Texte intégral
Nous sommes réunis aujourd'hui pour poursuivre ensemble la réforme des services de santé au travail. Je veux tout d'abord saluer le travail considérable qui a été accompli jusqu'à présent avec les partenaires sociaux, sur la base du document d'orientation que leur a transmis le gouvernement en juillet 2008. A défaut d'accord, la négociation sur la modernisation des services de santé du travail a néanmoins permis une prise de conscience : il est indispensable aujourd'hui de faire évoluer les services de santé au travail afin de renforcer leur efficacité et de mieux protéger les travailleurs. Nous allons poursuivre sur cette lancée. Je m'étais engagé à présenter mes orientations au Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) et c'est ce que je fais devant vous aujourd'hui.
J'ai entendu dire ici ou là que nous voulions détruire la médecine du travail. Les propositions que je vous soumettrai dans un instant témoignent du contraire. Notre objectif commun, c'est bien de renforcer la diversité des compétences au sein des services de santé au travail et de créer de véritables équipes pluridisciplinaires de santé au travail. Depuis la création de la médecine du travail en 1946, les formes du travail se diversifient, de nouveaux risques apparaissent et nous devons sans cesse ajuster nos réponses.
L'affaire de l'amiante, les troubles musculo-squelettiques (TMS) et les risques psycho-sociaux, ainsi que l'augmentation des cancers d'origine professionnelle, tout nous démontre la nécessite de poursuivre la réforme globale qui a été engagée en 2004. C'est bien pour aller encore plus loin dans la prévention des risques professionnels et l'amélioration des conditions de travail que nous préparons le deuxième Plan santé au travail pour 2010-2104 en lien avec tous les acteurs concernés, au premier rang desquels le réseau des services de santé au travail.
Je ne saurais assez souligner l'importance de l'enjeu, non seulement pour les personnels de santé et les salariés, mais aussi pour notre société tout entière. Ma mission comme Ministre du Travail, c'est d'assurer à chacun des conditions de travail décentes, afin que le travail permette de valoriser des compétences sans altérer la santé.
C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à me rendre dans deux services de santé au travail, l'ACMS en Ile-de-France et l'AHI 33 en Gironde la semaine dernière, afin d'étudier sur le terrain leur fonctionnement et l'action de leurs différents acteurs. Je compte en effet m'appuyer sur les expériences intéressantes qui ont été mises en place dans des services de santé au travail pour mettre en place cette réforme.
Je pense à des choses très concrètes qui m'ont été présentées lors de mes visites avec les équipes de santé au travail et les représentants d'entreprises, comme par exemple un guide à destination des garages ou un carnet de suivi des intérimaires.
J'ai également pris en compte les préconisations de l'IGAS et du Comité économique et social européen (CESE), dont j'ai rencontré le rapporteur, Chrisitian Delacherie.
Permettez-moi de rappeler d'abord nos objectifs :
1.Faire des services de santé au travail un véritable réseau d'acteurs de la prévention en entreprise.
Les risques professionnels et les grands risques (TMS, CMR, psychosociaux) ont souvent des causes diverses. Je veux donc développer des équipes pluridisciplinaires de santé au travail, qui associent des spécialistes aux médecins du travail : des ergonomes, des ingénieurs, des toxicologues, des infirmières, des psychologues. C'est en intégrant des compétences nouvelles que les services de santé au travail pourront traiter ces risques dans toutes leurs dimensions et améliorer ainsi la prévention primaire.
2. Mieux couvrir l'ensemble des travailleurs
Je pense en particulier à certaines catégories peu ou mal couvertes, comme les intérimaires, les salariés du particulier employeur ou les saisonniers.
3. Tenir compte de la démographie médicale
Nous devons enrayer la baisse du nombre de médecins du travail. 51% des médecins du travail ont plus de 55 ans, 75% ont plus de 50 ans : cela rend la situation actuelle intenable. Nous devons donc engager des actions pour renouveler la ressource médicale disponible : cela passe par la formation initiale, la création de passerelles de spécialisation pour des généralistes et des mesures qui attirent davantage de futurs médecins vers cette spécialité.
Pour que nous atteignions ensemble ces objectifs, je vous propose que nous débattions sur les axes d'action que je vais vous soumettre dans un instant. Naturellement, dans ce processus de travail, nos échanges se poursuivront sur les projets d'article de lois ou de texte règlementaire proprement dits qui devront être pris en 2010.
Les axes d'action que je vous propose peuvent se résumer ainsi :
1. Il faut donner la priorité à l'action en milieu du travail, en engageant des actions de prévention collectives et en mettant l'accent sur l'exercice de la santé au travail dans le cadre pluridisciplinaire de l'équipe de santé au travail.
Les questions de santé au travail appellent des réponses de la part des services interentreprises qui doivent mobiliser des compétences diversifiées, comme je l'ai rappelé en vous exposant cet objectif.
Ces services pourront faire appel à des compétences tant internes qu'externes et, sur la base d'un vote du conseil d'administration à la majorité qualifiée des représentants des employeurs et des salariés, à des médecins de ville sur certaines missions.
2. Il convient de créer les conditions pour mieux assurer l'action en milieu de travail, par exemple en aménageant les postes de travail et en mettant en place la traçabilité des expositions.
Le dialogue entre médecins du travail et employeurs doit conduire chacune des parties à répondre aux demandes et préconisations de l'autre.
3. Il est nécessaire de favoriser le suivi médical de certaines catégories de salariés appelant des réponses spécifiques : ceux des entreprises sous-traitantes, les salariés intérimaires, les saisonniers, les salariés du particulier employeur.
Ce suivi pourrait être favorisé en instaurant des règles d'organisation plus souples. Je pense à la possibilité d'assurer un suivi optionnel par un service autonome ou interentreprises de santé au travail.
4. La fréquence des visites médicales doit être plus en lien avec les besoins réels des individus et mieux intégrée dans une politique de prévention globale.
Cette question a sans doute été la plus délicate de la négociation. Nous avons entendu les différents acteurs. La fréquence des visites médicales sera maintenue en principe à deux ans, quitte à ce qu'elle soit adaptée localement par conventions en fonction de la politique de prévention des risques. La visite médicale n'est en effet pas le seul mode de réponse en matière de prévention des risques. Mais rappelons cependant que tout salarié qui a besoin d'une visite médicale doit pouvoir en bénéficier, et faisons en sorte que ce droit soit pleinement effectif.
5. Il faut mieux prévenir la désinsertion professionnelle en cas d'inaptitude au travail, et pour cela favoriser l'anticipation et la concertation entre le médecin du travail, le médecin conseil de la caisse d'assurance maladie et le médecin traitant. Nous devons également nous appuyer sur la visite de pré-reprise.
6. Pour augmenter le nombre de médecins du travail, nous devons explorer plusieurs pistes, telles que favoriser l'attractivité et renforcer la professionnalisation des acteurs.
Dans ce but, avec mes collègues des ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, je vais confier une mission à des personnalités qualifiées (un professeur d'université spécialisé en médecine du travail, un membre du CESE et un médecin coordonnateur de services de santé a travail) qui nous feront des propositions concrètes sur la formation initiale et continue des professionnels de santé au travail.
7. Il faut mettre en place une gouvernance par objectifs des services de santé au travail.
Des instances comprenant les partenaires sociaux et les acteurs publics de la prévention, des instances paritaires au niveau national et régional permettront d'arrêter des schémas d'orientation de la santé au travail avec un schéma de couverture territoriale et des objectifs en matière de prévention de la santé au travail.
L'objectif sera aussi de disposer à terme de services regroupés pour dégager les moyens nécessaires à l'exercice de la pluridisciplinarité. J'encourage tous les acteurs au niveau régional, sous l'égide des DIRECCTE, à continuer d'anticiper ce mouvement qui nécessitera sur certains territoires des rapprochements de services.
Des conventions seront signées entre les services, l'Etat et l'assurance maladie sur la base d'objectifs quantitatifs et qualitatifs et de modalités d'intervention de chacun pour les atteindre. Les agréments de services seront délivrés dans ce cadre.
8. Il faut mettre les instances de direction des services de santé interentreprises en phase avec les acteurs économiques et sociaux.
Cela suppose de faire entrer les organisations professionnelles et syndicales dans les Conseils d'administration. Je propose la répartition suivante : 2/3 de représentants des entreprises et 1/3 de représentants des salariés, ce qui est nouveau et permet de mieux associer les salariés.
9. Enfin, il faut instaurer la transparence en matière de gestion financière des services de santé au travail, avec publication et certification des comptes.
Tels sont les axes d'action que je vous propose.
Ces axes feront l'objet de dispositions à la fois législatives et réglementaires. J'aurai bien entendu l'occasion de vous consulter à nouveau d'ici-là.
***
Mesdames et Messieurs,
Les différentes propositions que je vous soumets doivent nous permettre de construire ensemble le système de santé au travail efficace que nos concitoyens sont en droit d'attendre. Les Français veulent que nous redonnions du sens à la valeur travail qui est l'un des fondements de notre pacte social. Cette réforme engagée de longue date doit nous permettre d'y contribuer et je souhaite que nous la menions à bien dans la sérénité.
Je vous remercie.Source : http://www.travail-solidarite.gouv.fr 7 décembre 2009
J'ai entendu dire ici ou là que nous voulions détruire la médecine du travail. Les propositions que je vous soumettrai dans un instant témoignent du contraire. Notre objectif commun, c'est bien de renforcer la diversité des compétences au sein des services de santé au travail et de créer de véritables équipes pluridisciplinaires de santé au travail. Depuis la création de la médecine du travail en 1946, les formes du travail se diversifient, de nouveaux risques apparaissent et nous devons sans cesse ajuster nos réponses.
L'affaire de l'amiante, les troubles musculo-squelettiques (TMS) et les risques psycho-sociaux, ainsi que l'augmentation des cancers d'origine professionnelle, tout nous démontre la nécessite de poursuivre la réforme globale qui a été engagée en 2004. C'est bien pour aller encore plus loin dans la prévention des risques professionnels et l'amélioration des conditions de travail que nous préparons le deuxième Plan santé au travail pour 2010-2104 en lien avec tous les acteurs concernés, au premier rang desquels le réseau des services de santé au travail.
Je ne saurais assez souligner l'importance de l'enjeu, non seulement pour les personnels de santé et les salariés, mais aussi pour notre société tout entière. Ma mission comme Ministre du Travail, c'est d'assurer à chacun des conditions de travail décentes, afin que le travail permette de valoriser des compétences sans altérer la santé.
C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à me rendre dans deux services de santé au travail, l'ACMS en Ile-de-France et l'AHI 33 en Gironde la semaine dernière, afin d'étudier sur le terrain leur fonctionnement et l'action de leurs différents acteurs. Je compte en effet m'appuyer sur les expériences intéressantes qui ont été mises en place dans des services de santé au travail pour mettre en place cette réforme.
Je pense à des choses très concrètes qui m'ont été présentées lors de mes visites avec les équipes de santé au travail et les représentants d'entreprises, comme par exemple un guide à destination des garages ou un carnet de suivi des intérimaires.
J'ai également pris en compte les préconisations de l'IGAS et du Comité économique et social européen (CESE), dont j'ai rencontré le rapporteur, Chrisitian Delacherie.
Permettez-moi de rappeler d'abord nos objectifs :
1.Faire des services de santé au travail un véritable réseau d'acteurs de la prévention en entreprise.
Les risques professionnels et les grands risques (TMS, CMR, psychosociaux) ont souvent des causes diverses. Je veux donc développer des équipes pluridisciplinaires de santé au travail, qui associent des spécialistes aux médecins du travail : des ergonomes, des ingénieurs, des toxicologues, des infirmières, des psychologues. C'est en intégrant des compétences nouvelles que les services de santé au travail pourront traiter ces risques dans toutes leurs dimensions et améliorer ainsi la prévention primaire.
2. Mieux couvrir l'ensemble des travailleurs
Je pense en particulier à certaines catégories peu ou mal couvertes, comme les intérimaires, les salariés du particulier employeur ou les saisonniers.
3. Tenir compte de la démographie médicale
Nous devons enrayer la baisse du nombre de médecins du travail. 51% des médecins du travail ont plus de 55 ans, 75% ont plus de 50 ans : cela rend la situation actuelle intenable. Nous devons donc engager des actions pour renouveler la ressource médicale disponible : cela passe par la formation initiale, la création de passerelles de spécialisation pour des généralistes et des mesures qui attirent davantage de futurs médecins vers cette spécialité.
Pour que nous atteignions ensemble ces objectifs, je vous propose que nous débattions sur les axes d'action que je vais vous soumettre dans un instant. Naturellement, dans ce processus de travail, nos échanges se poursuivront sur les projets d'article de lois ou de texte règlementaire proprement dits qui devront être pris en 2010.
Les axes d'action que je vous propose peuvent se résumer ainsi :
1. Il faut donner la priorité à l'action en milieu du travail, en engageant des actions de prévention collectives et en mettant l'accent sur l'exercice de la santé au travail dans le cadre pluridisciplinaire de l'équipe de santé au travail.
Les questions de santé au travail appellent des réponses de la part des services interentreprises qui doivent mobiliser des compétences diversifiées, comme je l'ai rappelé en vous exposant cet objectif.
Ces services pourront faire appel à des compétences tant internes qu'externes et, sur la base d'un vote du conseil d'administration à la majorité qualifiée des représentants des employeurs et des salariés, à des médecins de ville sur certaines missions.
2. Il convient de créer les conditions pour mieux assurer l'action en milieu de travail, par exemple en aménageant les postes de travail et en mettant en place la traçabilité des expositions.
Le dialogue entre médecins du travail et employeurs doit conduire chacune des parties à répondre aux demandes et préconisations de l'autre.
3. Il est nécessaire de favoriser le suivi médical de certaines catégories de salariés appelant des réponses spécifiques : ceux des entreprises sous-traitantes, les salariés intérimaires, les saisonniers, les salariés du particulier employeur.
Ce suivi pourrait être favorisé en instaurant des règles d'organisation plus souples. Je pense à la possibilité d'assurer un suivi optionnel par un service autonome ou interentreprises de santé au travail.
4. La fréquence des visites médicales doit être plus en lien avec les besoins réels des individus et mieux intégrée dans une politique de prévention globale.
Cette question a sans doute été la plus délicate de la négociation. Nous avons entendu les différents acteurs. La fréquence des visites médicales sera maintenue en principe à deux ans, quitte à ce qu'elle soit adaptée localement par conventions en fonction de la politique de prévention des risques. La visite médicale n'est en effet pas le seul mode de réponse en matière de prévention des risques. Mais rappelons cependant que tout salarié qui a besoin d'une visite médicale doit pouvoir en bénéficier, et faisons en sorte que ce droit soit pleinement effectif.
5. Il faut mieux prévenir la désinsertion professionnelle en cas d'inaptitude au travail, et pour cela favoriser l'anticipation et la concertation entre le médecin du travail, le médecin conseil de la caisse d'assurance maladie et le médecin traitant. Nous devons également nous appuyer sur la visite de pré-reprise.
6. Pour augmenter le nombre de médecins du travail, nous devons explorer plusieurs pistes, telles que favoriser l'attractivité et renforcer la professionnalisation des acteurs.
Dans ce but, avec mes collègues des ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, je vais confier une mission à des personnalités qualifiées (un professeur d'université spécialisé en médecine du travail, un membre du CESE et un médecin coordonnateur de services de santé a travail) qui nous feront des propositions concrètes sur la formation initiale et continue des professionnels de santé au travail.
7. Il faut mettre en place une gouvernance par objectifs des services de santé au travail.
Des instances comprenant les partenaires sociaux et les acteurs publics de la prévention, des instances paritaires au niveau national et régional permettront d'arrêter des schémas d'orientation de la santé au travail avec un schéma de couverture territoriale et des objectifs en matière de prévention de la santé au travail.
L'objectif sera aussi de disposer à terme de services regroupés pour dégager les moyens nécessaires à l'exercice de la pluridisciplinarité. J'encourage tous les acteurs au niveau régional, sous l'égide des DIRECCTE, à continuer d'anticiper ce mouvement qui nécessitera sur certains territoires des rapprochements de services.
Des conventions seront signées entre les services, l'Etat et l'assurance maladie sur la base d'objectifs quantitatifs et qualitatifs et de modalités d'intervention de chacun pour les atteindre. Les agréments de services seront délivrés dans ce cadre.
8. Il faut mettre les instances de direction des services de santé interentreprises en phase avec les acteurs économiques et sociaux.
Cela suppose de faire entrer les organisations professionnelles et syndicales dans les Conseils d'administration. Je propose la répartition suivante : 2/3 de représentants des entreprises et 1/3 de représentants des salariés, ce qui est nouveau et permet de mieux associer les salariés.
9. Enfin, il faut instaurer la transparence en matière de gestion financière des services de santé au travail, avec publication et certification des comptes.
Tels sont les axes d'action que je vous propose.
Ces axes feront l'objet de dispositions à la fois législatives et réglementaires. J'aurai bien entendu l'occasion de vous consulter à nouveau d'ici-là.
***
Mesdames et Messieurs,
Les différentes propositions que je vous soumets doivent nous permettre de construire ensemble le système de santé au travail efficace que nos concitoyens sont en droit d'attendre. Les Français veulent que nous redonnions du sens à la valeur travail qui est l'un des fondements de notre pacte social. Cette réforme engagée de longue date doit nous permettre d'y contribuer et je souhaite que nous la menions à bien dans la sérénité.
Je vous remercie.Source : http://www.travail-solidarite.gouv.fr 7 décembre 2009