Déclaration de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, sur les mesures gouvernementales d'aides à l'embauche dans le secteur artisanal, Paris le 22 octobre 2009.

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Circonstance : Congrès de l'Union professionnelle artisanale (UPA) et "Etats généraux de l'économie de proximité : énergies pour sortir de la crise," à Paris les 21 et 22 octobe 2009

Texte intégral

Monsieur le Président de l'UPA, je retrouve dans vos propos l'habituel équilibre entre soutien et exigence, ce deuxième terme n'étant pas le moins important. Je salue en outre l'arrivée de Jean-Frédéric POISSON. Je tiens également à saluer les Vice-Présidents de l'UPA. Nous sommes amenés à retrouver régulièrement les équipes de l'UPA dans le cadre de négociations et de discussions. Je sais à chaque fois que je peux compter sur vos avis lucides. L'UPA est pour nous un partenaire essentiel. Je salue les représentants des Chambres des métiers, les représentants des organismes de formation de l'artisanat et les acteurs du monde de l'artisanat.
En guise d'introduction, je remarque que vous tenez vos Etats généraux de l'économie de proximité au Palais Brongniart. C'est une forme de coup de pied de l'âne assez sympathique. Je suis en tout état de cause très heureux de voir que l'artisanat a enfin pris le pouvoir !
Je crois à l'artisanat. J'y ai toujours cru et j'y crois encore plus dans cette période de crise. J'y crois pour une raison simple. Chacun est originaire d'un territoire. En Haute-Loire, mon territoire, l'emploi et l'économie ne fonctionnent pas si l'artisanat n'est pas présent. Je sais ce qu'apporte l'artisanat en termes d'emploi et de développement. Dans mon engagement, le lien avec les entreprises de l'artisanat a été constant d'autant que mon propre frère est artisan. Les discussions de famille permettent d'encore mieux comprendre vos problèmes !
Je voudrais cela dit revenir avec vous sur l'action des pouvoirs publics et en particulier sur deux leviers qui relèvent de mon champ de compétences : l'emploi et la formation professionnelle, l'engagement en faveur des jeunes.
Comme le Président MARTIN l'a souligné, il ne faut pas passer sous silence les difficultés que vous rencontrez. La crise, pour les grands groupes comme pour les entreprises artisanales, n'est pas une promenade tranquille. Quand on connaît des baisses d'activité de l'ordre de 5 %, quand la trésorerie est sous tension, rien n'est facile. Vous avez un comportement exemplaire dans ce contexte en essayant de conserver vos collaborateurs et en continuant à former des jeunes. Cela n'est pas si facile.
Dans ce contexte, le gouvernement a mis en oeuvre différents dispositifs qui vous sont destinés. Certaines mesures étaient des dispositifs d'urgence, comme le report de paiement pour des charges afin d'éviter d'asphyxier les entreprises de l'artisanat, ou le travail de médiation du coté des banques. C'est un travail permanent. Dans cette période de crise, les entreprises de l'artisanat ont été un des principaux moteurs d'embauche. 16 % des entreprises de l'artisanat ont continué à embaucher au cours des 6 derniers mois. De surcroît, comme nous le disions, vous embauchez dans les territoires alors même que la crise frappe durement certaines régions, notamment des régions rurales qui avaient une tradition de sous-traitance industrielle avec des petites PME. Je pense au contrefort des Vosges, à certaines zones du Jura, au Massif Central que je connais très bien. Dans ces territoires, l'artisanat est la bouffée d'oxygène. C'est grâce à la présence de l'artisanat au coeur de nos territoires que nous parvenons à tenir l'emploi. Je pense que nous retrouvons ici la notion d'économie de proximité.
En arrivant en responsabilité, j'ai été frappé de voir les médias parler uniquement des grands groupes. La politique de l'emploi avant 2007 était d'ailleurs bâtie sur des plans massifs dans des grandes entreprises. Une de mes premières batailles a donc été, vu que l'artisanat était le secteur qui embauchait le plus, de souligner que le gouvernement ne pouvait pas prévoir des outils pour les entreprises à l'exclusion des entreprises artisanales.
C'est dans ce contexte que nous avons forgé avec mes équipes le dispositif zéro charge. Le Président de la République a tout de suite été conquis et il a souhaité que le dispositif finalement retenu soit encore plus ambitieux que nos premières propositions. Avec un tel dispositif, mon but était en particulier de faire quelque chose de simple. En effet, si un dispositif génère trop de paperasse, nous sommes certains de le voir échouer in fine. Nous avons donc souhaité nous occuper de la paperasse à votre place. Nous avons dû lutter contre les inerties administratives de Bercy. Je crois que nous avons réussi à mettre en place un des dispositifs les plus simples qui soient à votre disposition. Le formulaire peut d'ailleurs être téléchargé sur le site de Pôle Emploi. Cela permet de traiter 4 000 embauches par jour, en moyenne. 500 000 embauches ont été réalisées grâce à vous avec le dispositif zéro charge. Je vous en remercie.
Nous avons examiné ce volume d'embauches pour voir comment se répartissaient les populations. On trouve un tiers d'embauches qui ne seraient pas intervenues sans cette aide, un tiers d'emplois qui ont pu être maintenus grâce à l'effet de la mesure sur la trésorerie de l'entreprise et un tiers d'embauches qui relèvent davantage d'un effet d'aubaine. J'assume parfaitement ce dernier tiers. L'effet d'aubaine n'est pas perdu pour tout le monde, cela permet de conforter les trésoreries. Nous avons sans doute par le passé adopté des mesures qui étaient moins utiles que ce dispositif ayant entrainé 500 000 embauches.
Nous avons prolongé le dispositif et fait en sorte que vous connaissiez rapidement cette décision pour éviter toute confusion. La prolongation dure sur 6 mois l'année prochaine mais tout contrat signé bénéficiera de la mesure durant 12 mois.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette mesure, Pôle Emploi s'est mobilisé. Ce fut la première action de la nouvelle structure en direction des entreprises artisanales. Cela ne suffit pas. Je voudrais d'ailleurs revenir sur Pôle Emploi. Tout d'abord, je vous remercie de ne pas avoir participé au coeur des pleureuses puisque le fait de critiquer systématiquement les services de Pôle Emploi est presque un sport national en France. La critique est vraiment trop facile d'autant que personne n'avait voulu conduire cette réforme depuis 20 ans. La réforme a concerné 45 000 agents alors que tout avait été fait pour rendre les statuts et les systèmes d'information incompatibles. Mener de surcroît en période de crise une telle réforme est certainement très compliqué. Certains services ne fonctionnent pas encore, d'autres ont trouvé leur rythme et il faut le dire. Très clairement, nous n'aurions pas pu faire 0 charge sans les équipes de Pôle Emploi et le rapprochement des parties indemnisation et placement. En 1993, autre période de crise, il y avait des files d'attente devant les ANPE. La donne a changé, grâce à la réforme de Pôle Emploi.
Je reste lucide, il y a encore du chemin à parcourir, notamment pour la relation avec les petites entreprises et les artisans. Comme vous le disiez, 28 % de vos entreprises ont encore du mal à trouver des collaborateurs. On ne peut pas se satisfaire d'un tel chiffre. Dans la période actuelle, chaque emploi compte.
Dans ce cadre, j'ai un plan d'action à vous proposer. Branche par branche, nous devons être en mesure de conclure des partenariats avec les services de Pôle Emploi pour vous aider : identifier les compétences manquantes, former, informer, etc. Nous devons donc être davantage proactifs. Nous devons par exemple, ce qui est permis par la réforme de la formation, utiliser la préparation opérationnelle à l'emploi pour accompagner les personnes. Nous préparerons ainsi vos futurs collaborateurs. Cela ne sera peut être pas parfait tout de suite mais cela vous facilitera la tâche. Nous voulons clairement réduire le nombre d'entreprises qui ont du mal à trouver de la main d'oeuvre.
L'artisanat forme 200 000 apprentis tous les ans. Dans le domaine de l'apprentissage, les grands groupes du CAC 40 se sont un peu réveillés et ont pris des engagements. Cela dit, il ne faut pas se tromper, l'artisanat est le secteur privilégié de l'apprentissage. Cette tradition est ancienne et en la matière vous n'avez jamais rien lâché. 80 % des jeunes qui sortent de l'apprentissage chez vous trouvent un emploi en moins de 6 mois.
Lorsque nous avons vu fléchir les statistiques des contrats de professionnalisation et des contrats d'apprentissage, nous avons eu très peur. Au demeurant, le Président MARTIN fut un des premiers à m'alerter sur ce sujet. Afin de rapidement réagir, nous avons tenté de mettre en place conjointement un dispositif qui repose sur deux éléments simples :
. un soutien financier pour que des entreprises en tension au niveau de leur trésorerie puissent continuer à faire confiance à des apprentis - c'est le dispositif 0 charge pour les apprentis pour toutes les entreprises de plus de 10 salariés. Il existe en outre une prime supplémentaire de 1 800 euros qui permet d'abaisser le coût d'un apprenti de l'ordre de 20 % ;
. financer avec vous des développeurs de l'apprentissage car il se passe parfois trop de temps entre les décisions nationales et l'information sur le terrain. Ces développeurs vont sur le terrain, remplissent les papiers quand vous recrutez un apprenti, vous informent des dispositifs existants. Le nombre de développeurs a déjà été multiplié par trois.
Les premiers retours statistiques dont nous disposons pour le moment sont impressionnants. Beaucoup reste à faire mais tout indique que des mesures de ce type ont une réelle portée sur le terrain. La baisse était de l'ordre de 20 % pour les contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Même si toutes les données 2009 ne sont pas encore consolidées, j'ai bon espoir que nous finissions l'année au même niveau que 2008, ce qui serait un très bon résultat vu le contexte.
Je continue à mettre la pression sur les Conseils régionaux en utilisant les fonds de l'Etat. Nous allons d'ailleurs remettre plus de 300 millions d'euros pour le fonds de développement et de modernisation de l'apprentissage. Je veux que l'apprentissage demeure une formation dispensée par les professionnels, les acteurs de terrain. L'apprentissage est d'abord fait avec les professionnels de l'apprentissage et les acteurs de terrain. Si ce lien est coupé, nous finirons par tuer l'apprentissage.
A ce propos, Président MARTIN, je vous remercie de vos propos sur la reprise des entreprises. Ce sujet me préoccupe. Ma prise de conscience s'est faite lors d'une discussion récente avec un entrepreneur de ma région. Ce chef d'entreprise, qui travaille habituellement avec le réseau des artisans, me disait qu'il voyait baisser le nombre de charcutiers et traiteurs. Quand on examine les dossiers, on voit que ce n'est pas un problème de chiffre d'affaires, le plus souvent. On n'arrive plus à former les jeunes pour les installer. Comme vous l'avez noté, reprendre une entreprise artisanale coûte cher. Et l'on sait que les banques sont parfois réticentes face à un jeune qui entend rependre une activité.
L'idée de mettre en place un fonds permettant de coupler une formation à l'installation (comptabilité, gestion des équipes, volet commercial....) et des ressources favorisant l'octroi de prêts à taux 0 me paraît bonne. Travaillons vite sur ce dossier qui ne sera une réussite que si nous pouvons combiner une force de frappe nationale et une présence de terrain. Il faudra donc détecter à l'avance territoire par territoire les entreprises qui seront transmises. L'arrivée des jeunes sera une bonne chose et la reprise se fera au bénéfice des cédants car l'on sait que cela est souvent un pécule pour les artisans. Valérie RAMAGE, membre de mon cabinet, sait que je suis preneur de votre idée. Je sollicite largement mes équipes depuis plus d'un mois sur ce sujet. J'ai d'ailleurs abordé récemment ce thème avec le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Pour les jeunes, un tel dispositif est à mon sens préférable à toutes les primes et autres dispositifs d'assistance envisageables. Certes, il est très bien de payer des jeunes qui « font l'effort d'aller à l'école » au lieu de rester chez eux mais j'ai tendance à penser que c'est ce qu'on attend d'eux. Si on commence à devoir payer des jeunes pour qu'ils aillent étudier, nous nous préparons une société qui a un petit problème de repères et de valeurs. A l'inverse, les formations en apprentissage sont motivantes. Les jeunes savent qu'il y a un emploi à l'arrivée. Les choses évoluent d'ailleurs. Il y a 5 ans, nous avions du mal à avoir des jeunes à orienter vers l'apprentissage. Nous trouvons désormais de plus en plus de jeunes qui sont désireux de prendre ce chemin, si on les aide à trouver des entreprises pour les accueillir. Cette évolution positive montre que le travail de fond que vous avez conduit depuis de très nombreuses années porte ses fruits.
Le Président de la République m'a demandé d'animer des ateliers de l'apprentissage au cours des trois prochains mois. Durant cette période, mon but est que nous identifions ensemble tous les points de blocage pour le développement de l'apprentissage :
. comment mieux orienter les jeunes en direction de l'apprentissage et faire en sorte que l'Education nationale, au lieu d'orienter parfois vers des voies sans issue, illustre clairement la possibilité d'aller en apprentissage ?
Il est très facile de tenir ce discours à une tribune, les choses sont beaucoup plus difficiles sur le terrain, je le sais parfaitement. A cet égard, nous réussirons si vous venez présenter l'apprentissage auprès des jeunes dans les lycées.
. il faut revoir le statut des apprentis puisque ces derniers sont systématiquement exclus des aides que peuvent recevoir les étudiants. Un jeune en apprentissage n'a pas droit à une réduction pour le cinéma, pour les transports en commun... De plus, l'apprentissage suppose parfois des mobilités géographiques qui sont coûteuses en temps et en argent puisque le jeune doit concilier son lieu d'habitat, son lieu d'études et son lieu d'apprentissage. Ce week end, à Yssingeaux, une jeune apprentie fleuriste me disait ainsi qu'elle avait trouvé un lieu de formation dans la Drôme !
Bref, au cours des trois prochains mois, je vais avoir besoin de l'UPA. Je veux que l'on mette toutes ces questions sur la table. Ce ne sont pas de grandes idées générales qui m'intéressent, ce sont des mesures concrètes pour améliorer la donne et lever les blocages. Nous pourrons ainsi percer le plafond de verre de l'apprentissage en France et nous rapprocher de pays comme l'Allemagne.
Vous l'aurez compris, l'UPA doit continuer à être un relais exigeant, comme vous l'avez été pour les dispositifs en faveur de l'apprentissage, le dispositif 0 charge ou les mesures en matière de formation professionnelle. Nous devons poursuivre le dialogue régulier que nous avons. Je sais que je peux compter sur vous. Dans la crise, vous avez été le partenaire le plus fiable du gouvernement. Sachez que vous pouvez compter sur notre soutien déterminé.
Source http://www.upa.fr, le 25 janvier 2010