Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance, sur le rôle de l'Etat "stratège" dans le développement de secteurs porteurs de l'économie, notamment "verte", Paris le 4 février 2010.

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Circonstance : Débat "Secteurs porteurs et business de demain", au Salon des entrepreneurs, à Paris le 4 février 2010

Texte intégral

Pour introduire vos échanges sur le thème de ce débat, je voudrais d'abord remercier les organisateurs du Salon des Entrepreneurs de m'avoir invité à intervenir devant vous cet après-midi.
Et ce d'autant plus que le thème qui nous est proposé - « Secteurs porteurs et business d'avenir » - invite naturellement un membre du gouvernement, même s'il est Ministre de la Relance et un ancien Ministre de l'Industrie, à une certaine humilité.
Dans la crise que nous traversons, l'Etat a tout son rôle à jouer, et le plan de relance incarne - je crois avec succès - une forme d'interventionnisme positif et exceptionnel. En revanche, lorsqu'il s'agit de dessiner des perspectives structurelles sur les marchés et de parler de « créativité », la légitimité de l'Etat pourrait apparaître moins évidente à vos yeux.
C'est d'abord aux entrepreneurs de sentir les évolutions des marchés, de prendre les risques nécessaires pour développer ces nouveaux marchés. Il est donc difficile pour un ministre de disserter devant des entrepreneurs de ce que sont les secteurs porteurs, de ce que seront les marchés demain. L'économiste Joseph Schumpeter, plus connu pour le concept de « destruction créatrice », a surtout théorisé la dynamique de l'innovation, en faisant de l'entrepreneur individuel le personnage central du capitalisme. Et la grande crainte de Schumpeter était la disparition de ce personnage clé au profit des planificateurs.
En vous rappelant cela, je ne veux pas dire par là que l'Etat n'a aucun rôle à jouer, ni aucune légitimité à proposer sa vision de l'avenir. Simplement, il faut avoir conscience de la place de chacun.
Plus qu'un acteur direct de l'économie, l'Etat a désormais vocation à être un Etat stratège. Il a donc son rôle à jouer dans l'évolution de notre modèle de croissance comme dans la course à l'innovation de nos entreprises et à la compétitivité de notre économie.
L'impulsion que le Gouvernement a donné, à travers le Grenelle de l'Environnement, au processus de « verdissement » de l'économie française en est une bonne illustration.
La réflexion sur les investissements d'avenir, pour la préparation de l'Emprunt national, en est une seconde.
Dans les deux cas, il y a eu un processus d'élaboration collective. Ce n'est pas l'Etat seul qui a défini l'intérêt général comme une donnée immédiate. La mise en oeuvre des conclusions de ces réflexions montre la palette de l'intervention de l'Etat pour faire évoluer notre modèle et encourager les changements, notamment technologiques : l'environnement juridique, la politique fiscale, la politique de recherche et de formation.
Plus largement, par sa politique économique, notamment les grands investissements publics d'une part et des mesures incitatives d'autre part, l'Etat crée un environnement favorable à l'innovation et au développement des entreprises, et notamment des PME. Si les entreprises sont au coeur de l'innovation, il faut reconnaître que l'Etat ou ses bras armés interviennent souvent pour la financer, à travers des mesures fiscales ou des organismes dédiés. Je pense au crédit d'impôt recherche, mais aussi au rôle très important d'Oséo notamment.
Enfin, au-delà de l'intervention directe de l'Etat, le pilotage d'une politique permet aussi de coordonner les efforts et de créer des « effets de levier » mobilisant les collectivités locales, les entreprises publiques et privées, la société civile au sens large.
Pourtant, ce nouveau rôle de l'Etat ne signifie pas se priver de toute capacité de mener une politique. Et notamment une politique industrielle. J'aurai pu citer tout à l'heure, à côté du Grenelle de l'Environnement et des réflexions sur l'Emprunt national, les Etats généraux de l'Industrie. Et mentionner, comme exemple de politique fiscale favorable, la suppression de la taxe professionnelle.
Mais l'Etat peut aussi agir plus directement, comme Etat actionnaire dans les entreprises publiques.
Il peut aussi bâtir un outil de politique industrielle, qui intervient selon les règles du marché mais qui intègre simplement des objectifs stratégiques pour notre économie et des perspectives de rentabilité » de plus long terme. C'est pourquoi nous avons créé, avec le FSI (le fonds stratégique d'investissement), un véritable fonds souverain à la française.
Grenelle de l'Environnement, Emprunt national, Etats généraux de l'Industrie, Fonds stratégique d'investissement... En disant cela, j'ai déjà indirectement évoqué les évolutions du marché, les secteurs porteurs, les métiers de demain, les opportunités à saisir pour les entreprises...
Le Grenelle de l'Environnement, c'est une impulsion pour le « verdissement de l'économie ». Ce sont des centaines de milliers d'emplois à créer ou à transformer, de métiers à faire évoluer ou des personnes à former. Ce sont des innovations à développer pour faire évoluer notre modèle économique. L'Emprunt national va permettre d'investir dans la recherche et l'enseignement, dans les infrastructures numériques... Il s'agit de créer les conditions favorables à une croissance structurelle plus forte.
Mais la réflexion sur l'Emprunt national a aussi permis d'évoquer plus directement les secteurs stratégiques pour l'avenir :
- les secteurs industriels où la France est d'ores et déjà bien positionnée : énergie, notamment nucléaire, aéronautique, automobile, transports ou pharmacie par exemple ;
- les industries et services « verts » (énergies renouvelables ou services aux collectivités en matière de gestion de l'eau ou des déchets) ;
- les sciences et techniques de l'information et de la communication ;
- les biotechnologies et nanotechnologies.
Par ailleurs, l'action du FSI en 2009 a déjà donné des pistes. On peut citer par exemple la création du fonds Innobio, dans le domaine des biotechnologies, financé par le FSI et les grands industriels du secteur pharmaceutique.
Enfin, les Etats généraux de l'Industrie nous rappellent aussi que les marchés d'avenir ne sont pas seulement dans les nouveaux domaines qui se développent depuis peu, mais aussi dans les secteurs dits « traditionnels », dans lesquels l'innovation a aussi sa place.
Tout cela dessine des pistes, mais d'autres outils existent en dehors des réflexions initiées par le gouvernement. Nombreux sont les sites d'information ou les études régulières qui permettent d'avoir une veille sur les tendances des marchés, d'être à l'affût des opportunités.
On voit bien que, lorsqu'on parle des secteurs porteurs, certains secteurs reviennent souvent, qui recoupent en partie ceux déjà évoqués. J'en citerai deux à titre d'illustration :
- Dans le domaine du « Green Business », on peut prendre l'exemple des énergies renouvelables. Cela représente déjà 220 000 emplois et 33 milliards d'euros de chiffre d'affaires avant la crise. Sa forte croissance était portée par le créneau de l'amélioration de l'efficacité énergétique des transports et du résidentiel et cela va se poursuivre. Si le développement durable concerne de multiples domaines, notamment la production d'équipements pour le chauffage, le bâtiment est sans nul doute le secteur où les pistes de création sont les plus vastes, dans un contexte d'évolution des normes.
- Second exemple : les services à la personne, avec déjà 15,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2008, 2 millions de particuliers qui emploient des salariés à leur domicile et peut-être 6 millions de ménages exprimant un besoin en la matière, notamment chez les couples qui travaillent ou les personnes âgées.
Un besoin croissant, mais déjà de nombreux acteurs présents notamment dans les domaines traditionnels. Mais il y a sans doute place pour des acteurs et des offres de service innovants.
Je le redis, c'est d'abord aux entrepreneurs de saisir les évolutions des marchés, mais aussi de se saisir de tous les outils et de toutes les réflexions que j'ai évoqués. De profiter de l'environnement favorable que nous créons pour eux. De capitaliser sur les impulsions données.
C'est aux entrepreneurs de prendre les risques. Nous pouvons indiquer des enjeux stratégiques, donner des directions...
Il y a sans doute des illusions dans les prévisions et projections des uns ou des autres.
Il y aura peut-être des bulles. Nous avons connu la bulle Internet au début des années 2000. L'économie « verte », sur laquelle on fonde aujourd'hui tant d'espoir, n'est peut-être pas totalement exempte de ce risque.
Certains marchés ne sont pas encore matures, par manque de professionnalisation des acteurs ou par manque de solvabilité des consommateurs par exemple. C'est encore en partie le cas, par exemple, des services à la personne. Et, plus largement, je pense aussi aux réflexions intéressantes sur « l'économie du quaternaire » dans laquelle, notamment grâce aux nouvelles technologies, la distinction entre biens et services serait en partie dépassée.
C'est parce que les entrepreneurs, dont c'est la nature, vont devoir prendre des risques que le thème de vos discussions est passionnant. « Comprendre le marché », « trouver des idées », « être créatif »... Ce sont en effet les clés. Et cela passe notamment par la recherche et l'innovation. La recherche, ce n'est pas réservé aux grandes entreprises. Et l'innovation, l'histoire le montre, c'est le plus souvent les entreprises petites et moyennes qui en sont à l'initiative.
C'est pourquoi ce gouvernement porte autant ses efforts en direction des PME. Je ne reviens pas sur toutes les mesures conjoncturelles du plan de relance pour aider les PME à traverser la crise, notamment en soutien à la trésorerie, avec les mesures fiscales de remboursement anticipé ou les garanties d'Oséo. Je pense plutôt à toutes les mesures structurelles prises ces dernières années ou en cours : simplification administrative, délais de paiement, dispositif ISF-PME, plan de 2 milliards d'euros en faveur des fonds propres des PME, soutien à l'innovation, pôle de compétitivité, suppression de la taxe professionnelle...
Le gouvernement fait ce qu'il faut pour être aux côtés des entrepreneurs qui innovent et prennent des risques. C'est le message que je souhaitais vous faire passer aujourd'hui.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.relance.gouv.fr, le 8 février 2010