Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur la nécessité d'une plus grande sécurité des transports routiers, suite à la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, Bruxelles le 29 mars 1999.

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Circonstance : Conseil des ministres européens des transports, à Bruxelles le 29 mars 1999

Texte intégral

Jai souhaité intervenir dès ce matin pour vous faire partager la très vive émotion de la population et du Gouvernement devant les événements tragiques qui se sont produits la semaine dernière dans le tunnel franco-italien du Mont-Blanc. Ce qui sest passé endeuille et interpelle lItalie et la France mais aussi lEurope tout entière.
Le bilan, vous le connaissez : 40 personnes ont péri dans lincendie qui a ravagé le tunnel pendant plus de 48 heures. Et ce bilan nest peut-être pas définitif.
Le Premier ministre, Lionel Jospin, se rend aujourdhui sur les lieux pour témoigner sa solidarité et sa profonde tristesse aux familles des victimes françaises, italiennes ou dautres nationalités. Je suis allé moi-même à Chamonix dès la nuit du 24 au 25 mars. Jai pu constater les grandes difficultés des services spécialisés pour venir à bout de lincendie, de la fumée et de la chaleur extrême - plus de 1000 ° à certains endroits - afin de secourir les usagers et les premiers pompiers à avoir pénétré dans le tunnel.
Dès vendredi dernier, avec mon collègue Jean-Pierre Chevènement, ministre de lintérieur en charge de la sécurité civile, nous avons lancé une enquête technique et administrative pour analyser les faits, pour rechercher des explications, comprendre ce qui a pu se passer, et proposer des mesures pour éviter que de tels événements puissent se reproduire. Il faut aller très vite. Nous avons demandé les premiers éléments pour le 9 avril.
Parallèlement, une enquête judiciaire a été ouverte par le procureur de la République et des experts désignés, de manière à rechercher les responsabilités.
Lobjectif, je le répète, cest de pouvoir disposer très vite des premiers éléments dexplication de la catastrophe pour :
- dune part, savoir ce quil y a lieu de faire pour remettre en état le tunnel du Mont-Blanc et dans quelles conditions sa réouverture au trafic peut être envisagée. Le tunnel ne sera pas remis en service avant que lenquête technique nait fait toute la lumière sur les causes de la catastrophe et avant que les conditions de sécurité ne soient établies ;
- dautre part, en tirer des enseignements permettant de mieux sécuriser les autres tunnels. Il y a en France près dune vingtaine de tunnels routiers de plus dun km de long , il y a aussi de nombreux tunnels ferroviaires. Il est de notre responsabilité den faire expertiser le niveau de sécurité.
Par ailleurs, avec mon collègue italien, nous avons souhaité que la Commission intergouvernementale du tunnel du Mont-Blanc - qui assure lharmonisation des tarifs et de lexploitation, et donc des conditions de sécurité, entre les parties française et italienne du tunnel - se réunisse très vite. Celle-ci se tiendra après-demain, mercredi 31.
Enfin, il ma fallu prendre les premières mesures pour organiser le transit des véhicules et des poids lourds à travers les Alpes. En effet, si aucune mesure ou aucune recommandation ne sont prises, les poids lourds qui ne peuvent plus passer au Mont-Blanc se déporteraient tous sur le tunnel du Fréjus. Jai donc demandé la mise en place immédiate de deux séries de dispositifs :
sagissant du Tunnel du Fréjus, celui-ci voit passer, en temps normal, plus de 2000 poids lourds/jour. Sa capacité et son dispositif de sécurité permettraient, nous dit-on, dabsorber le trafic du Tunnel du Mont-Blanc, soit là aussi plus de 2000 poids lourds/jour supplémentaires. Mais, dès à présent, les circonstances me conduisent à renforcer les mesures de prévention des risques de circulation dans le tunnel du Fréjus : ainsi, une régulation du trafic sera opérée à la barrière de péage pour garantir un espacement suffisant entre les poids lourds dans le tunnel et des restrictions supplémentaires à la circulation des matières dangereuses seront mises en uvre ;
jai par ailleurs demandé à la SNCF daider à lacheminement du fret à travers les Alpes et de proposer, en liaison avec les opérateurs de transport combiné, des solutions ferroviaires aux chargeurs qui utilisent habituellement le passage par le Mont-Blanc. La SNCF ma fait savoir quelle allait mettre en place, sans délai, de nouvelles liaisons par Modane et Vallorbe.
Face à cette catastrophe et à ces risques, il ne sagit pas de baisser les bras et de se déclarer impuissant. Il est de notre responsabilité à tous de tout mettre en uvre pour les réduire au maximum.
Je dis bien à tous ", cest-à-dire,
les Etats membres, auxquels il appartient bien sûr dédicter les normes de sécurité mais aussi de vérifier que celles-ci sont bien appliquées ou ne sont pas obsolètes,
cest-à-dire aussi lUnion Européenne, responsable aujourdhui des conditions économiques de fonctionnement des échanges.
Au-delà de la vive émotion que nous pouvons ressentir devant lampleur de la catastrophe, il faut que nous réaffirmions labsolue nécessité de maîtriser les flux de circulation. Or, les échanges de marchandises et les déplacements des personnes vont continuer à progresser. Et, cest une bonne chose, car les échanges commerciaux sont porteurs de croissance économique. Il ne sagit donc pas de les freiner, mais de les organiser et de fixer les règles de fonctionnement du marché des transports qui permettent une sécurité maximum. Et là, il sagit de notre responsabilité collective.
Nous devons réaffirmer notre priorité, à léchelle de lEurope, pour une politique des transports plus soucieuse de sécurité. Et là, nous rejoignons les préoccupations environnementales, qui se sont déjà et plus fermement fait entendre. Cest particulièrement vrai dans les zones sensibles, comme le sont les traversées alpines ou pyrénéennes.
Nous devons chercher à renforcer les dispositions qui peuvent avoir un impact sur la sécurité. Il sagit des caractéristiques techniques des véhicules. Il sagit de lharmonisation fiscale des produits énergétiques et de linternalisation des coûts externes du transport routier dont nous devons rediscuter à propos des péages. Il sagit encore de lharmonisation par le haut des règles sociales ou des règles de sécurité dans ce secteur, sujet que nous allons aborder aujourdhui.
Nous devons aussi soutenir plus fermement et de manière plus décisive le développement du transport ferroviaire et des transports combinés, plus sûrs et plus économes de notre environnement. Cela implique le développement de linteropérabilité et lamélioration des infrastructures afin de mettre en place un véritable réseau européen du fret.
Des ressources nouvelles doivent être dégagées pour le financement des grandes infrastructures nécessaires au passage des grands flux européens au travers des Alpes. Le grand emprunt européen, évoqué à plusieurs reprises par le Premier ministre français, devrait, à mes yeux, en constituer linstrument privilégié pour compléter le budget de la Communauté.
Le principe de libre circulation des marchandises à travers lEurope, qui guide une grande partie de la politique communautaire des transports, confère aussi à celle-ci une grande responsabilité dans la sécurité, partagée avec les Etats membres.
Je souhaiterai pour lavenir que nous puissions y consacrer une part plus importante de notre réflexion de manière à définir ensemble une véritable politique de sécurité.
Je vous remercie de votre attention. "
Une minute de silence a été observée par les ministres.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 06 avril 1999)