Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sur le bilan de son action au ministère en 2009 et ses priorités pour l'année 2010.

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Circonstance : Voeux à la presse à Paris le 18 janvier 2010

Texte intégral

Mesdames, messieurs,
Je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation pour cette présentation des voeux à la presse.
J'ai souhaité à cette occasion vous présenter le bilan de mon action, un an après ma nomination à la tête de ce ministère, ainsi que mes priorités pour l'année 2010.
Le bilan de l'année 2009 est marqué par 5 points forts :
1. Les flux migratoires continuent d'être mieux maîtrisés. Le nombre de titres de séjour délivrés est en légère baisse, de 3,7%. L'augmentation des titres de séjour délivrés aux étudiants (+1,9%) et au titre de l'asile (+12%) est en effet compensée par la poursuite de la baisse de l'immigration familiale (-12,3%), et par la diminution de l'immigration professionnelle (-15,3%), liée, comme dans toute l'Union européenne, à la crise économique mondiale et à la détérioration de la situation de l'emploi. Tous les indicateurs disponibles montrent que les flux migratoires, légaux comme illégaux, ont globalement baissé en 2009. La lutte contre les filières d'immigration clandestine s'est accrue, avec 145 filières démantelées, soit 44% d'augmentation, 4 750 interpellations de trafiquants de migrants, soit 10% d'augmentation, ou encore près de 1 400 opérations conjointes menées contre les employeurs d'étrangers sans titre de séjour, soit 12% d'augmentation.
L'année 2010 sera marquée par la présentation d'un projet de loi sur l'immigration, qui transposera la directive européenne sur le retour des étrangers en situation irrégulière dans leurs pays d'origine, la directive sur la lutte contre l'emploi des étrangers sans titre de séjour, et la directive « carte bleue », qui crée un nouveau titre de séjour européen pour les ressortissants étrangers les plus qualifiés. Je présenterai ce projet de loi devant le Conseil des ministres lors du premier trimestre, vraisemblablement avant la fin du mois de février.
2. Notre politique de l'asile est confortée. En 2009, 47.000 personnes ont demandé l'asile à la France, soit une croissance de plus de 10%. La France reste ainsi le premier pays européen et le deuxième pays dans le monde pour le nombre de demandes d'asile reçues. 10.900 titres de séjour de réfugiés ont été délivrés au cours de l'année 2009, soit une progression de plus de 12%. Sur deux ans, la progression est de 32%. Les Centres d'Accueil des Demandeurs d'Asile (CADA) sont passés de 5 000 places en 2000 à 17 000 en 2006 et 21 000 en 2009. Et j'ai décidé l'ouverture de 1 000 places supplémentaires cette année. Le budget de l'asile augmentera de nouveau de plus de 10% en 2010 et dépassera 318 millions d'euros, soit plus de la moitié du budget du ministère.
Dans le domaine de l'asile, l'année 2010 sera celle de la poursuite des efforts pour réduire les délais de traitement et professionnaliser la procédure, mais aussi des négociations européennes en vue de la mise en place d'un cadre européen commun, et de la création, au printemps prochain, du bureau d'appui européen dont le siège sera basé à Malte.
3. Une nouvelle politique d'intégration se dessine. L'année 2009 a vu la mise en place d'un nouvel opérateur, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui regroupe l'ensemble des actions de l'Etat dans le domaine de l'accueil des immigrés et de leur intégration. Le contrat d'objectifs et de performance de l'OFII pour les années 2010-2012 a été approuvé par le conseil d'administration de l'établissement le 15 décembre 2009.
Cette nouvelle politique d'intégration repose sur un parcours d'intégration qui commence dès le pays d'origine. Plus de 20 000 ressortissants étrangers ont déjà engagé leur parcours d'intégration en suivant des formations à la langue française et aux valeurs de la République, dans leur pays d'origine, au cours de l'année 2009. L'année 2010 doit être celle de l'extension de ce dispositif. Elle repose ensuite sur l'accès à l'emploi, avec la généralisation progressive du bilan de compétences (62% des signataires de contrats d'accueil et d'intégration en ont bénéficié en 2009) et des accords avec les branches professionnelles. Elle repose aussi sur l'intégration par la famille, grâce au « CAI famille » mis en place en 2009 et qui doit être généralisé en 2010, et grâce au programme « ouvrir l'école aux parents », qui permet aux familles arrivant sur notre territoire d'être mieux sensibilisées aux valeurs de notre République.
Elle repose enfin sur la lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances. Le label diversité va poursuivre son déploiement. Et le dispositif de bourses récompensant les efforts exceptionnels d'intégration des enfants de familles immigrées connaissant les plus grandes difficultés d'adaptation culturelle et linguistique, sera poursuivi et amplifié.
4. La promotion de l'identité nationale est le point marquant de la fin de l'année 2009 et se poursuivra tout au long de l'année 2010. Car notre cohésion nationale ne s'est pas construite sur la descendance d'un peuple originel, sur la juxtaposition de communautés, ou sur la coopération entre régions. La France, terre d'immigration depuis ses origines, n'a pu devenir Nation que par les efforts sans cesse renouvelés de l'Etat, qui a imposé de puissants efforts d'intégration et de construction d'une identité nationale.
Au cours de l'année 2009, 108 275 ressortissants étrangers ont acquis la nationalité française, soit un niveau presque égal à celui de 2008. Le nombre annuel de naturalisations atteint 4,4% de la population étrangère, contre 2,2% en Espagne, 2% au Royaume-Uni, 1,6% en Allemagne. Ces résultats placent la France en tête des pays européens pour l'acquisition de la nationalité et démontrent que la France reste une Nation ouverte. La modernisation de la procédure de naturalisation fait sentir ses premiers effets : au cours de l'année 2009, le nombre de dossiers de demande de naturalisation en instance dans les préfectures a diminué de 25% et le nombre de dossiers en instance au sein de l'administration centrale a diminué de 31%.
Concernant la délivrance des cartes nationales d'identité et les tracas administratifs rencontrés par certains de nos concitoyens, le Ministre de l'Intérieur a adressé une instruction aux Préfets le 2 décembre dernier, afin de faciliter ces procédures, tout en conservant l'objectif déjà ancien de lutter plus efficacement contre la fraude lors de l'établissement du titre d'identité sécurisé.
Le grand débat sur l'identité nationale se poursuivra tout au long de l'année 2010, afin de mieux faire partager le pacte républicain. Il s'agit d'un engagement pris devant les Français lors de l'élection présidentielle de 2007, repris dans la lettre de mission que m'ont adressée le Président de la République et le Premier ministre. La critique selon laquelle le débat a un objectif lié aux élections régionales est infondée : les années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 sont toutes des années d'échéances électorales, présidentielle, législatives, municipales, régionales, cantonales et sénatoriales. L'objectif du grand débat sur l'identité nationale est d'expliciter et de réaffirmer ce que signifie aujourd'hui « être Français ».
Le sentiment d'appartenance à une communauté de destin, la volonté de vivre ensemble, de partager une identité, avec sa culture, son histoire, sa langue et ses valeurs, sont essentiels à la cohésion nationale. Depuis le 2 novembre 2009, à ce jour, je vous l'annonce, plus de 700.000 visiteurs ont consulté le site Internet, 3,8 millions de pages ont été vues pour une durée moyenne de visite qui dépasse 5 minutes, et près de 55.000 contributions ont été déposées. 334 débats locaux ont été programmés en moins de deux mois. Ce grand débat se poursuivra tout au long de l'année 2010. En ce début d'année, j'ai participé à une réunion locale le 5 janvier à la Cité des 4.000 de La Courneuve, ainsi qu'à des débats locaux à Marseille et dans le Tarn. Je participerai dans les prochains jours à d'autres débats locaux, notamment à Paris et à Lyon. Les premières propositions visant à valoriser et promouvoir l'identité nationale seront débattues dans les premières semaines du mois de février lors d'un séminaire gouvernemental présidé par le Premier ministre.
5. La gestion concertée des flux migratoires et le développement solidaire seront au coeur de mes priorités pour 2010.
Une politique d'immigration efficace et équilibrée repose sur la mise en place de partenariats avec les pays d'origine. J'ai obtenu en 2009 que l'ensemble de notre politique d'aide publique au développement prenne en compte les enjeux migratoires. Le Gouvernement a aussi décidé de mettre en place une nouvelle politique de négociations migratoires, afin de saisir la diversité des flux d'immigration légale et illégale vers la France dans le cadre d'une stratégie mondiale. Après la conclusion, entre mai 2007 et janvier 2009, de huit accords avec des Etats d'Afrique subsaharienne (Gabon, Congo, Bénin, Sénégal, Burkina Faso, Cap-Vert, Ile Maurice) et du Maghreb (Tunisie), le moment est venu d'une approche « sur mesure », adaptée à la situation et aux enjeux propres de chacun des pays partenaires, permettant de nouer des partenariats avec les principaux pays sources, et exigeante en matière de réciprocité. Un accord avec le Cameroun a été signé dans ce cadre le 21 mai 2009, pour lequel 12 millions d'euros seront mobilisés sur cinq ans au titre du développement solidaire. Une nouvelle génération d'accords avec des pays africains devenus terres d'immigration, qui souhaitent bénéficier de l'expertise de la France, sera mise en oeuvre.
Je souhaite aussi élargir les partenariats stratégiques avec les grands pays émergents à la circulation des personnes. Un arrangement administratif a été signé avec le Brésil le 7 septembre 2009, à l'occasion de la visite du Président de la République. Un accord sur les migrations professionnelles des personnes hautement qualifiées a été signé avec la Russie lors du séminaire gouvernemental franco-russe du 27 novembre 2009. Il sera complété, en 2010, par la conclusion d'un accord de réadmission, et d'un accord sur la mobilité des étudiants. Une mission exploratoire a été menée en Inde et une autre sera conduite au premier trimestre au Vietnam. Il nous faut aussi rénover les relations migratoires avec les pays du Maghreb. Des discussions sont en cours avec l'Algérie en vue de la conclusion d'un quatrième avenant à la convention de 1968 et de l'établissement d'un régime de réciprocité pour l'entrée et le séjour de nos ressortissants. Un projet d'accord migratoire sera soumis au Maroc dans les prochains mois. Je souhaite enfin placer la mobilité des jeunes au coeur de l'Union Pour la Méditerranée. L'année 2010 doit nous permettre d'avancer vers la création d'un Office Méditerranéen de la Jeunesse, pour porter ce projet.
Mesdames, messieurs, la cohésion d'une Nation, et la coopération entre Nations, ce n'est pas le repli sur le passé, c'est au contraire regarder l'avenir, celui de notre modèle social, celui de notre pacte républicain, c'est mieux maîtriser les échanges, pour décider de notre destin, et pour construire un ordre mondial plus juste.
Source http://www.immigration.gouv.fr, le 19 janvier 2010