Extraits de la déclaration de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la stratégie nationale de développement durable 2009-2013, Paris le 26 janvier 2010.

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Circonstance : Communication au Conseil économique, social et environnemental, à Paris le 26 janvier 2010

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Monsieur le rapporteur, Monsieur le président de la commission, permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir, dans un laps de temps aussi court - la saisine date de fin novembre- pu rendre un avis de cette importance, aussi approfondi et d'une telle qualité, sur l'élaboration de la stratégie nationale de développement durable.
J'ai demandé au Premier ministre que vous soyez saisis, bien que cela ne soit pas dans le processus traditionnel, car il me paraissait impensable de ne pas passer un moment avec vous, avant de proposer au comité interministériel de développement durable l'approbation de la stratégie. De fait, on ne pouvait pas demander une réforme constitutionnelle pour l'installation du Conseil économique, social et environnemental et, quelques mois avant sa mise en place, ne pas recueillir vos positions, vos suggestions, vos critiques, ou vos observations sur un document fondamental. Et ce projet d'avis prouve bien que nous avions raison de vous solliciter.
Nous sommes aujourd'hui au-delà d'une évolution. Pour paraphraser un célèbre dialogue - « Est-ce une émeute, Sire ? Non, c'est une révolution. » -, on pourrait dire : « ce n'est pas une révolution, Sire, c'est une métamorphose ». Car nous sommes dans la métamorphose des sociétés du monde, lorsqu'il n'y a plus de solution, de capacité physique, que l'on prélève plus que possible, qu'il y a une tension physique globale et que l'ordre du vivant est obligé de se réorganiser et de se réadapter. La chenille passe par la chrysalide avant de devenir papillon. Je suis convaincu que nous vivons une profonde métamorphose de nos organisations, qui prend des formes différentes du bassin du Gange au bassin de la Somme, mais qui n'en est pas moins universelle.
Qui dit métamorphose dit participation de tous les éléments, de tous les nano éléments. Et je veux souligner ici ce que vous dites avec beaucoup de force : le plus important de la stratégie nationale de développement durable n'est pas qu'elle soit intelligente, bien rédigée, ce n'est pas qu'elle réponde à l'air du temps, mais c'est qu'elle soit partagée par tous les micro-organismes de la société. Cela ne peut être l'affaire d'un clan, d'une partie de la société, d'un type d'acteur principal. C'est une affaire de soixante cinq millions de Français et au-delà de cinq cent millions d'européens, voire de six milliards d'individus sur la planète.
Je vous le dis car j'en suis absolument convaincu : depuis deux ans et demi ou trois ans, la mise en mouvement globale de la société française a été à peu près réussie. Et même si je sais que je serai inaudible, je vous le dis car je le pense : Copenhague a été de ce point de vue une énorme mise en mouvement des sociétés du monde. Pas dans la forme occidentale, certes, qui suppose un contrat avec des objectifs, des pénalités et un juge. Or, la culture du monde n'est pas cette culture, d'ailleurs plutôt d'origine monastique et notariale.
En réalité, la mise en mouvement du monde, c'est la présence des chefs d'Etat et de gouvernement, dans une petite salle, pour essayer de mettre noir sur blanc cette métamorphose différente selon les lieux et les continents, qui elle est réellement et profondément en mouvement. Le propre d'une métamorphose est d'être invisible parfois, chaotique quand elle est visible, non linéaire, avec des moments d'accélération, mais elle est. Et alors, soit vous l'accompagnez, soit vous la subissez.
Les stratégies nationales, européenne et mondiale ont à voir avec la démocratie. Le bouleversement qui est devant nous sera tel qu'il sera subi ou maîtrisé. Plus on attend, moins les démocraties ont de capacité de réaction rapide, puisque beaucoup de sujets sont locaux au plan démocratique et globaux en termes d'impact.
Il y a d'ailleurs un débat sur l'efficacité des démocraties sur ce type de sujet, mais pour revenir à notre stratégie nationale, le plus grand des plaisirs est de constater qu'elle fait quarante pages, alors que la précédente en faisait cent cinquante. A mon avis, compte tenu du fait qu'il y a plutôt plus d'efforts, c'est donc la clarté, la lucidité et une vision plus synthétique qui est indispensable.
Quant à vos observations, je remarque que pour vous, le plus important est qu'il y ait, selon votre expression, une communication adaptée à chaque public. De fait, la stratégie la plus exceptionnellement intelligente, si elle n'est pas partagée, n'a aucune espèce d'intérêt ou de sens.
C'est l'enjeu de cette stratégie. Bien sûr, le Conseil économique, social et environnemental aurait pu intervenir plus tôt dans le processus. Il n'intervient qu'en cours de route, mais pour l'avenir, nous sommes pour un rapport annuel, un mode de négociation ou de discussion entre nous beaucoup plus fréquent.
Je prends en tout cas l'absolu engagement que nous allons tirer les meilleurs bénéfices de votre travail sur tous les points, certes, et nous n'irons pas, par exemple jusqu'à une modification de la rédaction sur le caractère contraignant de la stratégie nationale de développement durable, non pas parce que je ne pense pas qu'il faille être contraint, mais parce que mon expérience prouve que la loi n'est pas forcément toujours le meilleur dispositif. Je préfère de très loin les comités interministériels de suivi, pilotés par l'excellente Michèle Pappalardo, pour mettre en mouvement l'ensemble des administrations.
Il y a un point ou deux où nous ne vous suivrons pas non plus complètement, mais sur l'essentiel, nous allons modifier nos propres propositions au regard des vôtres.
Nous vous adresserons le nouveau texte par courtoisie républicaine, nous le soumettrons ensuite au comité interministériel pour adoption définitive et, conformément à ce que vous souhaitiez, Monsieur le rapporteur, nous ferons un séminaire gouvernemental - j'ai eu l'accord du Président ce matin - pour la mise en application après transmission de votre rapport.
Ce sont là de bonnes conditions de travail. Sans empathie ni emphase, je tiens à vous remercier, car il vous a fallu moins de sept semaines pour élaborer un rapport pareil avec en plus dix jours d'avance. Merci !
Source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 9 février 2010