible et la qualité des informations communiquées est trop variable pour permettre des comparaisons.
Le décret est vécu par les entreprises comme une liste d'indicateurs à respecter alors qu'il s'agit d'un cadre de communication pour orienter le contenu du rapport de gestion. Une clarification est souhaitée tant pour les entreprises visées et que pour la prise en compte de leurs filiales.
Ce bilan public du dispositif NRE confirme par conséquent la nécessité de mettre à disposition des acteurs un mode d'emploi dont la diffusion pourrait s'appuyer sur une plateforme Internet dédiée à la RSE. Cet outil, que je soutiens, doit permettre d'impliquer les entreprises et leurs parties prenantes (notamment les salariés et les investisseurs) dans un dialogue sur le développement durable. Le dispositif NRE constitue un levier pertinent pour généraliser la prise en compte du développement durable par les acteurs économiques à condition d'inscrire son extension dans une dynamique d'animation.
3/ Voyons maintenant ensemble quelles sont les perspectives.
Des évolutions du dispositif sont prévues dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement- loi Grenelle 2- évolutions que j'aurai l'honneur de présenter aux sénateurs d'ici quelques jours.
- L'extension du dispositif est prévue à l'article 83 du projet de loi. Son objectif est de généraliser les réflexions sur la responsabilité sociétale au sein des entreprises en impliquant l'es instances de gouvernance. Inclure des informations sociales et environnementales dans le rapport de gestion est un moyen privilégié pour susciter le débat et réfléchir à la contribution d'une entreprise au développement durable.
- Lors des discussions qui ont eu lieu au mois de juillet 2009 avec les membres de la Commission des affaires économiques du Sénat, le projet de loi a été modifié avec les implications suivantes :
- le décret devra tout d'abord prendre en compte les textes européens et internationaux ;
- il devra ensuite préciser les modalités de présentation du rapport afin de rendre possible les comparaisons entre les entreprises ;
- enfin, les informations devront être consolidées au niveau du groupe mais également donner des informations sur les filiales situées sur le territoire français.
Les modifications proposées par les sénateurs permettent ainsi, comme vous le voyez, de répondre positivement aux critiques relevées dans le bilan public de la loi NRE en redonnant une valeur plus stratégique au cadre français de reporting.
Le décret pourrait donc être modifié courant 2010 pour améliorer le processus de gestion et donner une nouvelle dynamique au bilan que font les entreprises en matière de développement durable. Ce bilan est en effet a coeur de la RSE et est un gage de transparence et de crédibilité pour elles.
Nous avons une ambition pour l'a RSE parce qu'elle est l'une des conditions de réussite de la politique de développement durable et au nom du Gouvernement, je voulais devant vous en témoigner publiquement.
Je vous remercie.
Source http://www.orse.org, le 5 janvier 2010