Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux sports, sur la prise en compte du handicap dans le sport, la politique du sport et la solidarité, Paris le 3 décembre 2009.

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Texte intégral


Mesdames et messieurs les représentants des fédérations sportives nationales,
Mesdames et messieurs les responsables des associations,
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Conseil d'Administration du CREPS,
Monsieur le directeur départemental de la jeunesse et des sports, Monsieur le directeur régional,
Monsieur le Directeur du CREPS,
Mesdames, Messieurs,
Prendre en compte le handicap, c'est avoir une certaine idée de l'homme.
Une grande nation se juge aussi par la place qu'elle accorde, au coeur de son pacte social aux personnes handicapées.
Le regard de l'autre engage la société dans son entier ; c'est une mesure du degré de civilisation d'une société. Les sociétés de barbarie ou d'indifférence éliminent ou nient le handicap.
Notre modèle est un modèle d'intégration et de solidarité. Par le sport.
Pour moi, la réunion annuelle des correspondants « sport et handicaps » est un moment très important dans la vie du ministère des Sports. C'est pourquoi je suis présente aujourd'hui au CREPS de Bourges, à vos cotés, afin que nous puissions réfléchir ensemble au travail qui nous attend durant la prochaine année.
La date de cette rencontre ne doit rien au hasard : elle a lieu à l'occasion de la Journée internationale des personnes handicapées. Ceci nous engage d'autant plus.
Le handicap n'est pas un sujet facile. Il y a beaucoup de beaux discours, de très beaux discours même, sur le handicap. Ils ne sont cependant pas toujours suivis d'engagements et d'actes concrets. La parole sans l'acte, c'est la vanité d'une politique.
Je souhaite rendre hommage à cet égard à l'action de Jean-François Lamour qui, à la tête du ministère des sports, est allé au-delà des mots et a lancé une ambitieuse politique en faveur des personnes handicapées. Les décisions qui furent prises à partir de 2003 définissent d'ailleurs encore en large partie l'action du ministère aujourd'hui sur ce sujet.
Une nouvelle impulsion est cependant nécessaire.
La politique de Jean-François Lamour a été lancée il y a plus de six ans maintenant. Il est donc indispensable aujourd'hui de vouloir en évaluer les résultats et d'imaginer comment l'enrichir
Une nouvelle impulsion est également rendue indispensable par les attentes sociétales de plus en plus fortes qui s'expriment à l'égard de notre ministère.
Les temps ont changé. La simple conquête de médailles olympiques n'est plus suffisante.
Notre ministère, pour être légitime aux yeux des Français, pour être respecté par les autres pouvoirs publics, doit être davantage présent dans les grands débats de notre société et s'imposer sur des sujets où il n'a pas l'habitude d'être entendu. Il doit renforcer sa capacité d'expertise et d'analyse. Il doit apprendre à rassembler des acteurs multiples et provenant d'horizons différents afin d'agir conjointement sur des projets communs. En un mot, notre ministère doit être au coeur des enjeux de société.
Sur tous ces points, la politique du handicap constitue à mon sens un champ d'application exemplaire.
Donner une nouvelle impulsion à la politique en faveur des personnes handicapées demande d'abord de mieux tirer parti de la grande force de ce ministère.
Cette force, c'est sa richesse humaine et professionnelle ; cette force, c'est vous !
Il est essentiel à ce titre que vous vous situiez au coeur des politiques conduites par le ministère. Ce n'est à mon sens pas encore assez le cas.
Vous mettez en oeuvre, bien sûr, ces politiques sur le terrain en lien avec les associations et les éducateurs. Mais vous ne devriez pas être seulement le dernier maillon de la chaîne des politiques ministérielles. Vous devriez aussi en être le premier. Cette chaîne, à vous de la forger, au feu de votre imagination et de votre sens du service public.
Vous représentez ici, dans cet amphithéâtre, l'ensemble des connaissances dont dispose notre ministère sur le sujet du handicap. Et pourtant, au moment de définir de nouvelles politiques, vos expériences n'alimentent pas assez notre réflexion, votre expertise n'éclaire pas assez nos décisions.
Un ministère moderne, un ministère efficace, un ministère qui veut sortir renforcé, et non pas durablement affaibli, des changements en cours, ne peut pas se permettre le luxe de sous-utiliser ses ressources. Il ne suffit pas de connaître, il faut être en capacité d'agir et de mettre en oeuvre des politiques concrètes.
L'enjeu est d'autant plus important que la date du 1er janvier 2010 se rapproche. Beaucoup d'entre vous s'interrogent sur la réforme de l'administration territoriale et la mise en place de nouvelles directions interministérielles le 1er janvier 2010. L'inquiétude est réelle et je la comprends.
Je serai donc claire. La réforme en cours ne signifie pas la disparition, ou même la dilution, de vos missions et des politiques du ministère au service des personnes handicapées.
La politique publique du sport que je conduits, notamment à l'égard des publics prioritaires, requiert d'être mise en oeuvre à cet échelon de proximité que sont les départements.
C'est bien la raison pour laquelle j'ai souhaité renforcer les ressources humaines d'une vingtaine de Départements qui ne disposaient plus des compétences indispensables.
Chaque direction, quelle soit départementale ou régionale, doit conserver un correspondant « sport et handicaps ». Ce ne peut être une option. Le handicap n'est pas une politique à la carte. La disparition de ces postes et du réseau qu'ils constituent signifierait tout simplement la fin de notre politique en faveur des personnes handicapées. Il n'en est tout simplement pas question.
Dans ce but, je demanderai notamment aux préfets de départements et de régions, dans le cadre de la « Directive nationale d'orientation » qui définit les grandes priorités du ministère pour l'année 2010, de continuer à avoir un référent spécifique pour la thématique sport - handicap au sein de leurs services.
Je suivrai personnellement la mise en oeuvre de cette demande.
Une nouvelle impulsion nécessite également un meilleur fonctionnement au sein de notre propre ministère.
Il est important que nous-mêmes, à Paris, nous prenions garde de ne pas desservir votre action et celles des directions départementales et régionales auxquelles vous appartenez. Mon devoir, comme celui de l'administration centrale, doit être d'encourager et de soutenir les dynamiques de terrain que vous réussissez à créer.
La souplesse des directives nationales, la marge de manoeuvre laissée aux services déconcentrés sont à cet égard primordiales. Un pilotage national est bien entendu nécessaire, mais il ne peut pas s'agir de contrôler les moindres de vos mouvements. La force de la politique en faveur des personnes handicapées, comme pour toutes les politiques de ce ministère, est qu'elle est d'abord issue du terrain.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que j'incite dans la lettre d'orientation du CNDS pour 2010 les directeurs régionaux à expérimenter davantage sur leur territoire.
Je veux que les nouvelles idées, les nouvelles approches, les nouveaux partenariats soient encouragés dans ce ministère. Expérimentez, innovez, faites bouger les lignes : c'est la meilleure des manières pour faire progresser la cause des personnes handicapées dans le sport. Soyez ardents, imaginatifs, créatifs !
La diversité des politiques conduites par les services déconcentrés doit cependant nous amener en retour à trouver un moyen de mutualiser ces multiples expériences de terrain, de les examiner en détail, de regarder ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionner moins bien.
C'est là, pour moi, la principale mission du Pôle ressources national : un centre de ressources et d'expertise, capable de donner une unité aux nombreuses initiatives lancées à l'échelon local par les services déconcentrés.
Ce rôle, disons-le tout de suite, le Pôle ressources national ne le remplit pas tout à fait encore. Sa montée en puissance a été plus lente que prévue. Une nouvelle équipe est cependant en place depuis un an. Le moment est donc favorable pour accélérer et répondre aux grandes attentes que le Pôle suscite dans le monde du sport et du handicap.
Le Pôle doit analyser les innombrables expériences de terrain et en tirer un savoir propre, dont il fera bénéficier les services du ministère, mais également les fédérations sportives, les collectivités territoriales et tous les acteurs du sport - handicap.
A cet égard, ne considérez pas que les effectifs du Pôle se limitent à 4 personnes. Chacun de vous en fait partie. N'attendez donc pas d'être sollicité. Il est de votre responsabilité de référent de prendre vous-même l'initiative et de proposer des contributions. Irriguez, diffusez, proposez.
Le Pôle doit également comparer. Il est surprenant que notre ministère n'ait toujours pas à sa disposition d'étude détaillant les politiques en matière de sport et de handicap de nos principaux voisins européens. Cette étude me parait indispensable et il convient de la lancer le plus rapidement possible. Des crédits seront certainement nécessaires. Nous les mobiliserons.
Le Pôle doit enfin communiquer. Une politique qui n'est pas connue, n'existe pas. C'est ainsi. A cet égard, son site Internet doit devenir exemplaire dans sa forme comme dans son contenu. La construction d'un site riche, innovant, pratique doit être une priorité pour l'année 2010. Là aussi, si des moyens supplémentaires sont nécessaires, vous les aurez.
L'enjeu est en effet décisif : rendre visible à tous et mettre en valeur l'énorme travail accompli par les agents du ministère et la richesse des actions conduites. Cette réaffirmation de vos missions, cette plus grande visibilité exige aussi une meilleure évaluation des actions entreprises.
Notre ministère n'évalue en effet pas assez ses actions, dans le handicap comme dans d'autres domaines.
Nous avons besoin de cette évaluation pour savoir ce qui fait notre force et, à l'inverse, identifier nos points faibles.
Nous avons besoin de cette évaluation pour corriger le tir quand cela est nécessaire et pour pouvoir valoriser ce que nous faisons de meilleur.
Nous avons besoin de cette évaluation pour que nos décisions soient davantage alimentées et aiguillonnées par le nombre extraordinaire d'expériences que ce ministère a accumulé depuis 6 ans en matière de handicap dans ses services déconcentrés.
Je souhaiterais donc que dès cette année chaque direction régionale produise un bilan détaillé des actions conduites durant l'année passée : moyens budgétaires mobilisés, actions conduites pour développer l'offre sportive ou susciter une demande auprès des publics handicapées, impact qualitatif de ces actions, partenariats établis avec d'autres acteurs, analyse prospective, etc.
Je donne instruction à la Direction des sports, en lien avec le Pôle ressources national, de coordonner ce travail de bilan et d'analyse pour 2009 et de me faire parvenir un document final durant le 1er semestre 2010.
La période est compliquée, mais il est impossible de penser que ce ministère pourra avancer plus rapidement sur le thème du handicap et être considéré comme un acteur efficace et moderne sans ce travail de recensement et d'évaluation minutieuse.
L'évaluation des actions conduites par le ministère est d'autant plus indispensable que l'augmentation des moyens mobilisés pour le développement de la pratique sportive des personnes handicapées a été considérable depuis 2003.
En 2003, l'ensemble des fédérations sportives recevaient 2,4 millions d'euros pour leurs actions en faveur des personnes handicapés ; cette somme est désormais de 4,2 millions d'euros.
En 2003, les subventions en faveur de la pratique handicap s'élevaient à 1,3 millions d'euros pour les associations sportives de terrain ; elles sont de 5,4 millions d'euros - c'est-à-dire multipliées par 4 !
Nous soutenons également 150 emplois STAPS, nous investissons dans l'accessibilité des équipements sportifs, nous mettons à disposition 25 cadres techniques sportifs. Bref, nous nous engageons concrètement en faveur de l'accès au sport pour les personnes handicapées.
Et nous ne faiblirons pas dans l'effort. Ma volonté est sans faille. Sur les trois prochaines années, d'ici 2012, ce seront ainsi près de 60 millions d'euros qui seront alloués par le ministère des sports en faveur de la pratique sportive des personnes handicapées.
Cet argent accompagnera en priorité les fédérations handisport et sport adapté dans leur développement.
Les moyens mobilisés ont déjà permis le développement du nombre de clubs spécifiques, la création de comités départementaux et l'accroissement de la qualité des prestations offertes tout en diversifiant les pratiques. Depuis 2003, la Fédération française handisport et la Fédération française de sport adapté ont chacune gagné 10 000 licenciés et en totalisent 65 000 aujourd'hui.
Cette dynamique doit permettre à ces deux fédérations de croître encore plus rapidement ces prochaines années et d'atteindre - pourquoi pas - les 100 000 licenciés cumulés lors de la prochaine olympiade. C'est en tout cas un objectif que nous pouvons nous fixer.
Notre soutien doit également promouvoir la collaboration entre fédérations valides et fédérations spécifiques. Beaucoup de personnes handicapées pratiquent encore une activité physique et sportive au sein d'associations ordinaires et de fédération « valides ». Inciter au développement de conventions de partenariat, au contenu solide et à la mise en oeuvre réelle, me parait donc indispensable.
Cette coopération entre fédérations spécifiques et fédérations valides doit notamment être encouragée dans le sport de haut niveau.
La situation l'exige. La France occupait la 7e place du classement des nations aux Jeux paralympiques de Sydney en 2004. Elle ne se situait plus qu'au 9e rang à Athènes. Et, avec 52 médailles, elle a chuté à la 12e place aux Jeux paralympiques de Pékin. Nous devons inverser cette tendance.
Un effort considérable est déjà réalisé dans la définition des Parcours de l'excellence sportive.
Il faut aussi que les fédérations valides participent davantage à cet effort. Toutes les grandes nations qui nous ont rattrapées, puis dépassées, ont engagé de réelles collaborations avec des structures de préparation de l'élite valide.
Nous devons en faire de même pour atteindre ce qui doit être notre objectif : ramener la France parmi les 10 premières nations mondiales dès les Jeux paralympiques de 2012.
Notre réussite dans le haut niveau est important car les Jeux paralympiques sont aujourd'hui une vitrine pour le handisport et le seront, à partir de 2012, pour le sport adapté - puisque le comité paralympique international vient de réparer cette injustice absolue qu'était l'exclusion du sport adapté du mouvement paralympique.
Cette vitrine est d'autant plus importante que de manière générale nos actions en matière de sport et de handicap ont peu de visibilité. Ce ministère conduit depuis six années une politique exemplaire en matière de promotion et d'intégration des personnes handicapées. Mais qui la connait au niveau national ?
Le constat est dur, mais il faut bien le rappeler.
Ne vous faites d'ailleurs aucune illusion à cet égard. La timidité et la discrétion dans la sphère des politiques publiques ne sont pas toujours des qualités. L'effacement n'est pas une vertu : c'est un frein.
Ce ministère ne pourra survivre, grandir, réussir que s'il s'intègre pleinement dans le champ des politiques interministérielles. Nous en sortirons renforcés parce que nos actions et notre expertise seront connues, partagées et valorisées.
C'est pourquoi il est essentiel de mieux faire connaître nos politiques auprès des autres acteurs du handicap - services de l'Etat, collectivités, établissements spécialisés, institutions de recherche et de formation, associations nationales sur le handicap - et de travailler avec eux lorsque des projets communs nous rapprochent.
Nous devons montrer à quel point les missions de ce ministère sont pertinentes, essentielles, indispensables.
Je crois profondément que ce ministère n'a pas à nourrir de complexes vis-à-vis des autres acteurs publics.
Il faut que vous aussi en soyez convaincus.
Ce cap du 1er janvier 2010, nous le passerons ensemble.
Je le répète. Vous aurez en moi un ardent défenseur des missions de ce ministère, de vos missions, auprès du Premier ministre et des préfets.
Je resterai attentive à vos recommandations.
C'est une des raisons de ma venue aujourd'hui.
J'ai tenu à ouvrir cette séquence, plutôt qu'à la clore, car il me semblait indispensable d'avoir vos avis sur les priorités que nous devons donner à ce ministère.
Cette heure doit être à l'exemple de ce que je souhaite pour ce ministère : un dialogue constant et libre entre ceux qui pilotent les politiques et ceux qui les vivent concrètement sur le terrain.
Dans une ambition partagée.
Je vous remercie.
Source : http://www.sports.gouv.fr 9 décembre 2009