Texte intégral
Tout d'abord, puisqu'on est encore en janvier, qu'on ne s'est pas vu depuis les fêtes, permettez-moi de vous souhaiter plein de bonnes choses pour les mois qui viennent, plein de bonnes choses à titre personnel et puis plein de bonnes choses dans votre travail aussi.
J'ai eu une journée extrêmement lourde depuis ce matin puisqu'on a commencé par un petit-déjeuner co-organisé par la France et la Roumanie consacré à la Moldavie. On a constitué quelque chose qui s'appelle désormais "le Groupe des amis de la Moldavie" et d'ailleurs, il n'y avait pas mal de participants pour cette première, dont le vice-Premier ministre moldave chargé des relations avec l'Union européenne. C'est un nouveau gouvernement installé depuis quatre mois, pro-européen, qui essaye de liquider les restes de beaucoup de soviétisme et nous étions là pour essayer de les aider. L'une des choses que nous avons décidées concrètement c'est d'adresser, mon collègue et moi, au nom des autres Etats, une lettre à Mme Ashton pour qu'on essaye de regarder avec eux leurs besoins en matière économique, qu'on essaye de regarder également leur problème de visa et qu'on regarde aussi l'évolution de la Transnistrie où comme vous le savez, il y a là une " force de paix russe ". Ce serait bien qu'à terme, on trouve des solutions avec la Russie pour que cette partie de la Moldavie retrouve pleinement sa place dans ce pays.
Pour le reste, nous avons eu ce matin un Conseil "Affaires générales" qui était lui aussi, même bref, extrêmement dense puis le Conseil "Affaires étrangères" où j'ai eu l'honneur de représenter la France puisque Bernard Kouchner, comme vous le savez, est aujourd'hui à Montréal pour la conférence sur Haïti.
Sur le Conseil "Affaires générales", je voudrais vous dire que pour nous c'est un organe stratégique, c'est un des deux organes qui figurent dans le Traité. C'est un organe transversal de coordination, c'est le filtre avant le Conseil européen, c'est celui qui est chargé du suivi des décisions du Conseil européen. Je dois vous dire d'ailleurs, de mémoire ce qu'il y a dans le Traité, article 16 paragraphe 6 du Traité - si ma mémoire est bonne -, nous souhaitons que ce Conseil reste un lieu important dans le système mais surtout que ce soit un lieu d'échange politique où l'on puisse confronter les points de vue des Etats et servir de lieu de préparation et de suivi des décisions, des initiatives que prennent les chefs d'Etat réunis en Conseil européen sous la Présidence du président Van Rompuy.
Avec d'autres collègues, j'avais soulevé ce point il y a déjà quinze jours à Ségovie lors de la première réunion informelle des ministres des Affaires européennes. Je suis content de voir que cette vision des choses est partagée par beaucoup d'Etats membres qui se sont exprimés en soutien à cette position ce qui a amené M. Moratinos, qui préside ce Conseil, à lui aussi insister sur le rôle que joue désormais le Conseil "Affaires générales" dans le fonctionnement du système institutionnel de l'Union.
Tout cela peut, peut-être, avoir l'air technique et ésotérique pour la plupart de nos concitoyens mais c'est quand même important. Vous savez qu'il y a des conseils techniques dans le fonctionnement du Conseil, c'est le seul endroit où l'on peut ramasser tous les sujets, faire de la politique au sens où l'on peut traiter les questions qui intéressent vraiment les citoyens, qu'il s'agisse de l'emploi, de l'immigration, de la sécurité, avant le niveau des chefs d'Etat. De ce point de vue, il était très important d'insister sur ce mécanisme de coordination politique entre les Etats et puis il y aura d'autre part le Conseil "Affaires étrangères". Dans l'optique de M. Moratinos, si j'ai bien compris, les ministres des Affaires étrangères se réuniront le matin pour parler politique internationale et l'après-midi le Conseil Affaires générales. Au milieu il y aura un déjeuner où tout le monde participera, si j'ai bien compris, tantôt avec Mme Ashton, tantôt avec M. Van Rompuy qui participera à des déjeuners avec les ministres des Affaires européennes comme nous l'avions souhaité. Nous avons souhaité un contact régulier avec le président du Conseil européen. Donc voilà le modus operandi, à commencer par le mois prochain.
J'imagine que vous vouliez aussi que l'on aborde les nombreuses questions de politique étrangère qui ont été évoquées aujourd'hui.
Sur Haïti, il y a eu un tour de table détaillé, les Etats ont donné chacun les premières indications sur les contributions nationales et sur ce que nous pouvons faire, sur ce que nous devons faire dans la perspective des prochaines réunions sur la reconstruction d'Haïti, réunion dont la conférence préparatoire a lieu aujourd'hui, à laquelle participait mon ami Bernard Kouchner qui représentait la France mais qui aussi, a été à côté de la Présidence espagnole, le représentant de Mme Ashton à la demande de celle-ci.
Je rappelle que nous n'avons pas du tout à rougir, loin de là, de l'implication de notre pays qui a été l'un des premiers sur place et qui l'a été de façon importante puisque d'ores et déjà 25 millions d'euros ont été mis à la disposition des Haïtiens. Une centaine de gendarmes sont sur place, beaucoup de matériel, d'aéronefs, de bateaux. Au total, l'Union européenne se prépare à déployer entre 300 et 350 gendarmes dans le cadre de la FGE, la force de gendarmerie européenne.
Il a été beaucoup question de visibilité de l'action de l'Union en Haïti, il est clair qu'au moment où les nouvelles institutions venaient d'entrer en vigueur, cette affaire a agi comme un test, comme un révélateur de l'action de l'Union et il y a beaucoup de leçons à tirer de cette affaire. Nous en avons parlé sans détour ce matin, conscients qu'il y a le regard de nos opinions publiques, il y a l'image et la crédibilité de l'Union dans une affaire comme celle-là qui secoue les coeurs de nos concitoyens et qui a un impact mondial.
D'abord, je souhaiterais dire que le travail de Mme Ashton en termes de coordination a été important puisque nous avons réuni en interne avec les contributions nationales quand même 430 millions d'euros qui ont été débloqués, ce qui est quand même de très loin le premier montant financier disponible pour Haïti. Par comparaison, l'aide des Américains est de 170 millions d'euros dont 91 d'aide publique, quant au triangle Etats-Unis-Canada-Brésil c'est environ 275 millions d'euros d'aide publique et privée.
En Europe, la mobilisation financière a été importante, le chiffre que j'ai donné ne concerne que l'aide publique, il y a aussi beaucoup de mobilisation privée, aux Pays-Bas par exemple, mon collègue néerlandais disait ce matin que la mobilisation avait permis de débloquer très rapidement pas loin de 40 millions d'euros de dons à côté des 40 millions d'euros d'aide publique du côté néerlandais.
M. De Gucht a fait un rapport fort utile sur l'état de la situation sur le terrain ce qui va nous permettre, avec le retour d'expérience des Etats, de bâtir un projet de reconstruction pour ce pays et où l'Europe va pouvoir faire valoir son plus qui est l'intégration des capacités civilo-militaires de reconstruction.
Tout ce que nous faisons en matière notamment de sécurité, de reconstruction, doit être mis au service de l'ONU. Ce qu'il importe de faire c'est de donner, de répondre par une sorte d'offre unique de l'Union européenne.
De ce point de vue, du côté français, nous avons milité et obtenu la création d'une cellule de coordination qui permettra d'intégrer les différents modules qui existent dans le système européen et qui va permettre de mettre ensemble de façon efficace l'ensemble des moyens européens.
De même, nous avons là un des principaux contributeurs, vous l'avez vu, à la force de sécurité, donc une cellule de coordination européenne sera mise en place sous l'autorité de Mme Ashton pour coordonner les moyens militaires des Etats membres, moyens, encore une fois, qui sont mis à la disposition de l'ONU.
Reste que, j'en suis bien conscient, pour connaître la réaction de nos concitoyens, pas seulement des médias, il faut voir davantage le drapeau des Européens dans ce genre d'affaires, non pas parce qu'il y aurait une sorte de compétition stérile avec les Américains ou d'autres qui ont beaucoup donné, et c'est bien qu'ils aient donné, ils sont tout à côté et c'est bien que la logistique américaine se soit mise en branle au service d'un peuple qui souffre dans les conditions que vous savez. Loin de moi l'idée ou loin de nous, du côté du gouvernement français, l'idée de la moindre compétition qui serait franchement grotesque sur un sujet comme celui-là, il n'empêche qu'il est bien que l'Europe affiche son drapeau est qu'au-delà du travail de coordination, on voit rapidement les moyens européens sur le terrain. On en vient, vous l'avez compris, à cette question qui est celle de quels sont les moyens d'urgence de l'Europe dans des circonstances comme celles-là, sachant même que le Traité de Lisbonne prévoit une compétence partagée entre les Etats et l'Union. Or, comme vous le savez, ces idées de force d'urgence européenne ou de force de réaction rapide, humanitaire, européenne, ces idées circulent depuis 2003, il y avait un projet belge qui s'appelait, - si ma mémoire est bonne -, "Eufast", il y a déjà sept ans, il y a eu un autre projet deux ans plus tard, il y a eu le rapport de Michel Barnier en 2006... disons que pour une force de réaction rapide on aurait pu espérer que la réflexion serait un peu plus rapide, depuis le temps qu'on parle de force de réaction rapide, c'est presque une course de lenteur !
Alors je crois que cette fois, cela y est. Hélas ! Il a fallu cette tragédie pour qu'enfin le système ait l'air de se mettre en route le président de la République l'a demandé très clairement dans ses voeux devant les ambassadeurs vendredi, le président Van Rompuy en a parlé, nous avons demandé ce matin à Mme Ashton et à la Commission de travailler à cela, ajoutez que la Grèce a présenté un document sur le projet de corps de volontaires européens qui ne se substitue pas mais qui renforce l'idée précédente. C'est bien d'offrir la possibilité à des jeunes européens de contribuer à des missions de ce genre mais cela ne se substitue pas naturellement aux gens qui sont spécialisés et, en termes de catastrophe, qui ont les moyens, qui sont les secouristes, j'allais dire professionnels, qui doivent être pré-positionnés ou organisés ou coordonnés à l'avance.
Au total, qu'est-ce que l'on peut dire de cette affaire ? Un, les Etats ont fait leur travail, ils l'ont fait avec beaucoup de générosité et c'est tout à l'honneur de nos différentes nations. Deux, la machine européenne est en train de se mettre en place en termes de coordination, elle ne le fait pas mal. On peut toujours dire que ce n'est pas assez rapide mais enfin ce n'est pas simple à faire, l'argent a été levé, les réunions sont tenues et nous sommes en train de mettre en place les moyens civilo-militaires. Ce qui a certainement manqué, c'est de la visibilité tout de suite, avec un drapeau européen tout de suite, des écussons sur les épaulettes et une gestuelle, une présence européenne à côté de celle des Etats. Je pense que la leçon sera apprise et je pense que la création d'un service humanitaire d'urgence, quel que soit le nom, aidera de ce point de vue. C'est politiquement important, parce que je crois que la politique c'est aussi une affaire de symboles. C'est bien que la France, l'Espagne, l'Italie et d'autres pays aient agi mais c'est bien aussi que l'Europe puisse le faire rapidement et que ce soit visible. Tout cela je le répète parce que je le pense vraiment, sans le moindre esprit de concurrence avec qui que ce soit, Brésiliens, Américains, Canadiens qui sont en plus tout proches. Cela était le premier point de l'ordre du jour.
J'en viens à l'Afghanistan. Nous sommes à la veille d'un rendez-vous important qui est le rendez-vous de la conférence de Londres. Ce que j'ai trouvé très intéressant ce matin dans la discussion c'est de voir qu'il y avait de plus en plus conscience chez les collègues, que nous sommes naturellement à un moment important dans ce conflit qui dure depuis huit ans, que Londres sera l'occasion d'obtenir des autorités afghanes une sorte de contrat, contrat d'objectifs, notamment en terme de gouvernance, de lutte contre la corruption, de lutte contre la drogue, d'amélioration de la gouvernance, que ce sera l'occasion de mieux structurer toute l'architecture internationale qui travaille en Afghanistan au plan civil comme au plan militaire. J'ai même entendu un certain nombre de collègues dire comme nous, depuis un moment déjà, que nous avions besoin de plus d'Europe dans cette affaire, plus de contacts entre Européens et d'une meilleure coordination entre nous les Européens dans ce conflit difficile. Quand je dis conflit, je parle de stabilisation d'un pays, nous sommes en fait dans une opération de guerre contre-insurrectionnelle.
Parmi les priorités qui sont devant nous, sous l'angle européen des choses, d'abord, la représentation de l'Union européenne à Kaboul est une priorité. Cela fait de nombreux mois que Bernard Kouchner et moi disons qu'il n'est pas possible de continuer ainsi. Il y a eu jusqu'à trois représentations européennes différentes à Kaboul. L'une du Conseil, l'autre de la Commission plus la présidence tournante, il est temps d'arriver à un représentant pour l'Union européenne.
Deuxièmement, il vaut mieux coordonner nos propres efforts, y compris sur le plan économique en faisant très attention à ce que cet argent arrive bien au peuple afghan car c'est la grande difficulté. Si on prend les dépenses consenties par l'Union et les Etats sur la période 2002-2006, on arrive, tenez-vous bien, à 3,7 milliards d'euros, sur les 600 millions d'euros annoncés par la seule Commission pour la période 2007-2010, plus de 213 millions ont été décaissés en 2008 et 2009, cela fait beaucoup d'argent. Encore faut-il que cet argent arrive au bon endroit et je ne parle même pas de l'argent qui a été décaissé de l'autre côté de la montagne c'est-à-dire au Pakistan. Il nous vaut donc mieux dépenser cet argent et c'est un de nos soucis principaux, d'abord que ce conflit soit bien conçu comme ce qu'il est.
Je parle d'abord en termes de développement, l'Afghanistan compte parmi les pays les plus pauvres du monde. Le problème est davantage un problème de développement qu'autre chose. Et deuxièmement, il faut que nous soyons capables de mieux coordonner notre action en termes de représentation et de coordination de notre aide.
Sur la Somalie, je dirais trois choses. D'abord, je crois que c'est une constatation partagée par tous. L'opération militaire Atalante est vraiment un succès pour les Européens et je crois que les Européens peuvent être fiers de ce que leurs soldats font ensemble dans la corne de l'Afrique, qu'ils soient marins ou aviateurs. C'est la preuve, pardon d'utiliser un slogan de campagne électorale, que quand l'Europe veut, elle peut. Si elle veut vraiment faire de la lutte anti-piraterie même dans une zone lointaine comme la corne de l'Afrique, elle le peut et elle le fait d'ailleurs mieux que d'autres marines ou d'autres coalitions de force.
Cela étant, vous savez comme moi que de faire la police en mer c'est une chose mais à long terme il faut naturellement stabiliser la situation à terre. C'est la raison pour laquelle, nous avons milité depuis longtemps pour que l'Union aide à la formation des forces somaliennes.
Dès le mois d'avril 2009, la France a commencé à prendre des initiatives dans ce domaine et au mois de juillet dernier nous avons commencé un programme de formation à Djibouti pour les forces somaliennes.
Cet automne, je me suis rendu moi-même à la rencontre des ambassadeurs du COPS à Djibouti. Nous avons commencé à déposer un certain nombre de propositions dans les réunions qui se sont tenues cet automne. L'Espagne nous a rejoint et a accepté d'être nation cadre dans ces programmes. J'ai le plaisir de vous dire qu'aujourd'hui, la décision politique a été prise par l'Union de mettre en place ce programme qui concerne la formation de 2.000 soldats. Programme qui va donc pouvoir commencer dès le mois de mai et donc nous sommes, de ce point de vue, assez satisfaits. Ce n'est pas la fin de l'histoire, parce que naturellement il y a beaucoup de progrès à faire, il y a aussi des progrès à faire dans la mise en oeuvre des suites d'Atalante, ne serait-ce que pour juger les pirates. Pour juger les pirates, il faut que l'Union soit capable d'aider les Etats de la région, d'avoir un système de tribunal régional co-financé ou aidé financièrement par l'Union européenne. Nous avons besoin d'accompagner judiciairement cette action, faute de quoi, on va arrêter les pirates mais on ne va pas les juger. Si l'on veut éviter cela, il faut être cohérent dans la suite de l'opération. De la même façon, côté français, nous réfléchissons avec les Etats de la région à la formation de garde-côtes dans un certain nombre de pays de la région.
Il y a eu aussi un échange autour de la table sur le Yémen et enfin, il y a eu une discussion sur deux sujets, la Bosnie-Herzégovine et l'Iran.
Un mot sur la Bosnie, vous savez qu'il y a des élections prévues cette année. Du côté français, nous pensons qu'il faut passer d'une logique de Dayton à une logique européenne. Cela veut dire qu'il faut qu'il y ait un représentant de l'Union plutôt qu'un bureau du représentant de l'ONU. Et cela veut dire aussi qu'il faut assez rapidement j'allais dire, passer d'une phase post militaire, il faut que la Bosnie s'assume en tant qu'Etat, et profiter de ces élections pour que les choses avancent dans cette prise de conscience. Il y a eu une discussion autour de la table sur ce sujet mais nous, nous allons pousser pour que la Bosnie s'assume en tant qu'Etat.
Sur l'Iran, nous souhaitons que les Européens travaillent ensemble à la préparation de sanctions parce que nous pensons qu'il faut que nous soyons à même d'accompagner le processus de sanctions vers lequel nous allons aux Nations unies, devant lequel nous devons aller compte tenu des refus successifs de la part de l'Iran, de toutes les offres de solutions que nous avons proposées à ses programmes d'enrichissement.
Je rappelle que nous sommes en négociations avec l'Iran depuis six ans, qu'il y a une attitude nouvelle des Etats-Unis depuis au moins un an, que la totalité des propositions qui ont été faites par les Occidentaux et les Européens ont été toutes repoussées et que, maintenant, si l'on écoute les porte-parole iraniens il est question de passer à de l'enrichissement à 20 %, qui est bien sûr contraire au Traité de non-prolifération, - 20 % c'est le seuil de militarisation d'enrichissement de l'uranium. J'ajoute que cet uranium n'est pas utilisable en tant que tel pour le réacteur de recherche de Téhéran, puisque les Iraniens n'ont pas la capacité de fabriquer le combustible proprement dit et que donc on serait dans une nouvelle phase. C'est la raison pour laquelle, il nous faut être capable d'accompagner le processus nécessaire de sanctions à l'ONU, que les Européens doivent se préparer à envisager ces sanctions. Voilà notre position et voilà l'état de la discussion sur l'ensemble de ces sujets, vous voyez que c'était une journée assez bien remplie.
Q - Sur la force de sécurité civile en Haïti, qui doit proposer ?
R - Je n'ai pas entendu de réticences sur l'idée. Je pense que, maintenant, la Commission de son côté, le Conseil de l'autre, c'est une compétence partagée donc tout ce qui viendra comme proposition de son côté sera le bienvenu, vont y travailler. M. Kouchner est entouré aujourd'hui d'experts de la Commission et du Conseil, c'est bien ainsi. Il n'y a pas de concurrence entre les institutions, ce n'est pas comme cela que nous voyons les choses. Tout le monde travaille ensemble et va essayer de fabriquer rapidement un système qui n'est pas très difficile en fait.
Ceux qui connaissent les questions militaires savent que c'est souvent des affaires de double casquette, c'est-à-dire qu'on va détecter les unités - les gens qui savent faire dans les différents services de protection civile dans les pays - qui sont affectées à l'avance à une mission qui serait une mission commune le moment venu, soit l'Etat s'engage en national, soit c'est l'Europe qui intervient mais du coup cela permet d'être prêt à réagir très tôt, c'est pas très difficile à faire. Si en plus, on peut greffer des systèmes de formation, de coordination, cela n'a pas besoin d'être lourd non plus. Et si on peut l'ouvrir à des volontaires, à des jeunes de tous les pays d'Europe qui se joindraient dans un deuxième temps au programme de reconstruction, je crois qu'on aurait quelque chose qui serait à la hauteur des défis que nous avons connus depuis le tsunami, et malheureusement Haïti, il y aura d'autres choses de ce genre, y compris en Europe, - il y a eu des séismes et des catastrophes de ce genre en Europe, voilà, ce n'est pas très difficile à faire.
Q - Un délai a-t-il été donné par Mme Ashton ?
R - Je pense que cela devrait être rapide depuis le temps qu'on en parle... Ce n'est pas très difficile à faire en plus.
Q - La Force de gendarmerie européenne (FGE) prendra-t-elle du temps à se déployer ?
R - Non ! M. De Gucht a dit des choses que je trouve très exactes. Je ne sais pas s'il l'a dit en public après, il a raison de dire que dans une situation comme celle-là, on n'a pas besoin de soldats en armes, il n'y a pas de menace militaire contre Haïti. Il n'y a pas besoin de force militaire organisée en tant qu'unités de combat, ce n'est pas des forces de combat, c'est plus des forces qui ont à la fois des compétences policières et qui soient en même temps capables de maintenir l'ordre y compris en milieu rural ou dans des situations complexes. C'est cela que savent faire les gendarmes mieux que les militaires, les militaires n'ont pas de compétence en matière de police et là, ce sont des missions de police, de sécurisation en ville ou dans la banlieue qui se déroulent en ce moment en Haïti. Les gendarmes sont donc bien plus adaptés, il faudrait en avoir en plus grand nombre naturellement. Mais c'est bien qu'on soit passé de quelques dizaines, ce qui a été proposé il y a quelques jours, à 350 aujourd'hui. Ce qui nous revient c'est qu'un millier de gendarmes ou de policiers aguerris, cela suffit normalement. Encore une fois, ce n'est pas un pays en guerre et donc je pense que dans la phase de reconstruction, de reconsolidation ces 300 ou 400 gendarmes vont être très très utiles.
Q - Qui contribue à la FGE ?
R - La FGE existe, basée à Vicenza en Italie. Ce n'est pas une force PESD, c'est une force intergouvernementale. Tout le monde n'y est pas, il n'y a que les pays qui ont des gendarmes qui les ont affectés, il y a un commandement léger, placé en Italie. J'ai eu affaire à cette force pour l'Afghanistan... Les militaires, c'est bien pour aller reprendre une vallée, par exemple, mais derrière si vous voulez former la police et protéger les villages, il vous faut du policier, ce n'est pas vraiment des unités de combat. Nos gendarmes savent très bien faire cela. Il y a six pays en Europe qui ont des forces de gendarmerie, nous les avons envoyés en Afghanistan où ils font un travail de formation de la police. En Haïti, ils vont faire un travail de sécurisation extrêmement utile.
Q - Où en est-on dans les contributions ?
R - On en est où dans les contributions exactes ... France, Italie, Espagne, dans cet ordre, je crois que nous sommes les premiers contributeurs.
Il faut savoir que les Turcs ont un statut d'observateur à la FGE et qu'ils ont eux aussi une gendarmerie. Je ne les ai pas vus sur ce dossier. Sur l'Afghanistan, oui mais pas sur ce dossier.
Q - Cela prendra-t-il du temps ?
R - La FGE ? Très vite, dès lors que le mécanisme est inclus dans la force humanitaire, ce que l'Europe sait assez bien faire, c'est le civilo-militaire. Ce qu'il faut c'est simplement que ces mécanismes de coordination soient prêts, et puis ce qu'elle sait bien faire aussi, c'est le travail de reconstruction. Et là, le travail de reconstruction va être absolument considérable parce que Karel De Gucht nous a expliqué que l'ensemble de l'appareil d'Etat est détruit, il n'y a plus un immeuble public debout, il faut donc tout reconstruire au niveau de l'Etat, il faut refaire l'assainissement, il faut refaire les eaux. J'ai proposé, ce matin, qu'on se répartisse la tâche, que les Etats annoncent quels étaient les secteurs qu'on prendrait en priorité de façon à ce qu'il n'y ait pas de doublons et que ce soit là encore, le plus efficace possible, le tout sous la responsabilité de Mme Ashton.
Q - En tout combien cela fait-il de gendarmes ?
R - Le total qui a été annoncé, c'est 300 à 350. Je ne peux pas vous donner les décomptes exacts, je pense que le Haut représentant doit avoir cela.
La FGE est intéressante parce que c'est un mécanisme qui peut fonctionner rapidement, il n'y a pas besoin d'avoir 14 réunions diplomatiques. Il y a un état major, on sait où sont les unités, dès que la décision politique est prise, les gens peuvent partir. C'est donc presque aussi rapide, dès lors qu'il y a une volonté de le faire, c'est pour cela que je pense que si on inclut tout cela dans le système pré-positionné, si j'ose dire, de force humanitaire avec un volet sécurité, cela peut aller très vite. Il n'y a pas à réinventer la roue, d'autant que depuis le tsunami, il y avait un centre de gestion de crise côté Commission. Il y a tous les mécanismes en jeu dans l'Union européenne. La question c'est de les faire travailler ensemble.
Q - Le débat sur Mme Ashton est-il légitime ?
R - Ce n'est pas mon rôle, franchement c'est complètement stérile, je ne suis pas commentateur, je constate que j'ai dit ce que j'avais à dire sur le sujet. Je pense qu'on a beaucoup appris de cette crise. Je crois que le travail de coordination est fait correctement. Je crois qu'il y a des progrès à faire en termes de réaction rapide quasi immédiate à côté des Etats parce que les Etats sont toujours plus rapides.
La décision politique est prise, surtout dans un Etat centralisé comme le nôtre, le président prend la décision, l'exécution suit, dans un ensemble européen, il faut qu'il y ait au moins une réunion et qu'ensuite le mécanisme se mette en branle. Les Etats seront toujours plus rapides et puis les matériels, les hommes sont disposés chez les Etats, ils ne sont pas là dans le parking de la Commission ou du Conseil donc ils seront toujours logés dans les Etats.
Ce qu'il faut, c'est, peut-être, une visibilité, une capacité de réaction plus rapide, ce sont les leçons qui vont être tirées. Il faut être un petit peu indulgent pour un système qui est en rodage, j'insiste là-dessus, cela fait à peine un mois que tout cela est en place. On a eu une longue discussion ce matin au CAG, j'ai moi-même écrit à M. Moratinos il y a 15 jours sur l'organisation de la réunion à Ségovie, pourquoi ? Parce qu'on est dans une phase de rodage, que chacun des morceaux de l'organisation se cherche et essaye de marquer son territoire donc il est normal pour les Etats de marquer le leur et moi je le marque naturellement, chaque fois que j'ai l'occasion de dire "on souhaite cela" et "on souhaite que cette organisation fonctionne comme cela". C'est normal, parce qu'il ne faut pas faire d'erreurs à ce stade. Cela dit, il faut aussi être un petit peu réaliste et indulgent, vingt sept Etats c'est une machine complexe, on ne peut pas s'attendre à ce que tout fonctionne parfaitement parce qu'on aura dit que le premier jour de mise en oeuvre du Traité, c'est le 1er janvier. Quand les gens arrivent au bureau le 4 et que les personnels ne sont pas nécessairement là, les équipes sont encore squelettiques, le service diplomatique de l'Union est à créer. La réalité, c'est celle-là quand même ne tirons pas sur le pianiste, on est quand même dans une phase où tout cela s'organise.
Q - Est-ce un problème de publicité ou de personne ?
R - J'ai dit aussi précédemment et publiquement que tout le monde n'est pas fait comme Nicolas Sarkozy, ce qui est vrai aussi et que si moi vous me dites si je suis sarkozyste dans ce genre d'affaire ? Oui. Par rapport à d'autres qui ne le sont peut-être pas nécessairement.
Q - Que veut dire "sarkozyste" ?
R - Cela veut dire réagir fort et vite.
Q - Est-ce un débat français ?
R - Oui, je veux vous dire à vous, qui êtes journalistes français que ce débat est un débat très français parce qu'il y a des tas de pays où, franchement, la question ne s'est pas posée, quelqu'un d'autre faisait le travail, en l'occurrence les Américains, dès lors que quelqu'un faisait le travail cela suffisait. Nous nous sommes très européens. D'abord, nous sommes un peu plus généreux et deuxièmement nous sommes très européens. Nous voulons, à la fois, être généreux en national et en plus nous voulons que l'Europe entière le soit, ce qui n'est pas nécessairement le cas de tous nos partenaires et c'est une vraie différence, il faut le savoir.
Et puis, il y a aussi une histoire française en Haïti qui n'est pas d'ailleurs que parfaite, loin de là.
Q - Est-ce aussi une comparaison entre la France et les Etats-Unis ?
R - Je pense qu'il y a le tropisme rentré d'un pays qui continue à vouloir être un très grand pays, qui a été une superpuissance, qui continue à vouloir un rôle mondial et à se penser comme ayant un rôle mondial et des valeurs universelles, et cela c'est très vrai et cela reste très vrai. D'ailleurs, c'est un des bonheurs d'être Français, c'est qu'on continue à se vouloir un pays à vocation universelle et donc quand il y a un grand drame, les Français sont, que voulez-vous, généreux. Il y en a qui vont au cinéma, il y en a qui se mobilisent. Cela dit, on n'est pas les seuls à se mobiliser, encore une fois la mobilisation aux Pays-Bas a été formidable et supérieure à la mobilisation en France. Il ne faut pas non plus se gargariser, il y a d'autres nations qui ont montré une très grande mobilisation aussi.
Q - Sur l'Iran, s'il n'y a pas de sanctions onusiennes ?
R - S'il n'y pas d'ONU, il n'y a pas de sanctions, par définition, puisque celles-ci n'ont de sens que dans le cadre du Conseil de sécurité car ce que nous discutons à ce stade c'est pour accompagner une décision éventuelle du Conseil de sécurité, le lieu où les sanctions sont prises, le lieu de légitimité pour cela c'est le Conseil de sécurité, ce n'est pas un scoop, ce sont les institutions internationales.
Q - Sur la Moldavie, quel est le groupe qui s'est réuni ce matin ?
R - Combien d'Etats ? Alors ce matin, il y en avait une quinzaine autour de la table.
Q - Pensez-vous pouvoir faire quelque chose en Européen ?
R - Moi je rêve, "I have a dream", moi aussi j'ai le droit d'avoir un rêve, je rêve d'un moment où ce sera une force européenne qui remplacera la "force de maintien de la paix" russe, en ce moment déployée en Transnistrie.
Je pense, comme beaucoup mais tout cela se fait dans la discussion, la négociation avec nos amis russes qui sont nos amis.
Q - Vos amis russes ne sont-ils pas complètement contre cette solution ?
R - Il faut voir mais il n'y a aucune menace contre quiconque, ce qu'il faut c'est peut-être stabiliser un peu les choses puis préparer la transition vers une économie plus moderne, des deux côtés du Dniestr, sur les deux rives du Dniestr, je crois que ce serait bien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 février 2010
J'ai eu une journée extrêmement lourde depuis ce matin puisqu'on a commencé par un petit-déjeuner co-organisé par la France et la Roumanie consacré à la Moldavie. On a constitué quelque chose qui s'appelle désormais "le Groupe des amis de la Moldavie" et d'ailleurs, il n'y avait pas mal de participants pour cette première, dont le vice-Premier ministre moldave chargé des relations avec l'Union européenne. C'est un nouveau gouvernement installé depuis quatre mois, pro-européen, qui essaye de liquider les restes de beaucoup de soviétisme et nous étions là pour essayer de les aider. L'une des choses que nous avons décidées concrètement c'est d'adresser, mon collègue et moi, au nom des autres Etats, une lettre à Mme Ashton pour qu'on essaye de regarder avec eux leurs besoins en matière économique, qu'on essaye de regarder également leur problème de visa et qu'on regarde aussi l'évolution de la Transnistrie où comme vous le savez, il y a là une " force de paix russe ". Ce serait bien qu'à terme, on trouve des solutions avec la Russie pour que cette partie de la Moldavie retrouve pleinement sa place dans ce pays.
Pour le reste, nous avons eu ce matin un Conseil "Affaires générales" qui était lui aussi, même bref, extrêmement dense puis le Conseil "Affaires étrangères" où j'ai eu l'honneur de représenter la France puisque Bernard Kouchner, comme vous le savez, est aujourd'hui à Montréal pour la conférence sur Haïti.
Sur le Conseil "Affaires générales", je voudrais vous dire que pour nous c'est un organe stratégique, c'est un des deux organes qui figurent dans le Traité. C'est un organe transversal de coordination, c'est le filtre avant le Conseil européen, c'est celui qui est chargé du suivi des décisions du Conseil européen. Je dois vous dire d'ailleurs, de mémoire ce qu'il y a dans le Traité, article 16 paragraphe 6 du Traité - si ma mémoire est bonne -, nous souhaitons que ce Conseil reste un lieu important dans le système mais surtout que ce soit un lieu d'échange politique où l'on puisse confronter les points de vue des Etats et servir de lieu de préparation et de suivi des décisions, des initiatives que prennent les chefs d'Etat réunis en Conseil européen sous la Présidence du président Van Rompuy.
Avec d'autres collègues, j'avais soulevé ce point il y a déjà quinze jours à Ségovie lors de la première réunion informelle des ministres des Affaires européennes. Je suis content de voir que cette vision des choses est partagée par beaucoup d'Etats membres qui se sont exprimés en soutien à cette position ce qui a amené M. Moratinos, qui préside ce Conseil, à lui aussi insister sur le rôle que joue désormais le Conseil "Affaires générales" dans le fonctionnement du système institutionnel de l'Union.
Tout cela peut, peut-être, avoir l'air technique et ésotérique pour la plupart de nos concitoyens mais c'est quand même important. Vous savez qu'il y a des conseils techniques dans le fonctionnement du Conseil, c'est le seul endroit où l'on peut ramasser tous les sujets, faire de la politique au sens où l'on peut traiter les questions qui intéressent vraiment les citoyens, qu'il s'agisse de l'emploi, de l'immigration, de la sécurité, avant le niveau des chefs d'Etat. De ce point de vue, il était très important d'insister sur ce mécanisme de coordination politique entre les Etats et puis il y aura d'autre part le Conseil "Affaires étrangères". Dans l'optique de M. Moratinos, si j'ai bien compris, les ministres des Affaires étrangères se réuniront le matin pour parler politique internationale et l'après-midi le Conseil Affaires générales. Au milieu il y aura un déjeuner où tout le monde participera, si j'ai bien compris, tantôt avec Mme Ashton, tantôt avec M. Van Rompuy qui participera à des déjeuners avec les ministres des Affaires européennes comme nous l'avions souhaité. Nous avons souhaité un contact régulier avec le président du Conseil européen. Donc voilà le modus operandi, à commencer par le mois prochain.
J'imagine que vous vouliez aussi que l'on aborde les nombreuses questions de politique étrangère qui ont été évoquées aujourd'hui.
Sur Haïti, il y a eu un tour de table détaillé, les Etats ont donné chacun les premières indications sur les contributions nationales et sur ce que nous pouvons faire, sur ce que nous devons faire dans la perspective des prochaines réunions sur la reconstruction d'Haïti, réunion dont la conférence préparatoire a lieu aujourd'hui, à laquelle participait mon ami Bernard Kouchner qui représentait la France mais qui aussi, a été à côté de la Présidence espagnole, le représentant de Mme Ashton à la demande de celle-ci.
Je rappelle que nous n'avons pas du tout à rougir, loin de là, de l'implication de notre pays qui a été l'un des premiers sur place et qui l'a été de façon importante puisque d'ores et déjà 25 millions d'euros ont été mis à la disposition des Haïtiens. Une centaine de gendarmes sont sur place, beaucoup de matériel, d'aéronefs, de bateaux. Au total, l'Union européenne se prépare à déployer entre 300 et 350 gendarmes dans le cadre de la FGE, la force de gendarmerie européenne.
Il a été beaucoup question de visibilité de l'action de l'Union en Haïti, il est clair qu'au moment où les nouvelles institutions venaient d'entrer en vigueur, cette affaire a agi comme un test, comme un révélateur de l'action de l'Union et il y a beaucoup de leçons à tirer de cette affaire. Nous en avons parlé sans détour ce matin, conscients qu'il y a le regard de nos opinions publiques, il y a l'image et la crédibilité de l'Union dans une affaire comme celle-là qui secoue les coeurs de nos concitoyens et qui a un impact mondial.
D'abord, je souhaiterais dire que le travail de Mme Ashton en termes de coordination a été important puisque nous avons réuni en interne avec les contributions nationales quand même 430 millions d'euros qui ont été débloqués, ce qui est quand même de très loin le premier montant financier disponible pour Haïti. Par comparaison, l'aide des Américains est de 170 millions d'euros dont 91 d'aide publique, quant au triangle Etats-Unis-Canada-Brésil c'est environ 275 millions d'euros d'aide publique et privée.
En Europe, la mobilisation financière a été importante, le chiffre que j'ai donné ne concerne que l'aide publique, il y a aussi beaucoup de mobilisation privée, aux Pays-Bas par exemple, mon collègue néerlandais disait ce matin que la mobilisation avait permis de débloquer très rapidement pas loin de 40 millions d'euros de dons à côté des 40 millions d'euros d'aide publique du côté néerlandais.
M. De Gucht a fait un rapport fort utile sur l'état de la situation sur le terrain ce qui va nous permettre, avec le retour d'expérience des Etats, de bâtir un projet de reconstruction pour ce pays et où l'Europe va pouvoir faire valoir son plus qui est l'intégration des capacités civilo-militaires de reconstruction.
Tout ce que nous faisons en matière notamment de sécurité, de reconstruction, doit être mis au service de l'ONU. Ce qu'il importe de faire c'est de donner, de répondre par une sorte d'offre unique de l'Union européenne.
De ce point de vue, du côté français, nous avons milité et obtenu la création d'une cellule de coordination qui permettra d'intégrer les différents modules qui existent dans le système européen et qui va permettre de mettre ensemble de façon efficace l'ensemble des moyens européens.
De même, nous avons là un des principaux contributeurs, vous l'avez vu, à la force de sécurité, donc une cellule de coordination européenne sera mise en place sous l'autorité de Mme Ashton pour coordonner les moyens militaires des Etats membres, moyens, encore une fois, qui sont mis à la disposition de l'ONU.
Reste que, j'en suis bien conscient, pour connaître la réaction de nos concitoyens, pas seulement des médias, il faut voir davantage le drapeau des Européens dans ce genre d'affaires, non pas parce qu'il y aurait une sorte de compétition stérile avec les Américains ou d'autres qui ont beaucoup donné, et c'est bien qu'ils aient donné, ils sont tout à côté et c'est bien que la logistique américaine se soit mise en branle au service d'un peuple qui souffre dans les conditions que vous savez. Loin de moi l'idée ou loin de nous, du côté du gouvernement français, l'idée de la moindre compétition qui serait franchement grotesque sur un sujet comme celui-là, il n'empêche qu'il est bien que l'Europe affiche son drapeau est qu'au-delà du travail de coordination, on voit rapidement les moyens européens sur le terrain. On en vient, vous l'avez compris, à cette question qui est celle de quels sont les moyens d'urgence de l'Europe dans des circonstances comme celles-là, sachant même que le Traité de Lisbonne prévoit une compétence partagée entre les Etats et l'Union. Or, comme vous le savez, ces idées de force d'urgence européenne ou de force de réaction rapide, humanitaire, européenne, ces idées circulent depuis 2003, il y avait un projet belge qui s'appelait, - si ma mémoire est bonne -, "Eufast", il y a déjà sept ans, il y a eu un autre projet deux ans plus tard, il y a eu le rapport de Michel Barnier en 2006... disons que pour une force de réaction rapide on aurait pu espérer que la réflexion serait un peu plus rapide, depuis le temps qu'on parle de force de réaction rapide, c'est presque une course de lenteur !
Alors je crois que cette fois, cela y est. Hélas ! Il a fallu cette tragédie pour qu'enfin le système ait l'air de se mettre en route le président de la République l'a demandé très clairement dans ses voeux devant les ambassadeurs vendredi, le président Van Rompuy en a parlé, nous avons demandé ce matin à Mme Ashton et à la Commission de travailler à cela, ajoutez que la Grèce a présenté un document sur le projet de corps de volontaires européens qui ne se substitue pas mais qui renforce l'idée précédente. C'est bien d'offrir la possibilité à des jeunes européens de contribuer à des missions de ce genre mais cela ne se substitue pas naturellement aux gens qui sont spécialisés et, en termes de catastrophe, qui ont les moyens, qui sont les secouristes, j'allais dire professionnels, qui doivent être pré-positionnés ou organisés ou coordonnés à l'avance.
Au total, qu'est-ce que l'on peut dire de cette affaire ? Un, les Etats ont fait leur travail, ils l'ont fait avec beaucoup de générosité et c'est tout à l'honneur de nos différentes nations. Deux, la machine européenne est en train de se mettre en place en termes de coordination, elle ne le fait pas mal. On peut toujours dire que ce n'est pas assez rapide mais enfin ce n'est pas simple à faire, l'argent a été levé, les réunions sont tenues et nous sommes en train de mettre en place les moyens civilo-militaires. Ce qui a certainement manqué, c'est de la visibilité tout de suite, avec un drapeau européen tout de suite, des écussons sur les épaulettes et une gestuelle, une présence européenne à côté de celle des Etats. Je pense que la leçon sera apprise et je pense que la création d'un service humanitaire d'urgence, quel que soit le nom, aidera de ce point de vue. C'est politiquement important, parce que je crois que la politique c'est aussi une affaire de symboles. C'est bien que la France, l'Espagne, l'Italie et d'autres pays aient agi mais c'est bien aussi que l'Europe puisse le faire rapidement et que ce soit visible. Tout cela je le répète parce que je le pense vraiment, sans le moindre esprit de concurrence avec qui que ce soit, Brésiliens, Américains, Canadiens qui sont en plus tout proches. Cela était le premier point de l'ordre du jour.
J'en viens à l'Afghanistan. Nous sommes à la veille d'un rendez-vous important qui est le rendez-vous de la conférence de Londres. Ce que j'ai trouvé très intéressant ce matin dans la discussion c'est de voir qu'il y avait de plus en plus conscience chez les collègues, que nous sommes naturellement à un moment important dans ce conflit qui dure depuis huit ans, que Londres sera l'occasion d'obtenir des autorités afghanes une sorte de contrat, contrat d'objectifs, notamment en terme de gouvernance, de lutte contre la corruption, de lutte contre la drogue, d'amélioration de la gouvernance, que ce sera l'occasion de mieux structurer toute l'architecture internationale qui travaille en Afghanistan au plan civil comme au plan militaire. J'ai même entendu un certain nombre de collègues dire comme nous, depuis un moment déjà, que nous avions besoin de plus d'Europe dans cette affaire, plus de contacts entre Européens et d'une meilleure coordination entre nous les Européens dans ce conflit difficile. Quand je dis conflit, je parle de stabilisation d'un pays, nous sommes en fait dans une opération de guerre contre-insurrectionnelle.
Parmi les priorités qui sont devant nous, sous l'angle européen des choses, d'abord, la représentation de l'Union européenne à Kaboul est une priorité. Cela fait de nombreux mois que Bernard Kouchner et moi disons qu'il n'est pas possible de continuer ainsi. Il y a eu jusqu'à trois représentations européennes différentes à Kaboul. L'une du Conseil, l'autre de la Commission plus la présidence tournante, il est temps d'arriver à un représentant pour l'Union européenne.
Deuxièmement, il vaut mieux coordonner nos propres efforts, y compris sur le plan économique en faisant très attention à ce que cet argent arrive bien au peuple afghan car c'est la grande difficulté. Si on prend les dépenses consenties par l'Union et les Etats sur la période 2002-2006, on arrive, tenez-vous bien, à 3,7 milliards d'euros, sur les 600 millions d'euros annoncés par la seule Commission pour la période 2007-2010, plus de 213 millions ont été décaissés en 2008 et 2009, cela fait beaucoup d'argent. Encore faut-il que cet argent arrive au bon endroit et je ne parle même pas de l'argent qui a été décaissé de l'autre côté de la montagne c'est-à-dire au Pakistan. Il nous vaut donc mieux dépenser cet argent et c'est un de nos soucis principaux, d'abord que ce conflit soit bien conçu comme ce qu'il est.
Je parle d'abord en termes de développement, l'Afghanistan compte parmi les pays les plus pauvres du monde. Le problème est davantage un problème de développement qu'autre chose. Et deuxièmement, il faut que nous soyons capables de mieux coordonner notre action en termes de représentation et de coordination de notre aide.
Sur la Somalie, je dirais trois choses. D'abord, je crois que c'est une constatation partagée par tous. L'opération militaire Atalante est vraiment un succès pour les Européens et je crois que les Européens peuvent être fiers de ce que leurs soldats font ensemble dans la corne de l'Afrique, qu'ils soient marins ou aviateurs. C'est la preuve, pardon d'utiliser un slogan de campagne électorale, que quand l'Europe veut, elle peut. Si elle veut vraiment faire de la lutte anti-piraterie même dans une zone lointaine comme la corne de l'Afrique, elle le peut et elle le fait d'ailleurs mieux que d'autres marines ou d'autres coalitions de force.
Cela étant, vous savez comme moi que de faire la police en mer c'est une chose mais à long terme il faut naturellement stabiliser la situation à terre. C'est la raison pour laquelle, nous avons milité depuis longtemps pour que l'Union aide à la formation des forces somaliennes.
Dès le mois d'avril 2009, la France a commencé à prendre des initiatives dans ce domaine et au mois de juillet dernier nous avons commencé un programme de formation à Djibouti pour les forces somaliennes.
Cet automne, je me suis rendu moi-même à la rencontre des ambassadeurs du COPS à Djibouti. Nous avons commencé à déposer un certain nombre de propositions dans les réunions qui se sont tenues cet automne. L'Espagne nous a rejoint et a accepté d'être nation cadre dans ces programmes. J'ai le plaisir de vous dire qu'aujourd'hui, la décision politique a été prise par l'Union de mettre en place ce programme qui concerne la formation de 2.000 soldats. Programme qui va donc pouvoir commencer dès le mois de mai et donc nous sommes, de ce point de vue, assez satisfaits. Ce n'est pas la fin de l'histoire, parce que naturellement il y a beaucoup de progrès à faire, il y a aussi des progrès à faire dans la mise en oeuvre des suites d'Atalante, ne serait-ce que pour juger les pirates. Pour juger les pirates, il faut que l'Union soit capable d'aider les Etats de la région, d'avoir un système de tribunal régional co-financé ou aidé financièrement par l'Union européenne. Nous avons besoin d'accompagner judiciairement cette action, faute de quoi, on va arrêter les pirates mais on ne va pas les juger. Si l'on veut éviter cela, il faut être cohérent dans la suite de l'opération. De la même façon, côté français, nous réfléchissons avec les Etats de la région à la formation de garde-côtes dans un certain nombre de pays de la région.
Il y a eu aussi un échange autour de la table sur le Yémen et enfin, il y a eu une discussion sur deux sujets, la Bosnie-Herzégovine et l'Iran.
Un mot sur la Bosnie, vous savez qu'il y a des élections prévues cette année. Du côté français, nous pensons qu'il faut passer d'une logique de Dayton à une logique européenne. Cela veut dire qu'il faut qu'il y ait un représentant de l'Union plutôt qu'un bureau du représentant de l'ONU. Et cela veut dire aussi qu'il faut assez rapidement j'allais dire, passer d'une phase post militaire, il faut que la Bosnie s'assume en tant qu'Etat, et profiter de ces élections pour que les choses avancent dans cette prise de conscience. Il y a eu une discussion autour de la table sur ce sujet mais nous, nous allons pousser pour que la Bosnie s'assume en tant qu'Etat.
Sur l'Iran, nous souhaitons que les Européens travaillent ensemble à la préparation de sanctions parce que nous pensons qu'il faut que nous soyons à même d'accompagner le processus de sanctions vers lequel nous allons aux Nations unies, devant lequel nous devons aller compte tenu des refus successifs de la part de l'Iran, de toutes les offres de solutions que nous avons proposées à ses programmes d'enrichissement.
Je rappelle que nous sommes en négociations avec l'Iran depuis six ans, qu'il y a une attitude nouvelle des Etats-Unis depuis au moins un an, que la totalité des propositions qui ont été faites par les Occidentaux et les Européens ont été toutes repoussées et que, maintenant, si l'on écoute les porte-parole iraniens il est question de passer à de l'enrichissement à 20 %, qui est bien sûr contraire au Traité de non-prolifération, - 20 % c'est le seuil de militarisation d'enrichissement de l'uranium. J'ajoute que cet uranium n'est pas utilisable en tant que tel pour le réacteur de recherche de Téhéran, puisque les Iraniens n'ont pas la capacité de fabriquer le combustible proprement dit et que donc on serait dans une nouvelle phase. C'est la raison pour laquelle, il nous faut être capable d'accompagner le processus nécessaire de sanctions à l'ONU, que les Européens doivent se préparer à envisager ces sanctions. Voilà notre position et voilà l'état de la discussion sur l'ensemble de ces sujets, vous voyez que c'était une journée assez bien remplie.
Q - Sur la force de sécurité civile en Haïti, qui doit proposer ?
R - Je n'ai pas entendu de réticences sur l'idée. Je pense que, maintenant, la Commission de son côté, le Conseil de l'autre, c'est une compétence partagée donc tout ce qui viendra comme proposition de son côté sera le bienvenu, vont y travailler. M. Kouchner est entouré aujourd'hui d'experts de la Commission et du Conseil, c'est bien ainsi. Il n'y a pas de concurrence entre les institutions, ce n'est pas comme cela que nous voyons les choses. Tout le monde travaille ensemble et va essayer de fabriquer rapidement un système qui n'est pas très difficile en fait.
Ceux qui connaissent les questions militaires savent que c'est souvent des affaires de double casquette, c'est-à-dire qu'on va détecter les unités - les gens qui savent faire dans les différents services de protection civile dans les pays - qui sont affectées à l'avance à une mission qui serait une mission commune le moment venu, soit l'Etat s'engage en national, soit c'est l'Europe qui intervient mais du coup cela permet d'être prêt à réagir très tôt, c'est pas très difficile à faire. Si en plus, on peut greffer des systèmes de formation, de coordination, cela n'a pas besoin d'être lourd non plus. Et si on peut l'ouvrir à des volontaires, à des jeunes de tous les pays d'Europe qui se joindraient dans un deuxième temps au programme de reconstruction, je crois qu'on aurait quelque chose qui serait à la hauteur des défis que nous avons connus depuis le tsunami, et malheureusement Haïti, il y aura d'autres choses de ce genre, y compris en Europe, - il y a eu des séismes et des catastrophes de ce genre en Europe, voilà, ce n'est pas très difficile à faire.
Q - Un délai a-t-il été donné par Mme Ashton ?
R - Je pense que cela devrait être rapide depuis le temps qu'on en parle... Ce n'est pas très difficile à faire en plus.
Q - La Force de gendarmerie européenne (FGE) prendra-t-elle du temps à se déployer ?
R - Non ! M. De Gucht a dit des choses que je trouve très exactes. Je ne sais pas s'il l'a dit en public après, il a raison de dire que dans une situation comme celle-là, on n'a pas besoin de soldats en armes, il n'y a pas de menace militaire contre Haïti. Il n'y a pas besoin de force militaire organisée en tant qu'unités de combat, ce n'est pas des forces de combat, c'est plus des forces qui ont à la fois des compétences policières et qui soient en même temps capables de maintenir l'ordre y compris en milieu rural ou dans des situations complexes. C'est cela que savent faire les gendarmes mieux que les militaires, les militaires n'ont pas de compétence en matière de police et là, ce sont des missions de police, de sécurisation en ville ou dans la banlieue qui se déroulent en ce moment en Haïti. Les gendarmes sont donc bien plus adaptés, il faudrait en avoir en plus grand nombre naturellement. Mais c'est bien qu'on soit passé de quelques dizaines, ce qui a été proposé il y a quelques jours, à 350 aujourd'hui. Ce qui nous revient c'est qu'un millier de gendarmes ou de policiers aguerris, cela suffit normalement. Encore une fois, ce n'est pas un pays en guerre et donc je pense que dans la phase de reconstruction, de reconsolidation ces 300 ou 400 gendarmes vont être très très utiles.
Q - Qui contribue à la FGE ?
R - La FGE existe, basée à Vicenza en Italie. Ce n'est pas une force PESD, c'est une force intergouvernementale. Tout le monde n'y est pas, il n'y a que les pays qui ont des gendarmes qui les ont affectés, il y a un commandement léger, placé en Italie. J'ai eu affaire à cette force pour l'Afghanistan... Les militaires, c'est bien pour aller reprendre une vallée, par exemple, mais derrière si vous voulez former la police et protéger les villages, il vous faut du policier, ce n'est pas vraiment des unités de combat. Nos gendarmes savent très bien faire cela. Il y a six pays en Europe qui ont des forces de gendarmerie, nous les avons envoyés en Afghanistan où ils font un travail de formation de la police. En Haïti, ils vont faire un travail de sécurisation extrêmement utile.
Q - Où en est-on dans les contributions ?
R - On en est où dans les contributions exactes ... France, Italie, Espagne, dans cet ordre, je crois que nous sommes les premiers contributeurs.
Il faut savoir que les Turcs ont un statut d'observateur à la FGE et qu'ils ont eux aussi une gendarmerie. Je ne les ai pas vus sur ce dossier. Sur l'Afghanistan, oui mais pas sur ce dossier.
Q - Cela prendra-t-il du temps ?
R - La FGE ? Très vite, dès lors que le mécanisme est inclus dans la force humanitaire, ce que l'Europe sait assez bien faire, c'est le civilo-militaire. Ce qu'il faut c'est simplement que ces mécanismes de coordination soient prêts, et puis ce qu'elle sait bien faire aussi, c'est le travail de reconstruction. Et là, le travail de reconstruction va être absolument considérable parce que Karel De Gucht nous a expliqué que l'ensemble de l'appareil d'Etat est détruit, il n'y a plus un immeuble public debout, il faut donc tout reconstruire au niveau de l'Etat, il faut refaire l'assainissement, il faut refaire les eaux. J'ai proposé, ce matin, qu'on se répartisse la tâche, que les Etats annoncent quels étaient les secteurs qu'on prendrait en priorité de façon à ce qu'il n'y ait pas de doublons et que ce soit là encore, le plus efficace possible, le tout sous la responsabilité de Mme Ashton.
Q - En tout combien cela fait-il de gendarmes ?
R - Le total qui a été annoncé, c'est 300 à 350. Je ne peux pas vous donner les décomptes exacts, je pense que le Haut représentant doit avoir cela.
La FGE est intéressante parce que c'est un mécanisme qui peut fonctionner rapidement, il n'y a pas besoin d'avoir 14 réunions diplomatiques. Il y a un état major, on sait où sont les unités, dès que la décision politique est prise, les gens peuvent partir. C'est donc presque aussi rapide, dès lors qu'il y a une volonté de le faire, c'est pour cela que je pense que si on inclut tout cela dans le système pré-positionné, si j'ose dire, de force humanitaire avec un volet sécurité, cela peut aller très vite. Il n'y a pas à réinventer la roue, d'autant que depuis le tsunami, il y avait un centre de gestion de crise côté Commission. Il y a tous les mécanismes en jeu dans l'Union européenne. La question c'est de les faire travailler ensemble.
Q - Le débat sur Mme Ashton est-il légitime ?
R - Ce n'est pas mon rôle, franchement c'est complètement stérile, je ne suis pas commentateur, je constate que j'ai dit ce que j'avais à dire sur le sujet. Je pense qu'on a beaucoup appris de cette crise. Je crois que le travail de coordination est fait correctement. Je crois qu'il y a des progrès à faire en termes de réaction rapide quasi immédiate à côté des Etats parce que les Etats sont toujours plus rapides.
La décision politique est prise, surtout dans un Etat centralisé comme le nôtre, le président prend la décision, l'exécution suit, dans un ensemble européen, il faut qu'il y ait au moins une réunion et qu'ensuite le mécanisme se mette en branle. Les Etats seront toujours plus rapides et puis les matériels, les hommes sont disposés chez les Etats, ils ne sont pas là dans le parking de la Commission ou du Conseil donc ils seront toujours logés dans les Etats.
Ce qu'il faut, c'est, peut-être, une visibilité, une capacité de réaction plus rapide, ce sont les leçons qui vont être tirées. Il faut être un petit peu indulgent pour un système qui est en rodage, j'insiste là-dessus, cela fait à peine un mois que tout cela est en place. On a eu une longue discussion ce matin au CAG, j'ai moi-même écrit à M. Moratinos il y a 15 jours sur l'organisation de la réunion à Ségovie, pourquoi ? Parce qu'on est dans une phase de rodage, que chacun des morceaux de l'organisation se cherche et essaye de marquer son territoire donc il est normal pour les Etats de marquer le leur et moi je le marque naturellement, chaque fois que j'ai l'occasion de dire "on souhaite cela" et "on souhaite que cette organisation fonctionne comme cela". C'est normal, parce qu'il ne faut pas faire d'erreurs à ce stade. Cela dit, il faut aussi être un petit peu réaliste et indulgent, vingt sept Etats c'est une machine complexe, on ne peut pas s'attendre à ce que tout fonctionne parfaitement parce qu'on aura dit que le premier jour de mise en oeuvre du Traité, c'est le 1er janvier. Quand les gens arrivent au bureau le 4 et que les personnels ne sont pas nécessairement là, les équipes sont encore squelettiques, le service diplomatique de l'Union est à créer. La réalité, c'est celle-là quand même ne tirons pas sur le pianiste, on est quand même dans une phase où tout cela s'organise.
Q - Est-ce un problème de publicité ou de personne ?
R - J'ai dit aussi précédemment et publiquement que tout le monde n'est pas fait comme Nicolas Sarkozy, ce qui est vrai aussi et que si moi vous me dites si je suis sarkozyste dans ce genre d'affaire ? Oui. Par rapport à d'autres qui ne le sont peut-être pas nécessairement.
Q - Que veut dire "sarkozyste" ?
R - Cela veut dire réagir fort et vite.
Q - Est-ce un débat français ?
R - Oui, je veux vous dire à vous, qui êtes journalistes français que ce débat est un débat très français parce qu'il y a des tas de pays où, franchement, la question ne s'est pas posée, quelqu'un d'autre faisait le travail, en l'occurrence les Américains, dès lors que quelqu'un faisait le travail cela suffisait. Nous nous sommes très européens. D'abord, nous sommes un peu plus généreux et deuxièmement nous sommes très européens. Nous voulons, à la fois, être généreux en national et en plus nous voulons que l'Europe entière le soit, ce qui n'est pas nécessairement le cas de tous nos partenaires et c'est une vraie différence, il faut le savoir.
Et puis, il y a aussi une histoire française en Haïti qui n'est pas d'ailleurs que parfaite, loin de là.
Q - Est-ce aussi une comparaison entre la France et les Etats-Unis ?
R - Je pense qu'il y a le tropisme rentré d'un pays qui continue à vouloir être un très grand pays, qui a été une superpuissance, qui continue à vouloir un rôle mondial et à se penser comme ayant un rôle mondial et des valeurs universelles, et cela c'est très vrai et cela reste très vrai. D'ailleurs, c'est un des bonheurs d'être Français, c'est qu'on continue à se vouloir un pays à vocation universelle et donc quand il y a un grand drame, les Français sont, que voulez-vous, généreux. Il y en a qui vont au cinéma, il y en a qui se mobilisent. Cela dit, on n'est pas les seuls à se mobiliser, encore une fois la mobilisation aux Pays-Bas a été formidable et supérieure à la mobilisation en France. Il ne faut pas non plus se gargariser, il y a d'autres nations qui ont montré une très grande mobilisation aussi.
Q - Sur l'Iran, s'il n'y a pas de sanctions onusiennes ?
R - S'il n'y pas d'ONU, il n'y a pas de sanctions, par définition, puisque celles-ci n'ont de sens que dans le cadre du Conseil de sécurité car ce que nous discutons à ce stade c'est pour accompagner une décision éventuelle du Conseil de sécurité, le lieu où les sanctions sont prises, le lieu de légitimité pour cela c'est le Conseil de sécurité, ce n'est pas un scoop, ce sont les institutions internationales.
Q - Sur la Moldavie, quel est le groupe qui s'est réuni ce matin ?
R - Combien d'Etats ? Alors ce matin, il y en avait une quinzaine autour de la table.
Q - Pensez-vous pouvoir faire quelque chose en Européen ?
R - Moi je rêve, "I have a dream", moi aussi j'ai le droit d'avoir un rêve, je rêve d'un moment où ce sera une force européenne qui remplacera la "force de maintien de la paix" russe, en ce moment déployée en Transnistrie.
Je pense, comme beaucoup mais tout cela se fait dans la discussion, la négociation avec nos amis russes qui sont nos amis.
Q - Vos amis russes ne sont-ils pas complètement contre cette solution ?
R - Il faut voir mais il n'y a aucune menace contre quiconque, ce qu'il faut c'est peut-être stabiliser un peu les choses puis préparer la transition vers une économie plus moderne, des deux côtés du Dniestr, sur les deux rives du Dniestr, je crois que ce serait bien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 février 2010