Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, à "LCI" le 18 janvier 2010, sur le débat à venir sur l'âge de départ à la retraite, sur le statut de l'autoentrepreneur, sur la question de la burqa.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- M. Aubry considère avoir les capacités pour présider la France, elle l'a dit hier au « Grand jury » RTL-LCI. Est-ce votre avis ?

Si elle le dit, on peut la croire. Moi, j'ai quelques doutes.

Pourquoi ?

C'est elle qui a installé les 35 heures dans notre pays, je ne suis pas sûr que cela ait été la meilleure des réformes. Je voudrais vous dire une chose, c'est qu'il y a beaucoup de candidats à la candidature à gauche, chez nous, on a un candidat, naturel, c'est le président de la République, c'est pour nous un grand avantage.

Vous évoquiez les 35 heures, on fête les dix ans de leur mise en pratique. Vous souhaitiez, il y a quelques temps, les abroger, qu'elles puissent être supprimées par accord interne aux entreprises. C'est toujours votre point de vue ?

Je trouve que l'on est le seul pays, ou un des rares, à avoir mis dans la loi, la durée du travail. Partout ailleurs, on fait des accords, en fonction de la réalité économique, de la souplesse ou de la rigidité de tel ou tel secteur. Pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas ici ? C'était ma proposition à moyen terme. Je continue à penser que c'est la bonne option, parce qu'elle et en plus une option qui prend en compte le dialogue social à l'intérieur des entreprises.

On a aussi dans la loi l'âge légal de départ à la retraite. L. Parisot, ce matin, veut absolument qu'on repousse cet âge légal, de 60 ans, 61, 62, peut-être plus. M. Aubry est prête à discuter avec le Gouvernement. Alors, comment vous positionnez-vous ? On repousse l'âge ?

C'est très bien ainsi. Le rendez-vous des retraites, c'est dans l'année 2010, on aura le temps de tout mettre sur la table...

Avec la gauche ?

Avec la gauche, avec les syndicats. Il faut prendre en compte à la fois la réalité, c'est-à-dire la pérennité de notre système de retraites et aujourd'hui les contraintes qui pèsent sur son financement. Donc je crois que c'est très bien ainsi.

Vous avez lancé il y a un an le statut d'auto entrepreneur. Alors, quel bilan aujourd'hui, combien y a-t-il d'auto entrepreneurs en France ?

Il y en a à peu près 310.000, au moment où je vous parle, et c'est un énorme succès personne ne peut le nier, même si, ça et là, il peut y avoir telle ou telle critique. En tout cas, la manière de créer son activité a radicalement changé dans notre pays, avec ce statut hyper simplifié, le plus simple au monde. J'en suis très heureux.

On dit que c'est une fiction, c'est-à-dire 310.000 auto entrepreneurs déclarés, mais seulement 50, 55.000 qui auraient un chiffre d'affaires. C'est vrai ?

La rupture, c'est que l'on peut travailler quand on le souhaite, on peut exercer son activité quand on le souhaite, en ouvrant son ordinateur, par exemple, on ne le fait pas à date fixe, on ne le fait pas à heure fixe, et c'est un droit d'entreprendre qui a été créé dans ce pays. La réalité économique c'est qu'aussi un milliard d'euros de chiffre d'affaires auront été créés par les auto entrepreneurs en 2009. Ce n'est pas une fiction, il y aura eu 200 millions de rentrées fiscales et sociales, grâce à eux. Je m'en réjouis.

Vous ne le voyez pas comme une antichambre du chômage ? Pour beaucoup de cadres qui quittent un emploi, deviennent auto entrepreneurs, ça ne marche pas, et puis ils sont chômeurs ?

Non, je ne le vois pas comme une antichambre du chômage, je le vois comme une seconde chance, comme une chance supplémentaire de s'en tirer dans la vie, lorsque, en plus, la vie est difficile, qu'on vous offre l'opportunité de tester une idée, un projet, ça me semble très important et j'en suis très heureux.

Les soldes de 2010 ont-ils bien commencé ?

Oui, ils ont bien commencé. Ils se situent à peu près dans le cadre de ce qui s'était passé l'année précédente. Il y a eu, bien sûr, des intempéries qui ont, ça ou là, ralenti les choses, mais ça s'est bien passé. La consommation dans notre pays continue de se tenir, et j'en suis, là aussi, très satisfait.

Les soldes flottants, c'est-à-dire deux semaines que les commerçants peuvent placer un peu où ils veulent dans le calendrier, c'est une bonne formule ou ça perturbe tout le monde ?

Avec C. Lagarde, on avait pensé qu'il fallait donner une souplesse supplémentaire pour pouvoir vendre mieux. C'est ça le principe des soldes flottants, décider de la date. On fera une évaluation dans quelques temps et on verra comment les commerçants et aussi les clients, ont intégré cette liberté supplémentaire.

Commerçants, artisans, auto entrepreneurs ont besoin de financements, les banques menacent, avec la taxe sur les bonus, elles ne financeront plus les PME. Vous avez peur ?

Je suis très attentif. Et c'est pour cela que nous avons choisi de faire grossir OSEO. OSEO, c'est la banque publique de financement des PME, elle a traité près de 20.000 entreprises durant toute l'année 2009. C'est comme cela, je crois, que l'on peut répondre à l'accès au crédit difficile pour les petites et moyennes entreprises, et il faut être très attentif à ce que les banques continuent de faire leur travail, qui est de prêter.

Une PME sur cinq considère que son chiffre d'affaires va baisser en 2010. Vous êtes dans ce pessimisme là ?

Je suis en tout cas très vigilant, et c'est vrai que nous attendons la reprise, beaucoup de signes montent que nous allons sortir de cette crise économique durant l'année 2010. Eh bien il faut accompagner cette reprise, c'est tout l'objet de l'action du Gouvernement.

Le Président l'a promis, un projet de loi va protéger les biens personnels des artisans en cas de défaillance. Cela va les pousser à la gestion un peu déraisonnable ?

Non, c'est une révolution dans ce pays, et je suis très heureux que le président l'ait annoncée. De quoi s'agit-il ? On a rencontré partout autour de nous, des commerçants ou des artisans qui nous disent, "j'ai été saisi, on m'a saisi ma maison, on m'a saisi mon bien, je suis ruiné". Les entreprises qui se créent sous la forme d'une société, les entrepreneurs sont protégés puisqu'ils ne sont redevables que sur leur apport. Là, on va mettre du patrimoine affecté à l'activité de l'entreprise, et le reste du patrimoine sera exclu. Et donc, c'est une très belle nouvelle pour les 1,5 million entrepreneurs individuels de ce pays.

Plus de saisie possible, plus de prêteur, plus de créancier ?

Les banques demandent souvent des cautions. Et c'est tout le problème. Eh bien nous allons développer le système de garantie qui permettra à l'entrepreneur d'être accompagné par un système de caution, ce sera OSEO. Ce sera d'autres organismes, je pense à la SIAGI, par exemple, que nous souhaitons voir monter en puissance et qui, à côté de l'entrepreneur, garantira une partie de l'activité de l'entreprise.

Des centristes sur la liste de S. Royal en Charente-Maritime. Vous êtes voisin, entre Centre et Poitou-Charentes, vous êtes tête de liste dans le Centre ; vous considérez qu'elle a match gagné ?

Non, pas du tout. D. Bussereau est un très bon candidat. C'est un ami, quelqu'un pour lequel j'ai beaucoup d'estime, et elle fait peut-être une erreur tactique, parce que, au deuxième tour, il faudra qu'elle négocie avec les listes ou la liste du MoDem qui se sera créée. Comment est-ce qu'elle va faire ? Elle va échanger les faux centristes contre les vrais, les centristes qui veulent y aller contre ceux qui ne voulaient pas au premier tour ? Bref, tout cela c'est un amalgame royaliste, si j'ose dire, qui est plein de confusion. Il faut de la clarté. La clarté, c'est D. Bussereau, c'est moi-même en région Centre, où j'ai choisi de partir avec un grand rassemblement, qui va du Nouveau centre, bref, de toute la majorité présidentielle. J'y inclus bien sûr les chasseurs et tous les partis politiques qui concurrent au soutien.

Est-ce qu'il y a de la clarté dans ce que propose l'UMP, quand on voit l'identité nationale, la burqa, tous ces thèmes qui viennent en débat, est-ce que ça ne va pas faire monter le Front national, créer des triangulaires ?

Je ne le crois pas, il ne faut jamais avoir peur d'un débat. Moi-même, je suis porteur de beaucoup de débats dans la région Centre, notamment un débat sur l'identité régionale, parce que cette région Centre, peu de gens savent qu'elle est constituée des anciennes provinces françaises, le Berry...

Ça fait vieille droite, tout ça, quand même !

Ça ne fait pas du tout vieille droite, quand on s'appuie sur la réalité historique pour se projeter dans l'avenir et pour innover, pour expérimenter. Bref, pour faire de la région Centre une région qui compte, alors qu'elle ne compte plus et qu'elle a beaucoup compté.

Et quand J.-C. Gaudin est choqué de voir des musulmans déferler sur la Canebière avec des drapeaux algériens, il dérape ?

Je ne sais pas s'il dérape. Tout ce que je sais, c'est que nous avons besoin d'être fiers de notre pays et de faire en sorte que celui-ci compte encore sur la scène mondiale. C'est ça l'important, et donc il ne faut pas avoir peur de mettre son drapeau dans sa poche.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 janvier 2010