Texte intégral
Henri Emmanuelli a déposé une motion pour le prochain congrès de Grenoble. Selon lui elle constituerait une aide pour le gouvernement
Soumettre une motion au vote des militants, c'est un acte politique. Une motion ce n'est pas un amendement à un texte plus large. Dans la tradition de notre parti, c'est proposer une orientation politique alternative. S'agissant du texte lui-même, il cherche à maintenir l'ambiguïté sur son statut : cette motion 3 serait à la fois un soutien et une critique Il s'agit là d'une souplesse rhétorique. Aujourd'hui le choix est entre ceux qui souhaitent prolonger et enrichir l'action entreprise depuis 1997 et ceux qui, au nom du nécessaire débat entre les socialistes énoncent des critiques ponctuelles sur des points pour l'essentiel déjà réglés dans la discussion budgétaire et qui veulent laisser penser que des risques existent sur notre ancrage à gauche alors que nous " tenons bon ".Le débat doit donc avoir lieu avec sérénité et respect. Encore faut-il que chacun en présente clairement les termes.
Pourtant la motion 3 propose de faire synthèse avec toi au prochain congrès. Qu'est-ce que cela t'inspire ?
Je l'ai dit depuis l'ouverture de notre débat, je suis ouvert à la synthèse la plus large possible. Je l'étais dès l'écriture de notre propre texte. Simplement il appartiendra aux représentants des autres motions de dire ce qu'ils sont prêts à abandonner pour nous rejoindre. Quant à nous, nous sommes ouverts à tout amendement et à tout apport dès lors qu'il ne change pas la ligne qui fait notre crédit dans l'opinion : être capable de tenir ce que nous proposons et ne pas nous engager sur une voie si nous ne sommes pas certains de pouvoir l'emprunter.
Henri ne sera pas candidat au premier secrétariat, n'est-ce pas la démonstration que son seul objectif est un " infléchissement de la politique gouvernementale " ?
Certes, ni la Gauche Socialiste, ni la motion 3 ne présenteront de candidats au poste de premier secrétaire national, mais que feront-ils dans chaque fédération ? Chacun sait que les résultats des votes auront une conséquence mécanique sur la composition des bureaux de sections, des conseils fédéraux, des premiers fédéraux, du conseil national et du Bureau National.
Je le répète une motion déposée, c'est une alternative proposée ; ce qui se traduit à la fois par des analyses divergentes et par des hommes et des femmes pour les incarner.
Les votes aboutissent à des répartitions à la proportionnelle des postes et donc des responsabilités. Il n'y a donc pas que l'avenir du premier secrétaire qui soit en cause. Je suis heureux de constater que mon élection éventuelle s'annonce bien. Mais à travers les motions c'est l'équilibre du parti, sa cohérence, sa représentation et sa ligne politique qui sont en débat.
Mais le gouvernement n'a-t-il pas besoin, parfois, d'être rappelé à l'ordre sur sa gauche ?
Il faut toujours être vigilant sur nos orientations. Et je le suis. Le PS est solidement vissé à gauche. C'est la condition de son équilibre et de son rayonnement en Europe.Chacun sait les débats animés que nous avons eu au sein de la gauche européenne. Nous nous sommes clairement situés contre la " 3e voie " et l'accompagnement social du libéralisme. Nous sommes les plus à gauche des mouvements socialistes et sociaux démocrates d'Europe. Ce n'est pas une raison pour relâcher l'effort, mais nous ne pouvons laisser penser, et notre bilan en atteste, que notre politique a emprunté quoi que ce soit à une doctrine " sociale libérale ".
Lors du conseil national de synthèse du 30 septembre, j'ai rappelé qu'un congrès ne pouvait se jouer sur la base de la disqualification facile de l'autre. Il n'y a pas d'un côté les archaïques et de l'autre les modernes. Et personne ne peut prétendre à l'exclusivité de la gauche.
Justement, la motion Emmanuelli évoque des désaccords de fond sur la redistribution
Quels sont ces désaccords de fond ? S'agit-il d'amender le projet de loi de finances ? Sans doute. C'est le débat normal au sein d'un groupe parlementaire. Le groupe socialiste a d'ailleurs travaillé en ce sens avec le gouvernement ces derniers jours. Et qu'il s'agisse de l'exonération de CSG pour les salariés dont les revenus n'excèdent pas 1,4 SMIC, de l'extension aux artisans de la suppression de la vignette, de la revalorisation de la taxation des impôts sur le capital pour la dernière tranche de l'impôt sur le revenu, les amendements votés avec l'agrément de l'exécutif montrent que le travail commun groupe - gouvernement a porté ses fruits.
Au-delà faut-il rappeler l'impressionnant bilan du gouvernement : baisse de la TVA sur les abonnements EDF-GDF et sur les travaux dans les logements ( plus de 1 100 000 salariés sont concernés par cette mesure de baisse ciblée), suppression en deux ans du droit au bail pour tous les locataires, baisse de la part régionale de la taxe d'habitation qui concerne la bagatelle de 20 millions de foyers, baisse de l'impôt sur le revenu, baisse du taux de TVA d'un point, suppression d'un impôt la vignette automobile, baisse de la TIPP sur le fioul, mise en place d'un mécanisme de TIPP flottante pour éviter toute hausse de la taxation dans l'hypothèse d'un envol du prix du baril
Evidemment, des désaccords peuvent subsister. Mais ils ne suffisent pas à fonder une motion alternative. Nous ne préparons pas à Grenoble les amendements à une loi de finances dont l'économie générale sera, de toutes façons, votée avant le congrès !
Il plaide pourtant pour une baisse des cotisations sociales patronales
Comme le dit la gauche socialiste dans sa motion " le cur du débat ne se situe pas entre la suppression de la vignette auto ou la baisse des cotisations sociales ". Mesure curieuse d'ailleurs si l'on songe que la motion 3 veut en faire un outil de redistribution ! Le gouvernement a depuis 97 choisi une voie plus conforme à notre tradition en conditionnant les baisses des charges au passage à 35 heures.
Quelles grandes perspectives, quels grands principes, quelles grandes réformes pour l'avenir ? Voilà ce que la motion 1 s'est employée à définir. J'invite chacun à regarder de près nos propositions, y compris celles que nous faisons sur la vie démocratique de notre parti, qui
- faut-il le rappeler - a rendu la parole aux militants, notamment à travers des conventions comme cela n'avait jamais été osé par le passé.
(source http://www.hollande-lamotion.net, le 09 novembre 2000)